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          Vaihingen (Vai) Kommando du KL Natzweiler

"Le Patriote Résistant" a publié en février 1990, page 14, un article de Serge Lampin dont voici quelques extraits :

"Vaihingen, camp du dernier repos, à proximité de la gare de Vaihingen Nord. Ce camp sur la ligne Karlsruhe-Stuttgart, désigné officiellement par le vocable d'emprunt de "Wiesengrund" (vallon herbeux), en raison sans doute de son implantation dans la vallée d'un petit cours d'eau le "Klein-Glattbach", allait être ouvert le 13 août 1944 avec l'arrivée d'un convoi de 2.188 Juifs originaires de Radom (Pologne).

Ce sera à ce moment, soit fin octobre 1944, que Vaihingen deviendra un camp de malades, plutôt un vaste mouroir de 12.000 mètres carrés, vers lequel convergeront les transports d'invalides en provenance des camps environnants.

Ceci durera de novembre 1944 à l'ultime évacuation vers Dachau le dimanche 1er avril 1945. Le typhus fera son apparition et provoquera notre dispersion, ceux déjà atteints se voyant cloîtrés, ce qui n'évitera pas l'épidémie et ses ravages, comme dans la plupart des camps de concentration. En mars, nous devrons tout à coup vider notre baraque pour une désinfection générale, les Allemands ne pénétrant plus dans le camp par crainte de la contagion. Mais lorsque nous reviendrons au block, nous découvrirons une haute pile de cadavres dans le couloir, l'odeur acre qui prend à la gorge et pique les yeux. Même si notre sensibilité s'est émoussée après d'innombrables horreurs, la vue de ces suppliciés nous causera un grand choc, prolongé par les S.S., également revenus, qui nous feront porter les corps sous les cris répétés de "Allés Kaput" (tous morts).

Vraiment, ces brutes se complairont toujours dans les plus basses besognes."

Dans les dernières lignes de son article, ce déporté écrit :

"Selon une estimation parue dans un ouvrage édité pour le compte de la municipalité de Vaihingen, il y aurait eu à peu près 3.200 morts en huit mois, soit deux fois la population moyenne du camp.

Source:  La rafle de Sainte-Anne-des-Bois. -Jean-Raymond Brabant-(p127/128) ; Éditions "Libre Expression" dirigée par Lionel Forlot et Yannick Auffray

Liens externes:

http://www.ecpad.fr/la-liberation-du-camp-de-vaihingen-en-allemagne/ (Photos)

Quelques déportés bretons qui se trouvaient dans ce camp:

BRABANT Jean Raymond ; ANDRÉ Georges;  BAUDOIN Raymond; LEMONNIER Jean;  MEINGAN Joseph; PRIGENT Jean; RIO Jean Marie; BONNOT Maurice; QUEZEDE François; LASNET de LANTY Jean, Marie; PICOT de PLEDRAN Olivier;

 

L’histoire du camp

(http://www.gedenkstaette-vaihingen.de/3019-Geschichte-des-Lagers.html?lang=2)

En 1942, l’industrie d’armement s’installait pour la première fois à Vaihingen en faisant des essais avec la catapulte du « V 1 » (nom de projet Fi 103) dans la carrière abandonnée par l’entreprise Baresel. Vaihingen était le lieu d’essai de l’institut de recherche Graf Zeppelin du ministère de l’aviation du Reich, qui a été installé en 1941 à Stuttgart-Ruit. A la place des missiles, la catapulte Heinkel projetait de lourds blocs de fer contre la paroi de la carrière afin de mesurer la vitesse ainsi que l’accélération et la pression à l’intérieur de la catapulte.

Le camp de travail à Vaihingen/Enz
La situation géographique de la carrière qui était isolée et séparée de la vallée de la Enz permettait d’ y construire un des six grands bunkers prévus par l’état major des chasseurs aériens (Jägerstab), créé le premier mars 1944 à Berlin et dont la fonction était entre autre de transférer des entreprises d’armement dans des bunkers souterrains. Sur un terrain de 80 000 m², des pièces d’avion devaient être fabriquées pour l’entreprise Messerschmitt. 
Au mois d’avril, l’organisation Todt (OT) commença l’installation du chantier « Stoffel » dans la carrière et les champs attenants. Parallèlement, des baraquements furent construits pour y entreposer le matériel et les outils, mais également pour y loger les travailleurs de l’OT de Egelsee et des travailleurs forcés de la vallée basse du Glattbach. Le 6 mai, l’accès au chantier et aux baraquements fut interdit aux civils et les agriculteurs n’accédaient à leurs champs qu’en présentant un laissez-passer.

Un camp de travail excentré appartenant au camp de concentration Natzweiler en Alsace fut construit dans la haute vallée du Glattbach où les prisonniers furent livrés à la règle de l'extermination par le travail. Sur un terrain de 80 x 180 m l’OT installait quatre baraques pour prisonniers, une pour les malades, une pour les sanitaires et une pour la cantine des prisonniers, le tout entouré d’un double fil de fer barbelé. Friedrich Berlinghof était le commandant du camp, Wilhelm Lautenschlager le commandant du corps de garde à Vaihingen mais aussi de celui à Kochendorf, Hessental et Unterriexingen. Après la mutation, fin septembre, du commandant du camp Berlinghof à Gutenbach, Lautenschläger prit sa succession tout en restant commandant du corps de garde ce qui était un fait exceptionnel. Le 9 août, 2 189 prisonniers du camp de concentration de Auschwitz furent transférés à Vaihingen pour travailler sur le chantier « Stoffel ». Il s’agissait exclusivement de juifs du camp de concentration de Radom en Pologne, évacués le 24 juillet, puis sélectionnés en arrivant à Auschwitz (« Judenrampe ») et déclarés aptes au travail. Le 11 août, 2 187 prisonniers arrivèrent à Vaihingen – deux d’entre eux étaient décédés pendant le transport. Comme ils étaient dans un état délabré, pleins de poux, ils furent d’abord transportés au camp de transition à Bietigheim pour y être lavés et débarrassés des parasites. Ensuite ils furent installés au camp de Vaihingen que les autochtones appelaient de façon ironique et faussement anodine « Le vallon des prés ». A la demande du maire, 24 prisonniers furent employés à la construction d’un abris antiaérien à Vaihingen dès le 7 septembre. Tous les jours, on les voyaient en ville aussi bien à Vaihingen qu’à Kleinglattbach où un autre groupe travaillait à la ferme de la famille von Neurath. 

« Le camp SS des malades et convalescents »

Fin octobre, les travaux sur le chantier « Stoffel » furent arrêtés et le camp transformé en « camp SS des malades et convalescents » qui entrait en fonction officiellement le 1 décembre. A cette époque, une autre baraque fut construite. A partir du 15 octobre, la plupart des prisonniers du camp de travail furent transférés à d’autres chantiers, ceux de Hessental, Dautmergen, Bisingen et Unterriexingen. Il restait à Vaihingen encore 178 prisonniers inaptes au travail, 200 autres travaillaient au déblayement de la carrière. Le 10 novembre arriva le premier train de malades venant des camps du groupe « désert » . Parmi eux se trouvaient des Russes, des Polonais, des Français, des Italiens, des Grecs, des Belges, des Hollandais, des Norvégiens, des Allemands – en tout des prisonniers de 20 nationalités différentes. Ils étaient complètement abandonnés à leur sort, sans nourriture suffisante et sans chauffage dans les baraques. Le médecin allemand du camp se désintéressait totalement de leur état.

Même après l’arrivée de deux médecins supplémentaires de Neckarelz en janvier 1945, la situation ne s’améliorait pas. Les médecins manquaient cruellement d’équipement et de médicaments. Un transport de prisonniers venant de Haslach le 16 février déclencha une épidémie de fièvre typhoïde qui faisait jusqu’à 33 morts par jour et transformait Vaihingen en un camp de la mort. Le dernier train avec 94 prisonniers de Mannheim-Sandhofen arriva à Vaihingen le 11 mars.

 

La libération

Début avril, l’évacuation du camp fut ordonnée. Deux trains amenèrent ceux qui étaient encore capables de marcher à Dachau où on comptait 515 hommes. La libération du camp par les troupes françaises eut lieu le 7 avril. Le médecin de l’armée française, le Dr. Rossi, avançait le chiffre de 650 survivants restés au camp de Vaihingen et qui furent immédiatement transférés : le 9 et 10 avril, 73 prisonniers français, néerlandais et belges à Speyer et le 13 avril les Polonais, Russes et Allemands à Neuenbürg près de Bruchsal, où ils étaient mis en quarantaine jusqu’au début juin. 
126 anciens prisonniers dont l’état ne permettait pas le transfert, furent admis à l’hôpital de Vaihingen, tout comme 60 autres prisonniers de Neuenburg. Jusqu’à la fin de l’année, 84 d’entre eux mourraient et furent enterrés au cimetière de Vaihingen. 
Pour éviter une épidémie, les baraques du camp furent brûlées immédiatement après leur évacuation le 16 avril.

Les coupables devant le tribunal

La plupart des SS en charge du camp de Vaihingen furent arrêtés par les puissances d’occupation, puis emprisonnés et interrogés à Dachau. Le 22 novembre, les Américains extradaient des gardiens SS vers la Pologne. Une année plus tard, ils furent traduits en justice à Radom. Le chef du « Arbeitseinsatz » Möller fut condamné à mort à Lublin. En octobre et novembre 1947 eut lieu devant le tribunal français à Rastatt le procès contre 42 anciens membres du corps de garde SS des camps de Vaihingen, Unterriexingen, Hessental et Kochendorf qui avaient été sous le commandement de Lautenschlager. Dix accusés étaient condamnés à mort, Lautenschlager aux travaux forcés à perpétuité et huit autres libérés.

Le cimetière du camp de concentration
Déjà en octobre 1945, la ville de Vaihingen devait faire le cimetière du camp de concentration au-dessus de la fosse commune. Cependant, de mars à septembre 1954, les tombeaux furent ouverts par une commission française qui dégageait au total 1 488 cadavres. 223 morts ont pu être identifiés et transférés dans leurs pays d’origine.

Les dépouilles des victimes non-identifiées furent inhumées au cimetière d’honneur créé entre 1956 et 1958. Peu après l’inauguration le 2 novembre 1958, apparurent les premiers actes de vandalisme et des inscriptions ; d’autres profanations suivirent dans les années 1990, 2003 et 2005. Des voix de protestations s’élevèrent, notamment lors des commémorations qui ont lieu régulièrement depuis 1970. Dans une cérémonie touchante, le gouvernement norvégien commémorait en 2005 ses morts qu’une plaque rappelle aux visiteurs du cimetière du camp de Vaihingen.

 

Avril 1945: l'insoutenable découverte du camp de Vaihingen

Article paru dans le Figaro: http://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2015/01/27/26010-20150127ARTFIG00077-avril-1945-l-insoutenable-decouverte-du-camp-de-vaihingen.php
En avril 1945
 Le Figaro publie le récit choc de la libération du camp de Vaihingen en Allemagne vue par le correspondant de guerre James de Coquet.

 Le 7 avril 1945, l'armée française découvre le camp de Vaihingen en Allemagne, annexe du camp de Natzweiler-Struthof en Alsace. Ouvert en août 1944 près de Stuttgart, le camp regroupe les travailleurs - des prisonniers juifs en provenance d'Auschwitz - utilisés à la construction d'une usine souterraine d'armement appelée le chantier «Stoffel». Le projet est vite stoppé et le camp transformé en «camp SS des malades et convalescents». Aux prisonniers inaptes au travail déjà présents, s'ajoutent à partir du mois d'octobre des convois d'invalides transférés depuis les camps annexes de Natzweiler. Abandonnés à leur sort, les malades vivent dans des conditions épouvantables sans soins ni chauffage et sous-alimentés. Les épidémies de typhus, tuberculose et dysenterie font des ravages sur les corps épuisés. Les SS évacuent le camp début avril laissant sur place entre 600 et 700 prisonniers intransportables. C'est eux que James de Coquet, correspondant de guerre du Figaro découvre le 17 avril, lorsque l'armée française invite journalistes et photographes à témoigner de l'horreur dévoilée. Les témoignages sont encore rares, et la population française peu au fait de la situation réelle des déportés. La prudence est alors de mise et les journalistes, sous la pression des autorités, hésitent à dévoiler l'inimaginable aux familles inquiètes. La nécessité de verser une nouvelle preuve au dossier d'accusation du régime nazi l'emporte dans la plupart des rédactions, comme l'explique aux lecteurs le directeur du Figaro, Pierre Brisson.

De notre correspondant de guerre auprès des Armées alliées, James de Coquet

Front de la 1ère armée française, 17 avril.

Je sais que ce que je vais décrire sera pénible à lire et ne suscitera que trop d'angoisses. Mais il y a des choses qui appartiennent à l'Histoire. Le camp de Kleingladbach est de celles-là.

Ici on cultivait simplement la déchéance humaine

Il a été découvert il y a peu de jours, au moment où nos troupes avançaient à l'est de Pforzheim. Il y a des noms déjà fameux qui illustrent la barbarie germanique mais il semble que personne n'avait entendu jusqu'ici parler du camp de Kleingladbach. Il se cache au creux d'un vallon dans le Wurtemberg, et l'on y accède par un chemin de terre qui court à travers les seigles. Ce n'est point une de ses installations gigantesques auxquelles le parti nazi attribuait un effet exemplaire. Kleingladbach compte à peine une vingtaine de baraques, cernées d'un barbelé que dominent quatre modestes tours de guet. Point de fossés, de glacis, d'emplacements de mitrailleuses, de projecteurs pour parer aux évasions. L'arsenal de la répression est réduit au minimum dans ce camp qui a presque un air débonnaire à côté de tant d'autres. C'est en vain qu'on y on chercherait toute cette machinerie diabolique qui a fait la célébrité du Struthof. Ici on cultivait simplement la déchéance humaine.

Quand j'arrive à Kleingladbach le lendemain de sa découverte, la majorité de sa population qui était normalement de 1.600 internés a été évacuée par les soins de l'armée. Il ne reste plus que six cents prisonniers dont beaucoup sont intransportables sans des moyens appropriés. Le typhus règne dans le camp et, si cruel que cela puisse paraître, on ne peut pas mettre des malades contagieux et couverts de vermine dans des ambulances qui tout à l'heure transporteront les blessés du front. On n'en a donc affecté qu'un petit nombre à cette tâche et d'ailleurs, il faut le temps d'aménager un hôpital pour ces malheureux qui ne peuvent frayer avec personne. Aussi vont-ils continuer de vivre là quelques jours comme dans une léproserie.

C'est bien un îlot de maudits que l'on aborde. Les plus valides sont dehors et chauffent au soleil des membres décharnés et couverts de plaies qui émergent de leurs vêtements de bagnards. On ne peut mettre aucun âge sur ces visages où il semble que soit inscrite à jamais une immense lassitude de la vie. Il y avait de tout ici: des travailleurs en «répression», des déportés politiques et des otages. Toutes les nationalités sont représentées, unies dans la même souffrance et marquée du même air d'hébétude. Pourtant les Français -il y en avait une centaine et la plupart sont évacués- se reconnaissent encore. Ils sont un peu moins sales que les autres et l'on lit dans leurs yeux la volonté de ne pas abdiquer.

Qu'a-t-on fait à ces gens pour les réduire un tel état que leur vue est difficilement supportable et que -il faut bien l'écrire- même les moins atteints dégagent une affreuse odeur de décomposition? Eh bien! voilà où est le raffinement, on ne leur a rien fait. On ne les a même pas battus. On les a laissés croupir là, nourris d'une soupe d'eau claire et, de temps en temps, d'un petit morceau d'une viande immonde qu'on m'a montrée et qui donne la nausée rien qu'à la regarder. Quand les premières victimes de ce régime sont tombées, on a ouvert une vaste fosse à dix mètres du camp et on y a jeté leurs corps sans les recouvrir. Lorsque nos troupes sont arrivées, il y en avait 1.800 dans ce charnier. Pas de nourriture, pas d'eau pour se laver et à côté, un pourrissoir ouvert à tous les vents, il n'y avait plus besoin de rien inventer pour tuer les gens. Il n'y avait qu'à laisser faire la nature. Les organisateurs de cet enfer pourront comparaître la tête haute devant leurs juges: ils n'ont jamais brutalisé personne. Ils ne sont pas des tortionnaires.

Le service médical de la 1re armée, secondé par ces femmes admirables qui composent les équipes de «Liaison-Secours», se prodigue pour ces fantômes humains qui se sont obstinés à vivre. Leur premier soin est de les passer à la poudre insecticide car les poux, agents du typhus, grouillent littéralement sur eux. Les hommes qui tiennent sur leurs jambes se livrent avec volupté à cette douche. Ceux qui gisent sur un grabat dans leur baraque ne s'aperçoivent même pas de ce qu'on leur fait. Ils sont rongés par la phtisie et le typhus. Ce sont des morts en sursis. Six ont déjà été appelés la nuit dernière et il en mourra autant aujourd'hui. Hélas! le problème n'est pas de savoir combien vont s'éteindre dans les jours à venir, mais combien on en sauvera. J'ai vu les derniers morts raidis dans la fosse qu'on vient de leur ouvrir -car l'ancienne est comblée- et les plus malades, convulsés sur leur couche comme s'ils voulaient échapper à la main qui vient les happer. La différence entre les deux, ce n'est que cet ultime débat.

Au nom de quelle philosophie, de quelle civilisation, de quelle logique, a-t-on pu condamner des êtres humains à cette déchéance physique? Cette façon de faire mourir les gens lentement, par une dégradation quotidienne, et loin de tout regard indiscret, au creux d'un vallon, cela ne peut s'expliquer que par le sadisme ou par une monstrueuse hypocrisie. Au cours de la nuit d'insomnie à laquelle n'échappe pas le visiteur de Kleingladbach, je me suis posé la question sans pouvoir la résoudre. Mais ce que je puis vous dire, c'est que, au cours d'une carrière qui m'a conduit vers bien des spectacles qui n'étaient pas dans l'ordre des choses, je n'en ai jamais vu de plus hallucinant que celui-là, ni aucun qui fasse plus douter de la raison humaine.

Par James de Coquet
* Kleingladbach ou Kleinglattbach (doux petit ruisseau) est le nom d'une petite ville proche de Vaihingen. Si les témoins de l'époque parlent du camp de Kleingladbach, c'est sous le nom de Vaihingen que le camp est resté dans l'Histoire.