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L'embuscade tragique de Vern-sur-Seiche
du 14 juillet 1944 |
Le parachutage d'armes de Drouges
Il est 13 heures, le 14 juillet, un message tombe sur les ondes brouillées de notre petit poste radio, toute antenne déployée, contre une meule de foin : "Les enfants font les courses au village. Cinq fois". cela signifiait qu'un parachutage devait être réceptionné, la nuit suivante, à la Guerche-de-Bretagne. ( En fait ce fut à Drouges que fut effectué le parachutage)
Derniers messages reçus et griffonnés sur un bout de
papier Quatre résistants avec et sous les ordres du lieutenant Salmon prennent place à bord d'une "201 Peugeot". Ce sont Rémy Lelard, Alfred Lavanant, Jacques Delente et le chauffeur Henri Guinchard le Parisien. Direction : Drouges, par Bouillant, Vern, Nouvoitou... Habituellement, les missions étaient réalisées à bicyclette. Mais la veille, au cours d'une poursuite mouvementée, Bernard s'était accidentellement tiré une balle dans la cuisse et avait demandé à Henri de les conduire sans sa vieille "201". Jacques Delente (rescapé:
"Nous sommes sortis en milieu d'après-midi, par la route de Chatillon, puis on a rejoint Vern par un chemin vicinal. Tout paraissait
normal. Mais juste à l'entrée du bourg, on voit plein d'Allemands armés qui
barrent la route. Trop tard! Vite, on prend la route de Nouvoitou, à gauche.
Deuxième barrage! Madame Salmon: "Si les Allemands n'ont pas pu tirer dessus, c'est qu'une seconde auparavant, Rémy, en sortant à gauche de la voiture, a voulu prendre sa mitraillette. Les Allemands l'ont vu et ont tiré dans le tas. Bernard, qui avait eu la présence d'esprit de laisser tomber son portefeuille dans le fossé, afin d'éviter que des documents compromettants ne tombent entre les mains des Allemands, est touché à mort, ainsi que Rémy. Henri, encore au volant, est touché aux reins et agonise là, sans que personne ne puisse lui porter secours. Il mourra deux heures plus tard, après avoir été chargé dans une camionnette allemande. Il eut la force de crier "Vive la France"." André Lavanant: " Mon frère, Alfred, s'était planqué dans la forge, faute de trouver une issue par derrière. Les Allemands l'ont cherché pendant un quart d'heure. Ils allaient repartir bredouille, quand Alfred a toussoté. Un officier, furieux de n'avoir pu prendre les cinq sur le coup, a pris une mitraillette. Alfred avait les mains en l'air. L'autre l'a littéralement coupé en deux. C'est un véritable crime de guerre. Y a-t-il eu des indiscrétions ? Ce barrage était-il tout simplement un contrôle de routine? Autant de questions sans réponses. Au départ c'est une 'Traction'' qui devait être utilisée, mais son embrayage ayant rendu l'âme... André Lavanant: "Je suis persuadé qu'ils ont été vendus. Pourquoi des Allemands à Vern? Jamais, on n'avait vu de barrages là. Pourquoi en interceptant la voiture, ont-ils crié "Vous, terroristes?". " A ce propos, Monsieur Lafaye, camarade de faculté de Bernard Salmon, raconte: "Il mangeait à côté de moi, au restaurant universitaire. il n'y avait rien à craindre de ceux de notre tablée, mais derrière, il y avait un étudiant dont on m'avait dit: "Il faut s'en méfier, il est possible qu'il travaille pour la Gestapo.". Bernard parlait de choses et d'autres, et, tout à coup: "Demain, je pars dans la Mayenne pour un parachutage", et il commence à indiquer son itinéraire. Un coup de pied, et je lui souffle: "Tais-toi, danger" "Qui?" Me demande t-il. Je lui explique rapidement, a voix basse, et il me dit: "Tu te trompes, je le connais, il n'y a rien à craindre." Qui avait raison? Toujours est-il, que le lendemain, Bernard et ses camarades F.T.P., sont tombés dans une embuscade allemande. Celui dont je me méfiais, a disparu, je ne l'ai jamais revu". Imprudence, dénonciation, trahison, hasard? Il est vain quarante ans après, de retrouver la vérité... Jacques Delente: "Après le tas de fers à cheval, j'ai tiré un coup de pistolet, puis j'ai sauté par-dessus un poulailler et je suis arrivé derrière la maison d'un notaire ou d'un médecin. Je descends un fossé et je me trouve au milieu de femmes qui tricotent. Là, j'ai perdu mon pistolet. Je me suis perdu dans le village. Tout à coup, un Allemand se trouve en faction au bout du chemin! J'ai alors déguerpi vers la voie ferrée. J'avais bien sûr entendu la fusillade. Comme j'avais tiré un coup de feu, les Allemands ont du hésiter à me poursuivre. En pensant que j'étais resté caché, ils ont dû essayer de me contourner. Moi pendant ce temps, j'étais loin... Dans la soirée, je suis revenu à Vern. Je me suis caché à côté de la salle des fêtes, derrière une haie de lauriers palmes. J'ai entendu dire: "Il y a quatre résistants tués, dont une femme". En réalité, c'était Bernard Salmon qui avait les cheveux bouclés et assez longs. les Français n'avaient pas le droit d'approcher, et avaient donc mal distingué les corps. Je suis alors parti à pied pour la Guerche, car je pensais aux copains qui nous attendaient. Quand ils m'ont vu arriver tout seul, j'ai dû avouer à André Duchemin, le beau-frère d'Henri Guinchard, qui était aussi mon cousin, ce qui s'était passé. je n'ai pas pu lui dire qu'Henri était mort, car je ne savais pas ce que mes camarades étaient réellement devenus". Madame Salmon: "Suzanne C., camarade de Bernard, est venue chez moi. "Je viens voir si Bernard n'a rien laissé traîner chez vous. Il paraît que des patriotes ont été tués à Vern. Les Allemands fouillent partout. "Ils sont fous". Je commençais à craindre le pire. Ce ne sera que le lendemain que confirmation me sera faite de la mort de mon Bernard, mon seul fils, déjà enterré sur ordre des Allemands. La population de Vern est allée, entre-temps, demander au maire d'intervenir auprès des Allemands pour que ces jeunes, enterrés comme des chiens, soient relevés, et enterrés avec dignité, en présence des familles. La requête fut acceptée à la condition que seule la famille assiste aux obsèques. En réalité, une foule nombreuse s'y rassemblera et les tombes abondamment fleuries, en hommage à leur courage." En entrant dans l'agglomération, pas de problème, des Allemands, planqués, laissent passer la voiture, surgissant ensuite sur la route.
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Sources:
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