19/03/2010

menu01[1].gif (402 octets)

Le dernier coup de main allemand dans nos lignes

POTIUS MORI QUAM FEDARI (Plutôt la mort que la honte) devise des Bretons

Le 9 avril 1945, vers 5 heures du matin,(4 heures 45 dit le rapport officiel) un commando allemand investit par surprise à la faveur des abandons de postes évoqués dans le chapitre précédent, la position occupée par une section de l’ex-12° Cie sur la presqu’île du Plec en Locoal-Mendon.(en langage militaire situé au 187,800 – 315,700 - S.P. 53491)

Notre poste central c'est  la maison du pêcheur Boulard  qui narguait l’ennemi symboliquement et stratégiquement. Symboliquement par ce que nous avions peint au goudron sur le pignon de la maison, face aux allemands, un grand V de la victoire avec la croix de Lorraine au milieu. Stratégiquement, cette position coupait la route aux patrouilles ennemies tentées d’infiltrer nos lignes.

Aussi, le pignon de la maison était-il souvent le point de mire des canons de 27 mm et des mitrailleuses d’en face. Et cette partie de la presqu’île était souvent arrosée d’une pluie d’obus et de fusants, suivies de tentatives d’infiltrations jusque là repoussées.

Pourtant ce matin là, la désertion de nos camarades et surtout l’abandon du poste de garde par V. D., était une porte ouverte dans nos lignes, un peu comme si l’ennemi était au courant qu’il savait et ne risquait rien à cet endroit. Certains se sont posés la question. La copine de notre camarade aurait pu parler à quelqu’un d’autre, de ce rendez-vous. On savait qu’il y avait des militants ou sympathisants de la milice Perrot dans les parages. On avait déjà essuyé un coup de feu dans le dos, entre Locoal et Le Plec ...

Bref, la brume très épaisse ce matin là, favorisait et protégeait cette incursion ennemie. L’alerte n’a donc pas été donnée. Les camarades qui n’étaient pas de garde dans un des trous d’homme disséminés autour du poste central dormaient donc profondément dans la maison Boulard, les uns dans la cave, les autres à l’étage, tout le monde dans la paille, à même le sol.

A ce moment là, étaient présents dans le poste : le caporal Hamon, les soldats  Le Poulichet - Delaunay - Vallet - Chiron - Hue - Senant - Fevrier - Coignard – Travadon – Aillet - Pohin – Cavret.

Les Allemands avantagés avantagés par l’effet de surprise, ont attaqué le poste à la grenade et à la mitraillette. Les Français ainsi réveillés mais encore allongés n’ont pas été touchés. Dans une mêlée indescriptible des camarades dormant à l’étage ont réussi à s’échapper en sautant d’une fenêtre et sont allés se cacher derrière les cages à lapin. Mais ils n’avaient pas eu le temps de se saisir de leurs armes. Le Caporal Georges Hamon a été gravement blessé dès le début de l’attaque.

Dormant à la cave, contre le râtelier d’armes, l’auteur a pu saisir son fusil américain automatique et s’échapper en tirant sur la silhouette ennemie qui mitraillait l’intérieur depuis la porte.

Dans la brume encore épaisse, on ne voyait pas d’où venaient les grenades, ni les rafales de mitraillettes. Les camarades cachés derrière les cages à lapins toutes proches ont témoigné et déclaré à l’enquête le lendemain que l’auteur avait d’abord été blessé aux jambes et qu’il a continué à tirer vidant son chargeur avant d’être blessé au bras. Son fusil taché de sang a été retrouvé le lendemain matin, marquant l 'emplacement où il était tombé. (Lire le compte rendu du commandant Frémont sur ce coup de main allemand)

Comment ne pas être marqué à vie par cet instant où l’on voit son sang s’échapper, où on le sent sortir par la blessure où la terre s’imprègne de sa couleur, où l’on sent la faiblesse vous envahir et qu’un allemand s’approche, mitraillette pointée, donner un coup de botte pour éloigner le fusil et vous retourner le corps de la même manière

Deux brutes ennemies traînent Le Poulichet (blessé) près de ses camarades : Delaunay - Vallet - Chiron - Hue - Senant - Février et Coignard couchés sur le ventre, les mains sur la nuque, deux mitraillettes pointées dans leur dos.

Là, on dépouille chacun de ce qu’il possède de visible. On arracha la chaînette que portait l’auteur autour du cou avec une médaille de Jeanne d’Arc reçue dans son enfance au patronage du même nom à Rennes. D’un côté était la Sainte combattante et de l’autre une épée pointe en haut supportant une couronne matérialisée par un trait horizontal et trois points au-dessus figurant la couronne.

On traîne tout ce monde jusqu’à un dinghy de caoutchouc qui attendait là pour nous emmener sur l’autre rive. Arrivé sur la berge d’en face, on se retrouve dans une petite ferme toute proche, où l’on découvre le même décor que chez nous, la même similitude de vie que la nôtre. C’est la même paille pour litière à soldats.

Puis, l’on se retrouve dehors, appuyé contre le mur. On nous traite de terroristes pendant que des Allemands nous mettent en joue. On a cru notre fin arrivée. Mais non, un officier donne des ordres. Ils ont besoin de monnaie d’échange...(Lire : Le cynisme des allemands

Du coup, un soldat allemand me prend dans ses bras et me porte jusqu’à une ferme voisine servant d’infirmerie. Là, on me met nu, on me nettoie le sang qui a coulé sur mon corps. On m’allonge avec trois autres blessés allemands, dans une ambulance qui vient d’arriver.

Sans attelle et sans plâtre, sur les chemins cahoteux empruntés par l’ambulance, jusqu’à Port-Louis, c’est le parcours de la douleur, Je ne me sens plus qu’à moitié vivant mais conscient. Des obus alliés éclatent de -ci, de-là, le long du parcours, quelques éclats atteignent même l’ambulance.

Arrivés à Port-Louis, on me descend à bras d’homme maladroits sur le bateau par un escalier de bois aux marches glissantes. Des obus tombent dans l’eau tout près du bateau, soulevant des gerbes d’eau. Apparemment, la peur règne sur le bateau. Des infirmiers s’affairent à ranger fébrilement les blessés et moi avec sur des civières. J’ai une couverture allemande sur moi et voilà qu’on semble me prendre pour un allemand, car on me parle en allemand. Alors, je fais le mort, je ne réponds pas.

Nous arrivons finalement sans casse à la cale de Lorient où je suis installé avec trois autres Allemands dans une ambulance. J’essaie de me repérer, étant venu à Lorient enfant, voir une tante avant guerre, mais il n’y a plus que des ruines... L’ambulance s’arrête à l’hôpital maritime allemand, devant un bunker avec une croix rouge où se trouve la salle d’opération.

      

Page d'accueil | Sommaire | Page précédente | Page suivante | Photos et documents | Liens