Le 6 juin 1944, date
historique tant attendue dans le déroulement de la Seconde Guerre
mondiale marque l’ouverture du front occidental terrestre sur le théâtre
des opérations en Europe. Les phases d’opération de débarquement en
Normandie connues sous le nom de code « Neptune » prévoient le largage
au préalable à l’intérieur des terres normandes de 3 divisions
aéroportées dont 2 américaines – les 82ème et 101ème
aéroportées – et d’une division britannique, la 6ème
aéroportée. Chaque division aéroportée se voit confier dans un secteur
défini, des objectifs précis indispensables au bon déroulement du
débarquement des troupes amphibies. En effet, les stratèges du
SHAEF (Supreme
Headquarters Allied Expeditionary Force : haut commandement des
forces expéditionnaires alliées en Europe du Nord) sous les ordres du
général américain Dwight D. Eisenhower anticipent l’éventuelle réaction
des forces allemandes aux premières heures du débarquement des troupes
terrestres et, craignent que l’acheminement rapide de renforts situés en
arrières des côtes normandes viennent mettre en péril le déroulement des
opérations amphibies. De ce fait, les concepteurs du plan Overlord
planifient dans la première phase des opérations d’invasion, la
projection de troupes aéroportées chargées de verrouiller les secteurs
et les accès à certaines plages susceptibles d’être directement menacées
soit par la présence de batteries d’artillerie allemandes soit par une
éventuelle contre-offensive allemande. Deux secteurs sont jugés
particulièrement sensibles, le secteur britannique au niveau de la plage
codée « Sword Beach » située au nord de Caen constituant le flanc gauche
allié du débarquement et le secteur américain de la plage codée « Utah
Beach » à l’Est de Sainte-Mère-Église constituant le flanc droit de
l’offensive amphibie. Outre la sécurisation des points d’accès à ces
plages, les troupes aéroportées doivent également et dès que possible,
réduire au silence les multiples batteries d’artillerie disséminées le
long du littoral normand.
Afin de mener à bien
les opérations aéroportées côté américain, les stratèges alliés
planifient l’envoi de 2 divisions : la 82ème Division
aéroportée qui a déjà fait ses preuves lors de la campagne d’Italie et
la 101ème Division aéroportée. La 82ème Division
aéroportée a pour mission de sécuriser les points d’accès reliant la
plage de Utah Beach à l’intérieur des terres, tenir les localités et
voies de communication de ce secteur ainsi que de s’emparer des ponts
situés sur les rivières du Merderet et de la Douve. La 82ème
Division aéroportée se divise pour l’opération en 3 régiments de
parachutiste (505ème, 507ème et 508ème),
un régiment de planeurs (325ème) et diverses unités
d’artillerie, de génie, de reconnaissance, de logistique, etc. En vue de
se conformer aux plans d’invasion, le largage de la 82ème
aéroportée est divisé en 3 Forces (A, B, C) correspondant à des vagues
successives d’assaut. De la même manière, 3 zones de largage appelées
« Drop Zone » (DZ)
préalablement signalées par des équipes d’éclaireurs,
sont définies pour chaque régiment de parachutistetout en tenant compte
des objectifs respectifs de ces derniers :
- le
505th Parachute Infantry Regiment (PIR) sautera sur la DZ « O » au
nord-ouest de Sainte-Mère-Église à proximité de la Fière, soit 2120
paras.
- le
507th Parachute Infantry Regiment (PIR) sautera sur la DZ « T » au
nord d’Amfreville, soit 2004 paras.
- le
508th Parachute Infantry Regiment (PIR) sautera sur la DZ « N » au
nord de Picauville et Pont l’Abbé, soit 2188 paras.
Conscient de la
portée audacieuse et risquée d’une telle opération aéroportée qui n’a
jamais été entreprise auparavant dans l’histoire militaire, le SHAEF
table sur des pertes pouvant s’élever jusqu’à 80% du total des effectifs
engagés. Sans en arriver à ce chiffre effrayant, il est estimé que 50%
des effectifs américains engagés sur les 2 divisions aéroportées ont été
mis hors de combat durant les opérations du 5 et 6 juin. Parmi les paras
mis hors de combat, nombreux sont faits prisonniers aux premières heures
du 6 juin. C’est le cas de 3 officiers du 505ème Régiment de
parachutiste qui n’hésiteront pas à s’évader dès que la bonne occasion
se présentera à eux. Il s’agit du :
- 2nd
lieutenant George E. HENDRICKSON matricule 1307411, 26 ans, du New
Jersey appartenant à la Compagnie I, 3ème bataillon du 505ème
Régiment de parachutiste. (Co I/3rdBn/505th PIR)
- 1er
lieutenant Robert D. KEELER matricule O-1295893, 27 ans, de l’Illinois,
commandant en chef de la Compagnie de commandement du 1er
bataillon du 505ème Régiment de parachutiste. (Co HQ/1st
Bn/505th PIR)
- 1er
lieutenant James M. IRVIN matricule O-1288901, 25 ans, du Kentucky,
commandant en chef de la Compagnie B du 1er bataillon du 505ème
Régiment de parachutiste. (Co B/1st Bn/505th PIR)
Le
largage et les
combats du 6 juin 1944
Le 505ème
Régiment de parachutiste est un régiment vétéran des campagnes de Sicile
et d’Italie. Dans le cadre de l’opération Neptune et plus précisément de
l’opération Boston – première phase des opérations de largage de la 82ème
Division aéroportée –le 505th PIR est attaché à la Force A
et doit être largué au nord-ouest de Sainte-Mère-Église afin de
s’emparer de cette dernière, entre 1h00 et 3h15 sur la Drop Zone
« O ». Cette DZ a préalablement été balisée par des équipes de
Pathfinders, équipes d’éclaireurs volontaires chargées d’indiquer le
point de chute aux avions de transports des divisions de parachutistes.
Concernant la DZ du 505ème Régiment de parachutistes, la zone
est marquée à temps et le parachutage de ce régiment apparaît comme le
plus précis parmi tous les régiments de parachutistes engagés dans cette
opération. Dans l’ensemble le parachutage de la 82ème
Division aéroportée s’effectue de façon précise en comparaison à celui
de la 101ème Division aéroportée. Les premiers paras du 505th
PIR arrivent sur zone vers 1h51. Seule une partie de la compagnie F du
505ème Régiment de parachutistes fut larguée par erreur hors
DZ, sur Sainte-Mère-Église, moment immortalisé et largement romancé dans
le film historique Le Jour Le Plus Long. Les paras sautent par
« sticks » qui correspondent à un groupe d’hommes de 16 ou 17 paras par
appareil. Le 505th PIR compte 118 sticks de largués dont
une soixantaine atterrisse à proximité immédiate de la zone de saut
(environ 1 km). 20 sticks touchent le sol à 3 km de la zone prévue alors
que 20 autres sticks atterrissent à des endroits plus éloigné de la DZ
« O ».

Ci-dessus, la carte
du point de chute des sticks de la 82nd Airborne le 6
juin. Les sticks du 505th PIR sont représentés par des
points orange nettement localisés sur la DZ « O ».
Le 3ème
bataillon auquel appartient le 2nd lieutenant George E.
HENDRICKSON est chargé de capturer la localité de Sainte-Mère-Église. Le
lieutenant HENDRICKSON alors chef de section à la compagnie I du 505ème
Régiment de parachutiste saute avec le 3ème bataillon
(compagnies G, H, I, plus la compagnie de commandement du bataillon)
commandé par le lieutenant-colonel Edward C. KRAUSE à 2h03. L’ensemble
du 3ème bataillon est parachuté de manière imprécise même si
ce dernier n’est pas excessivement éloigné de la DZ initiale. Notons
tout de même que 3 sticks des compagnies H et I furent largués à
plus de 20 km de la DZ. D’autres sticks tombèrent dans le secteur
de la 101st Airborne. Enfin, certains sticks sautèrent
malencontreusement sur un bataillon d’artillerie allemande et furent
faits prisonniers immédiatement.
La compagnie I dont
dépend HENDRICKSON est commandée par le capitaine Harold H. SWINGLER dit
« Swede », héros de la campagne Sicile après avoir attaqué seul un char
allemand Tigre et qui fut tué le 6 juin 1944. Le 3ème
bataillon pénètre dans Sainte-Mère-Église par le sud à 4 heures du matin
et à 6 heures, le village est sous contrôle des paras. Vers 10h00, la
compagnie G du 3ème bataillon qui tient un barrage routier
sur la RN 13 (Sainte-Mère-Église/Carentan) subit une contre-attaque
allemande. La compagnie G est continuellement harcelée par les tirs
d’artillerie, de mortiers et de mitrailleuses lourdes mais elle résiste
aux assaillants Allemands. Le lieutenant-colonel KRAUSE ordonne donc à
la compagnie I de prendre position sur la colline d’où les Allemands
pilonnent les positions de la compagnie G. La compagnie I échoue et est
repoussée dans son assaut. Cependant, les Allemands s’imaginent alors
que les paras américains sont en grand nombre à Sainte-Mère-Église et
décident de se replier. L’ensemble du 3ème bataillon du 505ème
Régiment s’efforça de tenir ses positions toute la journée du 6 juin
résistant aux contre-attaques et à l’artillerie ennemies. Le 6 juin, à
18h00, le lieutenant HENDRICKSON est fait prisonnier aux abords de
Sainte-Mère-Église et rejoindra les lieutenants IRVIN et KEELER en tant
que prisonnier de guerre. Légèrement blessé, il sera envoyé dans un
hôpital.

2nd
Lt. George E. HENDRICKSON (82nd ABN/505th PIR/3rd Bn/Co I)
Le 1er
bataillon du 505ème Régiment de parachutiste reçoit pour
mission initiale de « nettoyer » le secteur entre
Sainte-Mère-Église et
de la rivière du Merderet. De plus, le 1er bataillon doit
s’emparer de 2 ponts stratégiques situés sur le Merderet. Le 3ème
bataillon est composée des compagnies A, B, C auquel s’ajoute la
compagnie de commandement du bataillon. Les lieutenants IRVIN et KEELER
commandaient respectivement la compagnie B et la compagnie de
commandement du 1er bataillon. Tout comme le 3ème
bataillon, le parachutage des sticks du 1er bataillon
s’éparpilleautour de la DZ « O » à cause d’une Flak qui
s’intensifie au fur et à mesure des passages de Dakota C-47. Les
avions de transport sont dans l’obligation de rompre leur formation de
vol. Plusieurs sticks du 505ème Régiment de
parachutiste sont largués au nord de Sainte-Mère-Église. Parmi ces
sticks, ceux du 1er lieutenant James M. IRVIN et celui du
1er lieutenant Robert D. KEELER qui atterrissent dans le
secteur de Fresville, soit à une dizaine de km de Sainte-Mère-Église et
de leur DZ initiale.
Le lieutenant KEELER
qui a déjà 3 missions en opération extérieure à son actif, foule le sol
normand vers 2h00 mais se blesse à la cheville au moment de
l’atterrissage. Défait de son parachute, KEELER retrouve le sergent-chef
Carlos COBOS ainsi que le soldat 1ère classe Morris W.
SHEPPARD appartenant à sa compagnie et à son stick de
parachutistes. D’autres soldats égarés de la compagnie se joignent au
groupe dont le soldat Allen KRIETSCH. Alors que le petit groupe prend la
direction du sud, ils récupèrent le caporal-technicien 5ème
grade William A. SULLIVAN de la compagnie du lieutenant KEELER qui
s’était retrouvé isolé après avoir touché le sol normand. A ce moment
là, la petite troupe compte 7 paras et cherche à rejoindre le 1er
bataillon du 505ème Régiment de parachutistes dans le secteur
de Sainte-Mère-Église. Durant leur progression lente du fait des blessés
à la cheville et précautionneuse au travers d’un bocage normand dense, la
troupe constituée par KEELER échangent des tirs sporadiques nocturnes
avec des Allemands dissimulés et invisibles.

De son côté, le stick
lieutenant James M. IRVIN officier commandant la compagnie B du 505ème
Régiment de parachutiste atterrit également au nord de la commune de
Fresville. Peu après avoir touché le sol, il retrouve Harvill W. LAZENBY
sergent de sa compagnie. Ensemble, ils récupèrent 5 paras de compagnies
ou d’unités diverses dont le 2nd lieutenant James C. ANASTOS
et le soldat Clifton W. DEDMAN, tous les deux de la compagnie C, 1er
bataillon du 505ème Régiment de parachutiste (Co C/1st
Bn/505th PIR/82nd ABN). Ils prennent ensuite la direction de
Saint-Mère-Eglise afin de rejoindre le PC du bataillon puis leur unité
respective.
A 6h00, l’heure H,
alors que la canonnade de l’armada alliée se fait entendre au large des
côtes normandes, les 2 groupes de paras des lieutenants KEELER et IRVIN
poursuivent respectivement leur chemin ponctué d’engagements avec des
Allemands. Vers midi, les 2 groupes se rencontrent par hasard dans les
environs de Sainte-Mère-Église. Fort d’une quinzaine d’hommes, IRVIN
décide de prendre le commandement des paras, étant l’officier supérieur
le plus âgé. D’autres paras, vraisemblablement égarés viennent grossir
les effectifs du groupe IRVIN-KEELER pour atteindre le nombre d’une
trentaine d’hommes environ. Tandis que le groupe essaie de rentrer en
contact avec le 1er bataillon du 505ème Régiment
de parachutiste, un bataillon de la 91ème Division
d’infanterie allemande (91. Luftlande-Infanterie-Division)
attaque les positions américaines à Sainte-Mère-Église. Le groupe
IRVIN-KEELER est alors pris sous le feu allemand. Le lieutenant IRVIN
donne l’ordre de constituer une position défensive dissimulée dans les
épaisses haies normandes dans le but de résister aux charges des
Allemands. Peu à peu, les paras américains sont pris sous le feu
continuel des mortiers Allemands et des mitrailleuses MG-42. Le groupe
se retrouve très vite encerclé par des Allemands en nette supériorité
numérique et il est contraint à se rendre. Le lieutenant IRVIN est
blessé par un tir de mortier et est capturé dans un fossé par les
Allemands. Les prisonniers américains sont désarmés et sommairement
fouillés avant d’être conduits sur Montebourg.
La
captivité
Une fois à
Montebourg, les lieutenants IRVIN et KEELER blessés lors de l’accrochage
avec les Allemands, sont transférés en camion dans un hôpital à
Valognes. Le lieutenant KEELER y restera pendant 6 jours, jusqu’au 12
juin tandis que le lieutenant IRVIN y séjournera 10 jours, jusqu’au 16
juin. Dès qu’ils sont rétablis, les prisonniers américains sont placés
dans un grand camp à Bricquebec situé à l’ouest de Valognes, rassemblant
de nombreux paras américains faits prisonniers en Normandie. Dans ce
camp de prisonniers, les officiers sont séparés des sous-officiers et
hommes du rang. Les lieutenants IRVIN et KEELER retrouvent alors parmi
leurs frères d’arme, le lieutenant George E. HENDRICKSON. Devant
l’avance du VIIIème Corps d’armée américain dans le Cotentin, la gestion
des prisonniers de guerre américains devient problématique pour les
forces allemandes. Il en résulte un transfert de l’ensemble des
prisonniers US dans un nouveau camp situé au sud de Saint-Lô, dans le
secteur de Tessy-sur-Vire qui s’effectue à compter du 17 juin. Pour les
hommes valides et en capacité de marcher, le transfert se déroule à pied
et exclusivement de nuit. Durant 5 nuits, l es prisonniers américains
marchent au pas en direction de leur nouveau lieu de captivité.
On
compte environ 200 hommes du rang et de sous-officiers plus une
cinquantaine d’officiers. Les conditions de captivité semblent propices
aux tentatives d’évasion puisqu’on en dénombre plusieurs dès les
premiers jours durant lesquels les paras ont été faits prisonniers. En
effet, le caporal SULLIVAN et le soldat SHEPPARD tenteront de s’évader
le 12 juin mais seront repris par la suite. A noter la tentative réussie
dans la nuit du 11 au 12 juin, des sergents HENDERSON (également de la
compagnie B du 505ème Régiment) et LAZENBY qui parviendront à
échapper aux Allemands et à demeurer cachés pendant 37 jours !


L’évasion nocturne
Les
lieutenants HENDRICKSON, IRVIN et KEELER – ainsi que d’autres GIs - sont
cantonnés dans un camp au sud de Saint-Lô d’où il est décidé par les
Allemands, un nouveau transfert à la date du 27 juin. Ce voyage
s’accomplira en bus et de nuit afin d’éviter l’aviation alliée qui a la
maîtrise du ciel. La prochaine étape de ce transfert n’apparait pas bien
définie suivant les rapports de tel ou tel prisonnier : certains
évoquant la ville d’Alençon, d’autres celle de Paris. Toujours est-il,
qu’à cette période, bon nombre de prisonniers de guerre alliés, blessés
et valides, sont dirigés vers la ville de Rennes soit au collège pour
filles transformé en hôpital miliaire situé rue Jean Macé, soit au camp
de la Marne situé aux abords de Rennes dans le secteur de la Courrouze.
Dans la
nuit du 27 au 28 juin, HENDRICKSON, IRVIN et KEELER sont montés dans un
autobus allemand avec une vingtaine d’autres officiers américains
prisonniers. Les 3 lieutenants se placèrent dans le fond du bus, et
IRVIN s’assit à côté de la porte arrière sur laquelle il avait
constaté la présence d’une clé, sans doute oubliée par les geôliers. Le
bus était gardé et encadré par 3 soldats Allemands en armes qui se
postèrent à l’avant du véhicule dos à la route, de manière à garder un
œil sur les prisonniers américains.Il semble que les 3 lieutenants
avaient manifesté auprès de leurs compatriotes la volonté de prendre le
contrôle du bus en neutralisant les 3 soldats Allemands armés ainsi que
le chauffeur en vue d’organiser une évasion massive. Cependant, les plus
hauts gradés parmi les prisonniers américains n’étaient pas enclins à
passer à l’action jugeant sûrement cette tentative trop risquée. Pour
autant, les 3 paras ne se démoralisèrent pas. Vers minuit, alors que le
convoi composé de plusieurs véhicules motorisés, faisait route tous feux
éteints vers le sud, IRVIN montra à ses camarades HENDRICKSON et KEELER
la clé restée sur la porte arrière. Profitant d’une route pentue
ralentissant la vitesse du bus et couvert par des chants que les autres
officiers US avaient entamés à voix haute, les lieutenants IRIVIN,
HENDRICKSON et KEELER actionnèrent la porte arrière qui s’entre-ouvrit,
attendant un moment opportun d’inattention des gardes allemands pour
sauter en marche du bus. Ils se réceptionnèrent dans un fossé dans
lequel ils se cachèrent tandis que le bus poursuivait sa route sans que
les geôliers allemands ne s’aperçoivent sur le coup ce qui venait de se
dérouler. Les 3 fugitifs attendirent patiemment dans le fossé le passage
de la totalité du convoi.
Ayant
réussi à garder son kit d’évasion qui comprenait une carte et une
boussole, le lieutenant KEELER put déterminer la position du groupe de
fugitifs. Ils se situaient à proximité à Couptrain, dans le département
de la Mayenne. Ils marchèrent à travers la campagne pendant 3 heures
avant de se décider à une pause pour dormir dissimulés dans des haies.
Le 28 juin, au levée du jour, le lieutenant IRVIN partit demander de la
nourriture à une ferme située près d’où avaient dormi les évadés. La
fermière les accueillit chaleureusement et leur concocta un copieux
petit-déjeuner. Rassasiés, ils reprirent leur route pendant 3 km.
Conscients de l’indiscrétion que pourrait susciter le port d’une tenue
de combat de parachutiste, le petit groupe se mit d’accord pour se
procurer rapidement des vêtements civils. Ils s’arrêtèrent donc dans une
ferme pour quémander des vêtements plus en adéquation avec
l’environnement local. Par chance, le propriétaire de la ferme parlait
anglais et parvint à converser avec ses invités inopinés et leur indiqua
qu’ils se trouvaient sur la commune de Lassay-les-Châteaux (Mayenne).
Malgré sa nervosité apparente, le fermier accepta de leur offrir gîte et
couvert le temps nécessaire pour celui-ci de leur trouver des vêtements
civils. Le lendemain 29 juin, des vêtements civils furent donnés aux 3
évadés et leur tenue de parachutiste fut brûlée par précaution. Le
fermier leur suggéra de se diriger vers l’Espagne. Mais après
concertations, les paras jugèrent plus judicieux de prendre la direction
de la Bretagne et de ses côtes d’où ils pourraient éventuellement
trouver une embarcation vers l’Angleterre. Le fermier leur indiqua donc
la route à prendre pour se rendre en Bretagne. Attendant la tombée de la
nuit, les 3 lieutenants partirent à pied en direction de l’ouest.
L’aventure
bretonne
Sur les
chemins qui les conduisaient vers la Péninsule armoricaine, les 3
camarades parachutistes HENDRICKSON, IRVIN et KEELER décidèrent de se
séparer de façon à ne pas attirer excessivement la curiosité des
autochtones et à atténuer les risques de se faire capturer. Toutefois,
ils se jurèrent de se retrouver en Bretagne dès que possible et une fois
en sécurité.
Le destin
tragique du lieutenant George E. HENDRICKSON au Maquis de Broualan

Concernant
la prise en charge du lieutenant HENDRICKSON dès son arrivée en
Bretagne, il est impossible en l’état actuel des recherches de
déterminer où, comment et auprès de qui, il parvint à trouver de
l’assistance. Nous savons juste que HENDRICKSON a été récupéré dans la
localité de La-Boussac (Ille-et-Vilaine) par Jean STEISS, le 6 juillet.
Le soir, il dînera chez Jean LEBOIS avant de gagner la ferme de la
Lopinière, situé près du maquis de Broulan pour y passer la nuit du 6 au
7 juillet.
L’idée de
constitution d’un maquis à Broualan prend son origine à l’été 1943 alors
que de jeunes réfractaires au STO recherchent des lieux pour se cacher.
Dans un premier temps, cet endroit est davantage perçu comme une zone de
refuge pour qui veut échapper aux Allemands et aux autorités du régime
de Vichy. A cette période, il n’est pas que peu organisé, peu armé et
n’a aucune vocation stratégique et militaire. Au printemps 1944, le
maquis gagne en effectif et en organisation : de nombreux Francs-tireurs
et partisans (FTP) de la région de Saint-Malo et de Dol se replient sur
la forêt de Buzot auquel s’ajoutent des résistants locaux. Le maquis se
structure : un ravitaillement régulier est mis en place, des positions
défensives sont érigées, un entraînement militaire quotidien est imposé
aux maquisards. Le maquis passe sous le commandement de l’adjudant
LAMBERT d’Antrain du mouvement de résistance Défense de la France (DF)
et sous la responsabilité départementale du commandant FTP, Louis PETRI.
Ce dernier souhaite faire du maquis un lieu de transit pour les
résistants d’Ille-et-Vilaine vers d’autres maquis départementaux à
vocation offensive comme celui de Lignières-la-Doucelle en Mayenne.
Comme toute forte concentration d’individus à cette époque dans des
zones reculées, le maquis de Broualan ne passe pas inaperçu auprès de la
population locale et des autorités.
Avec le débarquement
allié du 6 juin, l’activité de la Résistance s’intensifie sur le
territoire et réciproquement, les opérations d’attaques et de
représailles effectuées par les Allemands aidés de collaborateurs contre
les résistants et leurs bases de repli. Géographiquement, le maquis de
Broualan se situe dans une zone stratégique du fait de sa proximité avec
Saint-Malo, Dol-de-Bretagne et son accès sur la Normandie. Fin juin
faisant suite à des accrochages avec l’occupant et des miliciens,
l’ordre est donné à une centaine de maquisards de Broualan de se replier
vers des maquis mayennais. Pour autant, le maquis n’est pas déserté et
quelques effectifs de la Résistance maintiennent leur position en forêt
de Buzot afin d’assurer le transit entre les nouveaux arrivants
d’Ille-et-Vilaine et les maquis installés en Mayenne. Le 6 juillet, 3 ou
4 individus suspects sont repérés dans la commune de Broualan et le
maquis est averti mais sans inquiéter outre mesure le commandement
maquisard. Le 7 juillet, vers 4h00 du matin, une centaine d’individus
issus de la Milice française, du Groupe Action du PPF (Parti Populaire
Français), de la Formation Perrot (collaborateurs et nationalistes
bretons) auquel s’ajoutent des policiers du SD (Sicherheitsdienst :
service de sécurité de la SS) investissent le bourg de Broualan à la
recherche de résistants. Là-bas, ils font prisonnier le chef du maquis,
l’adjudant LAMBERT avant de se diriger vers le bois de Buzot.
Entre-temps, les habitants sont soumis aux brutalités d’interrogatoire
et 3 personnes sont exécutées. L’alerte d’une descente de miliciens et
d’Allemands est envoyée au bois de Buzot d’où les résistants parviennent
à s’extraire avant l’attaque. Mais à la ferme au lieu-dit de la
Lopinière, 12 maquisards dont le lieutenant HENDRICKSON sont surpris
dans leur sommeil et capturés. Les prisonniers sont transférés en
autocar vers Rennes. Avant de partir, les résistants subissent la
violence et la torture des miliciens qui se déchaînent contre l’adjudant
LAMBERT alors dénudé et humilié ainsi qu’un autre résistant, René
CAPITAIN. Ce dernier est alors exécuté froidement d’une balle dans la
nuque par un membre du Groupe Action du PPF désireux d’essayer son
Colt. Son corps est laissé sur place. C’est alors qu’un membre du
Bezen Perrot découvre la présence d’un
Américain parmi leurs
prisonniers. Il le questionne afin de savoir d’où il vient. HENDRICKSON
dit qu’il est officier américain, qu’il a sauté en parachute et qu’il a
été capturé, qu’il a 28 ans et qu’il est originaire de New-York.
En rentrant vers Rennes, le convoi s’arrête près d’une carrière située
sur la commune de Saint-Rémy-du-Plain. Sept résistants sont désignés par
les chefs groupes collaborationnistes et du SD pour descendre de
l’autocar dont l’adjudant LAMBERT alors très mal en point. Ceux-ci
seront fusillés aux environs de la carrière. Quant à HENDRICKSON, étant
en tenue civile et donc considéré comme un espion, il semblerait que les
chefs DI CONSTANZO, PERESSE et RIECK du SD se soient concertés et aient
décidé de le liquider. RIECK lui subtilise alors ses plaques
d’identification. Trois individus se portent volontaires pour
l’exécution de celui-ci. Après l’avoir fait marcher sur 200 mètres, il
est abattu dans le dos.
Le reste des résistants prisonniers est conduit à Rennes pour
interrogatoire.
Liste des 8 martyrs
de la Résistance torturés et fusillés à Saint-Rémy-du-Plain :
- Maurice
COURIOL
- 2nd
lieutenant George E. HENDRICKSON
- René
HUCET
- adjudant
Jean LAMBERT
- Joseph
LEMONNIER
- Armand
PASQUET
- Michel
RENAUD
- Résistant
inconnu

Monument en hommage
aux patriotes torturés et fusillés à Saint-Rémy-du-Plain, le 7 juillet
1944
Saint-Thual :
lieu de cache du lieutenant James M. IRVIN
Après avoir
pris congé de ses frères d’armes, le lieutenant IRVIN arriva seul à
Saint-Ellier-du-Maine (Mayenne) où il se rendit à l’église du village.
Il fut accueilli par le prêtre du coin qui parlait un peu l’anglais et
qui lui mit à disposition une bicyclette pour le diriger vers l’École
catholique de garçons à Fougères (Ille-et-Vilaine). Là-bas, l’évadé
américain fit la connaissance d’un jeune professeur d’anglais qui lui
prépara un itinéraire à suivre empruntant des routes et villes en
direction de l’ouest du département.
Le jour suivant,
IRVIN suivit le parcours établi par le jeune professeur et arriva à la
localité de Saint-Thual (Ille-et-Vilaine) située en limite du
département des Côtes-du-Nord. Pris en charge par l’ancien maire de la
commune, Jean HOMO, alors révoqué par Vichy, celui-ci trouva à IRVIN un
lieu d’hébergement pour une nuit. Maire populaire auprès de ses
administrés, Jean HOMO avait gardé des relations amicales avec certains
habitants de la commune. Par ailleurs, Jean HOMO était cultivateur et
possédait une ferme au lieu-dit de la Tremblais sur la commune de
Saint-Maden (Côtes-du-Nord), commune voisine de Saint-Thual. Il avait
noué des contacts avec la Résistance locale des Côtes-du-Nord puisque le
lieu-dit de la Sécherie qui se situe à proximité de sa ferme, était un
terrain d’accueil de maquisards.
Le lendemain, le
para US est placé chez la famille de Célestin BRANDILLY où il sera
notamment caché dans le four à pain. On indique au lieutenant IRVIN
qu’un autre Américain est également hébergé chez l’habitant à Saint-Thual
grâce à l’aide de Jean HOMO. Il s’agit du 2nd lieutenant
Blaine H. BARRITT, opérateur-bombardier sur B-24 Liberator dont
l’avion a été abattu le 12 juin 1944 au-dessus de la commune de Romillé
(Ille-et-Vilaine). Il est donc fort probable que Jean HOMO dispose de
contact au sein de la Résistance locale lui permettant d’assurer
l’assistance à des évadés. IRVIN et BARRITT seront hébergés chez divers
habitants sur le territoire de la commune de Saint-Thual afin de ne pas
attirer des regards trop insistants sur leur présence. Parfois, ils
seront amenés à travailler en journée dans les fermes de Mme PINAULT et
d’Ange LE BRUN, tous deux résidents à Saint-Thual. Ayant été informé de
la présence d’évadés américains dans des communes avoisinantes, IRVIN et
BARRITT décidèrent un soir de juillet, en passant à travers champ, de
rejoindre un certain nombre de ces compatriotes à la ferme de René
GUILLOT située sur la commune de Plouasne (Côtes-du-Nord). Ce dernier
héberge déjà, les lieutenants Victor FLEISHMAN et Benjamin C. ISRIG dont
leur bombardier B-24 Liberator a également été touché le 12 juin
au-dessus de Romillé avant de s’écraser sur la commune de Bonnemain
(Ille-et-Vilaine). Viennent se joindre à eux les sergents John L.
BOROWSKI et Harry F. MEEKER qui appartenaient au même bombardier que
celui du lieutenant BARRITT. BOROWSKI et MEEKER qui avaient été amenés
par un résistant FTP, Fernand DELOURME, sont quant à eux cachés chez Mr
et Mme CRESPEL habitant la commune voisine de Tréfumel (Côtes-du-Nord)
et qui sont en contacts avec la Résistance locale. Les 6 évadés
américains organisent une réunion de concertation entre eux dans une
pièce de la maison de René GUILLET. Une fois la réunion terminée, chaque
binôme rejoindra ses hébergements respectifs. Le 2 août 1944, le secteur
de Saint-Thual est libéré par des éléments de la 6ème
Division blindée américaine du général Grow qui fonce sur l’objectif de
Brest. IRVIN et BARRITT rejoignent alors leurs compatriotes et sont
débriefés par le service de renseignement de la division sur
l’hypothétique présence de troupes allemandes dans le secteur.
Le lieutenant IRVIN
ainsi que son compatriote, le lieutenant BARRITT regagneront
l’Angleterre le 9 août 1944 pour un débriefing plus approfondi par les
services de renseignement américain.
Au travers de cet
exemple de prise en charge d’évadés alliés, le rôle de premier ordre
joué par la Résistance montre à la fois une forme d’organisation dans
l’acheminement des évadés et une forme de prudence dans l’acquisition de
lieux d’hébergements auprès de personnes non-engagées de façon directe
au sein des actions de lutte armée.
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Le parcours du
lieutenant Robert D. KEELER : de la cavale aux combats pour la
libération des Côtes-du-Nord
Ayant quitté IRVIN
et HENDRICKSON, le lieutenant KEELER poursuit donc seul en direction de
Fougères. Passant la ville sans encombre, il finit par atteindre la
commune de Saint-Rémy-du-Plain où il rencontre le prêtre au presbytère
du village. Celui-ci le conseille et l’aide à entrer en contact avec la
Résistance locale d’Antrain. Là-bas, KEELER est pris en charge par un
sergent-chef de la Résistance accompagnés de 8 autres patriotes. Les
résistants décidèrent alors de cacher le lieutenant KEELER dans un bois
situé à 250 m du bourg d’Antrain. En vue de nourrir leur « hôte », les
résistants effectuèrent des réquisitions auprès de la population locale,
manière de faire qui semble déplaire au lieutenant américain. En cette
période de juillet 1944, l’activité résistante contre l’occupant
s’accroît dans les environs d’Antrain en lien avec les événements du
maquis de Broualan. Cette activité n’est pas sans entraîner un
renforcement des contrôles d’identité, ce qui pousse les résistants à
transférer le para américain vers une cache plus sure que les abords
d’une forêt susceptible d’être inspectée par les services de polices
allemands et/ou collaborateurs auquel s’ajoute le risque permanent d’une
dénonciation. Décision a été prise d’envoyer KEELER au presbytère de la
Chapelle-aux-Filtzméens où le prêtre le prend en charge. Souffrant à
nouveau de ses blessures antérieures, le prêtre fait venir un médecin
accompagné de 2 femmes réfugiées de Saint-Malo afin de pallier aux
souffrances de l’officier américain. L’une de ses femmes informe KEELER
des événements qui se sont déroulés au maquis de Broualan et que son
compatriote HENDRICKSON, a été arrêté par les Allemands et qu’il est
potentiellement mort. Après avoir récupéré des forces à la
Chapelle-aux-Filtzméens, le para est envoyé à la commune voisine de
Pleugueneuc où il passe 2 jours dissimulé dans un grenier à foin. De là,
une jeune femme de la Résistance conduit le lieutenant KEELER chez
Monsieur PINCHEDE résidant au 24 rue Lord Kitchener à Dinan.
Le lendemain, un
rendez-vous est convenu à 16h00, rue de la Chaux avec Georges TILLOU,
membre des pompiers de Dinan et qui peut se charger de trouver un lieu
d’hébergement au para américain. En effet, Mr TILLOU a déjà à charge 2
autres évadés américains cachés dans un chalet à Languédias
(Côtes-du-Nord) qui appartient à son ami André LEMOINE. Le soir même,
KEELER est invité à manger et dormir chez Mr TILLOU. Le lendemain,
KEELER est déguisé en pêcheur par Georges TILLOU avec tout le matériel
nécessaire et un vélo lui est procuré grâce à un ami de ce dernier.
Étant membre de la Défense passive, Mr TILLOU dispose d’un brassard lui
permettant de faciliter le passage des contrôles Allemands. Georges
TILLOU parvient sans dommage à conduire l’évadé américain chez son ami
André LEMOINE à Languédias où le para US retrouve 2 compatriotes
aviateurs : le 1er lieutenant Franklyn E. HENDRICKSON pilote
de chasseur P-51 Mustang et dont l’avion s’est écrasé à Plesder
(Ille-et-Vilaine) le 26 avril 1944 ainsi que le Flight Officer John W.
GINDER, pilote de P-47 Thunderbolt qui s’est écrasé à Trévron
(Côtes-du-Nord) le 10 juin 1944. Les 3 évadés américains seront hébergés
durant 2 semaines environ au chalet de Mr LEMOINE recevant la visite
régulière de Georges TILLOU ainsi que celle du curé de Languédias,
l’abbé CORBEL, anglophone et qui apporta, à plusieurs reprises au cours
de la guerre, assistance à des aviateurs alliés évadés.

Le 2 août
1944, tandis que Georges TILLOU est en quête d’un nouveau lieu d’accueil
pour les 3 évadés, un groupe de résistants se présente au chalet des
LEMOINE et demande à récupérer les 3 américains. Ceux-ci sont conduits
dans le bois de Bougueneuf situé sur la commune de Rouillac
(Côtes-du-Nord) dans lequel un maquis a été constitué. Là-bas, ils sont
accueillis par 3 agents alliés. Sans le savoir et pour des raisons liées
au « secret défense », les 3 évadés américains sont en présence de
l’équipe Jedburgh « Felix » parachutée dans la nuit du 8 au 9
juillet 1944 dans le secteur de Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord). L’équipe
est composée du capitaine français Jean SOUQUET, noms de code « KERNEVEL »
ou « CARNAVON », du capitaine anglais John MARCHANT, nom de code « SOMMERSET »
et du sergent-radio anglais Peter COLVIN, nom de code « MIDDLESEX ».
Les équipes
interalliées Jedburgh dont les actions ont inspiré les unités
contemporaines de forces spéciales, furent créées à l’initiative commune
de l’OSS américain (Office of Strategic Services : ancêtre de la
CIA) et du SOE britannique (Special Operations Executive). La
mission classée « top secret » des équipes Jedburgh consistait à
être parachutée derrière les lignes ennemies en territoire occupé afin
de coordonner, d’équiper, d’entraîner et d’appuyer militairement les
groupes et mouvements locaux de Résistance. Ses équipes dont l’existence
fut dissimulée longtemps après guerre - y compris au sein des
états-majors anglo-américains - étaient le plus souvent composées de 3
agents de nationalité différente : 1 américain, 1 anglais et forcément 1
agent de même nationalité que celle du pays occupé. Elles comprenaient
obligatoirement un opérateur-radio en contact régulier avec son
état-major à Londres et deux officiers. Afin de faciliter la
communication avec les résistants locaux, les membres des équipes
Jedburgh devaient maitriser au mieux la langue du pays dans lequel
ils étaient parachutés.
Après avoir
pris connaissance de l’identité des 3 évadés, l’opérateur-radio Peter
COLVIN envoya un message à son état-major, le SFHQ (Special Forces
Headquarters) basé en Angleterre lui notifiant la présence saine et
sauve des américains GINDER, HENDRICKSON et KEELER. Poursuivant leur
mission, l’équipe Jedburgh confia les évadés américains au chef
du maquis de Bougueneuf, René DUPUIS. Il avait à sa disposition une
cinquantaine de maquisards que KEELER estima être très jeunes et pas ou
peu entraînés. Au maquis de Bourgeuneuf, les 3 Américains retrouvèrent 3
autres de leurs compatriotes dont le B-24 Liberator s’était
écrasé le 8 juin 1944 sur la commune de Laurelas (Côtes-du-Nord). Il
s’agissait des lieutenants Thomas I. DIGGES, Kester D. KING et du
sergent-chef Anthony A. CAVESTRI. Le lieutenant KEELER, en tant
qu’officier vétéran de l’infanterie parachutiste, observa l’action de
l’équipe Jedburgh au sein du maquis. Il constata que les résistants
étaient très enthousiastes et motivés mais regrettaient le manque
d’expérience pour nombre d’entre eux. Pressés de passer à l’action
contre les troupes allemandes, les agents alliés procédèrent alors à une
répartition des hommes par groupe incorporant des résistants novices
avec des maquisards ayant plus de maîtrise et d’expérience. Durant cette
journée du 2 août, alors que les troupes américaines approchaient, de
nombreux plans d’attaque furent élaborés et mis en place. Les hommes du
maquis de Bougueneuf renforcé en effectif et fort d’environ 170
combattants à ce moment là, et avec le concours des membres de l’équipe
Jedburgh envisagèrent une embuscade nocturne contre un important convoi
allemand venant de Dinan. Mais un lieutenant de la Résistance locale
estima l’action périlleuse au vue de l’infériorité numérique des
maquisards. Le lendemain, le 3 août, le lieutenant KEELER accompagne
seul un groupe de maquisards dans le but de s’emparer de la commune de
Broons et de prendre contact avec les colonnes américaines, mais leurs
assauts sont repoussés. Le groupe de maquisards composé de KEELER prit
la route de Sévignac où 200 Allemands s’y étaient retranchés. Après des
engagements et accrochages violents avec les Allemands, les résistants
s’éparpillent dans leurs assauts. Le lieutenant KEELER, issu d’une unité
d’élite à la discipline stricte, se froisse devant ce manque de
coordination et d’organisation au feu de ces résistants. Il décide donc
de se retirer des combats. La nuit venue, les Allemands semblent avoir
quitté la commune puisque KEELER retourne au presbytère où il demande
l’hospice auprès du prêtre.
Le 3 août,
le lieutenant KEELER se rend à Broons où la Résistance a finalement pris
le contrôle de la commune alors que les troupes américaines de la 6ème
Division blindée ont poursuivi leur irrésistible chevauchée vers
l’objectif de Brest laissant le soin à la Résistance locale de sécuriser
le secteur. Là-bas, il y fait la rencontre d’un lieutenant SAS français
parlant très bien anglais et avec qui il échange.
Le 4 août,
le lieutenant KEELER est conduit dans une voiture aux couleurs de la
Résistance vers la commune voisine d’Yvignac-la-Tour où les FFI locaux
sous les ordres du lieutenant Alphonse MAGRET, ont également pris le
contrôle de la commune faisant une quarantaine de prisonniers Allemands.
Poursuivant en voiture leur route vers Brusvily, ils surprirent 4
Allemands égarés qu’ils capturèrent sans même avoir eu besoin de les
menacer de leurs armes. Arrivés à Brusvily, on leur indiqua que 6
Allemands étaient susceptibles d’être faits prisonniers. Or, dans le
même temps, un camion remplis de soldats allemands ayant quitté
précipitamment Dinan, avaient son entrée dans la localité. Ils
décidèrent de ne pas engager ces Allemands et se replièrent.
Le 5 août,
alors que les Allemands avaient quitté la ville, le lieutenant KEELER se
rendit à Dinan en compagnie de Jean LEMOINE pour y retrouver Georges
TILLOU qui avait été l’un de ses hôtes. Il reprit également contact avec
le lieutenant Franklyn HENDRICKSON avant d’être tous les deux récupérés
par les troupes américaines.
Les autres
américains évadés que sont CAVESTRI, DIGGES et KING, rejoignirent les
colonnes américaines du Combat Command Reserve (CCR : Groupe de
combat de réserve) de la 6ème Division blindée le 4 août à
Quédillac (Ille-et-Vilaine) avant d’être rapatriés en Angleterre.
Le
lieutenant Robert KEELER et Franklyn HENDRICKSON furent quant à eux,
rapatriés en Angleterre le 12 août 1944.
Du fait de
son expérience d’officier de l’infanterie américaine ayant 3 missions à
son actif, le lieutenant KEELER apporte une analyse des combats auxquels
il a pris part. Il remarque ainsi que la Résistance d’Yvignac-la-Tour
était exceptionnellement bien encadrée et qu’elle agissait de façon
efficace et organisée. Concernant le groupe des maquisards avec lequel
il a combattu à Sévignac, il relève que ces partisans étaient très bien
intentionnés dans leurs assauts mais qu’ils manquaient d’encadrement.
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Joris
BROUARD (mai 2015)
Sources :
Archives:
- NARA
(National Archives and Records Administration):
- Escape and
evasion, E&E 908
- Escape and evasion, E&E 935
- Escape
and evasion, E&E 887
- Escape and evasion, E&E 905
- Escape and evasion, E&E 925
- Escape and evasion, E&E 857
- Escape and evasion, E&E 1158
- After Action Report Jedburgh Team Felix
Archives départementales
d’Ille-et-Vilaine: ADIV 213 W 36
Bibliographie :
- Occupation – Résistance
–Libération Bretagne. Témoignages inédits, éditions Club 35, 1993.
- Agents du Reich en Bretagne, Kristian Hamon, Skol Vreizh,
2011.
Sites Internet :
-
http://www.dday-overlord.com/
-
http://www.usairborne.be/82/82_general.htm
-
http://www.menintheshed.com/sheppard/sheppard-bill-sullivan-letter/
- http://www.absa3945.com/
-
http://www.genealogie22.org/racines_galleses/le_maquis_de_bourgneuf.htm
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