( Traduction Hubert Dekkers Mai 2012)
(page 108).
… Ceci a duré encore jusque tard dans la nuit du mercredi 29 août, moment
où notre train arrivait à destination. Le lieu s’appelait « La NEGRESSE » ;
les portes du wagon étaient ouvertes de l’extérieur, et nous descendions sur
le quai. Des ordres brefs, le strict minimum : « allez !vite ! », et la
colonne se mettait en marche dans la nuit.
Nous avons marché pendant des heures.
Affaibli par la faim bon nombre d’entre nous laissait sur le bord de la
route, la valise qu’il avait fabriquée avec un peu de bois ou d’autres
bagages et ils se traînaient un peu soulagé pour la suite du trajet.
Chaque propriété un peu importante, devant laquelle nous passions,
provoquait en nous l’espoir d‘un:
« peut être ici ? »
Est-ce qu’on sentait l’odeur de vin ?
Ou est-il question peut-être d’une grande ferme ?
Peut-être la conserverie de poissons de laquelle on parlait à Rennes ?
Les heures passent pour nous, titubants et trébuchants, jusqu’à l’arrivée
finalement dans un grand campement.
Ici se trouvaient de grandes baraques, et nous étions une fois encore
dispersés.
De nouveau il n’y avait rien à manger, mais nous étions d’abord satisfaits,
après la fatigue de la nuit, de tomber dans un sommeil d’épuisement .
Le lendemain nous découvrions le lieu où nous avions atterris.
Il s’agissait du camp de travail BAYONNE-BEYRIS , nommé également camp de
travail POLO , pas loin de la ville de Bayonne, en bordure de l’Adour.
POLO (Page 109)
 Le
camp de Bayonne-Beyris (Horst Fusshöller est le 3ème en bas à
partir de la gauche)

…ainsi s’appelait le camp , mais officiellement il portait la désignation de
« Dépôt 189 » Bayonne-Beyris.
Minuit pile jeudi le 30 août nous y arrivions après une marche à pied très
douloureuse.
Comme déjà signalé, beaucoup d’entre nous avaient abandonné au bord du
chemin des affaires personnelles, puisque physiquement incapables, de
traîner plus que leur propre poids.
Comme tous les camps celui-ci se trouvait éloigné d’une localité ou même des
maisons individuelles habitées.
Nous étions arrivés au Pays Basque français, en zone « Basses Pyrénées »,
qui s’appelle aujourd’hui « Pyrénées Atlantiques », non loin de Bayonne et
de la ville connue pour ses baignades Biarritz .
Le camp était constitué de baraques, et c’est ici que j’étais pour la
première fois témoin du fait que des officiers étaient logés séparés des non
gradés de la troupe.
Déjà répartis pendant la nuit d’arrivée dans diverses baraques, nous étions
tellement épuisés que nous tombions dans un sommeil profond, et tout cela
une fois de plus, sans avoir reçu à manger le moindre aliment.
Seulement après quelques heures de sommeil tous les nouveaux arrivants
(sifflés pour sortir tôt le matin) devaient se mettre en rang dans le
campement et à notre grande surprise avec tout ce que nous avions.
Il nous arriva alors une chose à laquelle personne ne s’attendait.
Nous étions « gefilzt » ( expression qui pour nous prisonniers signifiait «
être fouillés , visités » ) , et tout ce qui semblait avoir une valeur était
confisqué.
Mais d’abord chacun de nous devait déposer ses biens au sol devant lui.
Celui qui avait encore une montre : c’est ici qu’il la perdait ; mais aussi
chaussures et vêtements en bon état. Et aussi savon, et éventuellement un
billet de Deutschmark, tout changeait de propriétaire . A moi on m’a pris
mon manteau , et je découvrais trop tard , que les deux caractères PG (
Prisonnier de Guerre) que j’avais écrits dessus avec du dentifrice avaient
disparu.
Probablement avaient-ils été lavés, quand on avait passé notre wagon grand
ouvert sous l’installation de remplissage d’eau des trains ; et ainsi mon
manteau était devenu une proie sans tache.
Serrant des dents, mais sans le moindre moyen de défense, nous étions
retournés dans nos baraques.
Et ce jour-là, de nouveau il n’y eut pas de ravitaillement.
(Page 110)
La nuit tombée, tout le camp devait se mettre en rangs.
Des centaines ou même des milliers de prisonniers de guerre fixaient
impatiemment un grand écran, installé à l’air libre .On nous montre un film
muet des camps de concentration allemands.
Nous étions tous choqués.
Nous n’avions aucune idée de tout ce qu’on a vu et nous concluions que tout
cela ne promettait rien de bon pour nous.
Le samedi 1er septembre, nous étions l’un après l’autre interrogés.
Tout simple : celui qui se présentait volontaire pour le commando de
détection des mines, recevait la promesse d’un meilleur ravitaillement et
même un supplément de nourriture.
J’étais un parmi beaucoup d’autres, je n’avais jamais suivi une formation de
pionnier, mais la motivation était la faim et la volonté de survie.
Aussi Karl Möhl , mon ami, était de la partie, et se présentait comme moi en
qualité de « démineur volontaire » ( voir annexe 3-P ).
Mais ce n’est que le 11 septembre, que nous recevions, en plus du maigre
ravitaillement , le supplément de ration.
Il consistait par jour en 6 grammes de matière grasse, 10 grammes de sucre,
50 grammes de pain , un quart de litre de vin rouge et un petit bout de
fromage.
Un homme a besoin pour survivre en état de repos absolu 1680 calories.
Il faut imaginer, que ces 300 grammes de pain blanc par jour comme
ravitaillement standard n’apportent que 750 calories.
Cette indemnité de risques représentait ainsi juste 350 calories.
Et si on compte pour la soupe du soir avec beaucoup de bienveillance 350
calories, on arrive à un total de ravitaillement de juste 1200 calories ,
toujours un tiers au dessous de besoins pour un homme , qui ne travaille pas
et se repose entièrement ( suivant le calcul de Prof Dr Lucas , pages 62 à
86 de son livre « Livre de Santé »).
C’est le mercredi 19 septembre que nous étions regroupés pour la première
fois en tant que « équipe de déminage », et que nous étions chargés sur des
camions.
Nous étions transportés vers le terrain de Golf de Biarritz, ce qui se
trouve au sud de l’embouchure de l’Adour et au nord de Biarritz, touchant
le Golfe de Biscaye.
Nous traversions un petit endroit qui s’appelait ANGLET et vite après nous
apercevions pour la première fois la plage et la mer.
Le chemin au bord de la mer nous menait vers le nord, en traversant le pinada de « Chiberta ».
Entre les arbres des villas magnifiques, précieuses se dressaient,
construites pour une partie dans un style original.
On était là où résidaient les super riches.
C’est plus tard que nous apprenions que même un grand-duc avait sa villa
dans la forêt de Chiberta .
(Page 111)
Finalement nous arrivions à destination et descendions du camion. Nous
marchons dans le sable en direction d’un solide bunker, qui avait été
construit par les troupes allemandes d’occupation et faisait partie de la
ligne de défense « Atlantikwall ».
A cette époque il servait d’abri pour un autre groupe de démineurs et était
pour nous poste de commandement.
Nous recevions la répartition des taches et constations que les nôtres
n’avaient rien à voir ( Dieu merci) avec le déminage.
La totalité du terrain, il s’agissait du terrain de Golf et en plus de
l’hippodrome de Biarritz ( en fait Anglet), se situait derrière les dunes de
sable , avec au milieu deux étangs qui communiquaient entre eux par un petit
canal sous terrain.
Ici sur le terrain on voyait des « MG*-Bunker », des réseaux de barbelés et
pour une partie, des bunkers détruits par explosion .
Nous avions le devoir de dégager tout cela.
Le va et vient entre le campement POLO et le golf prenait beaucoup de temps
tous les jours, et ainsi le lundi 1er octobre j’étais, avec quelques
dizaines de mes camarades « démineurs » déplacé et j’arrivais dans un ancien OT-Lager, 114 ,( campement de l’Organisation Todd) dans la ville modeste
d’ANGLET, par laquelle nous passions tous les jours en partant du campement
du POLO .
Notre campement a reçu pour nom « Golf », sûrement aussi parce que tout près
il y avait un petit hôtel à ce nom.
Notre refuge était une construction massive en forme de U. Il est certain
que ce bâtiment était utilisé un moment par l’Organisation Todd comme dépôt
de matériel.
Il se situait au milieu de la ville au bord de la route , entouré par des
fils barbelés , à l’entrée un poste de garde pour nos gardes civils .
Le pire pour nous c’était de coucher parterre directement sur le béton.
Ce qui nous a obligés à aller à la recherche de solutions.
D’abord des cartons et journaux nous servaient comme isolants, jusqu’au
moment où le chef de notre camp, un vrai basque qui porte le nom Pierre Hitce ( nous l’appelions Pierrot avec beaucoup de tendresse), nous
distribuait de la paille comme sous-couche.
Mon ami Karl Möhl , qui vient de l’ hôtellerie, a réussi à être nommé chef
de cuisine.
• MG bunker = Maschinengewehr bunker = bunker des mitrailleuses
(Page 112)
Ce qui lui donnait la possibilité, de me refiler, pendant mon déplacement
sur le terrain du golf , de temps à autre dans la nuit sous la couverture en
laine une carotte , parce que malgré le soi-disant ravitaillement
supplémentaire nous avions grand faim.
Nous tous souffrions de poux et puces.
Un vrai camarade, Emil Binz originaire de « la Hesse », ingénieur de
profession, a fabriqué à partir d’une cuisine roulante , qui traînait sur
le terrain , un vieux coco , une installation de douche chaude.
Mais très vite le lavage de nos vieux pulls de la Wehrmacht n’appréciait
guerre l’eau trop chaude : des problèmes de feutrage et surtout le
rétrécissement nous empêchaient de porter les pulls.
Ainsi il nous restait la technique bien connue des prisonniers, mais moins
efficace, d’écraser les poux dans les plis.
Ce qui était plus compliqué à faire avec les puces. Il fallait être agile,
pour les attraper entre deux doigts mouillés. Les « victimes » étaient en
suite broyées sans la moindre pitié ou noyées dans une boîte remplie d’eau.
Le dimanche 7 octobre était pour nous un événement spécial. Pour la première
fois il nous était autorisé d’aller sur la plage et nous baigner dans la
Biscaye, (golfe de Gascogne) sous surveillance.
L’endroit était tout près de la haute falaise qui porte encore aujourd’hui
le nom de « Chambre d’Amour ».
En haut de la falaise se trouvait ( et se trouve encore à ce jour) le phare
de Biarritz, qui alertait les bateaux sur la mer pendant la nuit sur les
conditions de mer souvent très dangereuses dans le golfe.
Le ravitaillement continue à être de mauvaise qualité, raison pour laquelle
bon nombre cherche à trouver des suppléments .
Ainsi mon camarade, Hans Booth de la région de Coblence, qui avait fait
l’expérience de l’ ancien détachement Wehrmachts-Strafkommando Bataillon 99
, avait analysé la situation et disait que ce n’était pas difficile. Il a
vite trouvé le point faible de notre camp et aussi compris que nos gardes
étaient eux-mêmes pauvres et affamés. Hans partait en quête la nuit.
Il savait bien où se trouvaient les villas des riches, et il se servait là
d’une telle façon, qu’il n’a pas souffert de la faim pendant tout son
séjour dans le camp GOLF .
Il lui arrivait de revenir avec des grands vins de Bordeaux, jusqu’aux
délicatesses les plus extrêmes (un jour même des conserves de testicules
bovins).
D’un dépôt de pièces détachées américain il faisait disparaître (Dieu sait
comment et quand) un grand nombre de pneumatiques pour les vendre, disons au
noir, aux Français .
(Page 113)
Je me souviens, qu’il avait même un fusil de chasse, pour lequel il a choisi
(pour des raisons incompréhensibles pour nous) le faux plafond de la petite
maison de garde de notre camp comme endroit le plus sûr !
Bien sûr je ne refusais pas quand il me passait quelque chose. Il s’est
vanté d’être le grand protecteur du faible camarade Horst . Il aurait tué
quiconque m’aurait fait du mal.
J’ai pu prendre ma revanche, un peu plus tard quand il disparut pour
toujours du camp .
Il y avait aussi un certain Franklin Volk .
Il avait repeint à neuf la maison du chef de camp Pierrot, et lui a fait
quelques tableaux respectables qui décorent encore à ce jour ses murs .
En échange, il avait un peu d’argent , du tabac ou des produits alimentaires
.
Moi je ne pouvais pas offrir un de ces services aux autres.
Mais je pouvais vendre, puisque non-fumeur, ma ration de tabac ( nom du
tabac : TROUPE ; nom des cigarettes : GAULOISES) à nos deux gardiens civils
français .
Je me faisais apporter avec cet argent, le premier argent français, un
dictionnaire de langue française « Larousse » , qui est depuis mon compagnon
et guide de tous les jours.
Notre chef de camp avait lui-même un cœur d’or.
N’importe comment il arrangeait plusieurs fois la possibilité que 2 ou 3
d’entre nous soient déposés dans un couvent de femmes comme aides au travail. Ce couvent se trouvait tout près de notre camp, dans un grand parc/jardin.
On ne nous donnait pas de travail, mais à manger .
Des dizaines d’années plus tard j’ai eu l’occasion d’y retourner pour dire
un grand merci comme il se doit.
Le samedi 13 septembre me donnait une autre occasion pour combattre ma faim.
J’étais en plein travail sur le terrain de golf, quand le gardien français
me mis une baïonnette dans la main et m’accompagnait vers le canal entre les
deux étangs.
Je devrais ouvrir des huîtres pour lui; il y avait tellement que j’en
récoltais pour lui mais également pour moi.
Il me montrait comment les manger, et c’est là que je les ai goutées pour
la première fois et sur place.
(Page 114)
Dimanche 14 septembre. A noter: le Grand Nettoyage.
Le vendredi 19 octobre était pour nous tous de nouveau une journée spéciale.
A partir d’aujourd’hui il y eu pendant quelques jours une ration américaine: des gâteaux, du sucre, « hash » et graisse, mais aussi du savon.
Le plus important pour nous restait quand même l’insecticide.
Comme déjà dans le camp Stenay c’était le produit DDT.
C’était miraculeux, d’avoir à manger davantage et le plus important que nous
soyons libérés de poux et puces à partir de ce jour et pour longtemps .
Le mois de novembre n’apportait rien de spécial , sauf les notices «
anniversaire de Papa » le 11 novembre, « Jour de pénitence et prière » le
21 novembre.
Le vendredi le 23 novembre nous apportait un peu de distractions.
Nous sommes partis en camion en direction Soustons dans les Landes, pour
chercher du bois .
Je me croyais en voyage surprise.
On voyait finalement un autre paysage et il n’avait aucune raison d’avoir
peur d’être menacés en route Lorsque j’étais à Rennes et circulais en ville
avec un copain sur le plateau d’un camion, j’ai reçu une fois une menace.Un
soldat américain avait tiré son colt et ainsi évitait que nous, un camarade
et moi, soyons tirés du camion pour être abattus immédiatement.
Dimanche le 2 décembre .Le 1er dimanche de l’ Avent et à notre grande
surprise nous étions tous amenés pour faire une promenade par notre chef de
camp Hitce.
Direction Phare , la phare de Biarritz , qui se trouvait au sommet d’ une
falaise.
Il était intéressant de jeter un coup d’œil sur la fameuse ville de Biarritz. Mais beaucoup plus important restait pour nous, de ramasser des mégots sur
notre chemin. Même celui qui n’était pas forcement un grand amateur de
tabac, se baissait pour ramasser les mégots jetés.
Ils représentent quand même des objets d’échange.
Il y en avait toujours un qui avait besoin de tabac, qui se transformait
vite, à l’aide d’un bout de papier journal, en cigarette.
(Page 115)
Lundi le 3 décembre. J’avais obligatoirement un bon ange gardien. Je devais
enlever dans les dunes un vieux « MG-nest ». Je fis une grand erreur, au
moment où je détruisais 2 murs en béton avec un coup de masse, le tout sans
penser à la pression du sable qui glissait. Un des deux murs tombait et me
couvrait, Dieu merci, j’étais assis dans un angle mort.
Après des appels au secours mes camarades me libéraient de cette situation
difficile.
Mardi le 4 décembre m’a offert un nouvel emploi intéressant. Chaque jour un
des gardiens me transportait le matin à Bayonne, pour m’engager « bon à
tout faire » dans le parc du bureau de déminage qui était installé dans la
villa Rosillo.
Une fois je donnais un coup de main au forgeron à son travail, une autre je
construisais avec lui et un autre camarade un abri pour y mettre des camions
; mais avant tout j’étais responsable de l’entretien du parc.
Le tout représentait un grand terrain arboré, avec au milieu du parc une
très belle maison de maître.
Le sentiment de liberté faisait beaucoup de bien, parce qu'à la place des
barbelés c’était une clôture bien soignée en fer forgé avec un très beau
porche à l’entrée.
Il y avait en plus quelque chose d’autre nouveau.
Afin d’économiser mes chaussures déjà bien usées j’avais reçu des sabots,
des chaussures en bois, comme on les connaît aux Pays-Bas.
Avec des restes de tissus je m’étais fabriqué des protections pour mes
pieds, que je portais dans les sabots à la place de chaussettes.
Ainsi je cliquetais avec mon vieux gardien, qui porte le béret basque
traditionnel sur la tête et un vieux fusil sur l’épaule, 2 fois par jour des
kilomètres de trajet vers Bayonne.
Très vite je m’étais habitué à la nouvelle façon d’être chaussé et
appréciait la marche en sabots comme bienfaisante pour mes pieds.
Il y avait encore une chose qui valait le coup d’être signalée de notre camp
« Golf ».
Le ravitaillement qui restait limité nous obligeait à être inventifs.
La distribution au plus juste de nos rations en pain débutait par la pesée
de chaque soir.
Une balance fabriquée avec un bâton, un trou au milieu, et aux bouts deux
nappes en papier mâché fixées à des cordes, garantissait le même poids pour
les bouts de pain pesés, avec à la manipulation, tous les prisonniers à tour
de rôle.
(Page 116)
C’est ici qu’on mentionne pour la bonne forme, qu’il était strictement
interdit de conserver durant la nuit des aliments, afin d’éviter toute
tentative de vol par les camarades.
Le dimanche 9 décembre, 2ème dimanche de l’Avent, il y a eu les premières
gelées sur la Côte Basque;
Il est à signaler que nous étions tous frigorifiés, puisque nous ne
possédions pas de vêtements supplémentaires pour nous protéger contre les
températures en baisse.
Vendredi le 14 décembre fut pour moi, un jour très spécial. Je recevais
pour la première fois du courrier ( voir Annexe 3-Q) .
Depuis presque un an je n’avais plus rien su de ma mère. Finalement je
savais qu’elle était encore en vie. Le courrier pour les prisonniers de
guerre était rigoureusement organisé. Il y avait des cartes et lettres pré
imprimées pour les prisonniers ; les mêmes pour les parents.
Elles étaient contingentées : 2 envois par mois, et cela de chaque côté.
Il ne faut pas oublier: tout courrier pour les prisonniers était contrôlé,
et marqué du tampon « Contrôlé ». On ne pouvait donc pas tout écrire, et
tout ce qui était écrit côté maison ne passait pas.
Quand plus tard des paquets arrivaient à mon adresse je devais constater que
le contenu n’était pas toujours juste. Il m’arrivait aussi qu’un paquet
annoncé n’arrive jamais.
Comme ma mère avait numéroté toutes les lettres qu’elle m’adressait, je
pouvais également constater, que l’une ou l’autre lettre qu’elle m’avait
envoyée ou que j’avais envoyée à la maison ne passait pas.
Rien de spécial à signaler pour les 3ème et 4ème. Dimanches de l’Avent. Sauf
le fait que nous étions en train de préparer quelque chose de spécial pour
la Fête de Noël.
En ce temps, un camarade jouait un rôle particulier. Il s’appelait Walter
Steger, il était dans le civil professeur de lycée très qualifié; il
s’apprêtait à écrire des textes et même à mettre en place le scénario du
Premier Noël en tant que prisonniers.
Lundi le 24 Décembre approchait. Nous étions en pleine préparation pour la
Fête du soir. Franklin Volk peignait sur 2 supports en béton qui se
trouvaient dans notre hébergement des tableaux, inspirés par son écrivain
favori Christian Morgenstern .
D’autres fixaient une grande couronne d’Avent.
Pour moi c’était un événement spécial. A part le fait que j’avais quelques
francs en poche, le résultat de vente de mon tabac. Egalement d’autres
camarades avaient à leur disposition des petites sommes d’argent.
(Page 117)
Je demandais au chef de camp Hitce, s’il
m’autorisait à aller acheter du pain pour le soir de Noël chez le boulanger
du village tout près.
Il a été de suite d’accord, et la nuit tombée il venait avec moi, lui bien
sûr avec le fusil sur l’épaule, moi une grande couverture en laine sous les
bras, voir le boulanger le plus proche, il y avait toujours un bon kilomètre
de distance avec sa boulangerie. Nous nous introduisions par les portes
derrières dans l’atelier qui était dans le noir, et là j’achetais du pain
tant que je pouvais, jusqu’au moment où il ne me reste plus de sous.
La couverture remplie de pains portée comme un sac sur le dos je retournais
avec Hitce dans le camp « Golf » .
Après avoir distribué tout à part égal un de nos camarades se distinguait
avant même le début de la vrai Fête .Il s’agissait de Franz Kressierer de
Landshut ( Bavière) , un géant , qui avait toujours faim , et qui commença
aussitôt à dévorer ses 9 livres de pain non-stop .
Parlons de la Fête même .Mon ami Karl Möhl , le cuistot du camp, avait
commencé il y a des semaines de détourner et entasser des petites quantités
pour nous préparer un Menu de Noël .Notre chef de camp allemand Werner
Leithoff ( de Halle) ouvrait la Fête de Noël par un discours et suivaient
des déclamations de Walter Steger , enrichie par des Chants en chœur et la «
Fidelitas » qui suivait .( voir Journal intime Pages 12 à 15) .
Le jour de Noël, le mardi, il y eu du tonnerre et une forte pluie, et nous
avons eu notre propre messe dans le camp.
Pour cela nous avons vidé et aménagé une pièce de la réserve.
Une table servait d’autel.
Le religieux français a apporté un tissu, des bougies et une croix et il a
commencé à lire la messe à laquelle nous tous, toute confession confondue,
étions conviés.
Nous ne comprenions rien, mais en frappant fort dans ses mains et parfois
avec un regard plein de reproches il nous indiquait quand il fallait se
lever et quand s’asseoir .
Malgré tout nous vivions avec gratitude la fête de Noël chrétienne qui nous
était apportée de l’autre côte des fils barbelés.
Le 2ème jour de Noël n’était plus un jour de fête pour nous.
C’était un jour pour faire de Grand Ménage ; et cela aussi il fallait le
faire.
(Page 118)
Lundi 31 décembre 1945 était le jour de la St Sylvestre. Ce jour pouvait-il être une
fête de joie pour nous ? Nous recevions une ration de nourriture en plus et
ça s’arrêtait là.
Celui qui ne dormait pas encore à minuit, pouvait se consoler avec 2 petites
bouteilles de bière.
Alors à la vôtre .
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