SECOURS QUAKER BO/SB le 21 janvier 1946
Délégation de Toulouse
CAMP DE GERMIGNAN - ST-MEDARD (Gironde)
Visite de Toot Bleuland et Stanley Johnson le 12 janvier 1946
Dépôts 182 et 183
Commandant : M. ANDREOLI
Docteur allemand : Dr LUDKENLe camp de Germignan est un camp de passage et se divise en deux parties : une en hôpital pour la 18 ° Région, l’autre en camp de travailleurs. Nous avons visité ce camp car nous avions des valises à apporter aux deux infirmières qui étaient auparavant à Purpan.
Nous avons vu d’abord le lieutenant Laffond, adjoint au commandant, qui nous a appris que les deux infirmières en question avaient été rapatriées une semaine auparavant. Il nous a indiqué également qu’il y avait un camp auxiliaire à Marmande, hébergeant 400 personnes, qui dépend du camp de Germignan.
Effectif :
II y a un total de 2000 qui dépendent du camp de Germignan, dont 1100 à l’hôpital et 600 au camp même.
Rapatriement :
Le 8 janvier, 129 personnes ont été rapatriées, y compris 23 infirmières. Les Autrichiens ne sont pas encore rapatriés mais doivent l’être d’un moment à l’autre. 900 prisonniers doivent être rendus prochainement aux Américains et seront envoyés à Marseille.
Les rapatriements ont lieu à deux endroits en Allemagne, qui servent de centre de triage : Tüttlingen et Bretzenheim. Nous avons appris que les rapatriés ne restent qu’une heure dans ces deux endroits et sont expédiés immédiatement à leurs domiciles respectifs.
Situation :
Le camp est situé dans un terrain sableux, parmi les pins d’une forêt. Il a l’air extérieurement très bien tenu. Les baraques sont en bois, les planchers également en général, à part la partie réservée aux lavabos, qui ont plusieurs robinets au-dessus d’une auge et où le plancher est en ciment.
Nous avons visité la baraque où demeurent les malades opérés et qui sert de salle d’opérations. Il y a des lits de fer pour tous, ainsi que des matelas et des traversins en toile qui cependant sont très sales. Il y a une moyenne de deux couvertures par malade. Le nombre de malades par baraque est de 40.
Chauffage :
On donne 40 morceaux de bois de 2 décimètres de longueur et de 10 ou 12 cm2 par jour, ce qui fait 80000 cm3, selon nos calculs et ne permet pas de chauffer toute la journée.
Canalisation :
Inexistante. Nous avons été frappés par la forte odeur qui règne dans tout le camp, probablement due au sol sablonneux.
Maladies :
Le docteur nous a appris qu’il y a eu une épidémie de typhus où 600 personnes sont mortes en un mois, ce qui veut dire 1 sur 5. Maintenant cette épidémie est heureusement enrayée, mais il y a encore pas mal de malades qui souffrent de complications à la suite de cette maladie.
En plus, il y a pas mal de cas qui souffrent des suites de maladie infectieuses et se plaignent maintenant du cœur, rein, etc. surtout après la diphtérie et le typhus.
Il y a 30 cas d’œdèmes de la faim qui étaient déjà au camp, et 30 supplémentaires qui sont venus de divers kommandos, ce qui fait un total de 60 cas d'œdèmes de la faim avec les symptômes connus.
Il y a également des grands blessés de guerre et des accidentés de travail.
Médicaments :
Le camp a reçu comme tous les camps de P.G. beaucoup de médicaments de la Croix-Rouge internationale, y compris des médicaments récupérés de l’armée allemande. Le dentiste, qui a beaucoup à faire, manque de vrilles, etc.
D.D.T.
Toutes les couvertures étaient couvertes de la fameuse poudre grise grâce à laquelle il n’y a plus de typhus. Dans une des baraques, nous avons vu un blessé à qui on a dû amputer dernièrement une jambe, après avoir soigné cette jambe pendant plusieurs mois, dans l’espoir de la sauver.
Ravitaillement :
Le docteur nous dit que le ravitaillement consistait surtout en légumes verts, c’est-à-dire navets, carottes, choux. Il ne peut donner aucun régime, et le camp ne dispose que de très peu de pâtes et pas du tout de légumes secs. Depuis le 5 janvier, les denrées disponibles pour les régimes et qui provenaient de la Croix-Rouge américaine sont épuisées.
Calories :
Le nombre de calories se monte à environ à 1800 par jour, selon le docteur allemand.
État sanitaire :
En outre du docteur allemand, il y a 30 personnes qui font partie du personnel sanitaire, et 4 infirmières allemandes qui ne sont pas encore rapatriées car elles sont de la zone russe. Il y a également un dentiste.
Vêtements :
Les hommes n’ont comme partout ailleurs, pas de vêtements de rechange et pas de chemises. Contrairement aux autres camps, il n’y a pas encore eu de distributions de sabots.
Pendant que nous étions au bureau du lieutenant, il a fait venir l’homme de confiance, et lui a donné ordre d’assister à un déchargement d’un wagon de vêtements qui venait d’arriver. Ces vêtements ont été ramassés en Allemagne et non en Autriche. Ceci montre les relations « amicales » qui règnent entre les Allemands et les Autrichiens. !
Par ce même entretien, nous avons pu nous rendre compte des bonnes relations qui existent entre les Français et les Allemands au camp. Le fait qu’on nous a laissé entrer librement et sans surveillance au camp dénote également ces relations. Nous avons été frappés aussi du peu de fils de fer barbelés qui entouraient le camp.
Occupations
Le camp a un orchestre dont les instruments dont été donnés par le Y.M.C.A. Ce dernier a également fourni des jeux et la bibliothèque. Chaque baraque possède son jeu d’échecs, et des tournois ont été organisés à plusieurs reprises.
Le soir du 12 janvier, il y avait un concert d’organisé dont nous avons lu le programme qui avait l’air très bien.
Travaux :
On arrive à faire la réparation des vêtements et chaussures, mais comme partout, le manque de matériel gêne beaucoup.
Correspondance :
La moitié des hommes n’ont reçu aucune nouvelle de chez eux depuis 18 ou 20 mois. Quelques uns ont bien reçu du courrier des zones françaises, américaines ou britanniques, mais aucun de la zone russe .Quelques uns ont bien reçu du courrier des zones françaises, américaines ou britanniques, mais aucun de la zone russe.
Nous espérons revenir au camp bientôt, et nous avons l’impression qu’il faut faire quelque chose pour les œdèmes de la faim.
C BLEULAND Stanley JOHNSON
Déléguée Délégué
Source: American Friends Service Committee Records Relating to Humanitarian Work in France, 1933-1950. Séries II TOULOUSE OFFICE. Sub-series: REPORTS Box 26 Folder 18-1. American Friends Service Committee 1501 Cherry Street Philadelphia, PA 19102
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