(Éd: 02/01/2024)

g-b.gif (311 octets)        accueil-mdg1.gif (1380 octets)
   

 

L’arrestation de Pierre Taillandier par la Gestapo, dépositaire de presse à Fougères

Rien ne ressemble plus à un film de série noire que la chronologie de l’arrestation de Pierre Taillandier, si ce n’est que la vie de l’intéressé est vraiment en jeu et que le suspense prélude à un dénouement irrévocable.  La date  de l’arrestation n’est pas restée dans la mémoire, seul l’enchaînement des faits se déroule selon un scénario resserré.

Tout commence avec l’irruption de trois membres de la Gestapo, dans le magasin « Maison de la Presse », la fouille systématique et la descente au sous-sol où ils découvrent une imprimerie … clandestine probablement.

Pierre Taillandier est immédiatement emmené dans une voiture, puis transféré  dans un endroit tenu secret. Il y a tout lieu de soupçonner une activité de résistance. En effet, Taillandier appartient au réseau de Constant Forveille,  d’André Huet, son beau-frère, militants très actifs.

Sur le trottoir d’en face, se trouvent Francis Huard, Marguerite Lane et Henriette Ledoux, membres du personnel. Taillandier a le temps de glisser au passage : « Fais vite, va voir Constant ».  Huard enfourche sa bicyclette, rejoint l’atelier de Constant Forveille, menuisier à son compte et lui rapporte l’évènement.

Forveille part à bicyclette, à son tour, sans dire un mot.

Huard retourne au magasin et y retrouve Madame Taillandier, alors malade. Il prévient les deux femmes employées qu’il a pu parler à  Forveille.

Francis Huard distribuait en brouette les  journaux et les revues dans les bureaux de tabac et chaque jour, il remettait le Pariser Zeitung, périodique en langue allemande, à la Kommandantur, située à l’angle de la rue Jules Ferry et de la rue de Nantes ainsi qu’à la Soldateinem, siégeant à l’Hôtel Moderne.

Taillandier au Soldateinem        

Le lendemain de l’arrestation, Huard trouve Taillandier, assis dans une arrière-salle du Soldateinem et peut lui adresser quelques mots. Dans ce bref échange, Huard comprend qu’il souhaite recevoir des journaux.

Aussitôt Huard transmet cette demande à Constant Forveille et à Madame Taillandier. Aucun commentaire de leur part.

Le second jour, Huard s’acquitte de distribuer les journaux demandés et un colis préparé par son épouse. Les Allemands ne réagissent pas.

Le troisième jour, Huard remet le dépôt à l’Allemand de service. Taillandier est toujours là, mais dans un état de fatigue avéré. Seulement interdiction de lui parler. Huard insiste auprès de l’Allemand qu’il semble connaître pour au moins lui serrer la main. À ce moment-là, l’Allemand le prend brutalement par les épaules, ouvre la porte et avec un bon coup de bottes dans…les fesses, il l’envoie basculer dans l’escalier du premier étage. 

Les jours suivants, Huard retourne déposer les journaux, mais il ne revoit plus Taillandier. Que s’est-il  passé ? Mystère.

Évidemment Huard s’empresse de communiquer sa surprise à Madame Taillandier et à Constant Forveille, puisqu’il habitait face à son atelier, au n° 7 de la rue Amand Harel. Sombres pressentiments, mais aucune nouvelle de ce Monsieur Taillandier.     

Au moment de la déclaration de Francis Huard, dans les années 1985,  l’émotion, toujours présente, ne lui permet pas de dire que l’arrestation a eu lieu le 7 décembre 1943, quelques jours après celle du chef du groupe « Défense de la France », Etienne Lorin, dit « Keral ».Sa mission était de diffuser des journaux clandestins, de camoufler des armes parachutées et des rechercher des terrains d’atterrage. Taillandier est condamné par le Tribunal spécial de Rennes à deux ans de prison, puis déporté le 6 avril 1944 de Compiègne vers Mauthausen. Il décède le 20 septembre 1944, à Hartheim, en Allemagne.                     

Heures tragiques

Quelques mois plus tard, la ville de Fougères est bombardée par les avions alliés, à deux reprises, la première fois dans la nuit du 6 juin 1944, la seconde fois, dans celle du 8 au 9 juin.

Le bilan est catastrophique, il s’élève à 300 morts, sans compter les blessés et les dégâts matériels considérables. La ville est considérée comme  sinistrée.

La famille de Francis Huard est durement éprouvée, trois de ses proches sont tués sous les décombres. Sa maison est entièrement détruite.

André Huet et Constant Forveille sont réfugiés avec Constant Huard. Le 10 juin 1944, ils retournent rue Amand Harel et sont  abattus par des miliciens. L’Opinion Fougeraise, hebdomadaire d’information, relate, dans son édition du samedi 13 janvier 1945, la cérémonie religieuse à l’église Saint Léonard. Mémoire est faite des fusillés : Georges Bernard, Jean-Baptiste Billard, Henri Doré, mort des suites des traitements infligés par la Gestapo place d’Armes, Armand Pavis, exécuté par les miliciens à Rennes, Jean Fresnel, Vital Chevrel et Constant Forveille, tué chez lui, deux jours après le bombardement.

   

 

De nombreuses exécutions sont le fait de Francs-Gardes de la Milice qui effectuent une descente dans le pays de Fougères. Entre le 6 juin et le 4 août, date de l’arrivée des Américains à Fougères, les exactions sont le fait de ces hommes que rien n’arrêtait dans leur brutalité et dans leur fébrilité. La fin de la guerre voit se succéder rires et larmes, comme si le dénouement se traînait avec liesse et éructation.

 

Daniel Heudré