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Prisonnier au Frontstalag 135 de Quimper

 

Les Frontstalags étaient des camps de prisonniers de l'armée allemande situés en France dans la zone occupée lors de la Seconde guerre mondiale du 19 juin 1940 au 4 janvier 1941). La plupart des prisonniers sont maintenus dans ces camps situés en France,  avant de l’être envoyés en Allemagne. La plupart des stalags en Allemagne sont en cours de construction pour les accueillir.

 

Henri Martin qui a mis en ligne son blog les notes de son père prisonnier à Quimper du mois d'août à décembre 1940:
Les photos sont de sa collection personnelle.


Déjà deux mois de captivité   Le nouveau camp 135  Mon évasion  Documents photographiques

 


 

 

Mon père Henri Martin prisonnier de guerre au Front stalag 135 de Quimper dans le Finistère, a réussi à s'en évader quelques jours avant d'être envoyé dans un camp en Allemagne. Il a écrit sur un cahier les évènements du camp durant plusieurs mois. Autorisé à travailler à l’extérieur du camp chez un photographe de la ville, il bénéficié d’une semi liberté. Il a ainsi pris de nombreuses photos du camp ainsi que des photos que des Allemands avaient rapportées du front.

Je pense qu'il aurait aimé ce site qui est créé en mémoire de tous ces prisonniers qui ont vécu cette douloureuse période.

PREFACE

Vous allez trouver là, dans ce vulgaire cahier, quelques notes prises au hasard des heures vécues en captivité.
Je suis ni un écrivain, ni un homme capable d'écrire correctement de simples moments vécues. Vous ne trouverez là que des impressions, des souvenirs, des faits qui se sont écoulés pendant notre séjour dans ce camp.
En prison on passe le temps de son mieux, c'est pour cela que j'ai entrepris un semblable travail me permettant de passer mes soirées agréablement et qui par la suite me remémoreront toutes ces tristes journées.
Les photos qui se trouvent dans ce cahier vous montreront mieux que mes lignes, les lieux, les travaux et les distractions que nous avons durant notre captivité.
La plupart de ces photos sont tirées par moi-même mais il peut se faire que durant le courant de ce cahier il y ait quelques photos empruntées de ci et de là.
Enfin comme ce cahier n'est que pour ma satisfaction personnelle, j'espère que ce qui pourraient avoir l'occasion de le lire auront l'indulgence de ne pas le juger trop sévèrement car ce n'est qu'un prisonnier qui fait cela et non un écrivain.....
En terminant cette préface, il me vient à l'esprit deux vers de CHENIER que nous espérons tous se voir réaliser au plus vite.

"Enfin la grille s'ouvre, on retourne au village"
"Ainsi que les genêts notre âme est toute en fleur"
 

 

Nous sommes enfermés dans la caserne de la Tour-d’Auvergne qui sert de camp de prisonniers. Cette caserne était le centre mobilisateur n°112 et lieu de cantonnement du 113ème Régiment d’Infanterie. Régiment. Plus de 6000 hommes s’y trouvent entassés pour des bâtiments prévus pour 3000 hommes. Beaucoup de prisonniers sont couchés pêle-mêle dans la cour par terre sous des tentes ou dans des camions en panne, où se mélangent des soldats de différentes  unités.

Pour les repas c'était la ruée vers les cuisines composées de plusieurs roulantes laissées là par des régiments et placées dans une petite cour attenante à la caserne. Il fallait attendre des heures entières pour pouvoir réussir à obtenir un morceau de pain et une patate cuite à l'eau ou encore du singe, 1 boîte pour 5.

Ceux qui avaient la chance d'avoir un lit, le gardaient des journées entières de peur de ne pas le retrouver occupé en leur absence. J'ai été donc l'un de ces privilégiés qui se déplaçaient avec son matelas lorsque je déménageais d'une pièce à une autre.

Nous étions sans courrier, sans argent. Dans la débandade de la défaite, les soldats avaient perdu leur barda le long des routes. Nous n'avions que les vêtements que nous portions. Notre linge puait la crasse et la sueur. Comment le laver sans savon, sans brosse, sans lessive? La situation s'est améliorée le jour où des infirmières nous donna du linge propre, du savon et aussi de la nourriture.

Dans le premier bâtiment, une compagnie de 200 hommes assurait des travaux de terrassement à l’extérieur de la caserne, des tranchées et des abris pour avions. Le travail à fournir n'est pas très dur et ils sont contents de sortir de l'enfermement. Ils sont mieux nourris mieux et on leur promet de gagner 10 francs par jour.

Près de 3000 hommes vient de quitter la caserne pour être dirigés vers un autre camp de la région. La vie au sein de la caserne s'en trouve améliorée.

 

Déjà 2 mois de captivité

 

Voilà bientôt deux mois que nous sommes ici. Les prisonniers étant autorisés exceptionnellement à travailler chez les artisans de la région, j'ai eu l'idée d'écrire à un photographe de Quimper pour lui demander s'il n'avait pas besoin d'un employé et j'ai eu l'agréable surprise d'être accepté, mais le plus dur restait à faire. Comment franchir cette maudite grille?. A force de démarches à droite et à gauche, je réussis à être présenté à un secrétaire allemand qui me posa évidement beaucoup de questions, enfin à force de patience, j’obtiens une autorisation rédigée en allemand m'autorisant à sortir du camp de 8h00 à 12h00 pour me rendre chez mon nouvel employeur. Quelle fut ma joie ce jour-là! Je ne pensais pas que cela soit possible .Mon premier jour d’embauche commence le 15 août. Dès 7h45, je me présente au poste de garde avec mon laissez-passer. La grille s’ouvre. C’est avec un soupir de satisfaction, que je me retrouve dans la ville avec le sentiment d’être libre. Les gens me dévisage comme si j’étais une bête curieuse.

 


Le poste de garde de la caserne

 

19/08/1940:

 Ce soir, c’est mon tour d’être désigné pour aller chercher le repas de la chambrée. Je me présente donc vers 17h30 avec la liste des 15 noms au sergent, qui met un numéro d'ordre sur le billet. Vers 19h00, avec ce bon je vais d’abord toucher le pain. On me remet 2 boules de pains de 1 kg. C’est peu pour 15. Cela nous fait 140 g chacun. C’est la ration pour la journée. C’est ensuite la soupe qui est servie dans un plat où baignent 28 petites pommes de terre de la taille d’un œuf de pigeon. Elles sont non pelées et cuites à l’eau. Le plat principal est une boîte de pâté pour chien― Nous l'appelons ainsi car il est fait de détritus que même un chien ne mangerait pas― Et voilà notre repas du soir .

Aujourd’hui, je complète mon repas avec des provisions personnelles. Aujourd'hui, j’ai eu le plaisir de boire un quart de vin. J’ai acheté un peu de pâté de foie et un kg de pain. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de boire un quart de vin. Cela faisait longtemps que je n'en avais bu.

 

20/08/1940 

Aujourd’hui, un Allemand que j’avais rencontré au secrétariat lors de ma demande de travail me demande quel est le prix d'un agrandissement de film Leica en 6X9. Je lui dis approximativement le prix de 1,50 à 2 francs. Alors me regardant bien en face , les yeux dans les yeux, avec l'air sec des Allemands, "et pour moi"? J'en restai hébété, mais me ressaisissant vite je lui répondis du tac au tac "venez au magasin, on s'arrangera" que pouvais je lui dire de plus, je n'étais pas le patron et ne pouvais pas lui fixer un prix sans en avoir avisé mon patron. Cette petite histoire dénote l'esprit de ce secrétaire qui voulait bien me rendre un service mais à condition que je lui en rende un autre. Et ce n'est pas fini. hier matin, je le rencontre à nouveau assis au coin du poste. Dès qu'il me voit il m'appelle et me dit " pour faire une photo ici, maintenant, qu'est ce qu'il faut comme diaphragme et comme rapidité ?" Je lui réponds aussitôt " 9 de diaphragme et 25/100 ème de seconde, alors froidement il sort un posemètre de se poche, l'examine et ensuite me répond flegmatiquement " oui, ça va " C'était tout simplement pour savoir si je connaissais exactement le renseignement. Il me donna ensuite un rouleau de film et me dit: " à développer pour demain matin 9h00 et comme il faut !" Que dire , Il faut accepter et s'incliner. Je lui porte le film développé qui était flou d'ailleurs et après l'avoir examiné pendant 10mn, il me donne un bout de papier et un crayon pour que je note les numéros des photos qu'il souhaitait voir développées pour le lendemain à 9h00. Je lui réponds que cela est impossible ! Ce sera donc pour après-demain, me dit-il, en me saluant avant de me quitter.

21/08/1940 :

 

Il y a quelques jours, on avait demandé par voix d'affiche, les malades susceptibles d'être réformés. Evidement il s'en est trouvé des quantités qui se sont présentés à l'infirmerie et comme le major, un lieutenant et prisonnier comme nous, ne demandait pas mieux que de faire libérer tout le monde, il y a trois jours, il leur a fait signer à chacun une feuille rédigée en allemand leur donnant l'autorisation de se présenter au conseil de réforme. 100 prisonniers sont convoqués à l'hôpital pour un conseil de réforme.

 

22/08/1940

 

Ce matin à 11h00, on a relevé tous les jeunes gardiens allemands qui vont quitter le camp pour être envoyés pour un destination inconnue. Le secrétaire allemand dont je vous ai parlé dernièrement n'est pas content des photos que je lui ai faites car mon patron voulu lui faire dans une qualité supérieure. Je n'y peux rien et j'ai fait le maximum pour lui être agréable, mais les temps sont durs et le papier manque. C'est embêtant pour moi car il sera mal disposé pour renouveler ma permission le 30. Enfin, d'ici là nous verrons bien. Patientons.

 

23/08/1940

Je suis allé ce matin à l'infirmerie pour me faire porter consultant dentaire et me permettre d'aller à l’hôpital de Brizieux et essayer de trouver un moyen pour être réformé. Donc à 12h30, je suis devant l'infirmerie pour le départ à l’hôpital. Au  médecin dentiste, je demande de me réformer pour ma mauvaise dentition " Mon pauvre petit" me répond-il si c'était possible , je ne demanderais pas mieux, mais ils (les Allemands) n'acceptent la réforme que si l'on n'a plus de dents. Ce soir, un groupe de prisonniers, réclamés par des mairies de la région vient de quitter la caserne. Le secrétaire allemand est parti sans me payer les photos. Je savais qu'il y avait des Français sans scrupule, j'aurai dû me douter qu'il y en avait aussi chez les Allemands.

 

 

24/08/1940

Vers 8h00, je m'apprêtais à partir au travail comme d'habitude, quand j'ai été appelé par un secrétaire allemand qui me demanda par l'intermédiaire de l'interprète si les photos qu'il avait déposées  huit jours auparavant, étaient développées.. Il finit par me dire que c'était long et que nous devrions travailler plus vite. Je lui répondis aussitôt que si cela n'allait pas plus vite c'est parce que je ne pouvais aider efficacement le photographe, ne travaillant que le matin. Il me répondit de lui porter les photos lundi matin et que nous tâcherions d'arranger la chose et de faire mieux.


25/08/1940 :

C'est dimanche, je suis tout de même allé travailler. Le photographe m’annonce une bonne nouvelle. Il est en relation avec l’inspecteur de l’hygiène qui va tenter de me libérer ou me réformer. Un nouveau départ de prisonniers a lieu. 200 prisonniers, agriculteurs dans le civil, partent pour des travaux dans des communes.

27/08/1940

Ce matin, je ne suis pas allé travailler chez le photographe faute de laisser passer. Deux sentinelles allemandes ayant  été attaquées à la gare, toutes les permissions sont supprimées.

28/08/1940 :

Ce matin le photographe est venu pour me voir et savoir ce qu'il pouvait faire pour faire renouveler ma permission de sortie qui est toujours refusée. Le capitaine allemand m'a convoqué ce matin pour me dire qu'il allait s'occupait de moi auprès du colonel.
Je reste allongé sur mon lit presque toute la journée

30/08/1940 :

Voila 2 jours que je ne sors pas faute de laissez-passer Le capitaine allemand me fait appeler dans son bureau pour me demander des renseignements pour remplir ce maudit certificat. Il m'envoie chercher mon patron photographe, accompagné d'une sentinelle bien entendu. Un quart d'heure après nous étions de nouveau dans le bureau. On fit signer le photographe un papier comme quoi il me prenait à sa charge et était responsable de moi, ce qu'il a signé avec plaisir. Le nouveau laissez-passer est valable de 8h00 à 12h00 et de 14h00 à 19h00 sans durée de validité  avec l’obligation de circuler en civil. Cela m’amène à m’acheter un blouson pour me rendre à mon travail. On travaille énormément et le patron est très content de moi c'est l'essentiel. Vers 20h00, il y eu un rassemblement général dans la cour pour un appel général. Une note affichée signale que les prisonniers qui  tenteraient de s’évader seront fusillés. Une première liste de prisonniers réformés est affichée. Jour après jour (suite) 1/09/1940 : Voila un an, la France déclarait la guerre à l’Allemagne et un ordre de mobilisation générale était lancée. Aujourd'hui c'est dimanche, j'ai été travailler le matin mais comme le commis qui travaille avec moi n'est pas venu, j'ai vendu au magasin avec la vendeuse. Cet après-midi, je suis allé à la plage à 22km d'ici en vélo avec le commis. Il y a beaucoup d’Allemands, mais peu de Français. Le patron m'a donné hier 500 francs. C'est bien pour 3 heures de travail pour dix jours de présence. Il vient de rentrer un camion de DCA allemande dans la cour.

5/09/1940 :

Le photographe tente auprès d’un inspecteur de l'hygiène de me pistonner pour me faire réformer. Il s'en est occupé et est venu trouver le major ce matin. Celui ci m'a fait appeler à 10h00 pour me demander ce que j'avais . Je lui ai montré un certificat  et les radios de l'hôpital de Brizieux. Il me dit que les réformes sont difficiles à obtenir à cause du major allemand. Dans la matinée, je trouve un restaurant qui me donne un bol de café et 2 tartines de beurre pour 4 francs. Aujourd’hui, une centaine de prisonniers cultivateurs, demandés par des maires, sont partis de la caserne, pour travailler dans des communes.

7/09/1940

Ce soir, il y a eu un incident dans la cour. Deux soldats prisonniers qui s'amusaient dans la cour à se jeter des seaux d'eau quand un adjudant allemand passe et tire un coup de revolver en l’air pour les arrêter. Ils passeront la nuit au violon. Cette histoire de tout à l'heure me fait penser qu'il y a trois jours, deux adjudants qui traversaient la cour sous les fenêtres ont reçu un seau d'eau ce qui les a mis fort en colère, .mais comme ils n'ont pu identifier les auteurs, il n'y eu pas de suite.
Vers midi, tout un convoi d’une trentaine d'officiers allemands avec leurs équipements ont quitté la caserne. Ils n’avaient pas le sourire.

8/09/1940

Aujourd’hui, c’est dimanche. Ce matin, je suis allé  prendre mon café au lait et manger mes tartines avant de me rendre au magasin. Après avoir servi quelques clients au magasin, je passe faire un tour en ville vers 11h00 avec le commis. A midi je rentre au camp pour apprendre qu’un nouveau recensement général est annoncé. Je me demande pourquoi. Le dernier date de huit jours seulement.  L'après-midi nous sommes sortis mais comme il pleuvait nous sommes allés faire un billard dans un café.

10/09/1940

Rien de nouveau à la caserne si ce n'est qu'on a fait le fameux recensement de prisonniers. On nous distribuer une carte postale adressée à la Croix Rouge pour l’envoyer à nos familles.
On parle de changer de camp ! Est ce vrai ? Personne ne le sait encore.

17/09/1940 :

Les jours passent  sans événement particulier. Au travail tout va. bien. J'ai vu le film "Les 5 sous de Lavarède" avec Fernandel

20/09/1940 :

 Ce matin, j'ai fait sortir un copain qui avait sa femme dans la ville. Il était habillé en civil et nous sommes passés tous deux à la grille sans incident. Je suis allé déjeuner comme tous les matins. Ensuite je suis rentré à la caserne pour rencontrer le secrétaire allemand du toubib afin d’avoir une consultation avec le lieutenant." Il sera là à10h00 me dit-il ". Je lui explique que je veux essayer de me faire réformer et tâcher de le convaincre de parler en ma faveur. J'y arrive tant bien que mal. Le toubib arrive à 11h00. Il me dit qu'il ne peut rien décider sans un avis du médecin français. Dans l’après-midi, je vais voir le médecin français qui déclare ne rien pouvoir faire. En rentrant, je ramène le copain que j'avais fait sortir le matin sans incident. Ce soir, les hommes ont ramené du boudin, du pâté, des gâteaux, des cigares, du rhum, du vin, du pain et des pommes, un vrai repas de roi. Dans la nuit  deux baraques ont pris feu, on ne sait comment ?

23/09/1940 :

Dimanche, je suis allé me promener dans la matinée, j'ai rencontré le greffier du tribunal de commerce qui m'a fait faire connaissance du président du tribunal qui est de Montpellier et dont l'épouse y retourne le 1er octobre. Elle donnera ainsi de mes nouvelles à ma femme. De nouveaux réformés quittent la caserne ce matin parmi lesquels se trouve mon ami Sonia de Perpignan. J'ai mangé hier midi au restaurant. C'était la première fois, ça change du menu du camp. L'après-midi je suis allé au cinéma voir "le mioche". J'ai photographié des Allemands ce matin et cela m'a rapporté 70 francs. Au magasin il n'y a plus beaucoup de travail, je ne sais pas si je vais pouvoir y rester longtemps.

 

 

 

 

Le nouveau camp

8/10/1940 :

Voilà 15 jours que j'ai délaissé mon journal car des événements m'en ont empêché. Depuis le 1er octobre nous avons quitté les bâtiments de pierre pour des baraquements situés à 2 km de la ville. Le matin, toutes les compagnies sont rassemblées en tenue de départ, avec nos affaires personnelles et nos couvertures. .
A 8h30, on nous aligne un par un devant les tables et là un soldat allemand vide le contenu de nos sacs pour voir si nous n'emportons pas des objets interdits. Les boîtes de conserves sont supprimées, les draps aussi et les pantalons kaki en treillis, toutes les affaires civiles sont supprimées également. Quand je vois tout cela, je retourne dans ma chambre avec mon sac et je vais voir le sergent allemand du bureau du capitaine et lui demande comment je vais faire pour aller travailler en ville. Il me fait attendre et me présente au capitaine. Celui ci très chic, me permet d'aller travailler et me donne l'autorisation de manger en ville à midi, mais.il faut rentrer au camp pour 19h00 impérativement. Impossible d'avoir mieux.

Après avoir vu le capitaine, les autres étant toujours à la fouille, je me faufile aux portes avec mon sac et tout mon barda et je m'en vais avec mes boîtes de conserves et mon appareil photo. Une fois dehors, je pose tout mon attirail dans un bistrot et je commence à placer de côté tout ce que je ne pourrais rentrer au camp le soir. Je mets dans mon sac juste l'indispensable, le reste je l'emmène au magasin où c'est encore là qu'il sera en sécurité.
Le soir à 18h30, je prends le chemin du camp. A 19h00 précises, je me présente au camp où l'on m'ouvre les portes. Je demande aux copains où je dois coucher et je m'installe sur un matelas posé par terre pour la nuit..

Le camp est situé dans une vaste clairière de 200 m de large. Une cinquantaine de baraques en bois, le toit couvert de tôles ont été implantées au milieu d’un grand bois de châtaigniers au bord d’une rivière. Les poêles pour le chauffage ne sont pas installés. Chaque baraque est prévu pour loger 120 hommes.  Le camp est entouré d'une plusieurs barrières de fils de fer barbelés de 3m de haut. Aux quatre coins du camp, des miradors en bois permettent aux gardiens armés de mitrailleuses de surveiller le camp.

  

Le lendemain de mon arrivée, je sors avec mon nouveau laissez- passer et m'empresse de trouver une infirmière à qui j’expose mon cas pour tenter de me sortir de là. Elle m'annonce qu'elle verra le capitaine qui couche chez une de ses tantes. Effectivement, le lendemain je vois arriver au magasin, le capitaine qui me donne son accord de rester en ville pour travailler. Je devrais toutefois répondre chaque mercredi à l’appel au camp. Je n’en reviens pas. Il s'est déplacé pour moi. Je le remercie de mon mieux. Le soir, le lieutenant me donne le laissez-passer. Le soir même je vais prendre mes affaires au camp et je m'installe dans la chambre d’un restaurant où je prends mes repas pour 700 à 800 francs. Une vie nouvelle commence pour moi. Ma paye chez le photographe de 1200 francs par mois me permet de couvrir cette dépense. De plus, j’ai bon espoir d de me faire embaucher comme aide opérateur dans un cinéma tous les soirs pour le prix de ma pension.

 


13/10/1940

  Pendant ces 8 jours, Il ne se passe rien de particulier. Je travaille et il pleut, c'est la Bretagne!

23/10/1940

Le travail au magasin s'est beaucoup ralenti et je suis obligé de trouver un complément de revenu pour payer ma pension. J'avais écrit à une maison de Cognac pour la représenter. J'ai reçu des bouteilles d'eau de vie à prix coûtant que je tente de revendre, mais ce n’est pas facile. J'ai visité un grossiste mais ses prix sont pour les détaillants. J'ai réussi à faire sortir mon copain le coiffeur qui travaille en ville. Nous partageons ainsi la même chambre. L'horloger qui travaille aussi en ville vient d'obtenir son laissez-passer pour la semaine. Il a obtenu son autorisation pour la semaine et couche dans une chambre proche de la notre. Nous mangeons ensemble au restaurant . Je suis allé à la Banque de France pour avoir de l'argent, mais la somme est limitée à 2000 francs. J'espère avoir une réponse positive, car je n’ai plus un sou.
Ce matin on m'annonce que 800 prisonniers vont quitter le camp pour une destination inconnue. L’Allemagne ou la Pologne disent certains. Je rencontre le secrétaire allemand pour savoir si je suis sur la liste. Mon nom n’y figure pas. Au magasin , il y peu de travail. L’essentiel est d’être libre et de le rester le plus longtemps possible.

Ce soir j'apprends que 700 prisonniers viennent de quitter le camp. Quel destin attend tous ces prisonniers. Dans quel coin perdu vont-ils se perdre? J'ai le cafard. Je pense à tous mes camarades. Je crains que ce soit bientôt mon tour de partir en Allemagne. Je voudrai pouvoir passer au moins l'hiver à Quimper car c'est le froid que je crains le plus. Le copain coiffeur que j'ai fait sortir, a eu la surprise de voir arriver sa femme samedi soir. C’est le bonheur en espérant que cela dure. Il cherche un appartement maintenant un 2 pièces mais c'est difficile. Le poste  de garde du camp a joué la Marseillaise, quel étonnement, car cela fait si longtemps qu’on ne l’avais entendue. Pétain vient de parler " Courage et au travail" . Oui mais voila, on est prisonnier. Ne rien faire vous enlève le courage. On espère toujours une libération.


Dessin de Mathurin Meheut (Dans le bas à gauche, il est annoté: Les prisonniers de Quimper)

12/12/1940

Depuis plus d’une semaine, des prisonniers quittent presque quotidiennement le camp, en direction de l’Allemagne. Il ne reste plus qu’une centaine de prisonniers qui attendent le lendemain avec anxiété. Il fallait voir le départ de ces hommes, se traînant sur le long du chemin menant à la gare avec leurs bardas sur le dos, mal habillés, maigres le regard défait par l’anxiété du lendemain. Je les ai rencontré mercredi en allant faire signer ma permission et tous sur mon chemin me tendant la main " au revoir Martin", " bonne chance mon vieux". Un camarade de Nice, Bauzat qui faisait partie de la colonne me dit, d’une voie émue " n'oublies pas de dire au coiffeur d'écrire à ma femme !!". Je lui ai fait signe de la main, ne pouvant pas parler car je crois qu'un sanglot serait sorti de ma gorge. Je suis vite parti pour ne plus voir ce troupeau humain encadré de gardes à cheval, le cœur gros et fou de rage. Et voilà où nous a conduit la politique de la France. Cette guerre qu'on aurait pu fois éviter et que tous ont voulu. Quand verrons-nous la fin de ce cauchemar. Des avions anglais survolent la région toutes les nuits. Brest et Lorient sont leurs destinations. Dans la nuit de mardi à mercredi des bombes ont été largués à l'entrée du camp. Le coiffeur a peur d'être rappelé. De mon côté j'ai envie de partir en zone libre, mais j’hésite pour ne pas mettre en difficulté mon patron qui s’est porté garant de moi. Si je pars, c’est lui qui sera arrêté. J'ai reçu un mandat de 100 francs de mon frère Jacques. Cet argent est le bienvenu.

 26/12/1940

 Un Noël triste et morne vient de passer dans la solitude. On annonce un prochain départ de prisonniers. Pourvu que je ne sois pas dedans ! Mon évasion" L'officier allemand m'informe que ma permission est terminée et que le départ pour l'Allemagne est prévu le 6 janvier.

 

Je m'évade

Je décide avec mes copains, dont le coiffeur et l’horloger de quitter Quimper au plus tôt, pour nous rendre dans la zone libre J'informe mon patron de mon départ. Celui-ci appréhende les conséquences. Il craint que ses fils soient pris  en otages. Nous décidons, de partir le 4 janvier par le train du soir avec nos bagages. Nous descendons à Orléans mais ne trouvant pas de correspondance vers le sud, nous décidons de revenir sur Paris. Quelques jours après, nous repartons sur Moulins pour passer la ligne de démarcation. Peu avant Moulins, nous descendant à une petite station où nous sommes attendus par un hôtelier. Celui-ci nous dirige sur une ferme. Au bout de 20km de marche sous la neige nous sommes arrêtés par une rivière gelée qui se trouve être l’Allier. Là, nous trouvons 22 autres personnes qui attendent le dégel de la rivière pour la traverser. Nous nous cachons dans une grange à foin. Des patrouilles allemandes passent. Deux jours plus tard, vers 23 heures, tout le groupe se met  en marche, en colonne, dans la neige en direction de l’Allier. La rivière est large de plus de 200 mètres à cet endroit. Elle charrie des glaçons. Une barque est retirée de l’eau. Un premier groupe de 3 personnes embarque pour la traversée. Un bâton à la main nous poussons les glaçons pour ne pas chavirer, le courant est très fort et nous déporte de 500m. C’est au deuxième groupe  de passer. 25 minutes se sont déjà écoulées. Enfin la liberté. Le cauchemar est fini. Après une nuit passée aux avant-postes, tout le groupe prend le chemin de Montluçon. Quelque temps plus tard, j’arrive chez moi, vers 5 heures du matin. Ma femme toute bouleversée vient m’ouvrir et tombe dans mes bras.

 

NOMS DE CAPTIFS AYANT SEJOURNES  AU FRONT STALAG 135 QUIMPER

MARTIN Henri 

de septembre 1940 à janvier 1941

BOURMAUD Alain    

de 1939 à 1941

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