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Le dernier convoi de Rennes  dit "train de Langeais"
La vie au Camp Margueritte

11/02/2019
      Pour enrichir la mémoire du passé, nous recherchons des témoignages ou des documents  sur ce convoi de déportés  
 

Pour m'écrire 35memoiredeguerre@gmail.com

Les prisonniers dits "politiques" ou "terroristes" (les Résistants), des otages, des droits communs, des soldats américains et des Allemands disciplinaires, étaient détenus à Rennes, au "Camp Margueritte" , à la prison "Jacques Cartier"   et au camp de la Marne, sur la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande. Ils étaient des milliers.

Au "Camp Margueritte", une quinzaine de baraques pouvait loger chacune de 120 à 170 internés. En mai 44, Paul Héger, qui était chef de baraque en a compté 169 détenus dans la sienne.(Liste de quelques occupants de cette baraque)

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Dessin d'une baraque réalisé par un prisonnier

Plan du camp Margueritte

 

Des otages, installés dans des baraques à part, constitués de notables, professions libérales, commerçants, enseignants..., les "prisonniers d’honneur", ne furent pas maltraités.

L'arrivée d'un groupe de Saint-Brieuc le 18 mai 44: (Paul Héger)

"En arrivant dans la cour du camp, on nous fit déposer tous nos bagages et couvertures dans une baraque. Le lendemain, on nous appela par petits groupes pour les reprendre, mais hélas tout ce que nous possédions comme vivres, conserves et autres nous fut enlevé, ainsi que le vin que quelques-uns avaient encore :la vie des camps allait commencer pour nous...

...Quinze jours après les colis ont fait leur apparition et de ce fait le menu a été amélioré sensiblement, mais ces cochons de b.... fouillaient tous les colis sans exception, tous passaient par le contrôle, et, comme vous le devinez, ils commençaient par s'approprier le meilleur de leur contenu en particulier le tabac, la boisson quelle qu'elle soit, les morceaux de lard, boîtes de conserves et les pots de beurre, etc... si bien que nos malheureux colis nous arrivaient bien allégés. Nous en voulions aux boches de nous voler de la sorte...

...Tous les jours, nous sortions une demi-heure le matin. Pendant ce temps il fallait désigner une corvée pour arroser et balayer la baraque ; durant les premiers jours, nous n'avions pas le droit d'aérer la baraque, il était formellement interdit d'ouvrir aucune fenêtre, ni même de s'en approcher sous peine de se voir tirer dessus par nos bons gardiens. Au bout de quelques temps, à force de demander, nous fûmes autorisés à ouvrir une fenêtre sur cinq et un peu plus tard tout un côté de la baraque. Les boches commençaient à devenir plus doux. Voyant que nous ne recevions pas de tabac dans les colis, je me permis un jour de demander à un sous-officier s'il n'était pas possible d'en obtenir un peu. Le dimanche suivant, nous fûmes gratifiés de quatre à cinq cigarettes chacun, et par la suite tous les dimanches nous en recevions ; nous avions hâte de voir le dimanche arriver, car durant toute la semaine, nous récoltions ce que nous pouvions à notre demi-heure de sortie, c'est à dire herbes sèches et fleurs que nous faisions sécher".

Les interrogatoires de la Gestapo : (Paul Héger)

"Mais hélas ! Nous avons vite déchanté, car ils ne tardèrent pas, les salauds, à venir comme à Saint-Brieuc, nous chercher pour les interrogatoires, alors que nous croyions que c'était bien terminé. Malheureusement, les dossiers nous avaient suivis et tous les jours, sauf le dimanche, ils venaient, ces maudits, appeler un tel ou un tel. Les premières fois, nous ne nous en faisions pas de trop, croyant que les coups durs étaient épluchés à Saint-Brieuc. Mais hélas ! La terreur régnait pire que jamais ; ils ne revenaient pas tous à la baraque, les pauvres gars. Grande fut notre douleur, quand nous apprîmes que certains d'entre eux étaient fusillés. Alors, dès que nous le savions officiellement, nous nous réunissions pour dire une petite prière et nous observions une minute de silence à leur mémoire."

Le 8 juin, avait eu lieu , au Colombier, l’exécution systématique de ceux qui tenaient un poste important dans la Résistance. Ils étaient 32 . (Lire )
Le 23 juin , 9  autres résistants sont fusillés à La Maltière.
Le 30 juin , 21 résistants tombèrent sous les balles allemandes à la Maltière.    (Lire )

L'arrivée d'un groupe de Morbihannais
(
5) Jean-Raymond Brabant. La rafle de Sainte-Anne-des-Bois" Mon itinéraire de déporté" )

"Départ de Vannes pour une direction inconnue. Il devait être huit à neuf heures du matin. Nous roulions nord nord-est, cherchant les petites routes. Nos gardiens nous obligeaient à garder la tête baissée pour que nous ne reconnaissions pas le nom des villages traversés; nous ne pouvions la redresser qu’en pleine campagne. Nous passâmes dans un camp d’aviation, toujours tête repliée sur les genoux. Ce camp était, nous l’avions vite compris, Saint-Jacques de la Lande, car peu après nous arrivâmes devant les barrières d’un camp grillagé qui était l’arrière de la caserne Marguerite à Rennes.

On nous enferma à clé dans une grande baraque, sans gardiens à l’intérieur. Là aussi, nous avions des paillasses une rangée de chaque côté, le long du bord, et deux rangées au milieu sur toute la longueur, posées à même le plancher. Nous dormions tout habillés, sans couverture; comme les nuits, même au mois de juillet, étaient fraîches, nous allions prendre des paillasses inoccupées pour nous couvrir et nous protéger du froid. Nous étions là, les mêmes qu’au départ de Vannes. Nous n'avions donc eu aucun contact avec quiconque et ne savions pas quels détenus se trouvaient dans les autres baraques politiques ou de droit commun.

Au bout de deux ou trois jours, arrivèrent d’autres prisonniers venant des prisons de Rennes ou d’ailleurs, ou tout simplement arrêtés sur les routes au cours de mauvaises rencontres avec des soldats allemands, comme ce fut le cas pour trois Mayennais appréhendés alors qu’ils transportaient dans une charrette des armes et des munitions pour les résistants des environs. Ils disaient sûrement la vérité car, dans le courant de la nuit, l’un des hommes, âgé d’une quarantaine d’années et de petite taille, se pendit à une ferme de la charpente, en face de ma paillasse, avec sa ceinture de flanelle. (6 )C’était une bande de tissu que les paysans de l’époque portaient enroulée autour de la taille pour se protéger les reins et qui mesurait environ deux mètres de long sur une vingtaine de centimètres de large. Aux lueurs du jour, nous tambourinâmes longtemps aux portes avant que plusieurs soldats ne viennent voir la cause de tout ce vacarme et, dans le courant de la matinée, d’autres soldats vinrent avec d’autres détenus de service chercher le mort. Les deux frères, arrêtés en même temps que lui et paysans également, restèrent avec nous. Que sont-ils devenus ? Je ne saurais le dire. Ils avaient dix-sept et dix-neuf ans. Ce drame survînt quelques jours avant notre départ.(Le parachutage de Drouges)

Nous passions les journées à écouter le roulement sourd des tirs de canons et les explosions des bombes sur le front de Normandie (nous savions que le débarquement avait eu lieu le 6 juin, le jour même où j’avais été transféré du 1 rue de la Loi, à la maison d’arrêt de Vannes), et à regarder par les fenêtres des groupes de soldats faire des maniements d’armes et des exercices. Ils manœuvraient des chars en bois qu’ils construisaient et peignaient en vert-de-gris pour tromper les aviateurs alliés et faire ainsi croire qu’ils avaient des chars en grand nombre...

La nourriture

(Jean-Raymond Brabant)

"Dans ce camp, nous avions très faim; la nourriture était bien moins bonne qu’à la prison de Vannes."

(Paul Héger)

"La nourriture était détestable, constituée d’un ersatz de café le matin et  200 grammes de pain pour la journée, une  soupe aux choux verts non cuits, distribuée midi et à 17 heures, qui provoqua de nombreux cas d’entérite . Le menu s’est ensuite amélioré par l’addition de pommes de terre, de carottes et de haricots. Tous les quinze jours, la Croix Rouge et le Secours National apportaient un complément de viande, de beurre et de sucre.

Les anciens reçoivent des colis de leur famille. Le partage n'est pas toujours la règle.

Un prisonnier, Monsieur Kérautret, raconte que les otages de la "baraque 14" ont côtoyé les prisonniers politiques qui étaient très mal nourris, à un tel point que chaque matin, lors de la corvée des W.C., quelques otages glissaient des morceaux de pain dans leur seau. Les prisonniers se dépêchaient de les manger, après les avoir grossièrement nettoyés ! "

Le convoi du 29 juin vers Neuengamme : (Paul Héger)

"La vie au camp continua ainsi tous les jours dans la plus grande anxiété jusqu'au jour du 28 juin où les boches nous dirent à tous sans exception de préparer nos bagages pour le départ, et à la nuit on fit l'appel de plusieurs d'entre nous qui nous quittèrent dans la nuit pour une destination inconnue momentanément. Ce fut le cas de 87 de mes camarades mais très peu de Saint-Brieuc. Nous avons su par la suit, au bout de quelques jours, qu'ils étaient partis en convoi pour être dirigés sur Compiègne d'abord et ensuite sur l'Allemagne ; nous apprîmes de la bouche même des boches qu'il y eut beaucoup d'évasions en cours de voyage, malheureusement tous n'eurent pas le bonheur d'y réussir tout au moins d'arriver jusqu'au but final ; tel fut le cas de mon neveu, L. Georges, et de F. René qui trouvèrent la mort à quelques 70 kilomètres de l'arrivée...

...Notre baraque se trouva délestée de plus de la moitié, notre groupe n'était plus que de 82, mais dès le lendemain matin, on nous envoya d'autres camarades inconnus pour compléter la baraque. Nous nous empressions de faire connaissance et de lier conversation les uns et les autres, et la vie continua ainsi pendant plusieurs jours encore."

Le 28 juin 44, le  convoi  transita par Redon et Nantes pour atteindre Compiègne le 12 juillet. Le 28 juillet, les déportés embarqueront pour le camp de Neuengamme qu’ils atteindront le 3 août.

Les distractions

D’après le Docteur Lucas, médecin prisonnier, la détention fut assez souple. Des jeux de cartes, échecs, dominos, damiers, étaient tolérés. Les dimanches, des parties théâtrales et surtout des chants étaient organisés.

Paul Héger: "En semaine, nous pratiquions encore une drôle de distraction, celle-là, et assez fréquemment : C'était la bagarre à l'eau, fort heureusement nous étions pourvus d'eau. Aussi en profitions-nous pour prendre très souvent des bains corporels."

"On ne se connaît pas - on ne parle pas"

"Le mot d’ordre était : "on ne se connaît pas - on ne parle pas", par crainte de mouchards ou d’interrogatoires éventuels.
 

Louis Provostic: (Fils d'Henri Provostic)
 "Le docteur Lucas, qui était dans la même baraque que mon père (Henri Provostic) me l’a confirmé : Votre père avait bon moral. Il parlait peu. Il n’a jamais dit quoi que ce soit sur ses activités, son arrestation et l’interrogatoire". Cette réserve a été celle de la plupart des détenus" terroristes".

Le 3 juillet, le colonel Fonferrier adressa à son épouse une carte, dans laquelle il est dit ceci : "Santé et moral bons".

Il lui demande de voir Madame Lusven à Ploudalmézeau, dont le mari a le n° 633, pour prévenir les familles de M. Edouard Quéau n° 640 , M. Joseph Scouarnec n° 651, de Portsall - M. Joseph Mouden n° 634, de Tréglonou, M. Le Dreff, de Ploudalmézeau- M. Coum père n° 616 à Saint- Pabu , M. Provostic à Ploudalmézeau - Docteur Lucas à Saint -Renan.
Cette lettre est d’une extrême prudence, malgré les rapports étroits ayant existé entre le Colonel et mon père, il le cite simplement comme les autres.

Le 14 juillet 44 :(Paul Héger)

"Le 14 juillet fut pour nous une journée de vrai patriotisme, la matinée fut très calme et nous attendions des boches une distribution extraordinaire de cigarettes, mais rien ne vint. Alors, je pris les devants pour demander au lieutenant s'il n'était pas possible, en ce jour de fête nationale, d'obtenir quelques cigarettes ; feignant d'ignorer le 14 juillet, il me dit qu'il demanderait au commandant et la réponse ne tarda guère ; quelques instants plus tard on vint nous faire une demi distribution, soit trois cigarettes, ce qui heureusement mit un peu de gaîté dans nos cœurs L'après-midi nous avons organisé une petite séance de chants et monologues et on termina la soirée par une vibrante Marseillaise chantée en chœur par toute la baraque."

Le 1er août 1944

Joseph Abaléa:

  "Depuis quelques jours, une nouvelle circule parmi les prisonniers détenus par les autorités allemandes de Rennes à la prison Jacques Cartier et au camp Margueritte. Les troupes américaines approchent. L'espoir et l'anxiété se mêlent. La fièvre monte et on discute ferme. De toute façon les heures qui viennent sont décisives."

Il ne restait donc plus, dans le camp et la prison, que ceux qui devaient connaître les deux derniers trains en partance pour l’Allemagne et ses camps d’extermination. Pour beaucoup d’entre eux, ce fut le dernier voyage.

Jean-Raymond Brabant5:

Autre événement très important pour nous dans l’après-midi du 1er août, quatre avions alliés apparurent dans le ciel de Rennes, ce qui eut pour effet de déclencher les sirènes, affolant nos gardiens et toute la troupe qui se trouvait sur le terrain de manœuvre. Quant à nous, enfermés à clé, avec des barreaux métalliques aux fenêtres, il n’était pas question de sortir pour nous mettre à l’abri. Nous avions en toute hâte entassé les paillasses pour nous protéger. Après avoir à plusieurs reprises piqué sur la ville dans le fracas des bombes, le vrombissement des moteurs lors des remontées et les tirs de la D.C.A. allemande, les avions disparurent, la défense aérienne se tut, nous laissant, après une immense joie, dans un très grand désespoir. Mais nous nous disions que le jour de notre libération était proche, qu’il fallait reprendre courage et continuer d’espérer."


Sources:

  • Dossier de Louis Provostic

  • Témoignage de Joseph Abaléa

  • Les otages bretons de la baraque 14- Yves Rannou :Communication présentée à la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine - Rennes, 9 mars 1999

  • Paul Héger-"Arrestation de Patriotes" Les Presses Bretonnes 1947 - St-Brieuc

  • 5 Jean-Raymond Brabant-"La rafle de Sainte-Anne-des-Bois" Mon itinéraire de déporté. Editions Libre expression6 Janvier 1996. P 24 et 25.

  • 6 Il s'agit probablement de M. Guinoiseau de Drouges ( Document sur son arrestation)

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                                                 f2gr15.gif (202 octets)  fgr15.gif (168 octets)   fd15.gif (168 octets)   La prison Jacques Cartier

 

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