La peur, le qui-vive, les nuits froides, la boue, les gardes solitaires dans les postes avancés sous la mitraille ennemie, les patrouilles, les mortiers, les fusants, la tension, mettaient les nerfs à bout. Lhiver avait été très dur. Il y avait des mois quon avait pas couché dans un lit. Le courrier ne passait que sur carte ouverte. Le moral en prenait un coup. Il y avait des défections chez nous comme chez lennemi ; des rages de dents, des bronchites et ...des abandons de postes devant lennemi. Parfois, cétait sans conséquence, et personne nen parlait. Pourtant, un abandon de poste aux conséquences gravissimes fût officiellement démasqué à loccasion dun accident de la circulation survenu le 8 avril 1945 à Vannes, Ce jour là, un camion P.38 Citroën en cours dimmatriculation se rendait en mission de Locoal-Mendon à Rennes sous la responsabilité de Jean Macé, sergent à la C.B.I. du 1er Bataillon du 41° R.I. avec à ses côtés le Caporal Daniel Robert. Vers 21 heures, à langle de la place du Maréchal Joffre et de la place Gambetta,le camion P.38 entra en collision avec une voiture particulière conduite par la femme du colonel Morice. Les dégâts nétant que matériels le colonel Morice demanda dans son rapport que personne ne soit inquiété pour cet accident. Mais les noms des occupants figuraient sur le rapport. Cest ainsi quon eût la surprise de découvrir le nom de ladjudant H. passager hors mission dans le camion, lequel avait quitté son poste sans permission. On savait que sa mère était malade, et quil souhaitait profiter du camion pour aller lembrasser. Mais en tant de guerre, ça sappelle abandon de poste. Et comme lexemple vient den haut, lun de ses hommes G. V. D. qui était de garde dans un poste avancé de 4 à 6 heures le 9 avril 1945, décida den faire autant et dabandonner son poste de garde devant lennemi, pour sen aller en barque voir une fille quil savait retrouver loin de la ligne de front, à Locoal-Mendon. Le drame, cest que ce 9 avril 1945 vers 5 heures du matin, les boches avaient décidé une incursion dans nos lignes, juste à lendroit du poste déserté, comme sils étaient au courant ! Ces deux abandons de poste simultanés de la part de ces deux monstres dégoïsme, se sont traduits par un désastre pour notre section. Pourtant ils sen sont bien tirés. Allez comprendre ! Ladjudant H. na été que rétrogradé sergent-chef et le 2ème classe a bénéficié lui aussi de la clémence du Tribunal militaire. Ils nauront été finalement moins punis que je ne le fus pour la vie par les séquelles de mes blessures. Ils peuvent remercier le Commandant Frémont. Après la honte des bavures de Monterfil, et la honte de ces désertions et de ses conséquences, il y avait quelque chose de brisé entre nous. La rancur allait s'installer pour longtemps contre ceux qui avait trahi la confiance de leurs camarades. Enfin, à tout péché miséricorde ! Avec le temps, on pardonne. Mais le 9 avril 1945 est resté pour nous un souvenir de honte et dhumiliation .
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