POTIUS MORI QUAM FEDARI (Plutôt la mort que la honte) devise des Bretons
Le 9 avril 1945, vers 5 heures du matin,(4 heures 45 dit le rapport officiel) un commando allemand investit par surprise à la faveur des abandons de postes évoqués dans le chapitre précédent, la position occupée par une section de lex-12° Cie sur la presquîle du Plec en Locoal-Mendon.(en langage militaire situé au 187,800 315,700 - S.P. 53491) Notre poste central c'est la maison du pêcheur Boulard qui narguait lennemi symboliquement et stratégiquement. Symboliquement par ce que nous avions peint au goudron sur le pignon de la maison, face aux allemands, un grand V de la victoire avec la croix de Lorraine au milieu. Stratégiquement, cette position coupait la route aux patrouilles ennemies tentées dinfiltrer nos lignes. Aussi, le pignon de la maison était-il souvent le point de mire des canons de 27 mm et des mitrailleuses den face. Et cette partie de la presquîle était souvent arrosée dune pluie dobus et de fusants, suivies de tentatives dinfiltrations jusque là repoussées. Pourtant ce matin là, la désertion de nos camarades et surtout labandon du poste de garde par V. D., était une porte ouverte dans nos lignes, un peu comme si lennemi était au courant quil savait et ne risquait rien à cet endroit. Certains se sont posés la question. La copine de notre camarade aurait pu parler à quelquun dautre, de ce rendez-vous. On savait quil y avait des militants ou sympathisants de la milice Perrot dans les parages. On avait déjà essuyé un coup de feu dans le dos, entre Locoal et Le Plec ... Bref, la brume très épaisse ce matin là, favorisait et protégeait cette incursion ennemie. Lalerte na donc pas été donnée. Les camarades qui nétaient pas de garde dans un des trous dhomme disséminés autour du poste central dormaient donc profondément dans la maison Boulard, les uns dans la cave, les autres à létage, tout le monde dans la paille, à même le sol. A ce moment là, étaient présents dans le poste : le caporal Hamon, les soldats Le Poulichet - Delaunay - Vallet - Chiron - Hue - Senant - Fevrier - Coignard Travadon Aillet - Pohin Cavret. Les Allemands avantagés avantagés par leffet de surprise, ont attaqué le poste à la grenade et à la mitraillette. Les Français ainsi réveillés mais encore allongés nont pas été touchés. Dans une mêlée indescriptible des camarades dormant à létage ont réussi à séchapper en sautant dune fenêtre et sont allés se cacher derrière les cages à lapin. Mais ils navaient pas eu le temps de se saisir de leurs armes. Le Caporal Georges Hamon a été gravement blessé dès le début de lattaque. Dormant à la cave, contre le râtelier darmes, lauteur a pu saisir son fusil américain automatique et séchapper en tirant sur la silhouette ennemie qui mitraillait lintérieur depuis la porte. Dans la brume encore épaisse, on ne voyait pas doù venaient les grenades, ni les rafales de mitraillettes. Les camarades cachés derrière les cages à lapins toutes proches ont témoigné et déclaré à lenquête le lendemain que lauteur avait dabord été blessé aux jambes et quil a continué à tirer vidant son chargeur avant dêtre blessé au bras. Son fusil taché de sang a été retrouvé le lendemain matin, marquant l 'emplacement où il était tombé. (Lire le compte rendu du commandant Frémont sur ce coup de main allemand) Comment ne pas être marqué à vie par cet instant où lon voit son sang séchapper, où on le sent sortir par la blessure où la terre simprègne de sa couleur, où lon sent la faiblesse vous envahir et quun allemand sapproche, mitraillette pointée, donner un coup de botte pour éloigner le fusil et vous retourner le corps de la même manière Deux brutes ennemies traînent Le Poulichet (blessé) près de ses camarades : Delaunay - Vallet - Chiron - Hue - Senant - Février et Coignard couchés sur le ventre, les mains sur la nuque, deux mitraillettes pointées dans leur dos. Là, on dépouille chacun de ce quil possède de visible. On arracha la chaînette que portait lauteur autour du cou avec une médaille de Jeanne dArc reçue dans son enfance au patronage du même nom à Rennes. Dun côté était la Sainte combattante et de lautre une épée pointe en haut supportant une couronne matérialisée par un trait horizontal et trois points au-dessus figurant la couronne. On traîne tout ce monde jusquà un dinghy de caoutchouc qui attendait là pour nous emmener sur lautre rive. Arrivé sur la berge den face, on se retrouve dans une petite ferme toute proche, où lon découvre le même décor que chez nous, la même similitude de vie que la nôtre. Cest la même paille pour litière à soldats. Puis, lon se retrouve dehors, appuyé contre le mur. On nous traite de terroristes pendant que des Allemands nous mettent en joue. On a cru notre fin arrivée. Mais non, un officier donne des ordres. Ils ont besoin de monnaie déchange...(Lire : Le cynisme des allemands Du coup, un soldat allemand me prend dans ses bras et me porte jusquà une ferme voisine servant dinfirmerie. Là, on me met nu, on me nettoie le sang qui a coulé sur mon corps. On mallonge avec trois autres blessés allemands, dans une ambulance qui vient darriver. Sans attelle et sans plâtre, sur les chemins cahoteux empruntés par lambulance, jusquà Port-Louis, cest le parcours de la douleur, Je ne me sens plus quà moitié vivant mais conscient. Des obus alliés éclatent de -ci, de-là, le long du parcours, quelques éclats atteignent même lambulance. Arrivés à Port-Louis, on me descend à bras dhomme maladroits sur le bateau par un escalier de bois aux marches glissantes. Des obus tombent dans leau tout près du bateau, soulevant des gerbes deau. Apparemment, la peur règne sur le bateau. Des infirmiers saffairent à ranger fébrilement les blessés et moi avec sur des civières. Jai une couverture allemande sur moi et voilà quon semble me prendre pour un allemand, car on me parle en allemand. Alors, je fais le mort, je ne réponds pas. Nous arrivons finalement sans casse à la cale de Lorient où je suis installé avec trois autres Allemands dans une ambulance. Jessaie de me repérer, étant venu à Lorient enfant, voir une tante avant guerre, mais il ny a plus que des ruines... Lambulance sarrête à lhôpital maritime allemand, devant un bunker avec une croix rouge où se trouve la salle dopération. Page d'accueil | Sommaire | Page précédente | Page suivante | Photos et documents | Liens |