18/12/2013     

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Livre Mémorial

 

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU MONDE du 17.11.04


Le Livre-mémorial compte 86 827 "hommes et femmes déportés pour leurs activités, leurs sentiments ou leurs propos".

Sept années de travail et enfin cette liste de 86 827 noms. D'Aalberg Charles à Zyto Jean-Ewald, une interminable litanie. Un inventaire de trains également, partis de Compiègne, de Paris, de Toulouse, de Lyon. Destination : Mauthausen, Ravensbrück, Bergen-Belsen, Dachau, Buchenwald. Quatre tomes épais, à la couverture blanche, près de 6 000 pages : le Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression, publié par les éditions Tirésias (160 €) alors que s'annonce l'anniversaire de la libération des camps de concentration, en 1945, comble une lacune historique. Les chiffres les plus divers circulaient jusqu'alors sur le nombre de résistants envoyés dans les camps de concentration nazis.

En 1996, la Fondation pour la mémoire de la déportation, créée en 1990 et présidée alors par Marie-Paule Vaillant-Couturier, a entrepris un travail d'épluchage des archives, nom par nom, à l'instar de celui effectué par Serge Klarsfeld qui, en 1978, publia le Mémorial de la déportation des juifs de France. Cette insupportable énumération de 76 000 noms, vies broyées par la persécution nazie, fait depuis référence chez les historiens, qui se contredisaient jusqu'alors sur les chiffres du génocide.

L'addition formelle des deux mémoriaux porte donc à 162 000 le nombre des déportés de France. La Fondation pour la mémoire de la déportation refuse cependant toute tentative de comparaison ou de fusion des listes des victimes de répressions et des victimes de persécutions. "Dans un cas des personnes ont été déportées pour ce qu'elles ont fait, dans l'autre pour ce qu'elles étaient", explique Yves Lescure, directeur général de la Fondation.

La distinction s'impose. D'abord parce que les résistants étaient des adultes, à 90 % des hommes, quand les déportés juifs appartenaient aux deux sexes et, pour 11 000 d'entre eux, avaient moins de 16 ans. Egalement parce que la persécution a affecté un quart des juifs en France quand la répression n'a touché qu'une minorité des 39 millions de Français. Et surtout parce que plus de 50 % des déportés "non raciaux" sont revenus des camps contre 3 % à peine des juifs.

Dans la liste des victimes de la Résistance, une minorité, environ 1 500, a été aiguillée vers les chambres à gaz, contre 40 000 juifs. Sur les 362 transports (essentiellement ferroviaires) épluchés dans les archives, très peu ont abouti à Auschwitz-Birkenau. "Il ne faut pas faire d'amalgame entre la logique de concentration et celle d'extermination, insiste M. Lescure. Dans un cas, la mort était la conséquence. Dans l'autre, elle était le but."

Le Livre-mémorial n'en est pas moins un autre monument de la souffrance humaine. Derrière l'abréviation DCD qui revient de manière lancinante, se lit l'horreur du travail forcé, de la faim, de la maladie, des vexations et des exécutions sommaires. Y figurent des hommes et des femmes célèbres, comme Jean Moulin, mort durant son transport, Georges Mandel, Léon Blum, Edouard Daladier, Robert Desnos, le poète, mais aussi tant d'anonymes. Les déportés étaient des Français mais également, pour 11 000 d'entre eux, des réfugiés, républicains espagnols notamment. A quelques lignes de distance, l'abbé Jean Daligaut, résistant caennais exécuté à Dachau, côtoie Pierre Daix, communiste, responsable des Lettres françaises, déporté à Mauthausen : celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas.

"LOGIQUE DE CONCENTRATION"

Le recensement de ces milliers de noms a été un long travail confié à l'université de Caen Basse-Normandie. Une vingtaine d'étudiants en histoire ont dépouillé les archives. Leur travail a été encadré par un conseil scientifique où figurent les historiens Annette Wieviorka, Denis Peschanski ou Jean Quellien.

La première difficulté rencontrée dans l'établissement du Mémorial a résidé dans la définition des victimes "des répressions". Marie-Josée Chombart de Lauwe, ancienne résistante bretonne envoyée à Ravensbrück puis à Mauthausen avec sa mère (son père mourra à Buchenwald), est aujourd'hui présidente de la Fondation. Dans la préface, elle tente de définir "ces hommes et ces femmes déportés pour leurs activités, leurs sentiments ou leurs propos jugés hostiles ou dangereux pour l'occupant et ses collaborateurs". Aux résistants, aux militants politiques, s'ajoutent leurs familles, les otages et les victimes de représailles. Y figurent aussi quelques condamnés moins glorieux, trafiquants ou droits communs.

Les prisonniers ont souvent fait l'objet de multiples transferts d'un camp à l'autre, au gré des besoins de main-d'œuvre ou d'une décision administrative. Ces déménagements incessants ont contribué à gonfler les chiffres qui circulaient après la guerre. Les auteurs se sont donc basés sur les listes établies au départ de France qu'ils ont recoupées avec celles établies à l'arrivée en Allemagne, avec les registres des camps et avec les listes des amicales et les dossiers établis après guerre.

Aux déportés de répression, le Mémorial ajoute "certains cas de mesures de persécution", 779 au total, inclus dans le chiffre de 86 827. Il s'agit des Tsiganes, des homosexuels et des "demi-juifs", qualification nazie pour des conjoints d'aryens, internés sur l'île anglo-normande d'Aurigny.

TRÈS PROCHE DU CHIFFRE RÉEL

La liste du Mémorial n'est pas tout à fait exhaustive. Depuis sa publication, un millier de demandes d'ajout ou de rectification sont en cours d'examen. Des points d'interrogations ponctuent encore bien des fiches. Mais M. Lescure estime que l'on est très proche du chiffre réel.

Par ailleurs, un décret publié le 27 juillet étend aux orphelins des fusillés et des déportés résistants le bénéfice des indemnisations accordées par un décret de juillet 2000 aux seuls orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Cette restriction avait provoqué la colère des déportés résistants et une requête devant le Conseil d'Etat.

Le Mémorial est d'une certaine manière une autre victoire. Il permet de combattre l'oubli mais également d'opposer des noms et des lieux à ceux qui leur dénient une existence.

Benoît Hopquin

Fondation pour la mémoire de la déportation, 30, boulevard des Invalides, Paris-7e.

Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945") :
http://www.fmd.asso.fr/.
http://www.bddm.org/liv/index_liv.php

Editions Tirésias:  http://www.editionstiresias.com/pages/catalogue.php?cat=2&limite=10

 

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