30/10/2022
LES PRISONNIERS de GUERRE FRANCAIS DU PAYS DE FOUGERES Les oubliés de la mémoire collective 1940-1945 Par M. Daniel HEUDRÉ |
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René Frandeboeuf, Ernest Durocher, Jean Samoël, Joseph Tropée sont des noms familiers à Fougères, car ils sont membres de familles bien identifiées. Et pourtant sait-on qu’ils ont vécu une captivité éprouvante en Allemagne ? En mai 1940, l’armée française est battue en 6 semaines, elle est en déroute, c’est la débâcle. Pétain demande alors de cesser les combats. L’armistice est signé le 17 juin 1940 et entre en vigueur le 25. Entre le 17 et le 25 juin, environ 50% des soldats français sont capturés. Les hommes mobilisés en septembre 1939 se trouvent cantonnés dans la moitié nord, nord-est de la France. Certains sont même dans des casernes comme réservistes et ont été capturés, avant même d’avoir participé aux combats. Pourquoi ces soldats sont-ils méconnus voire inconnus ? En 1945, les déportés des camps de concentration reviennent en France et mettront du temps à parler. Leurs témoignages sont accablants par la cruauté des sévices endurés et la barbarie des gardiens des camps. Les noms de ces déportés vont s’inscrire dans la mémoire orale, du moins pour les plus connus d’entre eux. Les déportés vont occulter dans la mémoire orale les prisonniers de guerre. De même des hommes sont partis, à compter de 1943, en Allemagne pour le STO, le Service du Travail Obligatoire, au titre des années 1920, 1921, 1922, afin de renforcer l’économie allemande. Et il est vrai que leurs noms sont venus masquer ceux des prisonniers astreints eux aussi à un travail. Alors l’expérience des prisonniers et leur nombre considérable sont souvent passés souvent au second plan. Les déportés sont dans des camps de concentration, voire d’extermination avec les chambres à gaz, comme Auschwitz. Les travailleurs du STO travaillent dans des fermes ou à l’usine. Le STO ne concerne que trois classes d’âge. Liste des prisonniers de guerre du Pays de Fougères (1940-45)
La typologie des prisonniers La France compte 1 800 000 prisonniers de guerre pour la période 1940-1945, l’Ille-et-Vilaine 30 000. Dans le pays de Fougères, chaque commune a ses prisonniers de guerre. Les tables numériques des Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine font état de 684 prisonniers de guerre pour la ville de Fougères. Pour avoir une idée d’ensemble, j’ai retenu pour la quarantaine de communes les noms des prisonniers dont la liste a été communiquée par la Chronique de Fougères en 1940 et j’ai fait un relevé systématique de leurs fiches individuelles, conservées au Service Historique de la Défense (SHD) de Caen. Ainsi, il est possible de dégager la typologie conforme à celle de la moyenne des prisonniers français. A l’appui, une correspondance échangée entre René Blanchard et sa famille de Saint-Brice-en-Coglès m’a été confiée et fournit des exemples concrets comme illustrations du quotidien d’un prisonnier de guerre. La majorité appartient au monde rural, un grand nombre sont cultivateurs. Il existe un tailleur de pierre, un cantonnier et, pour la ville, un souffleur de verre, un chef de chantier, un comptable, un ouvrier en chaussures et un sabotier. En fait, ils sont représentatifs des activités économiques du pays de Fougères. Aucun secteur n’a été épargné. L’âge s’échelonne de 43 ans à 20 ans, le plus âgé, Pierre Dodard, de Billé, est né en 1897, le plus jeune a vingt ans, il est répertorié comme étudiant, il s’agit de Roger Saint-Jalmes, de Fougères. Leur situation civile est variée : certains sont célibataires, d’autres sont mariés et parmi eux, il y a des pères de famille d’un ou trois enfants. Clément Aussant, de Louvigné-du-Désert, a 3 enfants de 8, 7 et 3 ans. Joseph Lamiré, de La Chapelle-Janson, est dans la même situation. On repère également un prêtre, originaire de Bazouges-la-Pérouse, Emile Prioul. Il apparaît clairement que le monde économique est déstabilisé. Les femmes sont obligées de prendre en main les travaux de la ferme et d’assumer des responsabilités. Leurs tâches sont encore plus compliquées lorsqu’il s’agit d’élever des enfants en bas âge. On réalise la surprise lorsque ces prisonniers reviendront en 1945, ils reconnaissent à peine leurs enfants qui ont grandi et ceux-ci dévisagent un adulte qu’ils ont à peine connu. Leur arrestation et leur capture Les hommes mobilisés sur les terrains de combat sont capturés dans des localités du Nord et du Nord-Est. Les fiches individuelles indiquent parfois le lieu, mais pas d’une manière systématique. Jean Samoël, né à Fougères, est comptable chez Morel et Gaté, il est capturé à Bar-sur-Aube (Aube). Joseph Tropée, né à Saint-Germain-en-Coglès, est capturé à Autrey, dans le département de la Haute-Saône, en Bourgogne. Clément Aussant, déjà mentionné, est arrêté à Malo-les-Bains, dans le département du Nord et l’agglomération de Dunkerque. Louis Chérel, né à Lécousse, s’engage en 1938 dans un régiment d’Infanterie. Il participe à la campagne de France en juin 1940. Il est capturé par les Allemands à l’est de Paris. Il est enfermé à la caserne des spahis à Senlis et réussit à s’évader. Les prisonniers transitent dans des Frontstalags situés en France avant d’être acheminés dans des stalags en Allemagne ou des oflags. Des termes qu’il importe de définir et de resituer dans la géographie . Pour les combattants capturés, les Stalags sont pour les soldats ; les Oflags pour les officiers. Il en existe un peu partout en France, dans la zone occupée. Dans l’Ouest, Rennes, Mayenne, Vannes, Saint-Brieuc, Quimper et Saint-Lô possèdent un Frontstalag. La plupart du temps, les Frontstalags sont désignés par des numéros, Rennes porte le numéro 133. Ce sont des camps provisoires installés au nord de la Loire. Les premiers prisonniers du mois de mai sont dirigés directement sur l’Allemagne, à pied pour une grande majorité. Les captifs de juin vont stationner plusieurs semaines, voire plusieurs mois dans les Frontstalags. André Vincenot, de Rennes est fait prisonnier en Bretagne, emprisonné au collège municipal de Saint-Lô, le Frontstalag 131, du 26 juin au 2 septembre. Il est alors transféré à la caserne Mac-Mahon à Rennes, le Frontstalag 133 pendant une semaine. Les soldats du pays de Fougères appartiennent à ces deux catégories, ceux arrivés avant le 26 juin, ceux arrivés après cette date. Le départ du Frontstalag intervient le matin, vers 6h30. Lorsque l’acheminement se fait à pied, les prisonniers sont bien encadrés, en rang par cinq. Certains sont emmenés dans des wagons sans boire ni manger, dans des wagons à bestiaux où il est impossible de dormir et de s’allonger. D’autres reçoivent des vivres : lard fumé, biscuits, pain, juste avant de monter dans le train. Parfois ils sont accompagnés d’un garde avec un fusil et d’un chien. Les situations sont diverses. Lorsque les prisonniers réalisent qu’ils sont conduits en Allemagne, certains sautent du train quand il ralentit. Mais peu de tentatives réussissent car ils sont trop fatigués, voire blessés. Les captifs pensent qu’ils vont être relâchés quelques semaines plus tard. Ils ne se doutent pas du tout de ce qui peut les attendre. Les Stalags Le Reich est découpé en régions militaires, désignées par un chiffre suivi s’une lettre capitale. Le stalag est un camp militaire avec une administration, la kommandantur et différents kommandos de travail. Les soldats et les sous-officiers sont conduits dans les Stalags. Les officiers bénéficient d’un traitement différent dans les Oflags. La vie y est beaucoup plus paisible. La plupart sont situés en Allemagne, quelques-uns sont en Pologne. C’est le cas du I B localisé à Hohestein (Pologne) et du II D à Stargard où est transféré Jean Sourdin, cultivateur. Les captifs du pays de Fougères peuvent passer d’un stalag à un autre. Ainsi, l’exemple d’Armand Guérin est intéressant à plus d’un titre. Né à Javené le 8 juillet 1913, il est soldat seconde classe. Il est capturé à l’âge de 27 ans et envoyé le 28 août 1940 au Stalag XII A, puis il est transféré au Stalag IV F à Hartmannsdorf (Saxe) le 31 janvier 1941 et enfin envoyé au Stalag B à Muhlberg, dans le land actuel de Brandebourg, à l’extrême Est de l’Allemagne. Marcel Hodebert, originaire de la rue de Rillé, à Fougères, est né le 17 mars 1914. Prisonnier à Belloy en Santerre en juin 1940, il connaît quatre Stalags, toujours porteur du même numéro, 11699. On voit ainsi que certains connaissent trois Stalags, localisés dans des secteurs géographiques opposés.
Marcel Hodebert Photo prise au stalag IV C qu’il envoya à sa mère La captivité est abrégée en cas de maladie. C’est le cas d’Ernest Durocher qui est transféré dans un hôpital militaire, puis est rapatrié. Ange Sireul de Fougères est hospitalisé dans un hôpital complémentaire à Clermont-Ferrand, suite à des blessures à l’œil et à la cuisse droite. Les cas d’inaptitude bénéficient d’un rapatriement, par exemple Alfred Sourdin, de Saint-Marc-le-Blanc, qui rentre le 4 mai 1942. J’ai relevé un exemple de quelqu’un qui est mort au Stalag. Il s’agit de Jean Sourdin, cultivateur, du Châtellier, mort le 10 janvier 1941 à Bad Kissinger. Les conditions de vie Lors de l’entrée au camp, le prisonnier subit la fouille complète et organisée, puisqu’il doit remettre tout ce qu’il a de personnel. L’administration allemande ne laisse au PG que le strict minimum. Les vêtements du captif sont remis dans des sacs qui lui seront redonnés à sa sortie. L’opération la plus importante est l’immatriculation. Chacun décline ses coordonnées qui vont être écrites sur une fiche et se voit attribuer un numéro matricule. Une photo est prise avec le numéro inscrit sur une ardoise qu’il tient à la hauteur de l’estomac. Le numéro matricule est gravé sur une plaque de métal et le captif devra l’avoir toujours sur lui. Plaque d’un PG du Stalag VIII C, n°69967 Donc pas de nom, pas d’identité, mais un numéro. Le prisonnier fait en quelque sorte partie du butin de guerre de l’armée allemande. En effet, l’armée allemande assure la charge des prisonniers, les administre et garde les camps où ils sont enfermés. Et si elle les cède à des employeurs allemands, elle garde la main sur eux. Chaque camp est dirigé par un colonel secondé par un petit état-major. Le commandement des PG est dirigé par le Général Reinecke. Un Stalag peut contenir 10 000 prisonniers. Les camps ne se ressemblent pas. Ainsi, le Stalag IXA que va rejoindre le jeune Saint-Jalmes est situé à 60 kms de Cassel, il est composé de baraques en planches jointes par du béton. Les couchettes sont disposées sur trois hauteurs, n’ont pas de paillasses mais des couvertures et des oreillers. L’éclairage est électrique. Le menu habituel est composé d’ersatz : pain de son, boudins dépourvus de sang, margarine ressemblant à de la graisse à chaussures, marmelades aux goûts étranges, comme boisson, une simple décoction d’herbes ou de branchages, baptisée « thé » et, bien sûr, les rutabagas. Un progrès dans l’alimentation est réalisé lorsque des cuisiniers français remplacent aux cuisines les « maîtres-queux allemands ». Les repas sont pris ensemble, c’est un leitmotiv dans les journaux de captivité. Un bel exemple de convivialité, de fraternité humaine. Les colis envoyés par les familles peuvent améliorer l’ordinaire. En mai 1941, René Blanchard parle de colis avec saucisson, beurre et tabac. En août 1941, il remercie ses parents pour le tabac, « seule distraction que nous avons ici ». Il parle aussi des biscuits reçus par la Croix Rouge (lettre avril 1941). Surtout ils ne peuvent pas être comparés avec les camps de concentration et encore moins avec les camps d’extermination. Les PG sont protégés à la fois par la convention de Genève et par une logique de réciprocité. On traite bien les prisonniers de l’ennemi et ainsi nos prisonniers sont bien traités en retour. Les conditions de travail Les kommandos ou unités de travail peuvent grouper quelques hommes dans les fermes, les villages, jusqu’à plusieurs centaines dans des chantiers. Marcel Hodebert travaille un temps dans les terrassements. Ou encore dans des ateliers, dans des usines ou dans des mines.
Opération de terrassement réalisée par Marcel Hodebert et ses camarades
Certains restent au Stalag proprement dit, qui regroupe la kommandantur et des services généraux, tels la poste, l’infirmerie et le bureau de l’homme de confiance. Dans chaque camp, il y a l’homme de confiance, spécifique aux Stalags. Qui est-il ? C’est un prisonnier de guerre chargé des rapports entre les Allemands et les autres prisonniers. Il faut parler également de la réception régulière des lettres et des colis et de l’organisation des loisirs, comme le sport ou le théâtre. Ce sont des activités exercées au début de l’année 1941 et qui seront perfectionnées par la suite.
Atelier de
cordonnerie Marcel Hodebert est au 2ème rang, Le travail constitue l’essentiel du temps des captifs. Il est capital pour les autorités allemandes de tenir éloignés de leur pays ces soldats captifs afin de les empêcher de reprendre le combat pendant toute la durée de la guerre. Mais surtout cette main-d’œuvre est indispensable à l’économie allemande. A l’été et à l’automne 1940, le secteur agricole est privilégié et la répartition des captifs dans les kommandos se fait pour la majorité dans l’agriculture. Ainsi, début janvier 1941, René Blanchard travaille dans une ferme avec un copain. Le 9 mars 1941, il dit à ses parents : « Dans une ferme où je suis bien. Voilà maintenant les travaux qui vont commencer et on va aller aux champs ». Puis, il est décidé d’utiliser les PG dans le secteur industriel. Mais la convention de Genève interdit de les employer dans les usines d’armement. Les textes assurent une certaine protection aux PG. A partir des premiers échecs en Russie, la pression se fait de plus en plus forte : les soldats allemands sont mobilisés totalement sur le front russe et tous les hommes valides en Allemagne sont enrôlés dans l’armée. Parallèlement, tous les PG restés au camp pour assurer la marche des services des Stalags sont envoyés en kommando. Le maximum de PG non seulement est utilisé dans les kommandos agricoles, mais aussi beaucoup sont transférés dans le secteur industriel. Les artistes, au service des activités de loisir et les prêtres sont contraints de rejoindre les kommandos. La perspective de la guerre totale change la donne, dans la mesure où on exige de plus en plus de travail, malgré les dispositions de la convention stipulant que le travail doit être exercé dans de bonnes conditions physiques et morales. Les PG sont rémunérés, leur salaire varie selon l’emploi exercé. Il est perçu en « argent de camp », cela veut dire que cette monnaie ne peut circuler que dans un circuit commercial limité au camp. Mais cet argent peut être converti en francs pour être transmis à la famille en France. Les Stalags présentent des spécificités en fonction des richesses économiques des régions. Le Stalag II D est surnommé le Stalag de la pomme de terre, dans le sens où les PG sont affectés dans ses kommandos agricoles. Mais il existe aussi des Stalags où les Kommandos industriels l’emportent. Le Stalag IV C, situé en pleine Saxe industrielle compte 75 % de Kommandos industriels. Plus encore, la Ruhr compte des Kommandos avec emplois industriels. C’est le cas notamment des Stalags VI D et VI F. Même si la majorité est employée dans les fermes, beaucoup connaissent des conditions bien plus dures dans le travail industriel. Le cinéma a répandu trop exclusivement l’image du PG au travail dans une ferme allemande. On pense bien sûr à « La Vache et le prisonnier » avec le sympathique Fernandel. Pour les paysans, le travail à la ferme est naturel : les foins et les moissons n’ont pas de mystère pour eux. Mais pour un fonctionnaire, un employé ou un commerçant, le travail dans les champs est beaucoup plus rude et le travail à la chaîne très éprouvant. C’est un aspect très important de la captivité. Il s’agit d’une dure réalité historique. Dans les grandes fermes, il importe de ne pas idéaliser la nature du travail, car la surveillance s’exerce en permanence et le travail collectif s’impose constamment. Les situations sont très diverses et on ne peut pas généraliser à partir du témoignage d’un prisonnier revenu. On sait que Louis Chopin, Pierre Goudal et Joseph Tropée étaient dans le Stalag XVII B, mais on ignore leurs Kommandos. Les occupations et les loisirs On peut parler d’une richesse culturelle et spirituelle pour certains PG. La pratique religieuse est à relever. Dans un contexte de captivité, face au drame individuel et collectif de la défaite, elle constitue un recours face à l’absurdité du monde. C’est vrai des catholiques et des protestants. Dans les Stalags, les ecclésiastiques sont nombreux. René Blanchard relève, le 11 octobre 1942, la présence d’un vicaire qui a été à Saint-Marc-le-Blanc. Ils sont jeunes et célèbrent la messe souvent dans la clandestinité. Les autorités allemandes finissent par accepter les aumôniers des camps et leur concèdent des locaux. La vie culturelle, beaucoup plus développée dans les Oflags, existe aussi dans les Stalags. Des cours peuvent être proposés par les plus qualifiés. Des bibliothèques collectives modestes sont créées. Le théâtre est la manifestation culturelle la plus exemplaire. Les prisonniers sont les organisateurs et les acteurs. Le sport existe également avec des équipes de football. René Blanchard participe aux matchs. En juillet et août 1942, il écrit « Je joue goal. Je me défends ». La sociabilité, la camaraderie s’expriment ici et laissent des souvenirs heureux. Les échanges avec l’extérieur La correspondance avec leurs proches est définie par la Convention de Genève, mais redéfinie par les autorités allemandes. Les prisonniers n’utilisent que les formulaires distribués mensuellement et rien d’autre : des lettres de 25 lignes et des cartes postales de 7 lignes à remplir uniquement au crayon à papier. Les correspondances sont écrites au crayon et pas à l’encre. Les délais d’acheminement du courrier sont en moyenne de 15 jours pour le courrier venant du Stalag et peut aller jusqu’à 29 jours pour le courrier familial. Le volume du courrier est tel à partir de 1941 que les règles sont modifiées : formulaires spéciaux envoyés par le prisonnier à sa famille imposés pour les lettres et cartes que les familles doivent utiliser. Le prisonnier écrit le premier, une partie réponse avec l’adresse est utilisée par la famille pour répondre. Le courrier est soumis à la censure par l’apposition de marques par les censeurs des camps.
Carte postale d’un PG (recto / verso) écrite au crayon à papier
La propagande est manifeste dans le journal des camps, exemple Le Trait d’Union.
Le Trait d’Union du 19 janvier 1941 Des PG peuvent écrire mais tout est orienté. Sur l’un des exemplaires, est mise en évidence la phrase de Pétain : « Gardez confiance en la France éternelle ». Un signe parmi d’autres d’une propagande qui peut fort bien s’exprimer sur le tabac et les cigarettes. Une propagande sur de multiples supports : le Maréchal se soucie de ses « protégés ». L’envoi des colis est également soumis à une étroite surveillance. Les évasions de Joseph Tropée Le nom de Joseph Tropée mérite qu’on s’y attarde.
Pour les Fougerais, son nom évoque une rue située dans le quartier d’Iné. Il a écrit le récit de son expérience, précieusement conservé par sa famille. Incorporé le 21 octobre 1937 dans un régiment d’Infanterie Coloniale à Paris, il est dirigé sur le front suite à la déclaration de guerre et reçoit le baptême du feu le 19 septembre 1939. Dirigé à la frontière belge, il est contraint à des replis successifs face à l’avance de l’armée allemande. Prisonnier le 21 juin 1940, il est conduit à Nancy, puis à Ecrouves près de Toul (Meurthe-et-Moselle) avant d’être envoyé en Autriche, au Stalag XVII B à Krems, puis dirigé sur un kommando où il travaille dans la construction d’une usine d’armement, malgré la convention de Genève. Il sabote l’outillage et refuse de travailler. En octobre 1941, il effectue sa première évasion seul, mais est rattrapé et ramené au kommando, conduit au cachot au pain sec et à l’eau. En mars 1942, seconde évasion avec un camarade, mais nouvel échec. Il est repris en gare de Munich et enfermé dans une prison militaire allemande Envoyé au Stalag VII A, il se retrouve dans une baraque entourée et recouverte de barbelés avec paillasse infectée de poux et punaises. Il est renvoyé dans son premier Stalag et logé dans une baraque disciplinaire pour les réfractaires.
Stalag VII A Fin avril, il est dirigé au Stalag V A et troque ses chaussures contre des sabots de bois sans lanières. Il est alors envoyé, en avril 1942, à Rawa-Ruska en Ukraine, un camp spécial dit de la mort lente et de la goutte d’eau, selon Churchill, en raison du mince filet d’eau pour les captifs.
Stalag 325 – Camp disciplinaire de Rawa-Ruska En décembre 1942, il est dirigé sur le Stalag III A. En mars 1943, il fait la connaissance d’un camarade de Rawa dans un kommando où ils complotent une évasion le 25 octobre 1943. C’est le retour en France. Il rejoint alors la Résistance. Ce parcours mouvementé est révélateur des prisonniers évadés. Les stalags sont nombreux et les évasions sont sévèrement punies par un envoi notamment au camp de Rawa-Ruska. D’autres noms sont relevés : celui du fils Cochard, d’Arsène Landais et de Jean Pommeret de la Chapelle Janson (ces deux derniers étaient également à Rawa-Ruska).
Les travailleurs libres Une catégorie de PG apparaît à partir de 1943. Par choix ou par obligation, des captifs peuvent devenir Travailleurs libres. La politique de Transformation connait un certain succès, car de nombreux PG y voient un moyen de gagner un peu de liberté. Leur statut est différent, puisqu’ils ne relèvent pas de l’armée allemande mais de la police. J’ai noté trois noms dans le pays de Fougères : Aristide Aussant, de Saint-Etienne-en-Coglès, forgeron de métier, Constant Brunet, de Javené, en août 1943 et Alexandre Landrieux, de Bazouge-la-Pérouse, en avril 1944 . En Ille-et-Vilaine le nombre est de 449 pour les 4 premiers mois de l’année 1944 et est récapitulé sur des fiches mois par mois à partir de janvier 1944. Mais les Allemands mettent un frein car des « Transformés » ne rentrent pas de leurs permissions. La Relève instituée en 1942 permet l’échange d’un prisonnier contre trois départs volontaires. C’est un échec, étant donné le faible nombre de volontaires. C’est pour corriger cette disposition que Pierre Laval institue le Service du travail obligatoire (le STO) début 1943. Il concerne les jeunes nés les années 1920, 1921, 1922. Des hommes échapperont au STO en se cachant et en rejoignant la Résistance et les maquis. Le rapatriement Les camps sont libérés pendant l’hiver 1944 et le printemps 1945. Les PG du pays de Fougères sont rapatriés en avril et mai 1945. Les centres Molitor, Longuyon et de Metz sont souvent cités comme centres de rapatriement. Certes, il y a des retours anticipés, on l’a vu précédemment avec les inaptes, les malades, les blessés, et aussi les soutiens de famille de plus de quatre enfants et les spécialistes de diverses professions comme les cheminots. La majorité des captifs attend bien sûr sa libération depuis longtemps. Les dates de retour varient selon la localisation des camps et leur proximité avec les armées soviétique ou américaine. Le Stalag I est situé en Pologne. Le Stalag II b est libéré par les prisonniers eux-mêmes, il est situé en Poméranie au Nord-Est du Reich. Le dessinateur Jacques Tardi utilise le carnet de son père prisonnier du Stalag. Les kommandos ont peur de l’avancée soviétique. Le rapatriement des PG français se fait par le train, cette tâche étant réservée à la Croix Rouge et au service de santé de l’armée de terre. Arrivés en France, les PG passent quelques jours dans un centre d’accueil situé près des frontières, au Vélodrome d’hiver et au centre Lutétia : formalités administratives et formulaires de démobilisation sont à remplir.
Henry Frenay
Ministre des Prisonniers et des Déportés dans
le Un commissariat est créé à l’automne 1943 par le général de Gaulle et confié à Henri Frenay, ancien prisonnier évadé en 1940 et grand résistant. Ses missions : envoyer des colis dans les camps, parachuter des tracts et organiser le rapatriement rapide des captifs.
Retour des prisonniers de guerre Les communes du pays de Fougères organisent des fêtes ou des kermesses pour les aider. La population française attend avec impatience, mais aussi avec beaucoup d’inquiétude le retour. Les difficultés des familles sont importantes : ravitaillement, combats ici et là, bombardements dans certaines régions. Le gouvernement provisoire se prépare à ce rapatriement. Frenay est nommé ministre des Prisonniers et des Déportés dans le Gouvernement provisoire du général de Gaulle. La Fédération nationale des PG naît en 1945 de la fusion des Centres d’entraide ouverts aux prisonniers et du Mouvement national des Prisonniers de guerre et des déportés. Elle défend les intérêts financiers des anciens prisonniers. Sur les fiches étudiées, revient souvent la question du pécule dû, mais pas toujours solutionnée car l’inflation est là et les prix dépassent les salaires. Les PG se sentent incompris car ils ont vécu un double traumatisme en tant que combattants de 1940 et captifs.
Le retour à la vie quotidienne Les familles sont parfois désorganisées. La femme a refait sa vie avec quelqu’un d’autre. Les enfants ont grandi et la reconnaissance mutuelle fait souvent défaut ; et l’autorité du père a du mal à s’exercer. Il y a aussi des divorces. L’aspect positif est que les femmes ont fait preuve de responsabilité et de courage. Elles sont reconnues en tant que femmes. C’est une raison de plus pour leur accorder le droit de vote. Conclusion Il apparaît que le sort des PG n’a pas été reconnu de bonne heure. Leurs noms sont souvent restés dans l’anonymat, alors que les déportés sont plus identifiés par les conditions horribles des camps de déportation. Remerciements à : Claude Greff, du Service Historique de la défense (SHD) de Caen, Stéphane Bobille, Mélanie Roussigné et Eric Roulin des Archives Municipales de Fougères ; et pour leurs prêts de documents : Isabelle Gautier, Marcel Hodebert, Sébastien Jourdain, Alain Leutellier et Georges Rachaine. Sources : - Archives du SHD de Caen, les fiches
individuelles des prisonniers de guerre
Compléments Roger Rivière Né à Saint-à-Saint-Brice-en-Coglès le 26 août 1914. Classe 34. Service militaire du 15 octobre 1935 au 15 octobre 1937. Affecté au centre de mobilisation le 25 janvier 1939, mobilisé le 5 octobre 1939. Fait prisonnier à Loos-les-Lille le 29 mai 1940. Interné au Stalag VIIA (matricule 22110), à Moosburg (Bavière) travaillant dans une ferme. Autres Stalags mentionnés : le Stalag IVF, à Hartmannsdorf (Saxe) et le Stalag IVB. Informations fournies par Patrick Juillard.
Deux autres prisonniers étaient au camp de Rawa- Ruska. Ils étaient originaires de La Chapelle-Janson : Augustin Leroyer et Eugène Landais. Augustin, René, Joseph Leroyer est né le 4 décembre 1908 à Larchamp. Il habite La Chapelle Janson en mars 1939. Fait prisonnier le 23 juin 1940, il s’évade 2 fois, d’abord à la frontière suisse, puis lorsqu’il recherche le Général Giraud qui s’est évadé. Repris, il est envoyé au camp de Rawa-Ruska. Eugène Landais est né à Grenaullet, à La Chapelle-Janson. Prisonnier également au camp de Rawa-Ruska avec Augustin Leroyer, après évasion. Renseignements fournis aimablement par Jean-Louis Pommereul. |
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