IMI n’est pas PGI
ITALIENISH MILITAR-INTERNIERTEN

Ed: 17/11/2006

L’histoire a ses héros et ses victimes que chaque État donne en exemple, mais il en est que les gouvernements préfèrent oublier. Ce fut longtemps le cas, en France, pour les anciens combattants d’Algérie. La marcophilie m’a permis d’en découvrir un autre exemple Chez un de nos voisins à la suite de l’achat de quelques plis d’officiers italiens internés en Allemagne dans des stalags disciplinaires entre 1943 et 1945. L’un de ces militaires, Claudio Sommaruga, est à l’origine d’une fondation italienne entièrement consacrée à ces prisonniers qu’il est convenu d’appeler IMI. La totalité du texte qui suit est empruntée aux différents sites Internet des archives de la Fondation Sommaruga.


Après le débarquement allié de juillet 1943 en Sicile, les troupes italiennes se débandent sans résistance, le régime fasciste s’effondre, Mussolini est arrêté le 25 sur ordre du roi qui nomme comme chef du gouvernement le Maréchal Badoglio. Commencent alors les “45 jours de Badoglio”. Ce dernier signe secrètement le 8 septembre un armistice avec les alliés. Les allemands avaient prévu dès le printemps 1943 cette volte-face et, jusqu’au 26 juillet, ont fait entrer 17 divisions en Italie pour l’occuper, désarmer son armée et envoyer en déportation en Allemagne, comme travailleurs, les militaires qui ne voudraient pas continuer le combat à leurs côtés. Ce qu’ils vont faire.

L’armée italienne, avec ses 200.000 combattants et territoriaux, sans plan ni moyens, se berce de l’illusion que tout le monde va rentrer à la maison!”. La Wehrmacht va les désarmer 1.007.000 militaires, en capturer 810.000 et en transférer, dans 284 camps d’Europe, 716.000 (soit 88%, dont 27.000 officiers). Pour des raisons de conscience, d’honneur, de dignité et sans doute de lassitude de la guerre, beaucoup refuseront de collaborer. Dans le même temps, 33.000 déportés politiques (militaires et civils) et 9.000 tsiganes et juifs d’Italie et de la mer Égée seront arrêtés et déportés. Rappelons que, à cette époque, 600.000 prisonniers italiens sont aux mains des Alliés.
Les militaires italiens, capturés par supercherie et presque sans résistance, vont vite être frustrés par les Allemands du statut de "prisonniers de guerre" (KGF) et des protections qui en découlent et qualifiés de “Italienish Militar Internierten”, c’est à dire “internés militaires italiens” (IMI), qualité arbitraire non prévue par conventions internationales.

Les réfractaires au travail sont nombreux (613.000), en particulier chez les officiers puisque ceux-ci en sont dispensés par les conventions de Genève s’appliquant aux prisonniers de guerre, statut qu’ils continuent à revendiquer. À la suite d’un accord entre Hitler et Mussolini le 20 juillet 1944, tous les militaires, officiers compris, sont transformés en “travailleurs civils” ou “travailleurs libres”. Ils vont être déplacés de Straflager (AEL) (camp de représailles) en Straflager où les pressions pour les amener à collaborer s’exerceront par les moyens habituels chez les nazis, travail inhumain, privation de nourriture et de soins, sévices corporels. Ces camps étaient parfois d’ailleurs annexés à des camps de concentration.

Voici un extrait de l’étude italienne consultée:

“Les IMI étaient traités comme les Russes, mais - cas unique ! - ils pouvaient choisir à tout instant entre la "liberté dans le déshonneur" et le "camp dans la douleur" : ils choisirent l'esclavage, en cohérence avec les valeurs et la conscience dans un choix continu obsédant plus par la faim et le renouvellement pendant 600 jours, c’est-à-dire 50 millions de secondes, des chiffres vite écrits mais interminables à vivre !”

51.000 militaires italiens laisseront la vie dans les Straflager.

“La guerre finie, les 560.000 IMI survivants (91%), "civils" et militaires, (y compris 11.000 prisonniers (KGF) des Allemands et ensuite des Russes), témoins embarrassés des "8 septembre", ils furent accueillis avec défiance ou indifférence par des Italiens influencés par la propagande fasciste qui faisait passer les IMI pour collaborateurs !”
“Tout ceci se produisait dans l’incompréhension, l’ingratitude et l’indifférence des Italiens : les IMI étaient trop nombreux, s’ajoutaient à tant de prisonniers des Alliés et ils n’apportaient rien de nouveau comme le faisaient les partisans, l'holocauste et ARMIR ! Ainsi le rapatriement des IMI ne fut pas demandé en 45 et il se déroula en partie grâce à des initiatives du Vatican ou individuelles.”

Pour ajouter à l’oubli, les nombreux IMI qui avaient, à grand risque, réussi à tenir et à ramener en Italie un journal secret de leur vie d’esclaves dans ces camps se sont longtemps heurtés au refus des éditeurs lorsqu’ils voulaient les publier. C’est grâce aux efforts de l’un d’eux, qui a réussi à faire éditer ses Mémoires, complétés ultérieurement de plusieurs livres, que cette histoire volontairement longtemps occultée a pu être finalement connue.

La captivité du sous-lieutenant Claudio Sommaruga

Le sous-lieutenant italien Claudio Sommaruga a conté dans plusieurs livres son séjour dans divers Stalags au cours de la Seconde guerre mondiale. Toute sa correspondance pendant sa captivité est conservée, sans doute actuellement à l’Institut d’histoire contemporaine de Cernobbio, en Italie, où elle devait être transférée de Milan, siège de son dépôt primitif. Il existe un site Internet sur son histoire. Il est illustré de plus d’une vingtaine de plis, un vrai régal pour le marcophile qui s’intéresse aux Stalags allemands. Ce sera la principale source de cette étude.
 

Voici le parcours du sous-lieutenant Sommaruga.

Fait prisonnier le 9 septembre 1943 à Alexandrie, en Italie, d’où il part le 13 pour l’Allemagne, il se retrouve le 18 au Stalag XB/350 de Sandbostel-Bremeworde où il est immatriculé et où il reste jusqu’au 23; il en repart pour le Gouvernement Général de Pologne et arrive le 27, au Stalag 367, à Tschenstochau où il est interné à la caserne nord; là, il est immatriculé sous un autre numéro. Il y reste jusqu’au 5 novembre et se retrouve le 7 novembre au Stalag 319/C, baraque 29, à Cholm dont il repart le 19 janvier 1944 pour arriver le 22 au Stalag 307 de Deblin Irena, sur la Vistule, à l’Oflag 77, d’abord au “triangle” jusqu’au 2 février puis à la citadelle où il reste jusqu’au 20 mars. Des lettres et des cartes postales étaient fournies aux déportés par l’administration des camps pour la correspondance. Le parcours postal suivait un trajet très compliqué depuis l’office de censure jusqu’au bureau de poste civil italien qui le distribuait au destinataire. La réponse, sur un volet spécial prévu à cet effet suivait le même parcours en sens inverse, parcours souvent compliqué par le fait que le destinataire était parfois changé de camp, d’où des retards considérables et parfois la perte de la correspondance. Notons qu’un triangle tracé au crayon après le numéro 307 matérialisait parfois sur l’adresse la localisation du prisonnier au lieu d’internement appelé “triangle”.
Le 24 mars 1944, Claudio Sommaruga se retrouve en Allemagne, dans la baraque 6 de l’Oflag 6 annexé au Stalag VI (sic). Il y reste jusqu’au 14 juin date où il est envoyé au Stalag VI G, à Duisdorf, qui est un centre de triage pour le travail obligatoire. Il y arrive le 15 et y restera jusqu’au 2 août puis sera envoyé au Kommando disciplinaire 96 du Straflager VI G, à Koln-Merhein jusqu’au 29 du même mois. Il est alors hospitalisé au Reserve Lazarett KH St Elizabeth de Koln-Hohelind jusqu’au 16 septembre puis au Reserve Lazarett K.G. Abteilung de Siegburg jusqu’au 30. Passé de Rhénanie en Westphalie, il est le 1er octobre 1944 à Forellkrug, au Lazarett II 326-VI/K jusqu’au 10 puis, toujours à Forellkrug, passe deux jours au Straflager I-K 3000 avant d’être transféré à l’Oflag 83 (Baraques 9 et 13) à Wietzendorf (Soltau – Hannover). Ce camp sera libéré le 16 avril 1945. L’odyssée du retour commence alors par une énervante attente car le prisonnier Sommaruga n’en partira que le 22 pour Bergen/Belsen où il restera, comme ex prisonnier de guerre, du 22 avril au 1er mai, avant d’être transféré à Wietzendorf (à l’ex Oflag 83) du 1er avril au 17 août. Après un bref passage au camp de transit de Braunschweig (17-18 août) il passera ses deux derniers jours en Allemagne au centre de triage de Mitteiwald les 21 et 22 août.
De retour en Italie, notre sous-lieutenant passera dans un ultime camp de triage, le Centre d’accueil des anciens combattants de Pescantina le 25 puis transitera par Milan (25 et 26) avant de se retrouver dans sa famille, à Varèse, le 26 août 1945. Le lendemain, il est libéré de ses obligations militaires. C’est la fin d’un long calvaire de deux ans qui lui avait été infligé pour avoir refusé la collaboration avec le Reich et la République fasciste de Salo, à la fois sur le plan militaire et sur celui du travail civil forcé. 75 fois, il a dit Non! Selon le petit journal clandestin qu’il avait réussi à tenir au cours de sa captivité. Les titres de ses livres en disent long sur sa farouche volonté de résistance: «Une incroyable histoire», «Plutôt mort qu’esclave», «Non! Anatomie d’une résistance», etc.

Remarques
Le texte consulté indique que le statut de I.M.I. a été attribué aux captifs pendant une certaine période, que le Strafkommando VI/G AK96 de Koln-Merheim était un centre de travail de la fabrique de guerre de suspentes de parachutes de la «Glanzstoffand Courtlands A.G.» et était un Kommando disciplinaire (comme son appellation l’indique d’ailleurs). Il précise aussi que Sommaruga n’était plus alors I.M.I. mais déporté politique. Il aura le même statut au Straflager IK 3000 de Forellkrug. Les officiers semblent donc bien avoir été astreints au travail forcé. Le Stalag 317, de Markt-Pongau, annexé au Stalag XVIII C, était un autre ancien Kommando de travail de Rawa Ruska; des Italiens y ont été internés. D’autres le furent au Stalag 327 situé à Przemystl, dans le Gouvernement général de Pologne également.
 

Une autre remarque concerne les formulaires de correspondance utilisés: ce sont les mêmes que ceux des prisonniers de guerre. Dans l’archive Sommaruga, ils sont bilingues, généralement français-allemand, plus rarement et sans doute seulement à partir de mai 1944, italien-allemand. Les plis retrouvés dans les collections montrent un avantage beaucoup plus marqué en faveur des premiers. Exceptionnellement, il existe aussi des formulaires uniquement en allemand.
Il faut également signaler qu’assez fréquemment, dans cette archive ou ailleurs, les formules Prisonnier de guerre et Kriegsgefangenen sont rayées au crayon. Dans d’autres cas, une grande griffe apposée au recto des plis indique: Internierten N°… ou Interniertenpost pour bien marquer qu’il ne s’agit pas de courrier de prisonniers de guerre. La franchise postale est néanmoins accordée.
D’autres renseignements peuvent être tirés de l’observation des correspondances de ces prisonniers italiens au statut si particulier. On notera par exemple que des plis en provenance ou à destination de militaires, en général officiers, internés au Stalag 307 de Deblin Irena utilisent des formulaires du Stalag 325 de Rawa Ruska (fermé en janvier 1943): rien d’étonnant à cela puisque Deblin Irena était un Kommando de travail de Rawa Ruska et n’est devenu Stalag 307 qu’après la fermeture de ce camp.

 

 

     

Il en est de même pour un pli adressé à Sommaruga: l’adresse imprimée du formulaire, “M.-Stammlager 328” a été barrée et remplacée par “319 C Cholm Feldpost 18754”. Le Stalag 328, à Lemberg, est un autre ancien Kommando de travail de Rawa Ruska. Le Stalag 319 de Cholm était lui-même dans le secteur de Tarnopol, annexe de Rawa Ruska. Autant dire que si le Stalag 325 n’avait plus, à l’époque des I.M.I., d’existence officielle, ses anciens Kommandos de travail étaient encore en activité et dans des conditions tout aussi inhumaines. Un pli expédié le 21 mars 1944 par un IMI du Stalag 304 porte comme adresse le FPNr 36 534. Le Stalag 308, en principe à Bathorn, a aussi reçu des Italiens de même que le 317, le 327 à Przemysl, le 366 à Siedlce et bien  d’autres.
 


Voyons maintenant les Oflags.
 Claudio Sommaruga a, bien malgré lui, fréquenté l’Oflag 77. Situé à Deblin Irena sans doute pour les officiers I.M.I. puisque créé en janvier 1944, il était lui aussi, en réalité, une continuation de Rawa Ruska et de ses méthodes. L’Oflag 73, qui reçut aussi des IMI était annexé au Stalag XIII D de Nürenberg-Langwasser; de février 1944 à avril 1945, il devait être à Beniaminow, en Pologne. L’Oflag 83, situé à Wietzendorf, région de Soltau, en Allemagne, semble avoir été créé pour les Italiens puisqu’il a fonctionné de novembre 1943 à avril 1945.


Voilà tout ce qu’apportent les quelques plis que je possède ou que j’ai eu en mains. Le sujet est loin d’être épuisé:
- Quid des militaires sous-officiers ou sans grade?
- Le traitement subi par Sommaruga était-il le lot de tous les officiers ou seulement de ceux qui avaient refusé le statut de travailleurs libres?
La réponse paraît facile: il suffit de lire les nombreux écrits publiés sur le sujet par nos voisins italiens. Mais voilà! il faut connaître leur langue et je ne la connais pas!!! Nul doute que des collègues auront à cœur de compléter cette passionnante histoire des I.M.I.


Un mot des prisonniers anglais en Italie
Le hasard fait que je viens d’acquérir un pli intéressant adressé de Grande-Bretagne par son épouse le 23 septembre 1943 à un Lieutenant-Commander de la Royal Navy interné en Italie au Camp n°5 à Serravalle, desservi par le bureau de poste militaire 3100, après l’armistice italo-allié. L’expéditrice, dans sa correspondance, n’est guère optimiste sur l’acheminement de cette lettre qui, pourtant, finira par trouver son destinataire … le 11 mars 1945, au Marlag und Milag Nord, en Allemagne! En effet, après l’armistice, comme les militaires italiens, tous les P.G. anglo-américains détenus en Italie qui n’avaient pu être libérés par les Alliés se sont retrouvés dans des Stalags allemands.

Montage réalisé à partir de documents du Dr Jacques Perruchon, auteur de plusieurs livres historiques sur la région Charentes et Poitou)  (Lire)


 

Prisonniers italiens capturés à la Libération de La Rochelle. Provenant de la base sous-marine de Bordeaux, ils combattirent, mais sans armes car peu sûrs, aux côtés des Allemands dans les îles d'Oléron et de Ré.(Document Robert Brochot)

Les prisonniers de guerre italiens au Texas : http://www.italia-rsi.org/farsiinon/inon.htm

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