En
juin 1940 René Gallais ne se résigne pas à la défaite. Avec sa famille
qu'il engage à fond et un groupe d'amis qui le secondent tels Deschamps,
la famille Huet, Loizance, Richer, Perez, Le Bastard, Frémont, Lebosse,
ils commencent par aider les jeunes à passer en zone libre et en
Angleterre, à faire parvenir à Londres, d'abord quelques lettres, puis
des renseignements sur les troupes allemandes et leurs déplacements,
puis c'est la récupération, le stockage, le maintien en état de
nombreuses armes abandonnées par l'armée française et de munitions,
transportées par camion, cachées dans les forêts voisines et
parfaitement entretenues. Cette importante récupération d'armes
s'effectue avec l'aide de nombreux Fougerais courageux. Parallèlement à
cela, le groupe accueille et héberge des officiers de l'Intelligence
Service ou du Service de Renseignements Français de Londres, s'occupe du
ravitaillement et du retour vers l'Angleterre de parachutistes,
recueille des renseignements de toutes natures qui sont transmis à
Londres par courrier ou par radio.
Le groupe étant à point, René Gallais reçoit des F.F.L. de Londres, par
le capitaine Longsal et le colonel Luisly, l'ordre d'organiser son
groupe en unité combattante. Il en est désigné chef pour Fougères et
Jules Frémont pour Saint-Brice-en Coglès.
Les opérations de sabotages sont prêtes lorsque
de jeunes autonomistes bretons
se présentant comme étant de l'Intelligence Service infiltrent le réseau
et dénonce tous les membres du groupe.. C'était en fait des agents de l'Abwehr
de Rennes. Les arrestations ont eu lieu dans la nuit du 8 au 9
octobre 1941 dans le cadre de l'opération Porto, une très grande rafle
qui a sévi jusqu'en Belgique. René Gallais, sa
femme, sa fille et plus de 50 personnes sont arrêtées, des dépôts
d'armes sont mis à jour.
Gérald Gallais
fils, âgé de 15 ans, arrêté avec ses parents est relâché. Il s'enfuit à
pied chez sa tante à Pontorson.
Les membres du réseau ne se connaissant que trois
par trois, la gestapo ne put reconstitué l'ensemble du réseau. Le 27
octobre la plupart des personnes arrêtées sont relâchées sauf quatorze
personnes qui restent détenues à la prison d'Angers. Les hommes sont
transférés à la prison de Fresnes et les femmes à la Santé.
Le 18 décembre 1941. les hommes sont
transférés en Allemagne
à Augsburg
située dans l’ouest de la Bavière. Les femmes sont enfermées dans des
cellules individuelles dans une prison
de droit commun à Kastell-Stâdel.
Huguette
Gallais 1: "Nous
avons été interrogés par la Gestapo en juin 1942. Ils m'ont frappée
devant Frémont pour le faire parler, lui. C'était un père de famille de
cinq enfants. Il habitait Saint-Brice, un bourg où j'avais accompagné
un transport d'armes, et les Allemands voulaient en savoir davantage à
ce sujet. Nous avions caché les fusils chez Armand Laize, mais celui-ci
n'a pas été arrêté, pas plus que les autres membres de sa famille.
Frémont et moi étions horriblement esquintés, cependant aucun de nous
deux n'a parlé. J'ai été ramenée à la prison, je ne sais pas comment
parce je me suis réveillée sur un bat-flanc, souffrant de partout. Celui
qui m'avait interrogée était un nazi nommé Steinler.
Les interrogatoires terminés, maman et Mme Pitois sont montées avec des
droits communs allemandes. Comme maman était modéliste en haute couture,
elle a été placée dans un atelier de couture au service des
surveillantes, où elle cousait des punaises dans les ourlets des robes
pour casser le moral des Allemandes qui emportaient cette vermine dans
leurs maisons."
Le procès
Le 23 février 1943 dans la salle des
Assises du Tribunal Régional, bureau 100, 2e étage du Palais de Justice,
Alten Einlass I, a lieu le procès des 12 Résistants français par le
Tribunal du Peuple de Berlin 2e sénat.
Sont désignés défenseurs quatre avocats de Augsburg. Les juges venus de
Berlin ont à juger la plus importante affaire de résistance qui sera
traitée à Munich : l'affaire du groupe terroriste créé et commandé par
René Gallais, capitaine au long cours, gardien du château de Fougères où
il demeure avec sa femme Andrée, sa fille Huguette et son fils Gérald.
Huguette Gallais: "Lors du procès, nous avons enfin pu échanger
quelques mots furtifs avec papa et les autres hommes, que nous n'avions
pas vus depuis notre arrestation.
Nous n'étions plus que douze accusés. Joseph Brindeau, tuberculeux,
était décédé en 1942 en prison et Théophile Jagu, un gendarme qui nous
renseignait, avait été libéré et renvoyé à la brigade de Fougères, faute
d'éléments contre lui. Nous avions soutenu jusqu'au bout que nous ne le
connaissions pas. Seulement, rentré en Bretagne, les autres familles de
déportés ont cru qu'il nous avait dénoncés. Il a été bien soulagé de
voir maman et moi revenir vivantes pour démentir.
Quel dommage que le procès n'ait pas été filmé ! Toutes les armes
étaient là : Terre, Mer, Air. Ils nous avaient commis quatre avocats
d'office. Parmi eux, un antinazi, le docteur Reiseirt, qui, lui, a
vraiment plaidé. Sa plaidoirie disait, en substance, que papa avait fait
la guerre 14-18, tout comme lui, et peut-être s'étaient-ils trouvés face
à face dans les tranchées mais chacun défendait son pays et faisait son
devoir. Nous fumes tous les douze condamnés à mort, en camp de
concentration pour les trois femmes et Marcel Lebastard. Marcell était
étudiant à Rennes, où il avait déjà été arrêté, et son dossier le
présentait comme un hurluberlu, incapable d'appartenir à un réseau
d'envergure.
Le docteur Reiseirt a obtenu d'un gardien que les hommes restent
ensemble jusqu'à leur exécution. Ils ont veillé, ils ont prié. Ils ont
reçu la communion."
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Les condamnés sont
transférés à la prison centrale « Stadelheim » de Munich le 9 septembre
1943.
L'exécution a lieu le 21 suivant. Le rapport d'exécution mentionne :
NN n° 1594 - René Gallais, décapité à 17 h 05.
NN n° 1592 - Raymond Loizance, décapité à 17 h 08.
NN n° 1593 - Marcel Pitois, décapité à 17 h 11.
NN n° 1595 - Antoine Ferez, décapité à 17 h 14.
NN n° 1601 - Louis Richer, décapité à 17 h 16.
NN n° 1596 - François Lebosse, décapité à 17 h 19.
NN n° 1600 - Jules Rochelle, décapité à 17 h 21.
NN n° 1603 - Jules Frémont, décapité à 17 h 24.
Andrée Gallais, sa fille Huguette, Louise Pitois, attendent leur tour,
ignorant qu'on les a graciées. Elles sont ensuite envoyées à Rawensbruck,
bloc 32 des NN puis à Mauthausen. Louise Pitois meurt à Bergen-Belsen à
la libération au moment d'être rapatriée par avion sanitaire. Andrée et
Huguette Gallais ont survécu (1980).
(Quant à Marcel Le Bastard, gracié sans le savoir lui aussi, il est
envoyé aux travaux forcés à Sonnenburg puis à Sachsenhausen. Rentré en
France il mourra en 1970 en Corse .
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