Les réfugiés dans le pays de Fougères au début de la guerre 39-40
Le pays de Fougères accueille des réfugiés, dès le début de l’année 1939. Ainsi, selon Ouest-Éclair, daté du 3 février, des femmes et des enfants venant d’Espagne arrivent à la gare de Fougères, transportés par des cars à l’orphelinat de la Providence, dans le quartier Saint-Sulpice. Les ouvriers, dès la sortie des usines, tiennent à les accueillir chaleureusement aux abords de la gare. La déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, est suivie par la publication de mesures destinées à la population fougeraise. Le 4 septembre 1939, lors de la séance du conseil municipal, un restaurant sera créé au stade municipal, dans le but de servir 800 repas. De plus, des contacts seront pris avec les restaurateurs en place. Les services municipaux seront réorganisés suite à la mobilisation. On annonce le chiffre de 12500 arrivants, affectés à la commune de Fougères. Ce contingent est très impressionnant et suppose qu’on prenne à-bras-le-corps tous les problèmes générés par cette situation inédite. Dans les mêmes temps, Rennes s’active pour recevoir tous ceux que la guerre a éloignés de leur foyer, dans l’attente de leur arrivée.et de leur hébergement. Ainsi tout le département est en alerte. Le Ministre d’État, Camille Chautemps, désigne un Commissaire général des Réfugiés. Ordre est donné de loger le plus grand nombre de réfugiés chez l’habitant. Une distinction est faite entre les réfugiés « volontaires » ayant quitté leur pays de leur propre initiative ou sur les conseils de leurs proches, et ceux qui sont évacués d’office. Les premiers trouveront un gîte chez des parents, des amis ou s’installeront à leur compte. Les seconds seront logés et nourris par la mairie, d’après le recensement des logements disponibles qui peuvent être réquisitionnés. À Fougères, ville ouvrière, les logements sont modestes et doivent être signalés, en tant que tels, à l’autorité supérieure chez l’habitant. Les besoins de restauration sont ainsi évalués. L’hébergement est aussi une grande préoccupation. Sont annoncés des centres d’accueil pour les réfugiés. Le principal centre, pour le moment, est situé à l’école publique de Bonabry. La passerelle de la gare et ses abords seront dégagés afin de faciliter l’arrivée des réfugiés, en évitant tout encombrement. Début octobre, lors de la séance du conseil municipal, le maire aborde la question des réfugiés. Des baraquements, destinés au logement, seront construits. Des paillasses, de l’ordre de 50000, seront confectionnées à Fougères, sur des crédits votés par la commune, puis remboursés par le département. Les soupes populaires continueront à être servies, malgré la non reprise du travail. Le 17 octobre 1939, la mairie avance le nombre de 2000 réfugiés volontaires et prévoit l’arrivée d’un millier de personnes employées par des firmes industrielles venant s’installer dans les murs de la ville. Afin d’hospitaliser, en cas de besoin, les réfugiés, le conseil municipal envisage, à la fin décembre, d’agrandir les pavillons Le Harivel et l’Hôtel-Dieu. Le mois de mai 1940 voit arriver des réfugiés volontaires qui s’installent. Les grandes routes aboutissant à la ville de fougères sont remplies de voitures amenant vieillards, femmes et enfants. La Bretagne fait preuve d’hospitalité vis-à-vis de ces gens tous accueillis en frères. Ouest-Éclair fait état de la visite du délégué du cardinal Liénart dans un centre d’accueil, à Rennes. Le préfet, M. Jouanny, exprime son admiration pour le travail accompli : « Beaucoup ont gagné les cités ou les communes rurales d’Ille-et-Vilaine, se sont mis en quête d’un travail ou d’un logement. Déjà ils s’organisent dans l’apaisement que leur a apporté la sincérité de l’accueil et dans la certitude de la sécurité. Le même élan de générosité et de dévouement continue de présider à la réception des nouveaux arrivants ». À partir du 10 mai 1940, les réfugiés déferlent sur Fougères : les Belges en premier, puis les Ardennais, suivis les habitants des régions de Vervins, d’Avesnes, de Valenciennes, de Cambrai, de Saint-Quentin, de Laon. Toutes ces précisions nous sont données par l’édition de La Chronique du samedi 25 mai 1940. Sur les voitures sont empilés des matelas, alors qu’à l’intérieur, les réfugiés sont entassés les uns sur les autres avec d’innombrables paquets, le petit chien et le chat. L’auteur de l’article énumère, avec exactitude, le type de véhicules : « Voitures de luxe, voitures de série, guimbardes démodées et cabossées par un dur service, camions, camionnettes, tous les genres, toutes les marques ». Dans ce défilé, de vieux pompiers en tenue sont montés sur leurs pompes ; en se sauvant, ils ont soustrait à l’Allemand leur matériel d’incendie. Victimes de l’invasion, elles sont immédiatement secourues d’abord par les dames de la Croix-Rouge et par les scouts, puis le centre d’accueil installé dans deux baraquements, dans le parc de la Chesnardière. Un repas leur est servi, arrosé d’un bon vin réconfortant. A leur disposition, d’immenses marmites, des jeunes dames et des jeunes hommes donnent un aspect très coloré à la restauration. À proximité, un dortoir provisoire où les lits s’alignent sur longues files pour ceux qui ne reprendront pas la route. Le compte-rendu de La Chronique du 1er juin 1940 décrit avec beaucoup de détails pittoresques l’arrivée des attelages ruraux dans la ville. Venant de la Somme, de l’Aisne, de l’Oise où les exploitations atteignent jusqu’à 200 hectares, les ouvriers agricoles ont écouté leurs patrons qui leur ont conseillé de prendre la route avec leurs familles. Dans le pays de Fougères, la superficie des fermes est sans aucune mesure avec celle des réfugiés. Quinze à vingt hectares ne peuvent accueillir un contingent de dix à quinze personnes. C’est un véritable casse-tête pour les responsables. En effet, de lourds chariots tirés par plusieurs chevaux, où s’entassent pêle-mêle literie, ustensiles de cuisine, hardes, linge, traduisent l’exode massif de populations fuyant les bombardements. Sur le toit, sont juchés les femmes et es enfants, alors que les hommes sont à la tête des chevaux. Les visages sont fatigués et inquiets, à la recherche d’un coin de terre accueillant. Il y a aussi des petits fermiers avec leurs voitures et leurs familles. Cet exode dure depuis plus de quinze jours. Un léger repas et une ration aux chevaux sont distribués, alors même que l’attelage ne séjourne guère plus de vingt-quatre heures. Sur place, on s’efforce de placer les attelages dans les communes voisines, en fonction des possibilités de nourriture fourragère des fermiers. Un réconfort avant de reprendre la route, orchestré à la gare, point de concentration des décisions en faveur des réfugiés. Le 11 juin 1940 est un jour de tristesse et d’angoisse. Les afflux durent depuis des semaines. Ce jour-là, suite à l’évacuation de Rouen, une file ininterrompue de voitures paralyse la circulation. Ainsi Fougères aura vu des voitures de la région du Nord et de Paris. S’ajoutent les autos de la rive gauche de la Seine. Cette angoisse s’exprime à travers tous les avis affichés sur la porte de la mairie, avis sur des papiers ou des cartons de toutes sortes. Ces cartes de visites indiquent leurs adresses ou leurs demandes de renseignements relatives à des adresses recherchées. Cet affichage public est l’image de l’exode, de la détresse de familles dispersées et de la recherche d’un asile. Jamais sans doute on n’a ressenti l’ampleur de ce drame étendu dans l’espace et le temps. Dans les années suivantes, d’autres réfugiés viendront grossir le nombre de tous ces déracinés. Ils sont originaires de Bretagne, de Normandie, de Boulogne et … toujours du Nord, du Pas-de-Calais. Des baraquements comportant des logements familiaux apparaissent au Champ de Foire, à la Chesnardière, à l’Écartelée, Place de la Gare. Ils servent d’hébergement pour ceux qui n’ont pas été reçus chez l’habitant. L’accueil des réfugiés a été la grande préoccupation de tous : élus, habitants. La générosité a été la fierté des citadins et des ruraux qui prêtaient aussi bien leurs granges ou leurs celliers, quand les pièces de la maison ne suffisaient pas. Les étrangers furent peu nombreux : des Belges et …un Syrien.
Daniel Heudré
Lien externe:
Sources :
*Registres des délibérations municipales de Fougères, années 1939-1940
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