17/05/2010
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Henri Provostic, dit "Benoît "
Son rôle réel dans la Résistance reste méconnu, en dehors du titre de Chef cantonal de Ploudalmézeau situé sur la côte au nord de Brest.
Né le 5 décembre 1900, il ouvrit les yeux la première année du siècle qui connut la véritable révolution de notre humanité dans la connaissance destinée à un usage pacifique et, malheureusement, meurtrier aussi.
Qui fut-il réellement ? Des recherches ont été effectuées depuis une dizaine dannées pour découvrir ce personnage maintenu dans loubli.
Notaire dans la commune de Ploudalmézeau, il avait déjà un sens très fort du droit et du service mais discret, préférant une place dadjoint à celle de maire. juge de paix du canton, il rendait la justice gracieusement.
La guerre survint et, malgré des charges très lourdes : ses fonctions et une petite famille de quatre enfants, deux autres naîtront durant les hostilités. Il sengagea aussitôt dans la Résistance.
A Brest, les Anglais abandonnèrent matériel et armes de toutes sortes. Spontanément, des patriotes sorganisèrent pour mettre à labri ce trésor quil ne fallait pas laisser entre les mains de lenvahisseur.
La Résistance venait de naître.
Le docteur Jacques André, de Saint-Renan, dont le père fut officier dans le bataillon de Ploudalmézeau, a pu faire lhistorique de la Résistance dans la région grâce à des documents dépoque et des témoignages. Il a transcrit les faits dans un livre intitulé : " Le Bataillon F.F.I. de Ploudalmézeau " paru en 2003.
De ce livre, il en est tiré lhistoire d'Henri Provostic, pseudonyme "Benoît " dans la Résistance, qui a dépassé le rôle officiel de chef cantonal. Nous allons donc parcourir rapidement les pages de ce qui restera un livre dhistoire.
Les premiers patriotes qui réagirent avant larrivée des Allemands constituèrent le groupe Elie. Son chef, Louis Elie, était transporteur à Brest. Les armes furent mises en lieu sûr chez Jean Tromelin, minotier à Plouguin, mutilé de la guerre 14-18 et grand ami dHenri Provostic. Ce groupe fut décimé rapidement.
Henri Provostic implanta le Réseau Alliance dans la région et structura le groupe de Ploudalmézeau.
On peut dire que les réseaux Confrérie Notre-Dame-Castille du Colonel Rémy, Alliance, Défense de la France, Quand-même, Libération-Nord, Jade Fitzroy travaillaient en étroite collaboration.
La côte au nord de Brest avait une importance stratégique particulière, étant située entre un grand port militaire et lAngleterre. Il fallait donc communiquer avec les Alliés dans des conditions extrêmement difficiles et risquées.
Au début, les Résistants collectèrent les renseignements concernant lopération Otarie, projet dinvasion en 1940 de lAngleterre par les Allemands.
Puis ce furent les renseignements sur les activités des occupants, la base aérienne de Guipavas, les défenses côtières, lactivité très importante du port militaire et des sous-marins et, ensuite, sur la construction du Mur de lAtlantique.
Il fallait également prendre des informations sur lactivité des collaborateurs, des maires suspects etc.
De nombreux pilotes alliés furent abattus par la " Flack ", tellement efficace quelle fut appelée par les Anglais "the hollow of Death " (le trou de la Mort). Les survivants étaient pris en charge par les résistants. Par dizaines, ils quittèrent la côte au nez des Allemands, dans des conditions souvent périlleuses (surveillance et aléas de lhumeur de la mer) grâce aux agents de Ploudalmézeau dirigés par Provostic et dautres de la région. Le commandant Birkin, père de Jane, y participa en venant les chercher. Dautres partaient par le train, accompagnés de patriotes, pour rejoindre lEspagne pour Gibraltar.
Il fallait aussi fournir des faux papiers aux jeunes réfractaires du S.T.O.
En 1943, les Allemands avaient essuyé de nombreuses défaites, changeant la tournure de la guerre ainsi que le moral de chaque camp. Lespoir de la Libération voyait le jour.
En France, le recrutement de volontaires fut organisé en vue dune insurrection générale future. Les Forces Françaises de lIntérieur (F.F.I.) devinrent effectives en cette fin de 1943, venant se rajouter aux activités des résistants qui en furent le noyau. Il fallut donc structurer militairement les mouvements résistants.
Cest ainsi quHenri Provostic obtint ladhésion du colonel Fonferrier, officier de la Coloniale, dit "Rossignol ", de maître Garion, avoué à Brest, dit "commandant Somme-Py " et du commandant Faucher, dit "commandant Louis ". Dans les F.F.I., Ils assumèrent respectivement les responsabilités de chef départemental du Finistère, chef darrondissement de Brest et chef des arrondissements hors Brest.
Ces Forces Françaises de lIntérieur furent organisées dans toute la France, sous légide du général Koenig, fruits du travail dunification de Jean Moulin. Elles sétofferont de mois en mois, particulièrement en juillet et août 1944.
Avant la création des F.F.I., deux groupes daction directe étaient déjà formés par Henri Provostic.
Leur rôle fut denlever les tickets dalimentation et de textiles dans les mairies et commissariats, les cachets et papiers, faire dérailler des trains allemands, voler des armes et munitions, saboter.
Cest ainsi que les citernes de carburant des pétroles Jupiter sautèrent dans le port de Brest. 400 000 litres de carburant partirent en fumée bloquant les sous-marins, navires et camions allemands durant une semaine.
Les premières arrestations
Quelques jours avant le débarquement, se produisirent les rafles des principaux patriotes par le kommando Schaad, composé de S.S. allemands mais, aussi, de Français.
Le 26 mai 1944, le colonel Fonferrier, chef militaire départemental, sera arrêté par le kommando accompagné dun traître de Brest. Henri Provostic fut informé de larrestation et on lui annonça lattribution dune nouvelle charge, celle de Fonferrier apparemment, dont il était déjà ladjoint.
Le 31 mai 1944, cinq jours après, ce fut la rafle dans le groupe des Patriotes. Certains prirent la fuite à temps. Henri Provostic, informé de limminence de son arrestation se rendit à son étude pour rassembler les documents compromettants pour toute lOrganisation. Il les remit à Monsieur Mazéas, Receveur des Postes et membre du Groupe. En sortant de létablissement, un " indicateur " fit signe de la tête aux Allemands qui encerclaient le quartier.
Les Allemands, bien informés, se rendirent dans différents lieux, se dirigeant directement sur les caches darmes
Henri Provostic et Joseph Mouden furent atrocement torturés au Château de Trouzilit en Tréglonou. Henri Provostic se défendit comme un beau diable, cassant même une chaise sur ses tortionnaires.
Les épouses, emmenées par les gendarmes français, furent mises en présence de leurs époux torturés.
Ces lieux de supplices n'en ont gardé aucune trace de souvenir !
Dautres arrestations suivirent. Cest ainsi que le 10 juin 1944, les résistants prisonniers quittaient la gare de Brest pour le camp Margueritte à Rennes et embarquaient dans les convois des 3 et 4 août, occultés à ce jour, emportant des milliers de patriotes dans ses wagons vers "l'indicible ".
Seuls, le docteur Lucas et Joseph Coum purent sévader.
Les F.F.I dans la région de Brest
Durant leur terrible dernier voyage, les F.F.I., issus de leur uvre, se mettaient en action. Ceux de Brest et ses arrondissements jusque Plouescat rassemblèrent près de 5 000 hommes.
Le bataillon de Ploudalmézeau compta 1 100 volontaires et, fait unique en France, rallia 164 officiers et soldats russes de larmée rouge de Vlassov, avec armes et bagages. Il était structuré comme une petite armée avec son chef, ses adjoints, interprète, aumônier, secrétaires, fourriers, bouchers, maîtres dhôtel et cuisiniers, médecins et infirmiers, section automobiles, agents de liaison etc avec grades et soldes.
Linstruction des jeunes recrues au maniement des armes, fournies par Provostic, se faisait dans lentrepôt de charbon Kerleroux et les séances de tir se déroulaient au manoir en ruines de Prat-Meur en Ploudalmézeau.
Ce bataillon était divisé en cinq compagnies composées chacune de sections qui, elle-mêmes, étaient divisées en groupes. Les Russes formèrent deux compagnies supplémentaires.
A la lecture du livre du docteur Jacques André, fortement documenté avec le nom et le rôle de chacun des participants, il peut être constaté que ce bataillon ne fut pas constitué par des amateurs.
Il nest pas surprenant que, dans certains discours, le canton de Ploudalmézeau fut cité comme le premier canton résistant de France.
Il participa à la libération de Brest et sa région, recevant les éloges et témoignages de reconnaissance des généraux américains.
Mais quel éloge serait plus marquant que celui dun ennemi, le général allemand Ramcke lui-même, ayant défendu la place de Brest, qui a dit :
" Les Bretons sont de loin le peuple le plus solide de France et cest dans le Finistère que vivent les plus Bretons dentre eux ".
En effet, dix-huit communes et villes de France sont titulaires de la Médaille de la Résistance. Trois ont été attribuées dans le Finistère : Brest, Plougasnou, lîle de Sein. La croix de la Légion dHonneur fut conférée à la ville de Brest. Ploudalmézeau aurait pu faire, également, lobjet dune reconnaissance
Cest souligner à quel point lengagement dans la Résistance fut profond et efficace dans la Région.
Que tous les Patriotes anonymes, oubliés par une société libérée, se retrouvent en la personne des résistants reconnus, comme frères darmes fiers de leur dignité, ne regrettant pas le choix quils ont fait dans des périodes où il nétait pas facile de choisir et de simpliquer.
Car lhistoire nappartient quà ceux qui lont faite.
Henri Provostic mourut le 7 décembre 1944 au camp de Melk, kommando de Mauthausen. Son corps fut incinéré dans le four crématoire du camp qui réduisait alors en cendres 20 à 30 corps par jour. Il venait davoir 44 ans.
On lui attribua des titres posthumes :
grade de lieutenant ;
chevalier de la Légion dHonneur,
croix de guerre avec palme ;
médaille de la Résistance ;
citation à lordre de la Nation.
Le colonel Fonferrier se trouvait au camp de Bergen-Belsen qui fut libéré par les Britanniques le 15 avril 1945 mais, trop épuisé, mourut le 27 du même mois.