23/08/2020

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Tenir la presqu'île du Plec

 

Le P.C. de la nouvelle 3° Cie (notre ex-12°) se trouve désormais installé à "Listrec" en Locoal-Mandon face aux parcs à huîtres du père Landeau, vite dévasté par les FFI. On disait que l’armée indemniserait. Des reconnaissances de dette auraient été remises aux intéressés !

La 12° Cie prend position le 20 décembre 1944 sur la presqu’île du Plec et la Pointe du Verdon Nous avions toujours à la section engins le futur célèbre champion cycliste Louison Bobet.

Voici un rapport du Commandant Frémont qui en dit long sur la situation sur le front fin décembre 1944 :

 

Copie document :

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III° Région militaire

19° DI

41° Régiment d’Infanterie

1er Bataillon

                                                            RAPPORT SUR LE MORAL

                                               EN EXECUTION D’ UN MESSAGE TELEPHONE

                                                              DU 21/12/1944

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                                                           1 – GENERALITES

 

            D’ordre Militaire .-

 

            Le bataillon est intégré depuis peu dans la nouvelle armée régulière française, dans le cadre du 41° R.I. et par voie de conséquence de la 19° D.I. prévue depuis août comme devant être motorisée dans un avenir plus ou moins éloigné.

 

A l’époque de ce rattachement, les cinq compagnies F.F.I. d’Ille et Vilaine qui composèrent à elles seules le 1/41° ressuscité, se sentirent transportées de joie. Enfin on reconnaissait en haut lieu leurs mérites certains et tous les espoirs leur étaient permis. Parmi ceux-ci, le bataillon nourrissait celui de se voir rapidement habillé, équipé et armé d’une façon définitive afin d’être engagé, après une période d’instruction et d’adaptation la plus courte possible, dans la lutte décisive contre l’Allemand. Le moral de tous, à ce moment là, était le plus élevé qui se puisse concevoir. Il l’est encore mais à un degré moindre, car tous sentent plus ou moins confusément d’ailleurs, que la volonté d’arriver à ce résultat est insuffisante aux échelons supérieurs. Il n’est en tout cas maintenu à ce niveau que par l’action directe des cadres subalternes sur leurs subordonnés. Quoi qu’on en dise, les liens qui unissent les hommes du bataillon à leurs chefs directs, avec lesquels ils sont en contact permanent sont aussi puissants que divers et j’ai pu me rendre compte à plusieurs reprises que les cadres et la troupe forment un tout qu’il semble impossible de dissocier, sans exposer l’unité à des risques certains de désagrégation. Etre près de la troupe ne signifie pas seulement, à notre sens, faire près d’elle de la démagogie facile et à la portée de tout le monde, mais à partager complètement et avec la plus entière confiance ses joies, ses peines, ses fatigues et ses moments de détente. Le facteur primordial de cet esprit de corps est, sans aucun doute, la confiance absolue qui unit nos soldats aux chefs qu’ils se sont eux-mêmes donnés depuis de longs mois dans la Résistance et dans les Maquis.

 

En définitive, on peut dire que le bataillon est encore ce qu’on peut appeler un beau bataillon auquel sont fiers d’appartenir les officiers, sous-officiers et soldats qui le composent. Ceux-ci sont désireux de voir encore se renforcer la tenue et l’organisation de l’unité dans le sens précité plus haut et ce, afin de mériter sans aucune équivoque l’estime, l’affection et le respect de la nation toute entière.

 

D’ordre politique .-

 

L’unanimité sur ce point est complète. Aucune conversation, et à plus forte raison, aucune discussion de caractère politique n’ont, à ma connaissance jamais été entamées, soit entre militaires appartenant à des compagnies différentes, soit au sein même des unités. Et pourtant les opinions sont extrêmement diverses, bien que la majorité des officiers, sous-officiers et hommes, soient consciemment ou non, de gauche et même d’extrême gauche ; mais ils respectent à cet égard le statut militaire et, bien qu’ils soient des hommes libres, volontaires pour aider à la reconquête de la France, de son Empire et aussi de leurs libertés, ils n’ont pour arriver à ce résultat qu’une idée « combattre » et ceci exclut cela. J’ajoute qu’il en est de même du point de vue confessionnel.

 

D’ordre social .-

 

Le milieu social est ce qu’il a toujours été dans l’armée, c’est-à-dire très divers, mais à l’encontre de ce qui existait autrefois, aucun désaccord dû à cet état de choses ne s’est produit. Ce fait n’est pas autrement surprenant si on veut bien considérer que les gradés aussi bien que les hommes du Bataillon ont justement pris les armes pour défendre et faire triompher leur idéal social. Il serait, à mon sens, désirable que les relations qui unissent les officiers, les sous-officiers et les soldats du Bataillon dans le service et en dehors du service soient susceptibles d’être généralisées ce qui permettrait d’augurer favorablement de la solution des problèmes sociaux qui se posent en France.

 

D’ordre matériel .-

 

Si le moral, comme je l’écrivais plus haut, est encore ce qu’il est, on ne peut pas dire que c’est grâce à l’amélioration des conditions de vie matérielle du soldat. Bien au contraire, hélas ! Il faut pourtant qu’on se persuade en haut lieu qu’il est indispensable d’assurer à la troupe un minimum de bien-être matériel et physique. Or actuellement, l’impéritie des services est telle que les plus graves préoccupations des commandants de compagnie ont trait à l’alimentation et à l’entretien physique de leurs troupes. Le chef de bataillon et son personnel chargés de l’approvisionnement sont constamment harcelés de réclamations de la part des compagnies, soit parce que le ravitaillement est insuffisant, soit parce qu’il n’est pas régulièrement distribué aux unités en ligne. Dans le 1er cas, l’intendance est seule en cause, dans le second, les difficultés quasi insurmontables que nous rencontrons sont dues uniquement au mauvais état de notre matériel roulant et à l’absence presque totale de pièces nécessaires aux réparations et à l’entretien des véhicules.

 

Je me garderais bien de passer sous silence la question primordiale de l’uniformité d’armement et de munitions, le ravitaillement en ligne en moyens de combat, l’absence totale d’artifices, de signaux, de fil de fer barbelé, etc ... etc ...

 

Pour conclure ce paragraphe, je citerai le mot d’un de mes meilleurs officiers, qui est en même temps un vieux compagnon d’armes de 39-40 et de la Résistance au cours de considérations que nous échangions récemment sur l’état du matériel du Bataillon «Il y aurait, me disait-il, des volumes à écrire à ce sujet, aussi bornons-nous seulement à dire que, dans ce domaine, tout manque, même la bonne volonté de pas mal de services »

 

        II – OFFICIERS

 

La majorité des officiers constituant l’encadrement du bataillon est formé par d’anciens officiers et sous-officiers d’active ou de réserve ayant participé au début de la guerre (campagne 39/40). A une ou deux exceptions près, ils ont en outre, fait partie de la Résistance sous l’occupation. Pour eux, leur plus belle récompense est d’avoir à se battre à nouveau, en uniforme, cette fois contre l’Allemagne et achever ainsi de mériter leur grade obtenu dans la Résistance. Nos autres camarades proviennent uniquement des FFI et doivent leurs galons à leur jeune valeur et à l’énergie dont ils ont fait preuve dans la Résistance pour organiser sous l’occupation allemande des unités entièrement constituées et équipées par leurs propres moyens et à les mener au combat. Il est évident qu’ils manquent de technique militaire, mais leur désir d’apprendre est manifeste ; aussi demandent-ils comme le demande l’ensemble des officiers du Bataillon à être commandés et instruits dans l’art du combat moderne par des chefs et des instructeurs dignes d’eux, tant du point de vue militaire que du point de vue moral, que ces chefs possèdent surtout la même foi et le même idéal que ceux dont ils sont animés.

 

                                           III – SOUS-OFFICIERS

 

Beaucoup sont à l’image de leurs supérieurs. Presque tous sont mariés et pères de famille. Ceux-ci ont abandonné leur travail et leur foyer pour combattre le boche et faire triompher leur idéal. Dire qu’ils font leur travail avec cœur et surtout avec compétence quand il s’agit de la vie de garnison ou de camp serait sinon complètement faux du moins exagéré, mais par contre, ils remplissent admirablement leur tâche depuis que nous sommes en secteur. Rien d’étonnant à cela, ce sont d’anciens maquisards. Pour certains d’entre eux, les meilleurs et en particulier ceux d’active, il faudrait envisager de les avantager, car ils constituent un personnel d’élite, en leur donnant un avancement mérité et en facilitant, par la suite le recrutement d’officiers de carrière dans le corps des sous-officiers auquel ils appartiennent. A tous le séjour en secteur fait beaucoup de bien, leur instruction y a déjà gagné et les stages de perfectionnement leur permettront encore de le parachever.

 

                                            IV - TROUPE

 

En général, elle a un moral excellent, car elle est formée uniquement d’engagés volontaires ; mais il faut quand même y distinguer 3 catégories. La plus importante (70% de l’effectif) se composent de jeunes hommes ardents, animés d’un haut idéal patriotique et social. La seconde (20%) braves garçons qui se sont engagés pour faire leur service et qui l’accomplissent comme on le faisait avant 39, par devoir, mais sans conviction profonde. Ce sont quand même de bons soldats et ils s’améliorent grandement au contact des premiers. Quand au reste (10%) il est composé pour la plupart de désœuvrés, de camouflés par force, voire même de paresseux qui se sont engagés sans trop savoir pourquoi. Peut-être espéraient-ils un bien être matériel facile à obtenir puisqu’il ne dépendait pas d’eux-mêmes. Quoique cela, il ne faut pas désespérer de les amener à nos conceptions, j’ai déjà été témoin de conversions de ce genre et leur contact permanent avec les premiers cités ont déjà porté ou porteront leurs fruits.

 

En tout état de cause et en considérant qu’ils sont tous et tout de même volontaires ils doivent être encouragés et aidés par tous les moyens. Ceux qui désirent rester pour un assez long temps dans l’armée ou y faire leur carrière doivent avoir des facilités pour suivre les cours d’élèves gradés. Et puis le fait est là que, pour la majorité d’entre eux, l’ardeur patriotique qui les anime tranche lumineusement avec l’apathie et la méfiance d’une trop grande partie de la population française. Rien que cela les rend conscients des devoirs militaires qu’ils sont prêts à assumer mais aussi des droits qu’ils se sont acquis et qu’ils continueront d’acquérir, droits que nous, leurs chefs, défendront avec eux par tous les moyens.

 

                              I – CONSIDERATIONS D’ ORDRE MATERIEL

 

Nous concevons parfaitement que la dotation matérielle des unités en formation est pénible en raison de la situation actuelle du pays, mais nous rendons moins parfaitement compte que les solutions qui auraient dû ou devraient être possible ont été ou sont rendues difficiles du fait de l’apathie, de l’indifférence voire même de l’hostilité dont font preuve à l’égard de la future armée française, les services de l’ancienne impuissance de ceux-ci à réaliser la situation et à y faire face avec des méthodes nouvelles et efficaces ou, ce qui serait plus grave, sabotage conscient à l’égard des formations nouvelles du fait d’individus ou par la jalousie ou la méfiance ? Or, il faut bien se dire que les bonnes volontés quelles qu’elles soient ne résistent pas à la force d’inertie, mais qu’on ne s’y trompe pas, nous sentons à certains indices que la patience s’émousse et qu’il est grand temps qu’on s’en rende compte en haut lieu. Nous avons jusqu’ici tenu nos hommes avec quelques réalisations et beaucoup de promesses. Ils savent que nous souffrons comme eux de l’état de chose existant. Nous voulons nous battre et nous demandons pour cela les outils qui nous sont nécessaires. Nous ne demandons que cela et, pour concrétiser nos besoins, nous dirons qu’il faudrait doter à bref délai nos unités du matériel, de l’armement, de l’équipement et de l’habillement prévus aux derniers tableaux parus, comme ont été d’ailleurs dotés les bataillons dits « de sécurité et d’instruction » constitués en même temps que le nôtre.

 

                                             IV - INITIATIVES

 

Du point de vue matériel, elles ont été, elles sont et elles devront être, nous le craignons, encore très nombreuses, trop nombreuses, car dépassées, présentes ou futures, ont tenu, tiennent ou tiendront toujours du trop fameux  système « D » que de ce qu’on peut appeler véritablement de l’initiative. Comment pourrait-il être autrement puisque trop souvent la réponse à nos demandes est négative ou incertaine.

 

Heureusement que du point de vue moral, il en a été tout autrement. En effet, il convient de rappeler ici que c’est grâce à leur énergie et à leurs initiatives personnelles que les officiers et sous-officiers qui se sont trouvés placés à la tête de formations issues de la Résistance sont parvenus à organiser leurs unités et à les fournir au commandement mises sur pied avec leurs effectifs, leurs cadres, leur armement et leur matériel, ces deux derniers récupérés d’ailleurs sur l’ennemi.

 

Pour conclure ce chapitre nous nous bornerons encore une fois à citer textuellement l’un des officiers du bataillon : « Si c’est de notre initiative (et ceci est pris dans le sens le plus large, c’est-à-dire, troupe, sous-officiers et officiers) dont il s’agit, qu’on veuille bien se reporter à la fin d’août 44 et regarder le bataillon d’aujourd’hui pour juger ». Et encore on aura pas tout vu, car on ne lit pas dans les pensées.

 

                                             VII – SUGGESTIONS ET PROPOSITIONS

 

Elles ne seront pas précisées, les solutions à apporter aux problèmes posés par ce qui précède dépassant nos facultés de résolution, toutefois nous pensons qu’il serait bon d’envisager plusieurs réformes, à savoir :

 

1° Réorganisation des services en général et de l’intendance en particulier sur des bases modernes avec un personnel rompu aux nouvelles méthodes adoptées par les établissements industriels et commerciaux de l’époque actuelle.

 

2° Réorganisation du commandement en supprimant le formalisme archaïque et en confiant les leviers de commande à des hommes dont le but soit de faire la guerre avant tout et tout de suite.

 

3° Application à tous les échelons du commandement de sanctions efficaces en fonction de leurs responsabilités respectives.

 

4° Suppression totale aux divers échelons et dans tous les organismes des relations personnelles, des incapables, des fatigués jeunes ou vieux, des inactifs.

 

5° Suggestion aux services de fonctionner correctement en les invitant à bien se persuader que, s’ils ont été ainsi baptisés, c’était pour servir les armées combattantes.

 

Et nous terminerons cet aperçu d’ensemble en rappelant cette pensée de l’empereur Napoléon 1er qui n’a pas vieilli malgré les années ; « Les hommes de valeur ne manquent pas en France, mais il faut savoir les choisir et les mettre à leur place » Nous ajouterons quant à nous, qu’il faut également vouloir les choisir et vouloir les mettre à leur place »

 

                                               Aux Armées le 31 Décembre 1944

                                               LE CHEF DE BATAILLON FREMONT

                                        COMMANDANT le 1er BATAILLON du 41° R.I.

 

Début janvier 1945, la section est affectée à la défense de la presqu’île du Plec. C’est Jean-Marie le passeur qui est réquisitionné par l’armée, pour sa connaissance des lieus, des courants et des marées pour assurer la liaison et le ravitaillement par mer, notamment avec la pointe du Verdon.

Notre camarade Henri Chapon, chef cuisinier de la 12è l’accompagne toujours pour le ravitaillement. Par nuit claire, ou de jour, ils ont souvent été pris pour cible par l’ennemi, mais heureusement jamais atteints.

Notre secteur postal était le 53.491. Notre sergent-major comptable était le Sergent Guihard. Notre infirmier, sergent fourrier, l’homme sachant tout faire était Arsène Delsaut.

Le 12 janvier 1945, le Camarade Le Pelletier est blessé à la main par balle. Le 22 janvier 1945 c’est le camarade Lumière qui reçoit une balle dans le bras. Puis, le sergent Yves Sentier tombe gravement malade de la poitrine. Il ne veut pas quitter ses camarades. On l’emmènera de force à l’hôpital. Il sera réformé pour tuberculose le 9 février 1945.

De janvier à avril, ce ne sont que des échanges de tirs incessants de part et d’autre, à l’arme automatique, au mortier, au canon de 27mm, aux fusants, de jour comme de nuit.

Parfois, il y a des trêves pour laisser passer des civils de la Poche de Lorient Certains camarades culottés, en profitent pour aller visiter les postes ennemis et proposer aux "affamés" (comme on les appelait aussi) du chocolat américain contre des armes personnelles.

Quand le front est calme, des musiciens allemands se font entendre, dans les postes d’en face. Évidemment nos mitrailleuses sont aussitôt pointées dans cette direction

Un beau jour c’est le lieutenant Louis Correy qui se met aussi à cracher le sang. Lui non plus ne veut pas quitter ses camarades. C’est le médecin qui vient le chercher.

Plusieurs font des rages de dents, ce qui est mon cas. J’aurais une courte permission pour me rendre à Auray chez le dentiste qui, sans commentaire, m’arrache une dent.

Nous avions droit quand même de temps à autre à une période de repos dans une ferme un peu à l’arrière, la ferme des Glain. Il y avait là trois belles filles que les militaires courtisaient. Là, nous pouvions dormir en paix relative dans la paille fraîche du grenier, nous laver, nous changer.

Pourtant, des prémices annonçaient bien quelque chose. Notamment un tir de mortier et de fusants nourris mais heureusement trop courts de quelques mètres, et n’atteignant pas la ferme.

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Prise d'armes du 1er bataillon du 41e R.I (Ex 12 Cie F.F.I.