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04/12/2023
Joseph TROPEE
 

Source: Ouest-France Lundi 10 juin 2013.

Une rue au nom de l'évadé du camp de la mort lente

Fougères a inauguré une nouvelle rue, hier. Elle porte le nom de Joseph Tropée, ancien prisonnier du camp de Rawa-Ruska (Ukraine), décédé en 2005.

L'histoire

Du 325, on ne revenait pas. C'est dans cette geôle perdue au cœur des marais d'Ukraine, à Rawa Ruska, que les nazis envoyaient les plus irréductibles de leurs prisonniers. Combien ce camp de représailles a-t-il accueilli de prisonniers ? Au moins 20 000 Français et Belges : des éternels insoumis, des saboteurs, des découpeurs de barbelés. Joseph Tropée, résistant comme le granit de son Coglais natal, était de cette trempe-là, Hier à Fougères, la municipalité lui a rendu hommage : elle a baptisé une nouvelle rue à son nom.

Le jeune homme avait été fait prisonnier sur le front en 1940. Il avait d'abord été envoyé en Autriche. Mais pas question, pour lui, de contribuer à l'effort de guerre. Il refuse de travailler et tente de s'échapper. Une première fois, à l'automne 1941. Mal préparé, il est retrouvé quelques kilomètres plus loin. Est envoyé au cachot, mais retente sa chance au printemps suivant. Au gré de ses tentatives et de ses actes de sabotage, le Breton est interrogé, torturé. Il vit les stalags (prison militaire), les kommandos (unité de travail forcé).

De l'évasion à la résistance

En 1942, il est dans un des convois pour Rawa-Rusta. L'enfer que Winston Churchill surnommera « camp de la mort lente et de la goutte d'eau ». Dans cette ex-caserne soviétique, « il ne coulait qu'un seul robinet, pendant trois heures par jour... alors que nous étions 15 000 hommes », se souvient encore Alfred Grimault, originaire du pays de Maure-de-Bretagne. Comme lui, ils sont une dizaine d'anciens déportés, aujourd'hui, à pouvoir encore raconter l'horreur de Rawa, faite de faim, d'humiliation et de maladies. Joseph Tropée y restera quelques mois. Il sera ensuite envoyé à Jùter-bog, en Allemagne. Puis réussira à s'évader, à l'automne 1943. Sa force ne le quittera plus : « Même après son évasion, son état de santé ne lui permettant pas de rejoindre Londres, il rallie la résistance parisienne », détaille son gendre Alain Leutellier. L'audace le poussera même à quitter la capitale à deux reprises pour aller embrasser sa mère à Fougères, là où la Gestapo l'attend pourtant de pied ferme. En 1944, il revient définitivement en Bretagne, Boucher de métier, il créera les abattoirs Joseph Tropée. Mais les Fougerais se souviennent aussi de l'homme politique : l'ancien prisonnier a ensuite fait partie de l'équipe municipale de Michel Cointat (RPR).

Joseph Tropée disait croire « en l'honneur de la France et en la paix des peuples ». Il fut un éternel gaulliste : il n'avait pas pu entendre l'appel du 18 juin 1940, mais y avait répondu, faisant vivre la « résistance de l'extérieur » jusqu'en Ukraine. Lui donner le nom d'une rue aujourd'hui n'a rien d'un acte anodin. Pour le maire de Fougères Louis Feuvrier, c'est là « un message de mémoire et de vigilance aux générations à venir ».

Claire ROBIN.