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LA PRISON DES FEMMES

 de RENNES

Ed:22/08/2018

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La prison des femmes de Rennes est le premier centre pénitentiaire réservé aux femmes construit en France.  Sous l’impulsion de Napoléon III, les études commencent en 1860 et la prison est utilisable en 1878. C’était un progrès important car, auparavant, les femmes étaient enfermées dans des quartiers d’établissements d’hommes où elles vivaient dans des conditions effroyables et sans la moindre hygiène.

Durant la Seconde Guerre mondiale, d’après les registres des écrous de la prison, 245 Résistantes ont été incarcérées dans cette prison. A cette époque, c’est la seule prison centrale pour femmes de France. Elle reçoit donc 75% des femmes condamnées politiques à plus de 6 mois de prison. Elles viennent toutes de la « zone occupée » et particulièrement de la région parisienne.

Suite à l’évasion du général de Lattre de Tassigny de la prison de Riom, le 3 septembre 1943, un regroupement des prisons est organisé en leur donnant une spécialisation Les femmes Résistantes de la zone nord sont regroupées soit à la Centrale de Rennes, soit à la Petite Roquette.

Les femmes arrêtées en Ille-et-Vilaine, condamnées à de petites peines (moins de 6 mois) ou en attente de jugement sont envoyées à la Maison d’arrêt Jacques Cartier de Rennes où un bâtiment leur est réservé.

Plusieurs révoltes et manifestations ont lieu : 6 mars 1943, 14 juillet 1943, novembre 1943, 23 et 25 février 1944. L’une de ces révoltes est si violente que le directeur de la prison fait appel aux gardes mobiles de réserve. Menacées d’être fusillées, les Résistantes se rendent et elles sont mises aux cachots avec privation de courrier, de colis et de parloir.

Normalement, la Centrale de Rennes est alors gérée par les Français, donc par la Police de Vichy, mais les Allemands viennent fréquemment réclamer des détenues. Une circulaire de l’administration pénitentiaire, en date du 9 juillet 1943 stipule que pour tout « condamné pour activité communiste, terroriste ou subversive », les préfets doivent, six semaines avant l’expiration de leur peine, adresser aux autorités allemandes, une notice de renseignements sur chacun d’eux car aucun de ces condamnés ne pourra être libéré sans l’accord des dites autorités. C’est vrai pour les hommes et pour les femmes. Ainsi, les Résistants qui arrivent au bout de leurs peines de prison sont envoyés en déportation.

La moyenne d’âge de ces femmes est de 32 ans en 1943.

Représentation socioprofessionnelle  de ces femmes : 61% sont des actives : ouvrières, employées, institutrices… 12% sont d’origine étrangère.

De quoi sont-elles accusées ?

-         Hébergement de communistes ou de terroristes : 2 ans (c’est plus sévère que de distribuer des tracts anti nazis)

-         Détention de tracts et de ronéos (matériel de reproduction des tracts)

-         Réunion de Résistants à son foyer (3 à 4 ans de prison)

-         Tout ce qui se passe dans le foyer de la femme est puni plus sévèrement que les femmes qui sont agents de liaison.

Jusqu’en 1943,  26 détenues politiques sont déportées. Au printemps 1944, 245 Résistantes sont livrées par le régime de Vichy aux nazis qui les déportent à Ravensbrück en plusieurs convois.

Parmi elles, 8 femmes ont donné naissance à un enfant pendant leur incarcération à Rennes. Elles ont pu garder leurs bébés dans la prison, mais au moment d’être déportées, l’une d’elles a été envoyée dans un camp avec sa petite fille âgée de 11 mois. Elles seront gazées toutes les deux à Auschwitz. Les 7 autres enfants seront récupérés par de la famille ou par des femmes Résistantes de Rennes. Parmi eux, notre ami Claude Fournier. Il est reconnu « Interné » à la prison de Rennes.

 

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Document trouvé aux archives municipales de Rennes.

 

Lettre d’une femme revenue de déportation au Comité Départemental de la Libération.

 

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance les faits suivants. Connaissant votre esprit d’équité, je ne doute nullement que justice sera rendue.

Les détenues politiques dont les noms suivent :

-         Mesdames CADRAS (frère fusillé), FERAZINI, VILCARSKI, JANVIER, CAZARO, MASEE et COUILLARD

furent déportées en Haute-Silésie en 1943. C’est dans une prison allemande où elles étaient en transit que je les ai retrouvées. Elles me racontèrent la triste vie qu’elles avaient menée pendant de longs mois à Rennes, me suppliant de signaler les faits pour le cas où j’aurais eu la chance de m’en tirer.

         Ayant échappé au bagne de la Gestapo, condamnée à mort et recherchée depuis le mois de novembre 1943,  je suis donc à même de mettre ma promesse à exécution.

         En 1943, les détenues politiques furent enfermées dans un quartier à part où elles devaient vivre sans contact avec quiconque parce qu’elles avaient réclamé de la nourriture.

Quatre surveillantes furent révoquées pour des raisons différentes, mais en réalité parce qu’elles avaient montré de la sympathie pour les détenues politiques.  

Le directeur de la Maison centrale, ancien officier prisonnier, nommé directeur en captivité, de retour au début de 1943, puissamment soutenu par Vichy, avait droit de révocation sans intervention du bureau de Paris.

Les surveillantes, Melles BEZIOT et MEIGNE furent durement traitées, révoquées sans explication, après de longues années de service sans une seule mauvaise note.

Vexations, punitions injustes furent infligées aux Politiques par Mmes MOREAU, HERRY et la surveillante-chef WALLAU. Elles détestaient les Politiques.

Un jour, à bout de patience, car les punitions de cachot au milieu de l’hiver, inhumaines, ne manquaient pas, elles s’opposèrent à ce que plusieurs de leurs compagnes y fussent conduites. Le directeur, dédaignant se rendre à leur appel pour écouter leur plainte, a fait venir la police de Pétain. Ceux-ci se sont conduits comme des malappris, ce qui a provoqué un esclandre. Ceci est d’autant plus facile à comprendre que la vie infernale qu’elles menaient les rendait très nerveuses.

Le 14 juillet 1943, plusieurs détenues politiques françaises ont été jetées dans les cachots pour avoir chanté La Marseillaise, bien que vivant absolument à l’écart des détenues de droit commun et que pas un seul Allemand n’était présent à la Centrale. Elles furent punies par le directeur à un mois de suppression de colis et de correspondance.

La surveillante-chef WALLAU et MOREAU et HERRY étaient les pourvoyeuses du prétoire qui avait lieu deux fois la semaine.

La Croix-Rouge française avait fait l’effort de leur envoyer à chacune un colis par mois. Le trio susnommé a immédiatement décidé qu’on leur supprimerait un colis familial ; et l’exécution suivit de près la décision.

Mille et une mesquineries trop longues à décrire leur furent faites.

La surveillante-chef actuelle est cause du départ des dames (mères) politiques et de la séparation d’avec leurs enfants. Les Allemands refusaient de les transporter, faute de véhicules. C’est elle qui a suggéré d’envoyer les enfants à Pontchaillou. C’est ainsi que les mères furent déportées et les petits enfants envoyés à l’Assistance.

J’appelle les témoignages des personnes suivantes :

1er  témoin : Le conducteur surveillant DANTON. Il a assisté, impuissant et en pleurs, à cette scène déchirante de la séparation des enfants et des mères. Il connaît à fond la faute qui incombe à cette surveillante-chef.

2e témoin : Mme BARNE, première surveillante, la seule chef qui n’a jamais fait aucun rapport contre les détenues politiques ; le livre de punitions en fait foi. Elle est juste, humaine, patriote.

3e témoin : Melle TRICOT, 22 ans de service. Un ange de bonté, juste, patriote ; on lui a fait mille misères avec défense d’être en service dans l’atelier politique, de crainte qu’elle ne les aide moralement.

4e témoin : Mme MARCILLE, s’occupant de la cantine, excellente patriote, connaît bien les dessous de bien des choses, pourra vous éclaircir sur bien des points.

5e témoin : Mme DURAND, équitable dans son jugement, a subi mille vexations à cause de son esprit patriotique et de l’aide morale apportée à ses compatriotes détenues politiques.

6e témoin : Melle BEZIOT, révoquée pour avoir communiqué les nouvelles de Radio-Londres aux détenues politiques.

7e témoin : Melle MAIGNE, révoquée parce qu’une détenue de droit commun lui a rendu visite à sa sortie. Ceci n’est qu’un prétexte. Mais, en réalité, n’ayant pas pu la prendre sur le fait, dans le soutien moral qu’elle apporta, avec un esprit juste et humain, dans ses rapports avec les détenues politiques. Mise à l’index par la clique de Vichy, elle fut révoquée sans passer devant un conseil de discipline, après 10 années de bons services et sans une seule mauvaise note.

         Le directeur a inauguré ce que les anciennes surveillantes appellent la prime de la collaboration.

         Toutes les jeunes et nouvelles surveillantes, engagées par le directeur, touchent des primes plus élevées, leur devise étant celle des Hitlériens, les rapports pleuvaient… les punitions également.

         Au cours de l’enquête, vous apprendrez des choses étonnantes.

         La surveillante-chef actuelle (car WALLAU fait maintenant du service dans les bureaux) prétendait avoir de fortes relations chez les Allemands. Ce n’est plus un secret et il est certain qu’elle avait un amant bavarois. Assez élégante, 47 ans, intrigante, faisait ses volontés à Vichy et à Paris.

         Au nom de toutes nos souffrances passées et présentes puisque nul ne peut donner l’affirmation que les dames déportées en Haute-Silésie sortiront et reviendront vivantes, je vous demande justice en leurs noms et au mien.

         Avec mes remerciements anticipés, veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’assurance de mes sentiments distingués.

                                                                  ADY EBRAY

 

Références :

-         « Les Résistantes dans les prisons de Vichy » de Corinne Jaladieu.

-         « La mégère de la rue Daguerre » de Lise London.

-         Archives municipales de Rennes.

 

 

 
 

 

 

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