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Les Prisonniers de guerre allemands à Romagné

Le commando 300
par Gilles le Pays du Teilleul

 

Conditions d’utilisation des prisonniers | Coût | Logement | Garde | Nourriture | Ration type |Prix des denrées | Santé | Engagement de gardiens |Mouvements des PG | Route du Chesnais | Les travaux agricoles et artisanaux | Libérations | Retours de PG

Une période dont on ne parle pas beaucoup, et qui n’est pas très connue à Romagné, c’est celle où nous avons hébergé, et fait travailler des prisonniers allemands de 1946 à 1948.

Il est intéressant de replacer cet événement dans son contexte.

Il convient, tout d’abord, de rappeler qu’en 1945, la situation économique est catastrophique : l’indice de production industrielle est, nous dit René Rémond, à 38% de sa capacité Les sources d’énergie font défaut ; l’extraction du charbon est tombée de 67 à 40 millions de tonnes. L’agriculture va mal : les rendements de blé sont à 40% du taux de 39. En septembre 1946, la ration de pain tombe à un niveau inférieur à celui de l’Occupation. L’inflation est galopante.

Le constat est sévère.

Une ordonnance du Ministère de l’Économie Nationale, en date du 1er mai 1945, décide "d’encourager les collectivités et les établissements publics à entreprendre des travaux pour favoriser la reprise de l’activité générale"

Après l’examen des demandes par la"Commission interministérielle d’agrément ", un financement d’État est affecté au département d’Ille-et-Vilaine, par un arrêté du 5 janvier 1946. Et la commune de Romagné va pouvoir bénéficier de ce programme pour réaliser la construction du chemin vicinal 11,appelé aujourd’hui "la Route du Chesnais".

Dans le même temps, se définissent les modalités d’emploi des prisonniers de guerre ennemis dans l’économie nationale. A la fin de l’année 1945, un million, puis au printemps 1946, un million et demi de prisonniers allemands sont mis à notre disposition par les Alliés. Une circulaire du 5 septembre 1945, émanant du Ministre de l’intérieur, et du Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale, définissent ces modalités d’emploi.

Conditions d’utilisation des prisonniers

Art. 2-Garde des prisonniers

La garde des prisonniers de guerre est, en principe assurée par l’autorité militaire ; si celle –ci ne peut la fournir, elle incombe à l’employeur qui embauchera des gardiens civils en nombre déterminé dans des conditions particulières après entente avec les autorités locales. Dans ce cas, l’employeur est responsable des gardiens engagés par lui devant l’autorité militaire. En cas d’évasion, les frais de recherche et, s’il y a lieu, les primes de capture, sont à la charge de l’employeur. De même, dans le cas où les gardiens recrutés par lui se rendraient coupables vis à vis des prisonniers d’actes contraires à la Convention de Genève, l’employeur sera responsable de leurs agissements devant l’autorité militaire.

9-Discipline

Tout refus de travail doit être sanctionné : Diminution de vivres, suspension de colis, travail supplémentaire pour rattraper le travail non exécuté et si besoin est, comparution devant le tribunal de justice militaire pour refus d’obéissance. L’employeur enverra un compte-rendu au Dépôt relatant les motifs d’indiscipline ou le refus de travailler.

La discipline doit être ferme, sans vexation ni brutalités.

Des employeurs ont été signalés comme ayant exercé des brutalités contre des P.G. Les instructions ministérielles sont formelles pour interdire les brutalités contre les P.G., et les employeurs fautifs se verront retirer la main-d’œuvre mise à leur disposition et ce, sans préjudice de poursuites judiciaires dont ils pourraient être l’objet.

Les P.G. ne doivent pas sortir du commando sans être gardés. Ils n’ont pas à aller rendre visite à des particuliers. Les employeurs doivent se conformer aux instructions prescrites dans leurs contrats et maintenir les P.G. en bonne condition de travail.

Dès le 20 janvier 1945, la Mairie de Romagné avait fait une demande pour avoir des prisonniers de guerre allemands. C’est le 16 février 1946, qu’une lettre du chef d’Escadron Le Mintier de Lehélec annonce au maire de Romagné que sa demande est acceptée et que le dépôt 1102 de Rennes met à sa disposition 50 prisonniers de guerre allemands. Des P.G.A. La Commune est invitée à venir les prendre au dépôt, route de Redon, le 23 février 1946 à 9 heures. Étant donnés les problèmes de transport de l’époque dus au manque d’essence, on pense qu’ils ont du être acheminés dans un wagon des T.I.V.

C’est donc la conjugaison d’une nécessaire relance de l’économie, et la possibilité d’utiliser une main d’œuvre inemployée qui va permettre à la commune de Romagné de faire une route avec des prisonniers allemands.

Un certain nombre de circulaires précisent les conditions d’utilisation des prisonniers de guerre. Ceux-ci relèvent du Ministère des Armées, "Service des P.G. ennemis "

Le prix.

Il y a d’abord un prix à payer pour "la main-d’œuvre prisonnière". Que ce soit la commune ou que ce soit un particulier, car certains de ces particuliers vont aussi travailler dans des fermes, l’employeur doit à l’État une somme par jour égale à la différence entre le salaire d’un ouvrier français de la même catégorie, et les frais d’alimentation, de garde, d’entretien, et de salaire de P.G. La somme due par l’employeur est payable mensuellement, et doit être acquittée sous huit jours.

Le salaire dont il est question est fixé à 10 francs par jour. Il peut être porté à 13 francs pour "bon rendement " 5 francs sont versés sur un compte "Pécule du Prisonnier" Le reste est versé directement en liquide au prisonnier.

Le logement

En ce qui concerne le logement, la règle est de regrouper les prisonniers chaque soir, dans un local communal, où ils sont enfermés et gardés. A Romagné, les locaux de l’école publique vont de nouveau servir. Après avoir hébergé les prisonniers malgaches, puis les soldats allemands, ils vont maintenant servir pour les prisonniers allemands. Dans certains cas, le Maire, pourra être autorisé, après accord de l’autorité militaire, à détacher des prisonniers à demeure, notamment chez des exploitants agricoles sous réserve que "ces prisonniers soient dociles, et bien notés, et que les employeurs présentent les garanties suffisantes ". L’employeur qui assure l’hébergement doit évidemment assurer également le couchage, le matériel de cuisine, et les "conditions d’hygiène prévues par la réglementation française".

Les anciennes classes de l'école publique où logeait le commando
Aujourd'hui salle de gymnastique et de judo

La garde

La garde est à la charge de l’employeur qui en assume la responsabilité ; Les gardiens sont recrutés par le Maire, agréés par le Préfet et par le Directeur Régional des P.G. Il convient de compter deux gardiens pour 25 prisonniers. A Romagné, c’est le chef cantonnier qui en a la direction. Lui-même, ancien prisonnier, rentré il y a moins d’un an, exerce une très stricte autorité sur ses P.G. Sous ses ordres, il y a deux, puis trois autres gardiens. Deux d’entre eux sont armés de fusils de guerre, et de cartouches à balles, prêtées par l’Administration.

Les gardiens sont responsables de leur arme, de son entretien, et de leurs munitions. Ils doivent respecter, à l’égard des prisonniers, les règles de la Convention de Genève.

En cas d’évasion, le Maire est responsable, et devra verser 1500 francs au Trésor Public, sauf à prouver"le cas de Force Majeure". Cette somme correspond aux frais de recherche, et à une éventuelle "prime de capture".

Nous savons qu’à Romagné, quatre prisonniers allemands se sont évadés. Deux, dans la nuit du 5 au 6 août 1946. Deux autres le 10 septembre 1946. Comment pourrait-on le leur reprocher ? Il semble cependant qu’en l’occurrence, le Maire n’ait pas été inquiété ni pénalisé. Sans doute a-t-il pu invoquer un cas de force majeure.

La nourriture

L’employeur est tenu d‘assurer aux prisonniers une nourriture suffisante. L’intendance peut fournir des rations de produits contingentés, sauf du vin. Il appartient à l’employeur de compléter par des produits en vente libre.
Mais n’oublions pas que nous sommes encore en période de grandes restrictions, et que l’approvisionnement n’est pas toujours simple à faire. En cas de difficulté, le Dépôt 1102, de Rennes, peut livrer contre remboursement de la farine de soja à 11 francs le kilo. 100 grammes de soja remplace 400 g de légumes frais. Le dépôt peut aussi fournir du poisson salé, remplaçant la viande à égalité de poids, à 50 frs. le kilo.

Pour tout ce qui concerne la nourriture, les circulaires sont très précises et très directives sur la composition de la ration. Un P.G. dispose, chaque jour, d’un minimum de 2500 calories. Un tableau est fourni à la Mairie, des calories apportées par un kilo de denrées. " ..viande : 1600 calories. Graisse : 3500 cal. Pain : 2445 cal. Sucre : 3825 cal. Café : 400 cal. Pâtes : 1460 cal. Fromage : 2690 cal. Sang : 30 cal. Par litre. " Il est en outre précisé que 100g. de pommes de terre peuvent, en cas de manque, être remplacés par 30 g. de pâtes ou farine, ou par 25 g. de légumes secs, ou par 60 g. de biscuits. Et la circulaire se termine par un bon conseil adressé au Maire."..je crois que vous aurez intérêt à faire, dès maintenant, le calcul des calories que touchent vos P.G. afin de vous tenir dans la limite de 2500 calories par jour et par homme…"


 Une ration type

Denrées

Travailleur
ordinaire
Travailleur de force
(Forestage-Carrières)
Pain
Viande
Matières grasses
Sucre
Café ou simili
Sel
Pommes de terre
Légumes secs
Pâtes
Fromage
Légumes frais
300 g
250 g (par semaine)
20 g
17 g
5 g
20 g
200 g
10 g
20 g
20 g (par semaine)
500 g
+ 75g
+ 100g
+ 3g


Les machines à calculer n’existaient pas encore, mais nul doute que les maires concernés ont du se livrer à quelques exercices de calcul mental.

C’est sur place que la mairie se procure la nourriture fournie par les fermiers, qui sont payés pour ces fournitures: Pommes de terre, beurre, œufs, viande de veau, poireaux, haricots, carottes, topinambours, navets, choux, café de jardin, mais aussi de la paille, du bois de chauffage, des fagots, du cidre, parfois des poteaux, des manches d’outils, autant de denrées et de matériaux qui sont pris en fermes. Mais les commerçants ne sont pas oubliés : Boulangers, bouchers, poissonniers sont aussi des fournisseurs de la commune, sans oublier les épiciers, chez qui on va acheter poivre, sel, moutarde, fromage, oignons, brosses, une lampe, un thermomètre. Sans oublier non plus le bureau de tabac qui fournit, de son côté, paquets de tabac, et paquets de feuilles à rouler. Sans compter, enfin, certaines prestations, comme les réparations de chaussures chez le cordonnier, les coupes de cheveux chez le coiffeur ou le prêt d’un bac par un fermier, pour laver le linge. La commune est devenue gestionnaire d’un pensionnat. Et cela permet aussi de relancer le commerce local.

Certains articles peuvent être commandés au Dépôt 1102 tels"…peignes, dentifrice en tubes, brosses à dents" pour les P. G. A qui peuvent payer sur leur pécule. Mais aussi vestes, pantalons, chemises, caleçons, chaussettes, sabots, galoches "Pour les effets d’habillement, trois tailles sont proposées : G.T.= grande taille. T.M.= taille moyenne. T.P.= taille petite " Il est bien précisé que les effets d’habillement doivent porter les initiales P.G.

La mairie de Romagné a soigneusement conservé, dans ses archives, la comptabilité précise de ces petits achats, qui finissent par faire des sommes importantes, lorsqu’il faut quotidiennement nourrir 50 travailleurs, à une période où les restrictions sont encore sévères. Cette comptabilité nous permet de constater une organisation assez pointue, et minutieuse, où les fournisseurs se répartissent dans près de cent vingt maisons, agriculteurs et commerçants, pour la seule année 1946, et où les quantités livrées sont parfois très petites : 50 kg. de pommes de terre, chez l’un ; un stère de bois chez l’autre; 9 kg. de haricots et 6 kg. de poireaux, chez un troisième. Mais il faut faire plaisir à tout le monde. Cela nous permet, enfin de jeter un coup d’œil sur les prix des denrées à la production ou chez l’épicier.

Les horaires de travail sont les mêmes que pour les ouvriers civils, de même profession. Le repos hebdomadaire est de 24 heures, en principe le dimanche.

Quelques prix de denrées (prix 1946 )




3 frs. 1 œuf, pouvant monter à 10 frs .suivant l’époque pris à la ferme

119 frs. le kg. de beurre chez le grossiste
12 frs. le choux

9 frs. le kg. de carottes
100 frs. le kg. de porc, pris à la ferme
100 frs. le kg. de veau , pris à la ferme
190 frs. le kg. de bœuf, pris chez le boucher
10 frs le kg. d’oignons
40frs une brosse
106 frs un thermomètre
48 frs le paquet de tabac

3 frs. Le carnet de feuilles à cigarettes


( Il s’agit évidemment d’anciens francs)
A titre indicatif nous pouvons indiquer que :

1 œuf vaut aujourd’hui 1 franc

1 kg. de beurre vaut 30 francs

1 kg. de carottes vaut 6 francs

1 thermomètre simple vaut 27 frs.


1 paquet de tabac gris vaut 48 francs

1 carnet de feuilles à cigarettes vaut 4 francs

( Il s’agit de francs lourds)

Engagement pour un gardien

Monsieur................gardien agréé de prisonniers de guerre s’engage à exécuter tous ordres que Monsieur le Maire, employeur, leur transmettra de la part du commandant du dépôt, en tout ce qui concerne ses droits et obligations envers les prisonniers de guerre tels que ces droits et obligations sont définis par la convention internationale de Genève du 27 juillet 1929, dont il reconnaît avoir pris connaissance.

Il s’engage à maintenir son arme en parfait état d’entretien et à le remettre à l’autorité militaire qui la lui a délivrée sur toute demande de celle-ci. Il se reconnaît pécuniairement responsable de cet entretien et de cette restitution.

En cas d’inexécution par lui de ses engagements, le commandant de ce dépôt pourra, à tout moment, directement ou à la demande de monsieur le Maire lui retirer l’agrément, ce qui entraînera de plein droit la résiliation de son contrat de travail avec monsieur le Maire, et le retrait de son droit au port d’arme.

Le gardien agréé.

(suivent les signatures.)

La santé

L’Administration est également très soucieuse de la bonne santé des travailleurs. Les circulaires le rappellent opportunément, et disent, entre autre "les prisonniers de guerre doivent être garantis contre les accidents de travail, et les maladies professionnelles, par une police d’assurance souscrite à la diligence et aux frais de l’employeur…" Cet article de la réglementation semble avoir posé quelques problèmes aux gestionnaires municipaux, car le texte est surchargé, à la main, d’un grand point d’exclamation.

Il est aussi précisé qu’en cas de gravité, les malades doivent être renvoyés au dépôt ; et qu’en cas d’extrême urgence, ils doivent être évacués sur l’hôpital le plus proche. Il semblerait qu’à Romagné, une épidémie se soit déclarée peu de temps après l’arrivée des P.G.A., car treize malades ont été hospitalisés entre le 26 mars et le 13 avril, puis renvoyés au camp. Cependant, la santé des prisonniers a été régulièrement suivie, car nous possédons un relevé des visites hebdomadaires effectuées par le Docteur Beauverger, de Fougères, à partir du 8 mars 1946.

Mouvements divers

Nous constatons un certain mouvement parmi les prisonniers de guerre de Romagné, pas toujours facile à suivre, d’ailleurs.

Ce sont d’abord ceux qui sont arrivés en février : " 50 P.G.A seront détachés en commando, pour un délai indéterminé, à la commune de Romagné, le 23.2.46, à 9 heures. Ils devront être munis de leurs affaires personnelles, 1sac de couchage, 1 couverture, et 1 bonne paire de chaussures. Ce commando sera affecté au "Bloc1".

Par la suite, d’autres arrivées groupées se feront à différentes dates : sept le 25 juillet, six le 6 septembre, cinq le 20 septembre, six le 21 novembre. Mais il y a aussi les départs. Nous avons parlé des 13 malades du printemps, qui paraissent avoir été remplacés au fur et à mesure. Il y a eu aussi les 4 évadés. Enfin 18 sont rentrés au camp pour diverses raisons : certains parce qu’ils refusaient de travailler.

Mais Romagné semble également avoir été un centre redistributeur, car un certain nombre de ces prisonniers de guerre allemands ont été répartis dans des communes voisines. Sept ont été envoyés à la Chapelle-Janson. Six ont été envoyés à Luitré. Enfin, dix-huit ont été envoyés au Loroux le 10 décembre 46

 

La route du Chesnais

Comme nous l’avons indiqué, les P.G.A. ont travaillé à la construction de la route du Chesnais, le C.V. 11

A l’époque, le chemin du Chesnais était un vieux chemin, de près de deux km. De long, étroit et profond, et comme tous les anciens chemins, il était bordé de talus, couvert de feuillage, boueux à souhait, et, de plus, il comportait une côte longue et très raide il desservait une dizaine de foyers.

Pour ce chantier, ce sont les 50 premiers arrivants qui ont été employés de février à juillet 1946. Pendant cette période, ils ont réalisé les terrassements, qui consistaient en dessouchage des talus…"4000 m3 de terre piochés et transportés en remblais, au moyen de wagonnets…" nous disent les documents municipaux. Il faut préciser que les travaux consistaient à araser le haut de la côte, qui n’était que pierres, et à le transporter pour remblayer le bas qui n’était que boue. Parfois les wagonnets déraillaient, et il fallait tout ramasser. Pour aller au chantier les P.G. faisaient environ deux km à pied tous les matins, et autant pour rentrer le soir. Ils mangeaient le midi, dans un hangar de la ferme Garrault dans une grande marmite à pommes de terre, mise à leur disposition par ma, ou le cuisinier, Otto, un Tchécoslovaque, faisait chauffer la "tambouille" une grande marmite à pommes de terre, mise à leur disposition par madame Garrault

Ils pouvaient, en cas de pluie, venir se réfugier dans le hangar, et y remisaient leurs outils, le soir, pour les reprendre le lendemain. Parfois, mais exceptionnellement, leurs gardiens les autorisaient à donner un coup de main au moment des moissons, aux fermiers du Chesnais ou des Louvières.

Pour ces travaux de voirie, la commune de Romagné bénéficiera d’un prêt du Crédit Foncier de 89000 francs, sommes qui vont s’ajouter aux subventions d’Etat attribuées par la Commission interministérielle d’agrément, dont nous avons parlé, au début de cet article Pour l’emprise de la route, 14 propriétaires vont vendre ou céder gratuitement, les terrains. Des riverains, souscrivent aussi des sommes pour compléter les financements 24.700 francs sont ainsi venus s’ajouter aux sommes déjà disponibles. Le montant des travaux à financer dans la"tranche de démarrage", issue du Plan d’ Équipement National de mars 1946 est de 287.000francs. La subvention d’origine prévue est de 40%, soit 114.000 francs. Des attributions de matériaux sont faites également aux communes, au titre de la "tranche de démarrage". Les matériaux consistent en "..métaux ferreux, tuiles, briques, métaux non ferreux." Des acomptes sur subvention pourront être donnés, au fur et à mesure de l’avancement des travaux. La tranche de démarrage sera close le 31 décembre 1948. A cette date, les opérations devront être réalisées. Elles le seront d’ailleurs, pour ce qui concerne Romagné.

En décembre 1947, toutefois, un problème s’est posé, car l’inflation de l’époque a provoqué une augmentation du prix des travaux, et la commune a demandé une revalorisation de la subvention.

Les travaux agricoles et artisanaux

A côté des P.G.A. qui travaillaient à la route du Chesnais, il y a eu aussi tous ceux qui travaillaient chez des particuliers.

Une trentaine ont travaillé en ferme chez des agriculteurs. Quelques-uns se sont même retrouvés chez d’anciens prisonniers, rentrés d’Allemagne. Juste retour des choses, auraient pu dire certains.

Près d’une dizaine de ces P.G.A. ont aussi travaillé chez des artisans. Il y en avait plusieurs à la scierie Grouazel. L’un d’entre eux, d’ailleurs, est décédé de maladie, et n’a jamais revu son pays. Il y en avait un chez le charron, un autre chez le maçon, un autre encore chez le forgeron. Il y en avait un, enfin, chez le mécanicien agricole, Jean Chevrel, à Saint Anne
Certains ont gardé des relations suivies avec les habitants de Romagné. C’est le cas de Konrad Eggert, qui travaillait justement à Saint Anne chez Jean Chevrel. L e mécanicien Konrad revient régulièrement à Romagné, pour rendre visite à monsieur et à madame Alphonse Gardan. Celui-ci, en effet, travaillait comme apprenti chez Jean Chevrel, en même temps que Konrad y était ouvrier. Enrôlé à 17 ans comme travailleur, puis à 18 ans dans l’armée allemande, Konrad servait dans les Panzer. Il avait été blessé au tympan. Son unité, venant du sud, s’était fait harceler en remontant sur la Normandie, et Konrad avait été capturé à Bordeaux. Employé et nourri chez Jean Chevrel, il logeait à la ferme Geray, aux Louvières, tout près de Saint Anne. Parfois il aidait aux foins et aux moissons chez les fermiers des Louvières. Le dimanche, les prisonniers allemands se retrouvaient dans le bourg, où ils se réunissaient dans un café, pour consommer ensemble, et parler du Pays. La boisson aidant, ces réunions, parfois, ne manquaient pas de chaleur.

Libéré en 1948, Konrad est reparti en Bavière, son pays d’origine. Catholique pratiquant, il ne manque jamais d’aller faire son pèlerinage à Sainte- Anne de la Bosserie, lorsqu’il revient à Romagné, chez monsieur et madame Gardan.

A certains moments s’est posé le problème de la concurrence que les prisonniers allemands risquaient de faire aux travailleurs français. Des circulaires ont précisé certaines règles à respecter pour éviter cette concurrence, telles que n’embaucher des prisonniers allemands que si on ne pouvait disposer d’aucune main-d’œuvre, dans la région ;

La libération

Lorsque les circonstances l’ont permis, c’est à dire à partir de 1947, la plupart de ces prisonniers ont pu rentrer chez eux, en remplissant les formalités nécessaires à leur libération. Quelques-uns, cependant, ont demandé à être transformés en travailleurs libres, ce qui était possible. Des cartes de séjours, à durée limitée pouvaient être délivrées à ceux qui en faisaient la demande, et qui remplissaient les formalités utiles pour obtenir la qualité de travailleurs étrangers. Un prisonnier d’origine polonaise, et un d’origine tchécoslovaque était dans ce cas. Peut-être ne souhaitaient-ils pas retourner dans leur pays, alors sous influence soviétique.

Dix-sept anciens prisonniers allemands étaient encore à Romagné en1948, et un en 1949.

Il a pu arriver que des prisonniers allemands aient été plus ou moins mal traités, en France, après la guerre. On peut espérer qu’il ne s’agit là que d’exceptions.

Comme nous l’avons vu, avec Konrad, des relations de qualité se sont aussi renouées et entretenues, dans les années qui ont suivies la guerre, entre d’anciens prisonniers, et les habitants de leur lieu de captivité. Cependant, pour ceux qui étaient en Europe de l’Est, la fermeture totale des frontières a interdit toute possibilité de relations avec la France.

Les retrouvailles

Après la disparition du "Rideau de Fer", d’anciens prisonniers allemands ont repris contact, à partir de 1990. J’ai eu, personnellement l’occasion de recevoir, en mairie de Romagné, un Allemand de l’Est, ancien prisonnier, qui recherchait dans la région son employeur français dont il avait perdu l’adresse. Après avoir téléphoné à divers endroits dans plusieurs communes, j’ai fini par avoir au bout du fil, quelqu’un qui devait être son ancien employeur. Lorsque ce dernier s’est mis à décrire son prisonnier, il se souvenait d’un homme qui était blond, plutôt grand et athlétique. Pendant cette description, je regardais l’Allemand que j’avais en face de moi. C’était un homme qui avait cinquante quatre ans de plus que le souvenir de mon interlocuteur. En guise de cheveux blonds, il n’avait plus que quelques cheveux blancs autour d’une calvitie très avancée. A la place d’un homme plutôt athlétique, je voyais un homme bedonnant. Cela donnait à notre conversation téléphonique un caractère assez pittoresque et un peu cocasse.

Je pense que passé le premier moment du revoir, la reconnaissance a tout de même du être assez chaleureuse entre le français et l’allemand, après un demi-siècle de séparation.

G. Le Pays du Teilleul

Sources

Archives de la mairie de Romagné
Souvenirs personnels d’habitants de Romagné
Je tiens à remercier les habitants de Romagné qui m’ont apporté beaucoup d’information au travers de leurs souvenirs.

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13/11/2006