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L’escapade de 3 paras US de la 82nd Airborne Division évadés en Bretagne

   

Le largage et les combats du 6 juin 1944    La captivité   L’évasion nocturne   L’aventure bretonne

 

 

 

Le 6 juin 1944, date historique tant attendue dans le déroulement de la Seconde Guerre mondiale marque l’ouverture du front occidental terrestre sur le théâtre des opérations en Europe. Les phases d’opération de débarquement en Normandie connues sous le nom de code « Neptune » prévoient le largage au préalable à l’intérieur des terres normandes de 3 divisions aéroportées dont 2 américaines – les 82ème et 101ème aéroportées – et d’une division britannique, la 6ème aéroportée. Chaque division aéroportée se voit confier dans un secteur défini, des objectifs précis indispensables au bon déroulement du débarquement des troupes amphibies. En effet, les stratèges du SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force : haut commandement des forces expéditionnaires alliées en Europe du Nord) sous les ordres du général américain Dwight D. Eisenhower anticipent l’éventuelle réaction des forces allemandes aux premières heures du débarquement des troupes terrestres et, craignent que l’acheminement rapide de renforts situés en arrières des côtes normandes viennent mettre en péril le déroulement des opérations amphibies. De ce fait, les concepteurs du plan Overlord planifient dans la première phase des opérations d’invasion, la projection de troupes aéroportées chargées de verrouiller les secteurs et les accès à certaines plages susceptibles d’être directement menacées soit par la présence de batteries d’artillerie allemandes soit par une éventuelle contre-offensive allemande. Deux secteurs sont jugés particulièrement sensibles, le secteur britannique au niveau de la plage codée « Sword Beach » située au nord de Caen constituant le flanc gauche allié du débarquement et le secteur américain de la plage codée « Utah Beach » à l’Est de Sainte-Mère-Église constituant le flanc droit de l’offensive amphibie. Outre la sécurisation des points d’accès à ces plages, les troupes aéroportées doivent également et dès que possible, réduire au silence les multiples batteries d’artillerie disséminées le long du littoral normand.

Afin de mener à bien les opérations aéroportées côté américain, les stratèges alliés planifient l’envoi de 2 divisions : la 82ème Division aéroportée qui a déjà fait ses preuves lors de la campagne d’Italie et la 101ème Division aéroportée. La 82ème Division aéroportée a pour mission de sécuriser les points d’accès reliant la plage de Utah Beach à l’intérieur des terres, tenir les localités et voies de communication de ce secteur ainsi que de s’emparer des ponts situés sur les rivières du Merderet et de la Douve. La 82ème Division aéroportée se divise pour l’opération en 3 régiments de parachutiste (505ème, 507ème et 508ème), un régiment de planeurs (325ème) et diverses unités d’artillerie, de génie, de reconnaissance, de logistique, etc. En vue de se conformer aux plans d’invasion, le largage de la 82ème aéroportée est divisé en 3 Forces (A, B, C) correspondant à des vagues successives d’assaut. De la même manière, 3 zones de largage appelées « Drop Zone » (DZ) préalablement signalées par des équipes d’éclaireurs, sont définies pour chaque régiment de parachutistetout en tenant compte des objectifs respectifs de ces derniers :

         - le 505th Parachute Infantry Regiment (PIR) sautera sur la DZ « O » au nord-ouest de Sainte-Mère-Église à proximité de la Fière, soit 2120 paras.

         - le 507th Parachute Infantry Regiment (PIR) sautera sur la DZ « T » au nord d’Amfreville, soit 2004 paras.

         - le 508th Parachute Infantry Regiment (PIR) sautera sur la DZ « N » au nord de Picauville et Pont l’Abbé, soit 2188 paras.

Conscient de la portée audacieuse et risquée d’une telle opération aéroportée qui n’a jamais été entreprise auparavant dans l’histoire militaire, le SHAEF table sur des pertes pouvant s’élever jusqu’à 80% du total des effectifs engagés. Sans en arriver à ce chiffre effrayant, il est estimé que 50% des effectifs américains engagés sur les 2 divisions aéroportées ont été mis hors de combat durant les opérations du 5 et 6 juin. Parmi les paras mis hors de combat, nombreux sont faits prisonniers aux premières heures du 6 juin. C’est le cas de 3 officiers du 505ème Régiment de parachutiste qui n’hésiteront pas à s’évader dès que la bonne occasion se présentera à eux. Il s’agit du :

         - 2nd lieutenant George E. HENDRICKSON matricule 1307411, 26 ans, du New Jersey appartenant à la Compagnie I, 3ème bataillon du 505ème Régiment de parachutiste. (Co I/3rdBn/505th PIR)

         - 1er lieutenant Robert D. KEELER matricule O-1295893, 27 ans, de l’Illinois, commandant en chef de la Compagnie de commandement du 1er bataillon du 505ème Régiment de parachutiste. (Co HQ/1st Bn/505th PIR)

         - 1er lieutenant James M. IRVIN matricule O-1288901, 25 ans, du Kentucky, commandant en chef de la Compagnie B du 1er bataillon du 505ème Régiment de parachutiste. (Co B/1st Bn/505th PIR)

 

Le largage et les combats du 6 juin 1944

Le 505ème Régiment de parachutiste est un régiment vétéran des campagnes de Sicile et d’Italie. Dans le cadre de l’opération Neptune et plus précisément de l’opération Boston – première phase des opérations de largage de la 82ème Division aéroportée –le 505th PIR est attaché à la Force A et doit être largué au nord-ouest de Sainte-Mère-Église afin de s’emparer de cette dernière, entre 1h00 et 3h15 sur la Drop Zone « O ». Cette DZ a préalablement été balisée par des équipes de Pathfinders, équipes d’éclaireurs volontaires chargées d’indiquer le point de chute aux avions de transports des divisions de parachutistes. Concernant la DZ du 505ème Régiment de parachutistes, la zone est marquée à temps et le parachutage de ce régiment apparaît comme le plus précis parmi tous les régiments de parachutistes engagés dans cette opération. Dans l’ensemble le parachutage de la 82ème Division aéroportée s’effectue de façon précise en comparaison à celui de la 101ème Division aéroportée. Les premiers paras du 505th PIR arrivent sur zone vers 1h51. Seule une partie de la compagnie F du 505ème Régiment de parachutistes fut larguée par erreur hors DZ, sur Sainte-Mère-Église, moment immortalisé et largement romancé dans le film historique Le Jour Le Plus Long. Les paras sautent par « sticks » qui correspondent à un groupe d’hommes de 16 ou 17 paras par appareil. Le 505th PIR compte 118 sticks de largués dont une soixantaine atterrisse à proximité immédiate de la zone de saut (environ 1 km). 20 sticks touchent le sol à 3 km de la zone prévue alors que 20 autres sticks atterrissent à des endroits plus éloigné de la DZ « O ».

Ci-dessus, la carte du point de chute des sticks de la 82nd Airborne le 6 juin. Les sticks du 505th PIR sont représentés par des points orange nettement localisés sur la DZ « O ».

 

Le 3ème bataillon auquel appartient le 2nd lieutenant George E. HENDRICKSON est chargé de capturer la localité de Sainte-Mère-Église. Le lieutenant HENDRICKSON alors chef de section à la compagnie I du 505ème Régiment de parachutiste saute avec le 3ème bataillon (compagnies G, H, I, plus la compagnie de commandement du bataillon) commandé par le lieutenant-colonel Edward C. KRAUSE à 2h03. L’ensemble du 3ème bataillon est parachuté de manière imprécise même si ce dernier n’est pas excessivement éloigné de la DZ initiale. Notons tout de même que 3 sticks des compagnies H et I furent largués à plus de 20 km de la DZ. D’autres sticks tombèrent dans le secteur de la 101st Airborne. Enfin, certains sticks sautèrent malencontreusement sur un bataillon d’artillerie allemande et furent faits prisonniers immédiatement.

La compagnie I dont dépend HENDRICKSON est commandée par le capitaine Harold H. SWINGLER dit « Swede », héros de la campagne Sicile après avoir attaqué seul un char allemand Tigre et qui fut tué le 6 juin 1944. Le 3ème bataillon pénètre dans Sainte-Mère-Église par le sud à 4 heures du matin et à 6 heures, le village est sous contrôle des paras. Vers 10h00, la compagnie G du 3ème bataillon qui tient un barrage routier sur la RN 13 (Sainte-Mère-Église/Carentan) subit une contre-attaque allemande. La compagnie G est continuellement harcelée par les tirs d’artillerie, de mortiers et de mitrailleuses lourdes mais elle résiste aux assaillants Allemands. Le lieutenant-colonel KRAUSE ordonne donc à la compagnie I de prendre position sur la colline d’où les Allemands pilonnent les positions de la compagnie G. La compagnie I échoue et est repoussée dans son assaut. Cependant, les Allemands s’imaginent alors que les paras américains sont en grand nombre à Sainte-Mère-Église et décident de se replier. L’ensemble du 3ème bataillon du 505ème Régiment s’efforça de tenir ses positions toute la journée du 6 juin résistant aux contre-attaques et à l’artillerie ennemies. Le 6 juin, à 18h00, le lieutenant HENDRICKSON est fait prisonnier aux abords de Sainte-Mère-Église et rejoindra les lieutenants IRVIN et KEELER en tant que prisonnier de guerre. Légèrement blessé, il sera envoyé dans un hôpital.

 

2nd Lt. George E. HENDRICKSON (82nd ABN/505th PIR/3rd Bn/Co I)

Le 1er bataillon du 505ème Régiment de parachutiste reçoit pour mission initiale de « nettoyer » le secteur entre Sainte-Mère-Église et de la rivière du Merderet. De plus, le 1er bataillon doit s’emparer de 2 ponts stratégiques situés sur le Merderet. Le 3ème bataillon est composée des compagnies A, B, C auquel s’ajoute la compagnie de commandement du bataillon. Les lieutenants IRVIN et KEELER commandaient respectivement la compagnie B et la compagnie de commandement du 1er bataillon. Tout comme le 3ème bataillon, le parachutage des sticks du 1er bataillon s’éparpilleautour de la DZ « O » à cause d’une Flak qui s’intensifie au fur et à mesure des passages de Dakota C-47. Les avions de transport sont dans l’obligation de rompre leur formation de vol. Plusieurs sticks du 505ème Régiment de parachutiste sont largués  au nord de Sainte-Mère-Église. Parmi ces sticks, ceux du 1er lieutenant James M. IRVIN et celui du 1er lieutenant Robert D. KEELER qui atterrissent dans le secteur de Fresville, soit à une dizaine de km de Sainte-Mère-Église et de leur DZ initiale.

Le lieutenant KEELER qui a déjà 3 missions en opération extérieure à son actif, foule le sol normand vers 2h00 mais se blesse à la cheville au moment de l’atterrissage. Défait de son parachute, KEELER retrouve le sergent-chef Carlos COBOS ainsi que le soldat 1ère classe Morris W. SHEPPARD appartenant à sa compagnie et à son stick de parachutistes. D’autres soldats égarés de la compagnie se joignent au groupe dont le soldat Allen KRIETSCH. Alors que le petit groupe prend la direction du sud, ils récupèrent le caporal-technicien 5ème grade William A. SULLIVAN de la compagnie du lieutenant KEELER qui s’était retrouvé isolé après avoir touché le sol normand. A ce moment là, la petite troupe compte 7 paras et cherche à rejoindre le 1er bataillon du 505ème Régiment de parachutistes dans le secteur de Sainte-Mère-Église. Durant leur progression lente du fait des blessés à la cheville et précautionneuse au travers d’un bocage normand dense, la troupe constituée par KEELER échangent des tirs sporadiques nocturnes avec des Allemands dissimulés et invisibles.

 

De son côté, le stick lieutenant James M. IRVIN officier commandant la compagnie B du 505ème Régiment de parachutiste atterrit également au nord de la commune de Fresville. Peu après avoir touché le sol, il retrouve Harvill W. LAZENBY sergent de sa compagnie. Ensemble, ils récupèrent 5 paras de compagnies ou d’unités diverses dont le 2nd lieutenant James C. ANASTOS et le soldat Clifton W. DEDMAN, tous les deux de la compagnie C, 1er bataillon du 505ème Régiment de parachutiste (Co C/1st Bn/505th PIR/82nd ABN). Ils prennent ensuite la direction de Saint-Mère-Eglise afin de rejoindre le PC du bataillon puis leur unité respective.

A 6h00, l’heure H, alors que la canonnade de l’armada alliée se fait entendre au large des côtes normandes, les 2 groupes de paras des lieutenants KEELER et IRVIN poursuivent respectivement leur chemin ponctué d’engagements avec des Allemands. Vers midi, les 2 groupes se rencontrent par hasard dans les environs de Sainte-Mère-Église. Fort d’une quinzaine d’hommes, IRVIN décide de prendre le commandement des paras, étant l’officier supérieur le plus âgé. D’autres paras, vraisemblablement égarés viennent grossir les effectifs du groupe IRVIN-KEELER pour atteindre le nombre d’une trentaine d’hommes environ. Tandis que le groupe essaie de rentrer en contact avec le 1er bataillon du 505ème Régiment de parachutiste, un bataillon de la 91ème Division d’infanterie allemande (91. Luftlande-Infanterie-Division) attaque les positions américaines à Sainte-Mère-Église. Le groupe IRVIN-KEELER est alors pris sous le feu allemand. Le lieutenant IRVIN donne l’ordre de constituer une position défensive dissimulée dans les épaisses haies normandes dans le but de résister aux charges des Allemands. Peu à peu, les paras américains sont pris sous le feu continuel des mortiers Allemands et des mitrailleuses MG-42. Le groupe se retrouve très vite encerclé par des Allemands en nette supériorité numérique et il est contraint à se rendre. Le lieutenant IRVIN est blessé par un tir de mortier et est capturé dans un fossé par les Allemands. Les prisonniers américains sont désarmés et sommairement fouillés avant d’être conduits sur Montebourg.

 

 

 

La captivité

Une fois à Montebourg, les lieutenants IRVIN et KEELER blessés lors de l’accrochage avec les Allemands, sont transférés en camion dans un hôpital à Valognes. Le lieutenant KEELER y restera pendant 6 jours, jusqu’au 12 juin tandis que le lieutenant IRVIN y séjournera 10 jours, jusqu’au 16 juin. Dès qu’ils sont rétablis, les prisonniers américains sont placés dans un grand camp à Bricquebec situé à l’ouest de Valognes, rassemblant de nombreux paras américains faits prisonniers en Normandie. Dans ce camp de prisonniers, les officiers sont séparés des sous-officiers et hommes du rang. Les lieutenants IRVIN et KEELER retrouvent alors parmi leurs frères d’arme, le lieutenant George E. HENDRICKSON. Devant l’avance du VIIIème Corps d’armée américain dans le Cotentin, la gestion des prisonniers de guerre américains devient problématique pour les forces allemandes. Il en résulte un transfert de l’ensemble des prisonniers US dans un nouveau camp situé au sud de Saint-Lô, dans le secteur de Tessy-sur-Vire qui s’effectue à compter du 17 juin. Pour les hommes valides et en capacité de marcher, le transfert se déroule à pied et exclusivement de nuit. Durant 5 nuits, les prisonniers américains marchent au pas en direction de leur nouveau lieu de captivité. On compte environ 200 hommes du rang et de sous-officiers plus une cinquantaine d’officiers. Les conditions de captivité semblent propices aux tentatives d’évasion puisqu’on en dénombre plusieurs dès les premiers jours durant lesquels les paras ont été faits prisonniers. En effet, le caporal SULLIVAN et le soldat SHEPPARD tenteront de s’évader le 12 juin mais seront repris par la suite. A noter la tentative réussie dans la nuit du 11 au 12 juin, des sergents HENDERSON (également de la compagnie B du 505ème Régiment) et LAZENBY qui parviendront à échapper aux Allemands et à demeurer cachés pendant 37 jours !

 

L’évasion nocturne

         Les lieutenants HENDRICKSON, IRVIN et KEELER – ainsi que d’autres GIs - sont cantonnés dans un camp au sud de Saint-Lô d’où il est décidé par les Allemands, un nouveau transfert à la date du 27 juin. Ce voyage s’accomplira en bus et de nuit afin d’éviter l’aviation alliée qui a la maîtrise du ciel. La prochaine étape de ce transfert n’apparait pas bien définie suivant les rapports de tel ou tel prisonnier : certains évoquant la ville d’Alençon, d’autres celle de Paris. Toujours est-il, qu’à cette période, bon nombre de prisonniers de guerre alliés, blessés et valides, sont dirigés vers la ville de Rennes soit au collège pour filles transformé en hôpital miliaire situé rue Jean Macé, soit au camp de la Marne situé aux abords de Rennes dans le secteur de la Courrouze.

         Dans la nuit du 27 au 28 juin, HENDRICKSON, IRVIN et KEELER sont montés dans un autobus allemand avec une vingtaine d’autres officiers américains prisonniers. Les 3 lieutenants se placèrent dans le fond du bus, et IRVIN s’assit à côté de la porte arrière sur laquelle il avait constaté la présence d’une clé, sans doute oubliée par les geôliers. Le bus était gardé et encadré par 3 soldats Allemands en armes qui se postèrent à l’avant du véhicule dos à la route, de manière à garder un œil sur les prisonniers américains.Il semble que les 3 lieutenants avaient manifesté auprès de leurs compatriotes la volonté de prendre le contrôle du bus en neutralisant les 3 soldats Allemands armés ainsi que le chauffeur en vue d’organiser une évasion massive. Cependant, les plus hauts gradés parmi les prisonniers américains n’étaient pas enclins à passer à l’action jugeant sûrement cette tentative trop risquée. Pour autant, les 3 paras ne se démoralisèrent pas. Vers minuit, alors que le convoi composé de plusieurs véhicules motorisés, faisait route tous feux éteints vers le sud, IRVIN montra à ses camarades HENDRICKSON et KEELER la clé restée sur la porte arrière. Profitant d’une route pentue ralentissant la vitesse du bus et couvert par des chants que les autres officiers US avaient entamés à voix haute, les lieutenants IRIVIN, HENDRICKSON et KEELER actionnèrent la porte arrière qui s’entre-ouvrit, attendant un moment opportun d’inattention des gardes allemands pour sauter en marche du bus. Ils se réceptionnèrent dans un fossé dans lequel ils se cachèrent tandis que le bus poursuivait sa route sans que les geôliers allemands ne s’aperçoivent sur le coup ce qui venait de se dérouler. Les 3 fugitifs attendirent patiemment dans le fossé le passage de la totalité du convoi.

         Ayant réussi à garder son kit d’évasion qui comprenait une carte et une boussole, le lieutenant KEELER put déterminer la position du groupe de fugitifs. Ils se situaient à proximité à Couptrain, dans le département de la Mayenne. Ils marchèrent à travers la campagne pendant 3 heures avant de se décider à une pause pour dormir dissimulés dans des haies. Le 28 juin, au levée du jour, le lieutenant IRVIN partit demander de la nourriture à une ferme située près d’où avaient dormi les évadés. La fermière les accueillit chaleureusement et leur concocta un copieux petit-déjeuner. Rassasiés, ils reprirent leur route pendant 3 km. Conscients de l’indiscrétion que pourrait susciter le port d’une tenue de combat de parachutiste, le petit groupe se mit d’accord pour se procurer rapidement des vêtements civils. Ils s’arrêtèrent donc dans une ferme pour quémander des vêtements plus en adéquation avec l’environnement local. Par chance, le propriétaire de la ferme parlait anglais et parvint à converser avec ses invités inopinés et leur indiqua qu’ils se trouvaient sur la commune de Lassay-les-Châteaux (Mayenne). Malgré sa nervosité apparente, le fermier accepta de leur offrir gîte et couvert le temps nécessaire pour celui-ci de leur trouver des vêtements civils. Le lendemain 29 juin, des vêtements civils furent donnés aux 3 évadés et leur tenue de parachutiste fut brûlée par précaution. Le fermier leur suggéra de se diriger vers l’Espagne. Mais après concertations, les paras jugèrent plus judicieux de prendre la direction de la Bretagne et de ses côtes d’où ils pourraient éventuellement trouver une embarcation vers l’Angleterre. Le fermier leur indiqua donc la route à prendre pour se rendre en Bretagne. Attendant la tombée de la nuit, les 3 lieutenants partirent à pied en direction de l’ouest.

L’aventure bretonne

         Sur les chemins qui les conduisaient vers la Péninsule armoricaine, les 3 camarades parachutistes HENDRICKSON, IRVIN et KEELER décidèrent de se séparer de façon à ne pas attirer excessivement la curiosité des autochtones et à atténuer les risques de se faire capturer. Toutefois, ils se jurèrent de se retrouver en Bretagne dès que possible et une fois en sécurité.

Le destin tragique du lieutenant George E. HENDRICKSON au Maquis de Broualan

         Concernant la prise en charge du lieutenant HENDRICKSON dès son arrivée en Bretagne, il est impossible en l’état actuel des recherches de déterminer où, comment et auprès de qui, il parvint à trouver de l’assistance. Nous savons juste que HENDRICKSON a été récupéré dans la localité de La-Boussac (Ille-et-Vilaine) par Jean STEISS, le 6 juillet. Le soir, il dînera chez Jean LEBOIS avant de gagner la ferme de la Lopinière, situé près du maquis de Broulan pour y passer la nuit du 6 au 7 juillet.

         L’idée de constitution d’un maquis à Broualan prend son origine à l’été 1943 alors que de jeunes réfractaires au STO recherchent des lieux pour se cacher. Dans un premier temps, cet endroit est davantage perçu comme une zone de refuge pour qui veut échapper aux Allemands et aux autorités du régime de Vichy. A cette période, il n’est pas que peu organisé, peu armé et n’a aucune vocation stratégique et militaire. Au printemps 1944, le maquis gagne en effectif et en organisation : de nombreux Francs-tireurs et partisans (FTP) de la région de Saint-Malo et de Dol se replient sur la forêt de Buzot auquel s’ajoutent des résistants locaux. Le maquis se structure : un ravitaillement régulier est mis en place, des positions défensives sont érigées, un entraînement militaire quotidien est imposé aux maquisards. Le maquis passe sous le commandement de l’adjudant LAMBERT d’Antrain du mouvement de résistance Défense de la France (DF) et sous la responsabilité départementale du commandant FTP, Louis PETRI. Ce dernier souhaite faire du maquis un lieu de transit pour les résistants d’Ille-et-Vilaine vers d’autres maquis départementaux à vocation offensive comme celui de Lignières-la-Doucelle en Mayenne. Comme toute forte concentration d’individus à cette époque dans des zones reculées, le maquis de Broualan ne passe pas inaperçu auprès de la population locale et des autorités.

Avec le débarquement allié du 6 juin, l’activité de la Résistance s’intensifie sur le territoire et réciproquement, les opérations d’attaques et de représailles effectuées par les Allemands aidés de collaborateurs contre les résistants et leurs bases de repli. Géographiquement, le maquis de Broualan se situe dans une zone stratégique du fait de sa proximité avec Saint-Malo, Dol-de-Bretagne et son accès sur la Normandie. Fin juin faisant suite à des accrochages avec l’occupant et des miliciens, l’ordre est donné à une centaine de maquisards de Broualan de se replier vers des maquis mayennais. Pour autant, le maquis n’est pas déserté et quelques effectifs de la Résistance maintiennent leur position en forêt de Buzot afin d’assurer le transit entre les nouveaux arrivants d’Ille-et-Vilaine et les maquis installés en Mayenne. Le 6 juillet, 3 ou 4 individus suspects sont repérés dans la commune de Broualan et le maquis est averti mais sans inquiéter outre mesure le commandement maquisard. Le 7 juillet, vers 4h00 du matin, une centaine d’individus issus de la Milice française, du Groupe Action du PPF (Parti Populaire Français), de la Formation Perrot (collaborateurs et nationalistes bretons) auquel s’ajoutent des policiers du SD (Sicherheitsdienst : service de sécurité de la SS) investissent le bourg de Broualan à la recherche de résistants. Là-bas, ils font prisonnier le chef du maquis, l’adjudant LAMBERT avant de se diriger vers le bois de Buzot. Entre-temps, les habitants sont soumis aux brutalités d’interrogatoire et 3 personnes sont exécutées. L’alerte d’une descente de miliciens et d’Allemands est envoyée au bois de Buzot d’où les résistants parviennent à s’extraire avant l’attaque. Mais à la ferme au lieu-dit de la Lopinière, 12 maquisards dont le lieutenant HENDRICKSON sont surpris dans leur sommeil et capturés. Les prisonniers sont transférés en autocar vers Rennes. Avant de partir, les résistants subissent la violence et la torture des miliciens qui se déchaînent contre l’adjudant LAMBERT alors dénudé et humilié ainsi qu’un autre résistant, René CAPITAIN. Ce dernier est alors exécuté froidement d’une balle dans la nuque par un membre du Groupe Action du PPF désireux d’essayer son Colt. Son corps est laissé sur place. C’est alors qu’un membre du Bezen Perrot découvre la présence d’un Américain parmi leurs prisonniers. Il le questionne afin de savoir d’où il vient. HENDRICKSON dit qu’il est officier américain, qu’il a sauté en parachute et qu’il a été capturé, qu’il a 28 ans et qu’il est originaire de New-York.[1] En rentrant vers Rennes, le convoi s’arrête près d’une carrière située sur la commune de Saint-Rémy-du-Plain. Sept résistants sont désignés par les chefs groupes collaborationnistes et du SD pour descendre de l’autocar dont l’adjudant LAMBERT alors très mal en point. Ceux-ci seront fusillés aux environs de la carrière. Quant à HENDRICKSON, étant en tenue civile et donc considéré comme un espion, il semblerait que les chefs DI CONSTANZO, PERESSE et RIECK du SD se soient concertés et aient décidé de le liquider. RIECK lui subtilise alors ses plaques d’identification. Trois individus se portent volontaires pour l’exécution de celui-ci. Après l’avoir fait marcher sur 200 mètres, il est abattu dans le dos.[2] Le reste des résistants prisonniers est conduit à Rennes pour interrogatoire.

Liste des 8 martyrs de la Résistance torturés et fusillés à Saint-Rémy-du-Plain :

         - Maurice COURIOL
         - 2nd lieutenant George E. HENDRICKSON
         - René HUCET
         - adjudant Jean LAMBERT
         - Joseph LEMONNIER
         - Armand PASQUET
         - Michel RENAUD
         - Résistant inconnu

 

Monument en hommage aux patriotes torturés et fusillés à Saint-Rémy-du-Plain, le 7 juillet 1944

Saint-Thual : lieu de cache du lieutenant James M. IRVIN

         Après avoir pris congé de ses frères d’armes, le lieutenant IRVIN arriva seul à Saint-Ellier-du-Maine (Mayenne) où il se rendit à l’église du village. Il fut accueilli par le prêtre du coin qui parlait un peu l’anglais et qui lui mit à disposition une bicyclette pour le diriger vers l’École catholique de garçons à Fougères (Ille-et-Vilaine). Là-bas, l’évadé américain fit la connaissance d’un jeune professeur d’anglais qui lui prépara un itinéraire à suivre empruntant des routes et villes en direction de l’ouest du département.

Le jour suivant, IRVIN suivit le parcours établi par le jeune professeur et arriva à la localité de Saint-Thual (Ille-et-Vilaine) située en limite du département des Côtes-du-Nord. Pris en charge par l’ancien maire de la commune, Jean HOMO, alors révoqué par Vichy, celui-ci trouva à IRVIN un lieu d’hébergement pour une nuit. Maire populaire auprès de ses administrés, Jean HOMO avait gardé des relations amicales avec certains habitants de la commune. Par ailleurs, Jean HOMO était cultivateur et possédait une ferme au lieu-dit de la Tremblais sur la commune de Saint-Maden (Côtes-du-Nord), commune voisine de Saint-Thual. Il avait noué des contacts avec la Résistance locale des Côtes-du-Nord puisque le lieu-dit de la Sécherie qui se situe à proximité de sa ferme, était un terrain d’accueil de maquisards.

Le lendemain, le para US est placé chez la famille de Célestin BRANDILLY où il sera notamment caché dans le four à pain. On indique au lieutenant IRVIN qu’un autre Américain est également hébergé chez l’habitant à Saint-Thual grâce à l’aide de Jean HOMO. Il s’agit du 2nd lieutenant Blaine H. BARRITT, opérateur-bombardier sur B-24 Liberator dont l’avion a été abattu le 12 juin 1944 au-dessus de la commune de Romillé (Ille-et-Vilaine). Il est donc fort probable que Jean HOMO dispose de contact au sein de la Résistance locale lui permettant d’assurer l’assistance à des évadés. IRVIN et BARRITT seront hébergés chez divers habitants sur le territoire de la commune de Saint-Thual afin de ne pas attirer des regards trop insistants sur leur présence. Parfois, ils seront amenés à travailler en journée dans les fermes de Mme PINAULT et d’Ange LE BRUN, tous deux résidents à Saint-Thual. Ayant été informé de la présence d’évadés américains dans des communes avoisinantes, IRVIN et BARRITT décidèrent un soir de juillet, en passant à travers champ, de rejoindre un certain nombre de ces compatriotes à la ferme de René GUILLOT située sur la commune de Plouasne (Côtes-du-Nord). Ce dernier héberge déjà, les lieutenants Victor FLEISHMAN et Benjamin C. ISRIG dont leur bombardier B-24 Liberator a également été touché le 12 juin au-dessus de Romillé avant de s’écraser sur la commune de Bonnemain (Ille-et-Vilaine). Viennent se joindre à eux les sergents John L. BOROWSKI et Harry F. MEEKER qui appartenaient au même bombardier que celui du lieutenant BARRITT. BOROWSKI et MEEKER qui avaient été amenés par un résistant FTP, Fernand DELOURME, sont quant à eux cachés chez Mr et Mme CRESPEL habitant la commune voisine de Tréfumel (Côtes-du-Nord) et qui sont en contacts avec la Résistance locale. Les 6 évadés américains organisent une réunion de concertation entre eux dans une pièce de la maison de René GUILLET. Une fois la réunion terminée, chaque binôme rejoindra ses hébergements respectifs. Le 2 août 1944, le secteur de Saint-Thual est libéré par des éléments de la 6ème Division blindée américaine du général Grow qui fonce sur l’objectif de Brest. IRVIN et BARRITT rejoignent alors leurs compatriotes et sont débriefés par le service de renseignement de la division sur l’hypothétique présence de troupes allemandes dans le secteur.

Le lieutenant IRVIN ainsi que son compatriote, le lieutenant BARRITT regagneront l’Angleterre le 9 août 1944 pour un débriefing plus approfondi par les services de renseignement américain.

Au travers de cet exemple de prise en charge d’évadés alliés, le rôle de premier ordre joué par la Résistance montre à la fois une forme d’organisation dans l’acheminement des évadés et une forme de prudence dans l’acquisition de lieux d’hébergements auprès de personnes non-engagées de façon directe au sein des actions de lutte armée.

 

 

Le parcours du lieutenant Robert D. KEELER : de la cavale aux combats pour la libération des Côtes-du-Nord

Ayant quitté IRVIN et HENDRICKSON, le lieutenant KEELER poursuit donc seul en direction de Fougères. Passant la ville sans encombre, il finit par atteindre la commune de Saint-Rémy-du-Plain où il rencontre le prêtre au presbytère du village. Celui-ci le conseille et l’aide à entrer en contact avec la Résistance locale d’Antrain. Là-bas, KEELER est pris en charge par un sergent-chef de la Résistance accompagnés de 8 autres patriotes. Les résistants décidèrent alors de cacher le lieutenant KEELER dans un bois situé à 250 m du bourg d’Antrain. En vue de nourrir leur « hôte », les résistants effectuèrent des réquisitions auprès de la population locale, manière de faire qui semble déplaire au lieutenant américain. En cette période de juillet 1944, l’activité résistante contre l’occupant s’accroît dans les environs d’Antrain en lien avec les événements du maquis de Broualan. Cette activité n’est pas sans entraîner un renforcement des contrôles d’identité, ce qui pousse les résistants à transférer le para américain vers une cache plus sure que les abords d’une forêt susceptible d’être inspectée par les services de polices allemands et/ou collaborateurs auquel s’ajoute le risque permanent d’une dénonciation. Décision a été prise d’envoyer KEELER au presbytère de la Chapelle-aux-Filtzméens où le prêtre le prend en charge. Souffrant à nouveau de ses blessures antérieures, le prêtre fait venir un médecin accompagné de 2 femmes réfugiées de Saint-Malo afin de pallier aux souffrances de l’officier américain. L’une de ses femmes informe KEELER des événements qui se sont déroulés au maquis de Broualan et que son compatriote HENDRICKSON, a été arrêté par les Allemands et qu’il est potentiellement mort. Après avoir récupéré des forces à la Chapelle-aux-Filtzméens, le para est envoyé à la commune voisine de Pleugueneuc où il passe 2 jours dissimulé dans un grenier à foin. De là, une jeune femme de la Résistance conduit le lieutenant KEELER chez Monsieur PINCHEDE résidant au 24 rue Lord Kitchener à Dinan.

Le lendemain, un rendez-vous est convenu à 16h00, rue de la Chaux avec Georges TILLOU, membre des pompiers de Dinan et qui peut se charger de trouver un lieu d’hébergement au para américain. En effet, Mr TILLOU a déjà à charge 2 autres évadés américains cachés dans un chalet à Languédias (Côtes-du-Nord) qui appartient à son ami André LEMOINE. Le soir même, KEELER est invité à manger et dormir chez Mr TILLOU. Le lendemain, KEELER est déguisé en pêcheur par Georges TILLOU avec tout le matériel nécessaire et un vélo lui est procuré grâce à un ami de ce dernier. Étant membre de la Défense passive, Mr TILLOU dispose d’un brassard lui permettant de faciliter le passage des contrôles Allemands. Georges TILLOU parvient sans dommage à conduire l’évadé américain chez son ami André LEMOINE à Languédias où le para US retrouve 2 compatriotes aviateurs : le 1er lieutenant Franklyn E. HENDRICKSON pilote de chasseur P-51 Mustang et dont l’avion s’est écrasé à Plesder (Ille-et-Vilaine) le 26 avril 1944 ainsi que le Flight Officer John W. GINDER, pilote de P-47 Thunderbolt qui s’est écrasé à Trévron (Côtes-du-Nord) le 10 juin 1944. Les 3 évadés américains seront hébergés durant 2 semaines environ au chalet de Mr LEMOINE recevant la visite régulière de Georges TILLOU ainsi que celle du curé de Languédias, l’abbé CORBEL, anglophone et qui apporta, à plusieurs reprises au cours de la guerre, assistance à des aviateurs alliés évadés.

 

         Le 2 août 1944, tandis que Georges TILLOU est en quête d’un nouveau lieu d’accueil pour les 3 évadés, un groupe de résistants se présente au chalet des LEMOINE et demande à récupérer les 3 américains. Ceux-ci sont conduits dans le bois de Bougueneuf situé sur la commune de Rouillac (Côtes-du-Nord) dans lequel un maquis a été constitué. Là-bas, ils sont accueillis par 3 agents alliés. Sans le savoir et pour des raisons liées au « secret défense », les 3 évadés américains sont en présence de l’équipe Jedburgh « Felix » parachutée dans la nuit du 8 au 9 juillet 1944 dans le secteur de Plénée-Jugon (Côtes-du-Nord). L’équipe est composée du capitaine français Jean SOUQUET, noms de code « KERNEVEL » ou « CARNAVON », du capitaine anglais John MARCHANT, nom de code « SOMMERSET » et du sergent-radio anglais Peter COLVIN, nom de code « MIDDLESEX ».

         Les équipes interalliées Jedburgh dont les actions ont inspiré les unités contemporaines de forces spéciales, furent créées à l’initiative commune de l’OSS américain (Office of Strategic Services : ancêtre de la CIA) et du SOE britannique (Special Operations Executive). La mission classée « top secret » des équipes Jedburgh consistait à être parachutée derrière les lignes ennemies en territoire occupé afin de coordonner, d’équiper, d’entraîner et d’appuyer militairement les groupes et mouvements locaux de Résistance. Ses équipes dont l’existence fut dissimulée longtemps après guerre - y compris au sein des états-majors anglo-américains - étaient le plus souvent composées de 3 agents de nationalité différente : 1 américain, 1 anglais et forcément 1 agent de même nationalité que celle du pays occupé. Elles comprenaient obligatoirement un opérateur-radio en contact régulier avec son état-major à Londres et deux officiers. Afin de faciliter la communication avec les résistants locaux, les membres des équipes Jedburgh devaient maitriser au mieux la langue du pays dans lequel ils étaient parachutés.

         Après avoir pris connaissance de l’identité des 3 évadés, l’opérateur-radio Peter COLVIN envoya un message à son état-major, le SFHQ (Special Forces Headquarters) basé en Angleterre lui notifiant la présence saine et sauve des américains GINDER, HENDRICKSON et KEELER. Poursuivant leur mission, l’équipe Jedburgh confia les évadés américains au chef du maquis de Bougueneuf, René DUPUIS. Il avait à sa disposition une cinquantaine de maquisards que KEELER estima être très jeunes et pas ou peu entraînés. Au maquis de Bourgeuneuf, les 3 Américains retrouvèrent 3 autres de leurs compatriotes dont le B-24 Liberator s’était écrasé le 8 juin 1944 sur la commune de Laurelas (Côtes-du-Nord). Il s’agissait des lieutenants Thomas I. DIGGES, Kester D. KING et du sergent-chef Anthony A. CAVESTRI. Le lieutenant KEELER, en tant qu’officier vétéran de l’infanterie parachutiste, observa l’action de l’équipe Jedburgh au sein du maquis. Il constata que les résistants étaient très enthousiastes et motivés mais regrettaient le manque d’expérience pour nombre d’entre eux. Pressés de passer à l’action contre les troupes allemandes, les agents alliés procédèrent alors à une répartition des hommes par groupe incorporant des résistants novices avec des maquisards ayant plus de maîtrise et d’expérience. Durant cette journée du 2 août, alors que les troupes américaines approchaient, de nombreux plans d’attaque furent élaborés et mis en place. Les hommes du maquis de Bougueneuf renforcé en effectif et fort d’environ 170 combattants à ce moment là, et avec le concours des membres de l’équipe Jedburgh envisagèrent une embuscade nocturne contre un important convoi allemand venant de Dinan. Mais un lieutenant de la Résistance locale estima l’action périlleuse au vue de l’infériorité numérique des maquisards. Le lendemain, le 3 août, le lieutenant KEELER accompagne seul un groupe de maquisards dans le but de s’emparer de la commune de Broons et de prendre contact avec les colonnes américaines, mais leurs assauts sont repoussés. Le groupe de maquisards composé de KEELER prit la route de Sévignac où 200 Allemands s’y étaient retranchés. Après des engagements et accrochages violents avec les Allemands, les résistants s’éparpillent dans leurs assauts. Le lieutenant KEELER, issu d’une unité d’élite à la discipline stricte, se froisse devant ce manque de coordination et d’organisation au feu de ces résistants. Il décide donc de se retirer des combats. La nuit venue, les Allemands semblent avoir quitté la commune puisque KEELER retourne au presbytère où il demande l’hospice auprès du prêtre.

         Le 3 août, le lieutenant KEELER se rend à Broons où la Résistance a finalement pris le contrôle de la commune alors que les troupes américaines de la 6ème Division blindée ont poursuivi leur irrésistible chevauchée vers l’objectif de Brest laissant le soin à la Résistance locale de sécuriser le secteur. Là-bas, il y fait la rencontre d’un lieutenant SAS français parlant très bien anglais et avec qui il échange.

         Le 4 août, le lieutenant KEELER est conduit dans une voiture aux couleurs de la Résistance vers la commune voisine d’Yvignac-la-Tour où les FFI locaux sous les ordres du lieutenant Alphonse MAGRET, ont également pris le contrôle de la commune faisant une quarantaine de prisonniers Allemands. Poursuivant en voiture leur route vers Brusvily, ils surprirent 4 Allemands égarés qu’ils capturèrent sans même avoir eu besoin de les menacer de leurs armes. Arrivés à Brusvily, on leur indiqua que 6 Allemands étaient susceptibles d’être faits prisonniers. Or, dans le même temps, un camion remplis de soldats allemands ayant quitté précipitamment Dinan, avaient son entrée dans la localité. Ils décidèrent de ne pas engager ces Allemands et se replièrent.

         Le 5 août, alors que les Allemands avaient quitté la ville, le lieutenant KEELER se rendit à Dinan en compagnie de Jean LEMOINE pour y retrouver Georges TILLOU qui avait été l’un de ses hôtes. Il reprit également contact avec le lieutenant Franklyn HENDRICKSON avant d’être tous les deux récupérés par les troupes américaines.

         Les autres américains évadés que sont CAVESTRI, DIGGES et KING, rejoignirent les colonnes américaines du Combat Command Reserve (CCR : Groupe de combat de réserve) de la 6ème Division blindée le 4 août à Quédillac (Ille-et-Vilaine) avant d’être rapatriés en Angleterre.

         Le lieutenant Robert KEELER et Franklyn HENDRICKSON furent quant à eux, rapatriés en Angleterre le 12 août 1944.

         Du fait de son expérience d’officier de l’infanterie américaine ayant 3 missions à son actif, le lieutenant KEELER apporte une analyse des combats auxquels il a pris part. Il remarque ainsi que la Résistance d’Yvignac-la-Tour était exceptionnellement bien encadrée et qu’elle agissait de façon efficace et organisée. Concernant le groupe des maquisards avec lequel il a combattu à Sévignac, il relève que ces partisans étaient très bien intentionnés dans leurs assauts mais qu’ils manquaient d’encadrement.

 

 

Joris BROUARD   (mai 2015)

 

Sources :

Archives: - NARA (National Archives and Records Administration):
- Escape and evasion, E&E 908
- Escape and evasion, E&E 935
-  Escape and evasion, E&E 887
- Escape and evasion, E&E 905
- Escape and evasion, E&E 925
- Escape and evasion, E&E 857
- Escape and evasion, E&E 1158
- After Action Report Jedburgh Team Felix

Archives départementales d’Ille-et-Vilaine: ADIV 213 W 36 

Bibliographie :  

       - Occupation – Résistance –Libération Bretagne. Témoignages inédits, éditions Club 35, 1993.
       - Agents du Reich en Bretagne, Kristian Hamon, Skol Vreizh, 2011.  

Sites Internet :  

         - http://www.dday-overlord.com/
         - http://www.usairborne.be/82/82_general.htm
         - http://www.menintheshed.com/sheppard/sheppard-bill-sullivan-letter/
                   -  
http://www.absa3945.com/
         - http://www.genealogie22.org/racines_galleses/le_maquis_de_bourgneuf.htm


[1] Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine (ADIV) 213 W 36, interrogatoire du 10 novembre 1944
[2] ADIV 213 W 36

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