Labbé Gillard, recteur de léglise de Tréhorenteuc depuis 1942 sest rendu au camp 1102 (camp de la Marne) en mai 1945 et a obtenu deux P.G.A. ; Karl Resabeck (peintre) et Peter Wisdorf (menuisier) pour participer à des travaux de restauration dart religieux, entrepris dans son église. Heureux commando, si on le compare aux six camarades P.G.A. dun commando voisin travaillent dur à refaire les routes de Tréhorenteuc et dormant dans une écurie... Les cultes religieux ayant tenté de faire disparaître lâme celtique et ses rites, labbé Gillard très lié avec des artistes et des intellectuels bretons, fréquentant les beaux-arts de Rennes, côtoyant Xavier de Langlais, avait décidé de faire fusionner dans son église la mythologie celte, les légendes arthuriennes et les évangiles dans la tradition de lart religieux, utilisant la symbolique des formes, des couleurs, des nombres et du zodiaque. Linscription La porte est au-dedans gravée sur le seuil de léglise invite à la méditation. Il voulait que ce soit un lieu damour et de fraternité quon soit chrétien, celte, français ou allemand, ou seulement amoureux de la légende. Pour vivre en harmonie avec les autres, cest très facile nous dit Mme Laur, Directrice du Syndicat dinitiative de Tréhorenteuc, la porte est en dedans, en posant la main sur son cur. Les deux P.G.A. ont participé à cette uvre quon vient admirer de si loin aujourdhui. Le syndicat dinitiative de Tréhorenteuc nous a aimablement remis le témoignage du P.G.A. Karl Resabeck qui est ainsi entré dans lhistoire : |
"En mai 1945, jallais très mal. Pendant trois jours, nous ne recevions aucune nourriture. puis les Américains distribuèrent une boite de ration pour deux hommes. Elle contenait de la graisse de porc. Jai eu la diarrhée, les militaires étaient aussi très pauvres. Ils nous ont tout pris : argent, chaussures, montre, manteau, babioles. Nous sommes restés des semaines entières sur la terre nue, sous le soleil et la pluie. jai creusé un trou de 30 cm et je me suis recouvert avec une toile de tente. Javais des rhumatismes, jétais faible et très malade. Javais un manche à balai pour béquille. Nous recevions 50 gr. de pain par jour et une soupe (de leau chaude avec quelques rondelles de carottes en tranches) le dimanche, il y avait un petit bout de tête de poisson qui sentait bien mauvais. Ma profession de peintre avait été enregistrée par ladministration. Un jour, je fus appelé au bureau. Labbé Gillard sy trouvait : il me demanda si je pouvais peindre un "chemin de croix" Étant catholique, sachant ce quest un chemin de croix, je dis simplement oui. Étant en général honnête, je demandai si ce nétait pas hasardeux. Jajoutais quil ne me connaissait pas et achetait le chat dans le sac. Quelque temps plus tard, à la messe du dimanche, dans son sermon en chaire, il déclara quil avait acheté un chat dans le sac et quil avait fait un bon achat. Alors jaurais pleuré. Cétait un brave homme, je ne loublierai jamais. Mes pieds étaient ensanglantés, il ma offert des sabots, sa mère ma tricoté des chaussettes en laine de mouton. Au cloître des clarisses qui était à proximité il a récupéré, auprès des religieuses, des bons de tabac et lorsque je pris congé, je reçus un coffret de bois contenant beurre, chocolat, cigarettes et une montre. De Rennes, nous allâmes en autocar à Tréhorenteuc. Là-bas je restai malade au lit une semaine. Mais je récupérai bientôt la santé avec quelques médicaments, une bonne nourriture et laide de Dieu. Désormais, commença pour moi une belle période. Au presbytère, nous disposions, en bas, dune salle de travail et au premier étage dune chambre à coucher pour chacun. Je me suis mis progressivement au travail. Jai peint quelques aquarelles, naturellement léglise, puis, le vieux tronc qui est aujourdhui encore dans la sacristie. Peu à peu, je commençai le chemin de croix. dabord le projet ne comportait que le motif à faire à la peinture à lhuile daprès les anciens reliefs noir et blanc qui étaient accrochés dans léglise. Comme Monsieur Gillard avait beaucoup dimagination, nous tombâmes daccord pour faire quelque chose de différent, Mais de mémoire je ne pouvais le faire. Aussi, je pris comme modèle les camarades de guerre et même plus tard les paysans et les enfants du village et finalement Mr Gillard était toujours mon modèle pour le Christ, même en croix. Il allait de soi que larrière plan était constitué par le paysage de Tréhorenteuc, le château, le presbytère, le Val sans retour. Mais tout cela était lidée de M. Gillard. Je ne comprends rien à la mythologie. Il mavait donné tous les détails, raconté toutes les légendes de Merlin, de la fée Viviane, de Morgane, de la légende du Saint Graal, des romans de la table ronde. Jai avec lui visité toute la région, fait ici et là les dessins et les tableaux, là ou les personnages ont vécu, daprès la légende, par exemple Merlin à la fontaine de Barenton, la fée Morgane au Val sans retour, etc... Tout le reste, M. Gillard la décidé, il en est en tout point linspirateur spirituel. Vous demandez combien de tableaux ai- je peints. Je nen ai pas fait le compte exact, mais environ une centaine. Où sont-ils allés ? Pour lautel, jai peint un grand portrait avec Ste Onenne, avec une belle fille, des fleurs, des oies et le vieux château de Tréhorenteuc. En outre de nombreux portraits de paysans et denfants. De nombreux hommes sont tombés à la guerre. Daprès les petites photographies, jai dessiné des portraits souvenirs. Les femmes étaient ravies et ont offert des cadeaux à M. Gillard. Jai demandé à M. Gillard doù il recevait largent. Il disait souvent quune petite partie provenait de lévêque de Rennes (en fait Vannes) Mais les paysans apportaient deux fois la semaine des grands plats de viande, de la saucisse, du pâté de campagne. Et chaque dimanche, lhôtelière, Mme Harel, apportait un gigot de mouton avec légumes et dessert. Nous ne pouvions pas tout manger. Un jour après la messe, il y eut sur la place de léglise la fête patronale ; Les Religieuses avaient préparé des petits gâteaux, des pains avec de la viande, de la saucisse, du fromage, du cidre et, des photographies de léglise et du chemin de croix ont été vendues. Cétait la belle vie. Nous fabriquions le cidre et le calvados, et dans le jardin nous avions dadmirables poires et des légumes. Souvent de nombreux prêtres amis venaient en visite. Alors, jai fait de la cuisine viennoise, escalopes, tartes, crèmes. Tous étaient enthousiasmés. Ma femme se réjouit des photographies (Il sagissait des photographies du chemin de croix) P.S. En mars 1947, jai été relâché de captivité sur recommandation de labbé Gillard en raison de mes mérites". |
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