Liste des déportés juifs d'Ille-et-Vilaine
L’histoire tragique d’une famille juive à Livré-sur-Changeon en 1942-1943 Livré-sur-Changeon est une de ces communes rurales qui a hébergé des juifs. Dans le département, les communes en question sont : Liffré, Sens-de-Bretagne, Aubigné, La Guerche-de-Bretagne, Sainte-Marie (près de Redon), Saint-Christophe-des-Bois, Taillis, Val-d’Izé. Les Berçu déclarent leur arrivée à la mairie de Livré, le 24 novembre 1941. Ils présentent leurs cartes d’identité délivrées par la préfecture du Cantal. Philippe (ou Fischel), né le 23 août 1913 à Botosani, au nord de la Roumanie, est devenu français par naturalisation, en mai 1935. Fanny Berçu (née Studinoski), son épouse, est née à Paris XIe, le 31 août 1917 et reconnue française. L’un est commerçant, l’autre est mécanographe. Le couple habitait Paris, dans le dixième arrondissement, 7 rue de Lancry. Ils avaient un fils Jean, né à Paris le 22juillet 1939. Ils descendent à l’Hôtel des Voyageurs tenu alors par Pierre et Eugénie Douard (actuel n° 12 rue Geoffroy 1er). Par la suite la famille Berçu habite dans la rue principale du bourg. Philippe Berçu est employé comme ouvrier agricole chez François Cochet, maire, agriculteur à la Rivière. Il s’y rend chaque jour à bicyclette. Son fils a été placé en nourrice chez M.et Mme Malval à la Fauvelais, ses parents pensaient le protéger, le mettre à l’abri des menaces qui pesaient sur les Juifs. Les naturalisations sont révisées dans la zone occupée, selon le modèle de la loi nazie de 1933. Dans la zone libre, le gouvernement français ordonne la révision des naturalisations postérieures à 1927. En conséquence, 7ooo juifs français perdent la nationalité française. Les Berçu sont concernés. En effet la kreiskommandantur de Rennes adresse au maire de Livré un courrier exigeant des étrangers de se présenter à la mairie une fois par semaine pour être pointés sur un registre. L’ « étranger » mentionné est M. Berçu. Ainsi chaque semaine, Philippe Berçu se déplace à la mairie et émarge du 26 avril au 26 décembre 1943. L’ordonnance du 29 mai 1942, prenant effet le 7 juin de la même année, « interdit aux Juifs dès l’âge de 6 ans révolus, de paraître en public sans porter l’étoile jaune… », « Les infractions à la présente ordonnance seront punies d’emprisonnement et d’amende ou de l’une de ces deux peines… » Philippe Berçu doit porter l’étoile jaune au sein de la population de Livré, signe bien visible de l’antisémitisme désormais légalisé. En effet, selon les nazis, « les Juifs n’appartenaient pas à l’Humanité », ils étaient considérés comme « des sous- hommes », des « parasites comme des rats ou des punaises » que l’on devait exterminer, ce qui explique cet acharnement à les pourchasser. Lors de la rafle du 4 janvier 1944, la famille Berçu est arrêtée, emprisonnée à Rennes puis transférée à Drancy et déportée le 3 février à Auschwitz par le convoi 67, selon M. Claude Tocsé. Pour être précis, d’après les documents, Philippe Berçu et son fils sont arrêtés à Livré alors que Fanny Berçu a été interceptée à Paris où elle était retournée, elle ne figure pas sur les listes des personnes arrêtées en Ille-et-Vilaine. Un jugement du 12 octobre 1962 du tribunal de grande instance de la Seine, retranscrit dans le registre des décès de Livré-sur-Changeon, déclare Fanny et son fils Jean « Morts pour la France », le 3 février 1944. Le jugement ne fait pas référence à Philippe Berçu. Le document judiciaire semble dissiper l’incertitude ou alors ne retenir que le dernier domicile connu. Des anciens élèves de l’école publique se rappellent que Jean Berçu avait 4 ans quand les Allemands sont venus le chercher. Il était à l’école. Un camion est venu le chercher. Ceux qui étaient chargés de l’arrêter sont rentrés par le grand portail. M. Berçu à la silhouette mince se rendait à vélo à la ferme de la Rivière. Dès qu’une voiture arrivait dans la cour de la ferme, il se cachait. Il aimait jouer au football avec les autres jeunes de Livré. Madame Berçu aimait passer du temps en tricotant chez une personne de Livré, Madame Haye, qui était très accueillante. Elle écoutait souvent Radio-Londres en pleurant, elle s’inquiétait pour sa famille, en particulier pour ses beaux-frères. L’un d’eux avait été déporté à l’Est pour travailler. Cette tragique histoire n’est pas sans rappeler la famille Lévy qui tenait un magasin de bonneterie, boulevard Jean Jaurès à Fougères. Les deux filles furent arrêtées au portail de leur école, rue Charles Malard. Les deux histoires comportent des similitudes et rejoignent le cauchemar vécu en Europe sous le joug du régime nazi. Source : *Revue Le Pays de Fougères, n°147, article de Marie-Danièle Bouvet et de Daniel Heudré |