Ouest-France dans un article du 26 août 1994 résume comment Marian Wilke Polonais enrôlé de force dans l’armée allemande, s’est évadé de la Wehrmacht, comment il a été recueilli par des familles françaises ou, devenu " sourd-muet " il a rejoint les FFI.
(Ouest-France du 26 août 1994 )
Il s’évade de la Wehrmacht et rejoint les F.F.I.
L’histoire de Marian le Polonais
Sous sa barbe épaisse, Marian Wilke impose le respect lorsqu’il évoque ses souvenirs de guerre. Il passe du rire aux larmes. Difficile d’être là, à essayer de partager un épisode douloureux de sa vie. C’est l’histoire d’un Polonais enrôlé de force dans l’armée allemande. Évadé, recueilli par des familles françaises, " sourd-muet " et F.F.I..
Entraîné dans le tourbillon dévastateur de la guerre en juillet 1942, le jeune Polonais Marian Wilke est mobilisé de force dans l’armée du Reich. " L’ennemi nous a terrassé. Et comme je ne voulais pas y aller, j’ai passé huit jours en prison avant de rejoindre Berlin. " Puis, direction la France. Volontairement mauvais soldat, Marian ne connaît que les garnisons isolées ou disciplinaires, comme au camp de Coëtquidan d’où il s ‘évade un certain 15 janvier 1943. " Je suis un évadé, pas un déserteur. Cette armée n’a jamais été la mienne. "
En parlant de son évasion Marian fixe le vide. Les images douloureuses défilent : " J’essaie de rejoindre Saint-Raoul. Une patrouille arrive et aussi sec, je fonce à travers champs. Je cours et je me relève, sans savoir que j’étais tombé. J’ai effectué huit kilomètres de 19 h. à 3 h. " En plein hiver, il se fait emporter par les courants de l’Aff avant d’arriver au hameau de Thélin, transi de froid, affamé et perdu dans son grand uniforme allemand. " Je frappe à la première porte, le sacristain m’ouvre. Je suis un miraculé. "
Il sera sourd-muet !
Sur sa route, il ne manquera pas de braves pour lui tendre les bras : Eugène Bouvier, Julien son frère et surtout le docteur René Chesnais. Chez ce dernier, Marian se retrouve " au cœur d’un réseau de résistance spécialisé dans le renseignement. Un miracle. J’ai tout raconté et notamment les camps qui existaient en Pologne. Personne ne savait rien. " On a l’impression qu’il ne peut pas y croire.
Spécialiste des abris
Marian est rapidement transporté chez Mlle Récipon à Laillé. Auparavant, il change de nom et devient Roger Piedon, ouvrier de cirque. " Bienvenue mon ami, m’a t-elle dit en m’accueillant. Et pourtant, précise t-il les yeux embués de larmes, elle ne m’avait jamais vu ! " Marian restera chez elle du 28 janvier au 26 décembre 1943. Pour ne pas attirer l’attention, il doit être aussi discret que possible. Sourd-muet ! il sera sourd-muet : c’est une idée de Mlle Récipon. " On a fait beaucoup d’exercices pour que je m’habitue. A force, je m’exprime devant ma glace pour ne pas oublier de parler "
Chez cette " grande Patriote " les Parachutistes défilent régulièrement et Marian se charge de leur construire des abris. " Des abris souterrains de trois places, totalement camouflés avec des arbres et de la mousse. Comme quoi un camouflé peut en camoufler un autre. " La vie était presque belle, jusqu’au jour où sa protectrice est dénoncée. Marian, lui se réfugie chez la sœur de Mlle Récipon, Mme Michelez. Une sérénité éphémère puisque quelques jours plus tard, elle est emmenée à son tour par les Allemands. " Le Pays était orphelin, moi aussi. " Mais la Libération approche et Marian s’enrôle dans les F.F.I.. Peu de commentaires. Il dira seulement qu’il a : " perdu beaucoup de camarades au combat. Tout ce qu’ils ont fait était incroyablement efficace. Il n’y avait pas de déchet, de trahison, d’épuration. " Et de conclure modestement : " Je raconte tout cela en l’honneur des résistants. "
Olivier MARIE