Félix Ledoux, un évadé de la prison de Vitré

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 L’attaque de prison de   Vitré

Sous l’Occupation, les prisons ne désemplissent pas. En Ille-et-Vilaine, beaucoup de résistants arrêtés sont incarcérés dans les prisons : Jacques Cartier, à Rennes, tristement célèbre pour ses tortures (Thérèse Pierre), Saint Roch, à Fougères et celle de Vitré. Celle-ci est réputée pour un fait d’armes spectaculaire de la Résistance, dans la nuit du 29 au 30 avril 1944.

Une période de combats intensifs, après les mesures insupportables de janvier et février 1943 : création de la Milice, donc répression terrible, puis institution du STO par Pierre Laval, un renforcement de la Collaboration avec l’Allemagne. La Résistance est alors armée et très organisée.

Prison de Vitré

A la prison de Vitré, sont incarcérés une cinquantaine de résistants, membres du FN (Front national de lutte pour l’indépendance de la France) et des FTPF (Francs-tireurs et partisans français), bras armé du FN. Ces résistants prisonniers ont été arrêtés, pour la plupart, au cours du dernier trimestre 1943. Ils sont libérés par Louis Pétri, responsable départemental des FTPF, après une préparation d’un mois environ, prévoyant notamment un stockage d’armes et d’échelles de cordes chez des résistants de Saint-Jacques-de-la-Lande. Une quinzaine de FTPF participent à cette libération, digne des meilleurs feuilletons de la télévision.

Selon la version de la gendarmerie, une échauffourée se produisit avec les évadés à La-Bouëxière et 6 parmi les libérés sont repris. Pour éviter d’être repris,  ils se dispersèrent dans toutes les directions. Le compte-rendu de la Légion de Gendarmerie du mois de mai 1944 a le mérite d’établir des faits. Mais le sort des évadés, intéressant à connaître, est laissé dans l’ombre. Et pour cause, chacun est contraint de compter sur lui-même.

Selon une  version, reposant sur des témoignages de résistants fougerais, et non des moindres, les détenus sont réunis dans un champ près de Vitré, dans l’attente d’une traction avant et d’une camionnette gazogène, spacieuse et fort utile, qui n’arrivera , hélas, jamais. Les évadés sont contraints de se débrouiller tout seuls, et de ruser avec les patrouilles des gendarmes. Mais alors dans quelle direction se diriger? Pas d’autre choix  que de marcher, aller le plus loin possible, même si les pieds sont en sang. Comme celui qu’une personne de Rimou soigna.

Félix Ledoux réfugié dans un grenier à Montaubert

L’exemple le plus éloquent est celui de Félix Ledoux, infirmant la version officielle de la gendarmerie. Les évadés se sont dispersés, c’est beaucoup plus vraisemblable. Cet homme, né  en 1890, est domicilié à Marebouillon, à Fougères. Il est agent des lignes P.T.T. Il agit dans le cadre du FN où il forme un groupe PTT. Arrêté le 10 décembre 1943, il est d’abord emprisonné à Jacques Cartier, puis à Vitré.

Quelles ont été ses tribulations ?

Il passa les deux premières nuits,  après l’évasion, dans l’eau d’un petit affluent du Couesnon, accroché dans un arbre creux. La troisième nuit, épuisé et affamé, il se rend à Fougères chez Madame Bouffort (ex-Mlle Denis), qu’il savait résistante   (et qui est considérée aujourd’hui comme une grande femme résistante). Trop surveillée, trop espionnée, elle demanda à Madame Philippot, directrice de l’école maternelle de la Madeleine, où elle pourrait cacher ce M. Ledoux. Madame Bouffort et Madame Philippot se dirigèrent à Montaubert chez M. et Madame Guenée.

«  Pouvez-vous cacher, héberger un évadé de Vitré ? »

C’était prendre de sacrés risques. Le couple accepta de protéger, à leurs risques et périls, le pauvre Monsieur Ledoux. Les deux femmes de Fougères remirent Monsieur Ledoux à ses nouveaux protecteurs. Celui-ci était dans un état pitoyable, suite aux nuits passées dans le ruisseau. Il avait à supporter des quintes de toux. Il se réfugia dans le grenier de la maison et dormait sur deux matelas et couettes relégués là. Il se faisait apporter ses repas grâce aux tickets d’alimentation fournis par Madame Bouffort.  

Avec le printemps, les mois de mai et juin, M. Ledoux toussa moins, car les voisins se  posèrent des questions sur celui qu’ils entendaient tousser. La bronchite chronique de Monsieur Guenée devint l’alibi parfait. Les forces revinrent  et Monsieur Ledoux s’entrainait à marcher de long en large dans le grenier, dans l’éventualité d’une fuite rapide. Le séjour dura plusieurs semaines, dans un climat d’inquiétude continuelle.

Un jour, trois gendarmes vinrent chez les voisins et fouillèrent la maison attenante à celle de la famille Guenée. Le comble est qu’ils recherchaient un autre évadé de la prison de Vitré. Ils repartirent bredouilles; la famille Guenée et Monsieur Ledoux furent les témoins d’une scène qui aurait pu mal finir pour tous.

L’histoire de Félix Ledoux prouve que rien n’était vraiment joué, une fois que les 46 ou 47 détenus furent libérés dans cette nuit de fin avril  1944.

Daniel Heudré

 

Sources :

* Jacqueline Sainclivier, La Résistance en Ille-et-Vilaine 1940-1944, Rennes,  Presses Universitaires de Rennes, 1993

* Témoignage de Germaine Guenée, fille de M.et Mme Guenée (Montaubert), agent de liaison de Thérèse Pierre