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Ouest-France du 6 juillet 1946 a écrit larticle suivant concernant lassassin dAndré Leclerc : A LA COUR DE
JUSTICE Les jurés de la Seine et ceux de
la Côte dOr sont depuis plusieurs jours occupés à lexamen
des sinistres exploits des policiers et des tueurs de la SPAC.
Durant de longues audiences, de nombreux témoins ont défilé,
rescapés pour la plupart des camps de la mort lente, et ont
évoqué les tortures et les sévices dont ils ont été lobjet
de la part des bourreaux sur le sort desquels va se prononcer la
justice des hommes. Inculpés tous deux dintelligence avec lennemi et de port darme contre la France, Emile Schwaller et du Perron du Mautin ont été également des voleurs, des bourreaux et des assassins. Complices, ils étaient amis Co-inculpés, ils se haïssent aujourdhui et, pour essayer de sauver leur tête, ils tentent de se rejeter, lun sur lautre, la responsabilité du drame épouvantable dont ils ont été les acteurs et dont furent victimes des Français et des Patriotes. Et cest bien que leur dossier ait été étudié séparément et quils aient chacun leur responsabilité propre dans des affaires qui leur sont particulières, parce quils ont travaillé ensemble pour les mêmes maîtres, quils comparaîtront côte à côte, devant la cour de Justice. Une rude bataille en perspective car les deux traîtres ne se ménageront pas. LA CARRIERE DE SCHWALLER : Pour aujourdhui, ouvrons rapidement le dossier de Schwaller : Emile Schwaller est né le 8 octobre 1911 à Portrieux dans lEst. Il est donc âgé de 35 ans. Ex-secrétaire départemental de la L.V.F. et ex-chef de centaine de la Milice à Rennes. Il commence à se mettre au service du " Grand Reich allemand " dès 1941, époque à laquelle il signa un contrat de trois mois comme travailleur volontaire en Allemagne. A lexpiration de ce contrat, Schwaller sengage dans la L.V.F. Son livret militaire porte le numéro 76. Cest dire assez quil fut dans les premiers de ceux qui, croyant dans la victoire hitlérienne, voulurent être parmi les artisans de cette victoire et la réaliser, pour en profiter. Sergent à son départ pour le front de lEst, Emile Schwaller se bat pendant deux ans contre les Russes et conquiert les étoiles dadjudant, puis dadjudant-chef. Réformé le 8 avril 1943, il vient sinstaller à Rennes ou ses maîtres lui confient le secretariat départemental de la Ligue des Volontaires Français contre le Bolchevisme. Cest en cette qualité quil dirige la propagande et le recrutement des volontaires heureusement peu nombreux qui se laissent prendre au mirage dangereux de la croisade prêchée par Vichy. Ayant adhéré au PPF Schwaller est nommé en avril 1944 instructeur de la Milice et à larrivée des sinistres sbires de Darnant, il prendra le commandement dun groupe en qualité de chef de centaine. UN MONSTRE Cest alors quil manifesta lactivité qui lui vaut de comparaître devant la cour de Justice. Emile Schwaller pour les Rennais et pour toutes les populations dIlle et Vilaine, va devenir le bourreau n° 1. Et lon a peine à croire quun homme puisse faire preuve de plus de cynisme et de plus de cruauté. Les Allemands qui cependant le paient et lemploient diront de lui quil leur apparut comme un monstre déchaîné, nayant plus dautre but que de satisfaire ses bas instincts de soudard. Il multiplie en trois mois les arrestations, les pillages, les tortures et les meurtres. LE PILLARD Connaîtra t-on jamais tous les crimes dont Schwaller est responsable ? Cest peu probable. Mais la liste de ceux qui ont été établis est suffisamment éloquente pour permettre à la Justice de lui demander des comptes. Faut-il en énumérer quelques uns ? Citons rapidement les pillages réalisés à lhôtel de M. Lechaux, avenue Barthou à Rennes ; chez M. Bourdais à Saint-Meen-le-Grand ; chez M. Bohuon, boucher à Romillé ; aux établissements Thiercelin à Rennes, où avec ses hommes, il sempara notamment - les traîtres avaient grand soif de 1.769 bouteilles dArmagnac ; chez M. Poirier au restaurant dArmenonville. Partout le bandit, pour masquer ses vols, exige de ses victimes sous la menace, quelles signent des attestations affirmant quelles font don à la Milice de tous les objets qui leur ont été volés. LE BOURREAU Et cest la longue série des arrestations, des tortures et des vols dont sont victimes : MM Pierre Larre et Marchand à Vern-sur-Seiche ; Désiré Faludi et Marcel Glasmau à Bourg-des-Comptes, qui sont tous deux brûlés avec des cigares et des cigarettes allumées ; Auffret, marchand de grains à Rennes ; Joseph Maret et Pierre Louis, Marcel Lodiais à Rennes, qui réussit heureusement à sévader ; André Leclerc qui fut assassiné route de Saint-Brieuc ; Henri Gloux et Clément Villoury de Talensac ; jean Trémintin restaurateur route de Lorient à Rennes ; Armand Baziller qui fut abattu à coup de révolver ; Auguste Thouin jardinier à Rennes ; André Roullier ; Charles Jaffrenou et Lucien Lagoutte qui connurent le supplice de la tête plongée dans une bassine deau ; Marie Rousseau et Roger Pignel de Pacé qui furent abattus sans motif sur la route et dont les enfants de Schwaller se partagèrent les dépouilles ; Henri Berthelot inspecteur aux renseignements généraux ; Fernand Brionne dont le cadavre atrocement mutilé ne fut retrouvé que plusieurs semaines après la libération ; Huchet-Chouan épicier à Rennes qui fut torturé malgré ses 64 ans et qui dut être hospitalisé ; les frères Hyppolyte et Roger Bruchet, commerçants 50 rue dAntrain à Rennes, dont le second Roger devait mourir des suites des tortures quil subit ; les frères Georges et Armand Guihard et Toussaint Langlament de Chartres-de-Bretagne etc Ce douloureux et tragique palmarès nest quincomplet. Schwaller en effet, a dautres crimes sur la conscience, crimes quil réalisa cette fois contre des membres de la Résistance. Cest lui en effet, qui est accusé davoir fait arrêter et déporter Mme Louis Nuss et Mme Toullec rue Gütemberg à Rennes, qui servaient courageusement dans un réseau de la Résistance, le réseau " Blavet " arrestation qui fut suivie à Paris de celle dun héros de la Résistance, Yvon Jézéquel et de sa sur, morts tous deux en Allemagne. Cest lui encore qui opéra à Saint-Pierre-de-Plesguen chez M. Dufeil ; à Larchamp en Luitré contre le Maquis que dirigeait le chef de groupe Bouvier, qui blessé fut achevé à coup de révolver ; à Broualan contre un autre maquis, opération au cours de laquelle trois Patriotes furent tués et dix sept arrêtés, dont huit furent exécutés sur place ; à la Roche-aux-merles en Vieux-Vy-sur-Couesnon ou fut exécuté Yvonnick Laurent, cependant que furent arrêtés Jean Salvet et Roger Elie. Tels sont rapidement résumés, les faits principaux retenus à la charge de Schwaller. M. Bouriel, président de Chambre dirigera les débats avec sa coutumière autorité. M. lAvocat Général Guihaire occupera le siège du Commissaire du Gouvernement. Et désigné doffice par le Bâtonnier de lOrdre des Avocats Me Yves Lecomte, obéissant aux traditions de la Justice Française qui veut que tout accusé soit assisté dun avocat, se tiendra au banc de la Défense. Cest du reste dans les mêmes conditions que Me Poret a été désigné pour défendre du Perron de Maurin, dont nous examinerons lactivité dans notre prochain numéro. Jehan Tholomé (Schwaller a été fusillé)
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