Au Lion d'Angers, Les deux convois
reconstitués sont tirés par deux locomotives. Une à l'avant et l'autre à l'arrière.
Les manœuvres durèrent toute la nuit. Le matin , la population civile et la Croix-Rouge
donnent des sandwichs et de la boisson aux prisonniers. Le personnel des
Chemins de fer
essaye de retarder au maximum le départ du convoi qui repart vers le début de
l'après-midi, mais les chauffeurs et les mécaniciens étaient allemands.
Un groupe de résistants vont tenter
de
saboter la voie ferrée, mais ils n'ont pas la bonne clé. Le rail sera
démonté quelques heures plus tard, mais après que le convoi soit passé.
Des prisonniers venant de Laval montent dans le convoi.
(C'est le cas de Régnier Robert)
Six prisonniers réussissent à s'évader.
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Les tinettes des wagons sont vidées par la
Croix-Rouge. 6 prisonniers réussissent leur évasion . (dont
Pierre Abjean et Julien Danic)
Extrait d'un texte sur Michel Desprez
communiqué par Jean Gaël Cesbron, Président du Souvenir
français. Angers
Un train qui
avait sillonné la Bretagne et convoyait des juifs, des otages et
des résistants à destination des camps de déportation nazis
était annoncé au Lion-d’Angers. On avait appris par la
Résistance que ces gens n’avaient pas mangés depuis plusieurs
jours .Des habitants du Lion s’en étaient émus et avait réussi à
obtenir des Allemands qu’ils puissent les restaurer.
Parmi ces Lionnais, Albert Vailland, l’un des organisateurs,
remarqua Pierre Abjean comme celui-ci descendait du train et
commençait à courir. Il le stoppa, lui disant « Ne courez pas,
je suis un ami » Il lui confia une marmite de soupe, ils
remontèrent ensemble toute la longueur du train en distribuant
cette nourriture aux prisonniers, puis Albert Vailland l’emmena
chez lui, l’affubla d’un chapeau de paille, d’un vieil
imperméable et d’une canne à pêche. Sur ses conseils Pierre
Agjean arriva chez Michel Desprez par le sentier de halage
longeant l’Oudon.
Michel Desprez l’hébergea deux jours avec tous les risques que
cela comportait pour lui et les siens. Ce soir là, Pierre Abjean,
qui n’avait toujours rien dans l’estomac a fondu en larmes
devant un œuf sur le plat dont il n’a pu avaler qu’une bouchée
tellement il avait l’estomac noué par la faim. Puis il a passé
la nuit dans une chaise longue sous une couverture dans le
bâtiment -ancien transformateur des carrières de Neuville. Le
lendemain, Michel avec stupeur vit que celui-ci avait fait une
cachette par dessus chaise longue et couverture sous un amas de
vieux bidons d’essence vides stockés là et, non sans
inquiétude, avait cru quelques instants qu’il s’était enfui.
Pierre Abjean
put ensuite rejoindre l’Espagne grâce à Jean Laurenceau, autre
résistant notable du canton… |
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Témoignage de Joseph Halligon – maire du Lion d’Angers
(1947-1962)
(texte remis par J-M Laurenceau. Souvenir de août 1944 - Le
dernier train.)
La clé qui aurait pu sauver les
déportés du convoi
Un
groupe de résistants part à quelques km vers le château de la
Beuvrière démonter un rail pour bloquer le convoi. La clé est trop petite
pour dévisser les tirefonds du rail. Ils trouvent dans un
village, la bonne clé. Ils démontent le rail, quand ils
apprennent que le convoi venait de passer.
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Témoignage de Madeleine Allard
1:
Après Nantes,
au Lion d'Angers, arrêt où nous retrouvâmes nos camarades partis un jour
après nous, un jour trop tôt. Nous vîmes des Allemands ou sous-officiers,
particulièrement maigres et sales avec des menottes et même pour
quelques-uns des chaînes et des boulets qui les retenaient l'un à l'autre:
nous reconnûmes Peter, l'ancien adjudant-chef de la prison, qui très
amaigri, nous reconnut d'un imperceptible sourire. C'est là aussi que
nous vîmes un train de luxe filant à toute vitesse, nos gardiens nous
apprîmes que c'était la Gestapo et ses archives qui filaient
"courageusement" devant l'arrivée des Américains. Un peu plus loin, nous
vîmes les premiers Américains., tous beaux et bronzés, beaucoup avec une
chaîne et une grosse médaille au cou, c'étaient des Canadiens: nous
échangeâmes avec eux le V de la victoire, derrière le dos de nos gardiens,
généralement indifférents...
... Qu'ils nous
paraissaient beaux et sympathiques ces hommes, qui récemment heureux et
libres, venaient partager notre captivité.
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Témoignage
de Pierre Bourdan
2(2ème convoi)
Samedi 4 août 0h à 7h
"Dans la nuit, nous étions au Lion dAngers.
Allions-nous plus loin ou non ? Pendant sept heures de nuit, le train fit la navette,
avançant de deux ou trois kilomètres et reculant dautant. Pendant ces sept heures,
des gardes suivirent ses évolutions le long des voies, ne nous lâchant pas dune
semelle. Au matin, nous étions toujours en gare et revenus au même point. Le soleil
éclairait les lettres blanches sur fond bleu de la gare et la petite barrière blanche
qui séparait le quai dune place claire, légèrement ombragée, avec son café à
langle dune rue et un bout de terrasse de rien du tout ; étrange vision de
tranquille douceur française à portée de notre main et, cependant, Si incalculablement
loin. Rabache, Gosset et moi regardions les trois ou quatre chaises de rotin et les tables
vertes, sur ce trottoir, comme un paradis perdu. Et je crois que ce fut loccasion de
notre seule discussion Gosset, attiré, obsédé par cette vision comme par un mirage,
croyait faisable de sauter la barrière, de doubler le coin de la rue et de filer il
suffisait dun prétexte quelconque pour faire ouvrir la porte du wagon. Rabache ne
disait ni oui, ni non. Pour moi, j'étais hostile au projet pensant que lun de nous
réussirait peut-être, mais que les autres échoueraient ou provoqueraient une battue
sans merci dans la petite ville.
Samedi 4 août au matin
Les heures passaient. Le problème, pour les Allemands, restait
toujours la même nécessité de réparer les voies, insuffisance de la locomotive
quil fallait doubler. Les traits de nos gardiens sassombrissaient et la
répercussion en fut immédiate. On nous "ouvrit la porte " quelques minutes.
Nous ne pouvions nous empêcher de rire de cette porte qui se cadenassait ou se
décadenassait selon les perspectives dimmobilisation du train, suivant ce que les
Allemands appellent la "konjonktur " militaire et le hasard des combats qui,
dun moment à lautre, pouvait renverser les rôles.
Puis, pendant quelques heures, il y eut des variations. On nous fit
dabord changer de voie une première fois, pour mettre au bout de notre train un
train de maquisards prisonniers. Les deux trains de prisonniers, le nôtre et le leur, se
firent vis-à-vis quelques minutes. Dans lun des wagons que nous pouvions voir de
notre observatoire, des hommes étaient parqués, derrière des grillages, debout, comme
des bêtes dans une ménagerie ambulante. Deux dentre eux nous montrèrent, sur
leurs bras, les zébrures sanglantes quy avait laissées la torture. Dans un autre,
plus petit que le nôtre encore, quarante-huit femmes étaient entassées, avec leurs
bagages cétaient les mères, les femmes et les surs des maquisards que les
Allemands emmenaient comme otages. Ces hommes et ces femmes, exposés au pire sort,
gardaient le front haut et les yeux rayonnants de courage et de confiance. Indifférents,
cette fois, aux gardes qui passaient entre les deux trains, nous leur criâmes
despérer, de ne pas se laisser abattre, car la fin était proche. Ils nous
répondaient "ne vous en faites pas. On les aura. Bon courage à vous aussi et à
bientôt. " Ceux des gardes, qui entendaient, fermaient les oreilles, nez baissé,
mitraillette au dos ; ils ne faisaient guère figure de vainqueurs, auprès de ces
loqueteux aux yeux ardents, dont les regards ne sabaissaient pas même
lorsquun officier allemand, sortant don ne sait où, se campait au milieu de
la voie pour hurler des menaces.
Nouveau changement de voie et de décor. Après le train des
maquisards, ce fut un train de troupes allemandes, qui nous fit vis-à-vis. La petite
gare, sous la pression des événements, se transformait en carrefour. Les soldats
allemands faisaient grande exhibition de torses nus à la portière de leurs wagons, se
chauffant au soleil et faisant de grands éclats de voix, comme si la supériorité de
leur état et de leur race eût strictement dépendu de leur diapason. Parfois, ils
ricanaient, en regardant notre train. Plutôt que dêtre en reste, les Américains
et nous nous pendions par grappes à un barreau pour faire paraître autant
dhilarité tapageuse que nos visages jaunes et barbus pouvaient en exprimer, et les
volets étroits en laisser passer. Cette comédie dura près dune heure, au bout de
laquelle le spectacle prit fin. Le train allemand séloigna et le nôtre fit une
nouvelle navette pour revenir à quai, reprendre sa place initiale.
Samedi 4 août dans l'après-midi
Au Lion dAngers, comme partout ailleurs, nos compatriotes
nous traitèrent royalement ils étaient. Venus, le matin, chargés de paniers de vin et de
provisions ; ils sétaient éloignés, lorsque les Allemands avaient pris notre place; ils revenaient, le soir, avec de nouveaux présents et ce quils avaient pu
recueillir de nouvelles cétaient toujours les mêmes encore quelques heures sans
doute et les Américains seraient là. Sur la place de la gare, des attroupements se
formaient. Une forêt de bras faisait le signe V. Les gardes durent intervenir pour
disperser la foule, non sans peine, dailleurs et, finalement, pour arrêter un
nouveau groupe qui avançait vers la gare avec des sacs de provisions. Une fois de plus,
on sentait un flottement dans les rangs allemands. Langoisse, causée par les
nouvelles et par cette impuissance à emmener ce dernier train de prisonniers vers
lAllemagne, entretenait une nervosité générale. Des gardes, des sous-officiers
même, croyaient plus politique de jeter du lest les officiers intervenaient alors avec
dautant plus de violence. Il y eut même un incident sur le quai un garde voulait
rendre un menu service à un prisonnier, lautre len empêcher ; nous eûmes
une vision de lutte rapide. Un coup de feu. Et, devant nous, un garde nous ne
savions lequel passa nu-tête et désarmé, emmené vers lavant du train. Peu
après, un sous-officier, qui sétait jusque-là signalé par sa brutalité, nous
fit apporter de la paille dans le wagon et nous dit textuellement "rappelez-vous que
cest moi, de ma propre initiative, qui vous ai fait cette faveur. "
Samedi 4 août dans la soirée
Nous commencions à croire que les choses prenaient bonne tournure.
Et, à la fin du jour, latmosphère, dans le wagon, était joyeuse. Les nouvelles,
le bon vin, les sourires aux lèvres de tous ceux qui passaient sur le quai tout cela
compensait largement la fatigue, le défaut presque complet de sommeil et
latmosphère empuantie du wagon. Les Américains reparlaient de leurs états
dorigine, des mérites respectifs du Nord et du Sud, de leurs projets davenir.
Lun, banquier apparemment prospère, promettait aux autres, quaprès la
guerre, il "leur paierait à tous un voyage en France pour y remercier tous les
braves types qui les avaient si bien traités ". Rabache, Gosset et moi, entamions
des parties de cartes où les copeaux de bois, arrachés au plancher, figuraient des
sommes que nous navions pas en poche. De temps à autre, lagent
dassurances, pour se détendre, hurlait à travers les barreaux, le verbe expressif
quil avait appris et faisait se retourner les gardes qui, au spectacle de sa mimique
forcenée, secouaient la tête et se frappaient le front, en murmurant " Verrückt.
"
Une fois de plus, la nuit se passa sans quune occasion de
fuir se présentât, dans une activité incessante et un bruit de voix constant autour de
nous. Le lendemain matin, les Allemands ne cachaient plus leur inquiétude. Les gardes
commençaient dengager avec nous des conversations qui voulaient être amicales. Ils
aidaient les civils à nous passer les sandwiches ou le vin, soffraient parfois à
aller chercher de leau.
Dimanche 5 août
Et, derechef, sans transition, tout changea. Le personnel des
chemins de fer avait fait limpossible pour retarder le départ. Il y avait eu de
violentes querelles entre deux officiers supérieurs allemands et le chef de gare, jeune
et vif, du Lion-dAngers, dont lénergie dans la riposte, en pleine gare, et
devant toute une théorie de gardes-chiourmes, frappa nos compagnons américains. Mais au
milieu de laprès-midi, les Allemands avaient gain de cause. Les voies et la
locomotive étaient réparées ; le train repartait.
Cette fois, tout alla plus
vite. On traversa la gare d’Angers, véritable cimetière de locomotives et de
matériel roulant, bordée, hélas ! De belles maisons qui avaient subi le
contrecoup du pilonnage, et, après une rapide navette, le train filait sur
Saumur. Cette fois, il n’y avait plus de temps à perdre. Les chances d’être
rattrapés par l’avance alliée étaient négligeables. On nous avait bien dit,
au passage à Angers, que nous n’irions pas au-delà d’Orléans, mais nous
devenions sceptiques.. Les huit, qui étaient décidés à s’évader, décidèrent
l’opération pour la nuit, sauf empêchement absolu. C’était d’autant plus
nécessaire que le cours pris par les événements avait transformé nos gardes.
Ils étaient rechargés comme des piles électriques. Pendant les quelques
minutes d’arrêt à Angers, cassants, expéditifs, ils nous avaient montré
qu’on ne plaisantait plus. Et à chaque gare, le train embarquait de nouveaux
soldats allemands trop bien armés."
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Témoignage de l'abbé Paul
Cochard
(fils de Léon Cochard maire du Lion d’Angers de
1929 à 1941)
(d’après un texte remis par J-M Laurenceau Souvenir de août
1944 )
Les premiers secours aux prisonniers.
Au début du mois d'août 1944, venant d'être nommé vicaire à St
Joseph d'Angers, je passais quelques jours de repos dans ma
famille habitant avenue de la gare.
Au matin du 4 août, de bonne heure, un train emmenant en
Allemagne des prisonniers politiques arrêtés en Bretagne,
stationnait en gare du Lion d'Angers pour faire le plein d'eau
de la locomotive. Lorsqu'il apprit la nouvelle, M. Forestier,
maire, obtint la permission de distribuer vivres et boissons aux
prisonniers qui manquaient de tout et mourraient de soif,
parqués qu'ils étaient dans des wagons à bestiaux.
Aussitôt comme une trainée de poudre, l'appel lancé aux Lionnais
fut répercuté de rue en rue et nous vîmes converger vers la gare
des personnes de tous âges et toutes conditions, apportant soupe
chaude, sandwichs, fruits, gâteaux, et vin. Le rassemblement se
fit dans la salle d'attente de la gare, les denrées furent
réparties entre les distributeurs bénévoles, et, lorsque le
maire obtint l'ouverture de la porte, nous nous rendîmes de
l'autre coté du train, sur le 2ème quai, encadrés par les
soldats allemands en armes, assez méfiants devant cette invasion
pacifique.
Chaque wagon était alors entre ouvert pour nous permettre de
faire la distribution. Interdiction nous fut faite de parler aux
prisonniers. En silence donc, nous versions dans leur gamelle de
grandes cuillers de bouillon tandis que d'autres personnes
distribuaient sandwiches, gâteaux, etc. Il faisait tellement
chaud dans les wagons que certains prisonniers s'étaient mis en
slip, d'autres demandaient la permission de sortir pour faire
leurs besoins sous le train.
A l'ouverture d'un wagon j'entendis un prisonnier me dire
(j'étais en soutane) «M. l'abbé, je suis prêtre et je vais
vous confier une mission». Il demanda alors a ses camarades
de faire moins de bruit et sans me regarder pour déjouer les
sentinelles, il me dit à mi-voix : «Je suis l'abbé X du
Morbihan (ndlr Abbé Maurice Barré? cf liste des déportés :
MORIN Jean). Veuillez prévenir la famille Y. qui habite
Les-Pont-de-Cé, juste après le pont. Dites-leur que j'ai été
arrêté pour faits de résistance et qu'il m'emmènent en Allemagne»,
quelques jours plus tard, j'allai porter ce triste message...
L'évasion des prisonniers.
Les prisonniers demandaient surtout à boire. Plusieurs d'entre
nous allèrent chercher de l'eau à la pompe de notre jardin, en
passant par le porche précédant notre maison.
Lorsque les brocs furent vides, les porteurs s'apprêtait à
retourner faire le plein lorsque 2 prisonniers qui étaient sous
le train, se saisirent des brocs et passèrent sous le nez des
soldats allemands qui les prirent pour des Lionnais; ils
passèrent par le porche, gagnèrent notre jardin et demandèrent à
ma mère des vêtements pour ne pas être reconnus, et la
permission d'emprunter les vélos qu'ils avaient vus sous le
porche, promettant de les rendre ... ils purent ainsi s'évader
facilement. quelques semaines plus tard, tout danger étant
écarté, ils revenaient eux-mêmes ramener les vélos.
Tandis que nous continuions notre office de bon samaritain,
regardant vers la fin du train, je vis plusieurs prisonniers
traverser la voie, le quai, gagner le jardin de Mme Houdebine et
disparaître dans la nature. Mon frère Louis qui faisait partie
des distributeurs de vivres, me confirme la chose.
Notre trophée de guerre !
Le train de prisonniers partit hélas le lendemain après-midi,
comme le rapporte M. Halligon, traînant avec lui les wagons du
2eme train des SS : leur locomotive, en panne, était restée le
long du hangar aux marchandises. Les jours suivants, plusieurs
fois, des avions anglais ou américains, alertés sans doute par
la Résistance, vinrent canarder la dite locomotive. Lors de l'un
de ces passages, nous étions dans notre jardin, le nez en l'air,
lorsque mon père nous fit rentrer précipitamment. Tandis qu'il
regardait les avions sur la terrasse, il avait entendu le
sifflement d'une balle et vu une autre s'écraser à ses pieds,
dans le ciment : le danger était trop grand.
Le dimanche suivant, les Lionnais vinrent en promenade
contempler, avec quelque fierté et pas mal de moqueries, la
locomotive trouée de part en part et qui n'en finissait pas de
rendre l'âme : c'était notre trophée de guerre. Après la défense
héroïque du pont de l'Aubinière en 1940, pour la 2ème fois Le
Lion d'Angers était entré dans l'histoire.
Abbé Paul Cochard.
Bulletin de l'association pour la
conservation et l’étude du patrimoine de Grez-Neuville N° 6 —
août 2014 |
Les
évasions
Cependant tous nos efforts ne restèrent pas complètement perdus et
c'est aux jeunes que revient le mérite de la réussite.
Pendant le ravitaillement des prisonniers à la gare, la plus grande
animation régnait sur les quais. La salle des pas-perdus était
transformée en magasin de ravitaillement ; pain, denrées, boissons,
fruits. Munis de grandes mannes portées par deux personnes, la
distribution s'opérait de wagon en wagon, la provision épuisée, on
retournait rapidement à la gare rechercher une malle garnie pour
procéder à de nouvelles distributions. Ce furent rapidement les
jeunes écoliers en vacances qui furent chargés de porter des
corbeilles, accompagnés d'une dame qui faisait la distribution.
La chaleur était si torride que les portières des wagons étaient
restées ouvertes et bientôt les prisonniers purent, tout au moins un
certain nombre stationner sur les quais. Quelques jeunes porteurs
comprirent tout de suite ce qu'il y avait à tirer d'une
pareille tolérance. Sans rien dire, d'un simple coup d'œil, ils
faisaient comprendre aux deux prisonniers se trouvant auprès d'eux
le stratagème. Ils leur remettaient la corbeille vide, et du doigt
leur indiquant la gare. Dans la bousculade générale, les deux
prisonniers partaient vers la gare à 100 mètres, posant là leur
panier et s'échappaient par un portillon. Comme par hasard, les
gamins à la corbeille filaient devant eux guidant leur route. C'est
ainsi que six d'entre eux furent délivrés, plusieurs furent
immédiatement recueillis par des militants de notre groupe, chez B.
et V ; d’autres prirent travers champs et franchirent les lignes
sans encombre.
Ce furent les évadés du dernier train d'otages quittant l'Ouest via
le Lion d’Angers.
Sources:
1 Madeleine Allard
"Récit d'une captivité"
2 Pierre Bourdan-"Carnet de retour avec la division
Leclerc" Édition Plon 1965
Bulletin de
l'association pour la conservation et l’étude du patrimoine de Grez-Neuville
N° 6 — août 2014
(vous pouvez télécharger ce
bulletin) |