accueil-mdg1.gif (1380 octets)

La face cachée des libérateurs américains  de 1944

 au Ferré et à Montours

 

Glenna Whitley, journaliste américaine de Dallas,  prépare un livre sur les délits et exactions commis par les soldats américains. Cet ouvrage est la preuve de l’intérêt porté à quelques épisodes dramatiques, le Pays de Fougères en a connus. La mémoire collective a parfois simplifié ces faits. Aussi importe-t-il de les resituer dans leur contexte.

 

Que de visages  enjoués, souriants et généreux nous offrent les libérateurs à partir du 6 juin 1944 ! Paquets de cigarettes, chewing-gums sont distribués à chaque traversée de village. L’attente a été si longue pendant l’Occupation marquée par la pénurie, l’impatience d’une sortie de l’oppression et des incertitudes au quotidien. Les chants et les danses traduisent cette liesse populaire.

Et pourtant la réalité n’est pas si lumineuse. Beaucoup de taches d’ombre écornent cette image des GI’S en Normandie et en Bretagne. Ces hommes privés de femmes vont commettre des violences envers les villageoises du bocage.

En ce début du mois d’août 1944, dans une ferme du Ferré, Pierre G. et sa fille voient arriver deux soldats noirs américains. Leur allure ne trompe pas : ils sont enivrés et gravissent l’échelle de meunier pour accéder à la chambre où le père et sa fille Marie-Josèphe se sont barricadés à l’aide du pêne de la porte. Les deux soldats font usage de leurs armes sur le palier et blessent Marie-Josèphe à la jambe droite et son père au cuir chevelu. Celui-ci aurait pu être frappé à la tête. La fille s’est protégée face aux violences qu’ils tentent de lui imposer. Elle réussit à s’échapper de la chambre et s’achemine en rampant, dans la nuit, jusqu’à l’antenne médicale  américaine, au village de Culais.  Le père réussit à prévenir le maire, M. Pirotais à Saint-Georges-de-Réintembault. Les deux soldats  dorment dans la chambre, encore alcoolisés lorsqu’on les retrouve.

La fille aura toujours une jambe  plus courte que l’autre, la balle ayant percuté l’os de la jambe droite. Marie-Josèphe racontera la scène dix, douze fois à son fils. Celui-ci, aujourd’hui à la retraite, se rappelle les moindres détails de son récit et apporte, preuves à l’appui, le courrier du 6 mars  1946 de l’US Army réglant les aspects financiers de l’affaire.

Un jugement militaire a lieu et l’exécution se déroule un matin, à Montours, en  présence d’une foule massée sur la place entre l’église et le presbytère. La Chronique Républicaine de Fougères  rapporte le témoignage d’une femme de Saint-Brice-en-Coglès, déjà recueilli en 1994 : «  Un beau matin, la rumeur d’une exécution s’est répandue dans la commune. On avait dressé une potence entre l’église et le presbytère… Bientôt, la place s’est trouvée noire de monde. Vers 10h, un camion de la Military Police est arrivé avec les deux condamnés qui avaient chacun un aumônier… On a donné une cigarette au premier. Il est monté vers la potence sous laquelle avait été aménagée une grande trappe. Si bien qu’au moment de l’exécution, on n’a rien vu… Une demi-heure au moins s’est passée avant qu’on ne procède à la deuxième exécution… L’homme, très calme, a pris lui aussi une cigarette aussitôt avant d’aller à la mort… Les corps ont été enveloppés dans un linceul et chargés dans une remorque. Les cordes ont été brûlées sur place. Tout cela s’est passé dans un silence impressionnant … » (1). Les deux corps furent inhumés au cimetière  américain de Saint-James.

Ce témoin oculaire, aujourd’hui disparu, décrit avec  précision la scène de l’exécution. Celle-ci punit sévèrement une tentative de viol et des violences commises à l’égard de Pierre et de Marie-Josèphe.

Les soldats noirs manquèrent de retenue, lorsqu’ils s’adonnèrent à la boisson, de la « goutte », de l’eau-de-vie de pomme qu’on s’amusait à leur verser. Ils arrivèrent chez ces paysans et commirent l’irréparable. Sans doute aussi le contexte de l’époque explique-t-il ce comportement à l’égard des noirs : les Français  peu habitués à voir des gens de couleur et non dénués d’idées simplistes envers les noirs, ont eu plaisir à enivrer ces soldats. Le Commandement militaire américain était intransigeant avec les auteurs de viols, d’autant plus qu’ils étaient noirs.

D’autres viols ou tentatives ont été relevés à Laignelet, Antrain, Monthault et Bain-de-Bretagne. Il est très difficile de recenser leur nombre  car les victimes ne portaient pas toujours plainte et le chiffre des exécutions serait plus à l’abri des contestations.

(1) La Chronique républicaine de Fougères, le 10 juillet 2014

Remerciements à Monsieur le Maire du Ferré et au fils de Marie-Josèphe G., du Ferré

h-b.gif (328 octets)

Page d'accueil  |