ASSOCIATION DE RAWA-RUSKA
Combattants Volontaires de la Résistance extra-métropolitaine
Internés de la Résistance de la région Ouest
La Résistance au cœur du grand ReichPourquoi parler de Rawa-Ruska ?:(Extrait d'un mel )
Il faut continuer à parler de Rawa-Ruska, je suis atterrée car 9 personnes sur dix ne connaissent pas ce camp et encore pire même pas le nom!
Un exemple qui m'a interloquée : Je fais partie d'un groupe philosophique et dernièrement j'ai décidé de transmettre le peu que je savais de Rawa-Ruska à mes amis, une assistance d'une trentaine de personnes de 30 à 80 ans.
Là stupeur, une seule personne connaissait l'existence de ce lieu innommable (un cousin de son père y avait été interné, ce dernier traumatisé à vie, à la seule évocation du nom, pleure et se tait.)! ...Pour trois d'entre nous, Rawa-Ruska leur avait évoqué... une déesse indoue ou autre !!!
Et soixante ans après, je me suis aperçue, qu'encore et toujours certaines personnes ne préfèrent pas savoir!"
Lettre adressée à lintention des membres de l'association par le secrétaire de l'association
Rennes le 13 avril 1994.
Mes chers Camarades
La plupart des historiens de la guerre 1939-45 semblent ignorer lampleur de la résistance qui a été celle dun nombre imposant de captifs parqués ou détenus non seulement à lintérieur des frontières du Reich mais encore dans les territoires occupés par larmée allemande dotée dun Général Gouvernement
Ceux dentre eux qui y ont fait allusion dans un contexte général, attachent trop peu dimportance au rôle de cette résistance. Ils ne semblent pas conscients des dangers encourus, des risques pris et du lourd tribut payé par ceux qui ont eu le malheur de se faire découvrir, trop souvent hélas victimes de la trahison.
Ils étaient en outre dépourvus de tout soutien comme par exemple celui dun réseau de coordination. Cest compte tenu de cette constatation quil me parait opportun de citer quelques passages dun ouvrage intitulé Guerre du XX ème siècle écrit par une historienne anglaise, Suzanne Everett en collaboration avec le général britannique Peter Young et lhistorien américain Robin Langley Sommer. Les écrits de ces trois historiens étrangers ne sauraient être taxés de partialité tant au sujet des faits que sur déventuelles motivations politiques qui navaient dailleurs pas cours dans les camps de soldats prisonniers dans lesquels jai personnellement séjourné.
Il a bien surgi, exceptionnellement, dans quelques stalags des organisations clandestines dune certaine résistance, notamment au Pétainisme, qui ont même eu des prolongements parmi des évadés des camps rentrés en France. Il ne convient ni de les sous-estimer ni de leur donner plus dimportance quelles nen ont eue au regard de la résistance en pays ennemi.
Dans la grande majorité des cas cette résistance était individuelle, souvent secrète et donc dautant plus courageuse.
Pour en revenir a cet ouvrage, un premier paragraphe parait devoir être souligné. On y lit page 462 : Une autre résistance plus héroïquement quotidienne fleurit également en Allemagne : celles des évadés, des saboteurs, des déportés. Jusquen 1944 les évasions des camps (de concentration bien sûr) sont extrêmement rares, elles sont plus nombreuses dans les stalags, les oflags et les commandos, du S.T.O. Le sabotage est pratiqué par les requis, les prisonniers, les déportés qui sont contraints de travailler pour lindustrie allemande. On peut saboter des munitions, des moteurs davion, des pièces de fusée, des appareillages électriques ou seulement des roulements à billes, provoquer des accidents ou simplement ralentir le travail. Il faut une grande habileté pour éviter les représailles, tous les retards, toutes les défectuosités doivent paraître accidentelles et un grand courage, en cas derreur il ny a quune seule peine : la mort."
Dans le chapitre plus spécialement consacré aux Partisans on lit : "quils soient guérilleros, saboteurs, partisans dEurope Centrale, maquisards... tous encourent les mêmes risques, les lois et conventions internationales ne leurs sont pas appliquées. Sils sont pris, ils sont torturés, exécutés sur place ou dans les meilleurs cas envoyés en camp de concentration (avec le durcissement de la guerre, les commandos opérant en uniforme et les évadés des stalags et oflags sont traités avec la même rigueur."
Si nombre dhistoriens dhier et daujourdhui semblent si mal informés ou peu enclins à faire état de la Résistance en Allemagne, les dirigeants de cette époque, basés en Angleterre létaient eus informés que parmi les captifs un nombre croissant de rebelles aux règlements des stalags prenaient des risques et subissaient les rigueurs de la répression.
Bien sûr au cours des premiers mois qui ont suivi la défaite de 1.940, les prisonniers sont abasourdis, consternés, terrassés, intoxiqués par la propagande ; ils entendent bientôt une rumeur circuler subrepticement dans les stalags ; les Anglais résistent partout, une armée Française se forme, elle a un Général à sa tête, inconnu jusquici ; le général de Gaulle. Ne souriez-pas à cause du nom, disait-on, ce nest pas une blague. Ce général qui commence à devenir célèbre à lheure des bouteillons a adressé un message aux Français qui finit par faire son chemin dun baraquement à lautre: il a dit : "ou que soyez, organisez la résistance..." Les prisonniers de guerre se sentent concernés eux aussi. Ces nouvelles clandestines les aident à relever la tête, à serrer les mâchoires, un espoir surgit, la servilité des opportunistes commence à agacer, le sabotage se fait jour, les barbelés ne paraissent plus infranchissables, la voix qui venait de loin à porté.
Mais tous ne se laissent pas convaincre par cet appel, les attentistes, les détenteurs dun bon petit boulot, sans adhérer pour cela au renouveau suspect de Vichy, trop complaisamment diffusé par les allemands, répugnent à prendre des risques et à troubler un mode de vie insupportable à bien des égard, mais qui pourrait non seulement faire perdre quelques avantages, mais devenir infernal.
Les saboteurs se font de plus en plus discrets et les candidats à lévasion conspirent entre eux dans le plus grand secret, ils se sont rendus compte que tout groupement humain comporte son lot de mouchards et même de traîtres !
Malgré tout, au fil des semaines et des mois le nombre des évadés, en particulier, devient insupportable pour larmée allemande obligée daffecter de plus en plus de soldats à la garde des prisonniers alors quil lui faut de plus en plus de troupes pour satisfaire aux besoins des nouveaux fronts, assurer loccupation des pays conquis, veiller aux frontières terrestres et maritimes sur une longueur jamais égalée.
Des mises en garde comminatoires sont diffusées dans les Stalags et les Oflags suivies de menace dexécution sans sommation ; rien ny fait, les sabotages subtils et surtout les évasions de plus en plus audacieuses se multiplient. Il importe donc de frapper un grand coup. Le 20 janvier 1942 le Général SS Heidrich assisté du Gouverneur Général de la Pologne et des territoires occupés Franck ainsi que de Keitel général de la Werhmacht organise à Wansee près de Postdam une réunion au cours de laquelle il est décidé à sévir contre les inadaptables au régime au régime Nazi et de trouver un moyen imparable pour lutter contre toute rébellion des éléments dangereux, en particulier, contre celle des prisonniers de guerre évadés et des saboteurs, tous gens considérés comme inassimilables.
Cest au cours de cette conférence que deux décisions importantes sont prises :
-1° la perte du statut de prisonnier de guerre pour cette catégorie de criminels indignes de vivre au milieu dune population saine et laborieuse
-2° la déportation de ces indésirables hors des frontières du Reich au Vernichtung lager (camp danéantissement) 325 à Rawa-Ruska en Ukraine, ceci en violation des conventions de la Haye et de Genève applicables aux prisonniers de guerre dont les sbires allemands navaient que faire. Les sous-officiers prisonniers de guerre lont eux-aussi appris à leurs dépens. Ils ont eux-aussi été parqués dans un camp spécialement créé pour eux.
La décision prise à Wansee est rapidement suivie deffet. Un ordre de O.K.W. daté du 9 avril 1942 consigné par le Général Keitel stipule que les ennemis du régime concernés devront être déportés à Rawa-Ruska. Seuls les prisonniers anglais seront épargnés car lAngleterre détient des prisonniers allemands en contrepartie. Dès le 13 avril 1942 le premier convoi de prisonniers de guerre français et belges en situation de rébellion criminelle, au regard des allemands, après un parcours dans des conditions atroces, débarquaient des infects wagons à bestiaux au milieu des hurlements des gardiens et des chiens, sous les coups de crosse et de nerfs de bœuf. Ils étaient affublés duniformes disparates, en guenille, récupérés dans les résidus des armées vaincues de toute lEurope.
Ils formaient un troupeau épuisé, affamé, sale, abruti, poussé dans ce camp de Rawa-Ruska englobé dans le Juden Kreis : zone dextermination des juifs. Devant pareil accueil les dernières illusions tombaient. Seuls maintenaient debout la haine du bourreau et lespoir de sa défaite.
Les premières semaines écoulées lappel de la liberté redevient pressant, des emplacements qui paraissent propices au creusement de tunnels sont choisis et, sans plus tarder le travail de sape est entrepris. Hélas, cette activité nest pas passée inaperçue, les évadés sont attendus à la sortie, les deux premiers sont sauvagement assassinés par les gardiens malgré leurs supplications. Ce mode dévasion savère irréalisable.
Par contre, au cours de corvées à lextérieur du camp quelques rares prisonniers, moins épuisés ou plus résistants tentent leur chance ; plusieurs repris sont fusillés mais quelques sujets exceptionnellement chanceux disparaissent dans la nature. Il en est parmi eux qui rejoignent les partisans polonais. Lun deux, Emile Liger, dont le parcours et le courage sont légendaires, se voit confier le commandement dune unité de partisans polonais quil encadrera jusquà la fin des hostilités dans des combats de guérilla. Il sest rendu célèbre parmi ses pairs sous le nom de Commandant Louis.
Cet exposé sans prétention a simplement pour but déviter que ne soit trop occultée une résistance à lintérieur du Grand Reich, différente, très différente de celle plus connue qui a été menée en France et dans les territoires occupés ; une résistance plus individuelle certes mais pas sans moins de danger, celle qui a été la vôtre, que vous avez librement choisie...
A quoi bon sétendre sur les sévices et les conditions misérables du camp de Rawa-Ruska, vous les connaissez, vous les avez vécues, elles hantent encore vos cauchemars de temps à autre. Pourquoi alors en évoquant cette résistance devant vous, évoquer Rawa-Ruska en particulier ? - Dabord parce que cest une tranche inoubliable de votre vie qui a été laboutissement de votre engagement personnel à vous les quelques survivants daujourdhui et cest aussi pour que nos enfants noublient pas la féroce répression qui en a été la conséquence et cest enfin parce que Rawa-Ruska demeure un symbole : celui de la résistance que des soldats prisonniers incarnèrent dans des conditions quils savaient périlleuses à lextrême. Vous figurez parmi les premiers résistants qui surgirent après la défaite de 1940. Larmée française prisonnière comptait 1 million 800.000 soldats ; à limage de la France occupée elle a eu ses attentistes mais aussi ses résistants.
Il mapparaît opportun de vous faire savoir ou de vous rappeler pour conclure, comment a été perçue votre résistance par des personnalités qui comptent pour vous :
quelques citations extraites de leurs écrits lexplicite / Dabord une phrase du Général de Gaulle :
"Sil y a eu pour toute larmée prisonnière un haut lieu de courage, un symbole de la Résistance et de la Déportation ce fut Rawa-Ruska. "
Puis lappréciation du Colonel Rémy :
"Rawa-Ruska: une résistance plus âpre et plus difficile que celle que jai connue aux avant-postes de la résistance."
Enfin la formule de Winston Churchill qui a donné une définition de ce camp gravée dans nos mémoires de survivants :
"Rawa-Ruska est situé dans la région qui détient le record de la souffrance en 1942. Cest le camp de la mort lente et de la goutte deau"En terminant cet exposé sur la résistance au cœur du Reich, il mapparaît opportun de vous redire, mes chers camarades : souvenez-vous que si vous navez pas été les seuls, loin de là, à mener ce combat obscur et trop peu connu, vous en étiez. Restez-en fiers.
Alfred Grimault
Secrétaire régional de lassociation de Rawa-Ruska
Le nombre des captifs qui ont été internés au camp de Rawa-Ruska atteint 26.000.
Nous y sommes arrivés par convois successifs à dater du mois davril 1942. Au fur et à mesure que des « Kommandos » de travail avaient été réalisés, des unités de 60 80 100 ou 150 prisonniers étaient transférés dans des « Kommandos » de travaux forcés. Rawa-Ruska pouvait être comparé en quelque sorte à une maison mère avec une organisation administrative et son fichier central.
Au fur et à mesure de larrivée des convois les nouveaux débarqués avaient toujours tendance à se regrouper avec les camarades de leur région dorigine, ou avec ceux auxquels ils se sentaient des affinités professionnelles, intellectuelles ou encore religieuses. Je nai par contre pas eu connaissance de regroupements politiques à Rawa-Ruska.
Beaucoup de captifs ne séjournaient quun mois ou deux au camp principal avant dêtre affectés à un « kommando », dautres y séjournaient plus longtemps, notamment ceux qui étaient considérés comme des sujets particulièrement rebelles.
Pour ce qui me concerne, jai été interné au camp principal du début de juin 1942 à la mi-novembre de la même année.
Un évadé du camp de la mort lente: Joseph Tropée
LEBRETON Paul est né le 20 juillet 1907 Lieuron (Ille-et-Vilaine). Fils de Jean Lebreton et de Marie-Louise Bertin, il est cultivateur. Prisonnier de guerre en Allemagne, il s’évade. Il part de Düren le 8 mai 1942 pour le camp de Rawa-Ruska (15 mai 1942 au mois d’octobre 1942) et le camp de Cholm. Il est revenu. Source: DAVCC, Caen, 21 P 528 441.
Daniel Heudré
Robert MORIN
Robert, Charles Morin est né le 14 juin 1918 à Saint-Jean-d’Angély (Charente-Inférieure, Charente-Maritime). Fils de Jean Morin et de Jeanne Demonçay, il est séminariste. Il est soldat du 85è Régiment d’Infanterie, lors du recrutement de La Rochelle. Il rejoint le 57è Régiment d’Infanterie de Bordeaux. Capturé le 18 juin 1940, il est prisonnier de guerre. Il passe par le Frontstalag de Saint-Quentin (Aisne), puis il est incorporé au Stalag XVII A en Allemagne. Il connait divers Stalags avant de s’évader une première fois le 22 mai 1942 du Stalag XVIII C. Repris, il s’évade une seconde fois le 30 mai 1942. Arrêté par la Wehrmacht et condamné par un tribunal de Berlin, il rejoint le camp disciplinaire (Stalag 325) de Rawa-Ruska, en Pologne, du 30 juin 1942 au 23 décembre 1942. Le dernier camp de prisonniers où il séjourne est le Stalag VI G. Il est libéré le 14 avril 1945 par l’armée américaine et rapatrié le 17 avril 1945. Interné résistant. Médaille des Evadés.
Source : DAVCC, Caen, 21 P 601 579
Daniel Heudré