"Durant la guerre, j'étais à Guichen. Je suis arrivé en camion
à Rennes, avec d'autres, en 1945, et nous avons eu à connaître à la fin de l'hiver,
les P.G.A. Russes blancs, qui étaient au camp de la Marne. Ils paraissaient libres. Ils
descendaient le soir, tout habillés en Américain, en vlle, vendaient leurs tenues,
remontaient avec du schnaps, et se faisaient rhabiller le lendemain, et ça marchait comme
tout l'hiver, pendant que nous-mêmes, n'étions pas habillés; un blouson, un pantalon,
les derniers arrivés n'avaient rien, sauf une "sten" entre les mains.
Il y avait donc entre nous une certaine tension et l'on ne s'y frottait pas
beaucoup. Fin mai, peut-être début juin, la veille d'une grande fête des Américains
dans Rennes, on a vu arriver les P.G.A. de la poche de Lorient, qu'on était allé
chercher au Fort de Penthièvre, pour les amener à la caserne du Colombier. Il y avait
parmi eux de hauts gradés. Au total une dizaine de camions de 20 à 25 P.G.A. (donc 200
à 250 P.G.A environ). Pour les faire descendre des camions, il y en a qui tapaient
dessus. Pourtant,à l'arrivée, la Croix Rouge internationale était déjà là.
On a mis les hauts gradés dans les cellules de la pison, à la place des taulards. Les
autres P.G.A. ont été logés dans un autre bâtiment près de la butte des fusillés Ils
étaient gardés par la Compagnie de garnison. Pour la sécurité, on a fait l'inventaire
de leur paquetage. Le capitaine Morice rappelé à l'activité, professeur d'allemand au
Lycée de Rennes, dans le civil, servait d'interprète. A titre d'anecdote, on trouve dans
un paquetage du plus haut gradé, un bâton noir au bout d'un fil et une prise de courant.
On ne savait pas comment appeler cela pour mettre le mettre dans le rapport. C'est le
capitaine Morice qui a pu identifier l'engin; c'était un rasoir électrique.
Ces gens là ont dû être interrogés, mais ayant été nommé ailleurs, je n'ai pas su
la suite. Dommage car, ayant une formation de cadre, je logeais au bâtiment de l'Horloge.
De là on voyait bien ce qui se passait .Vers le 20 décembre 1945, on m'a rappelé à la
caserne du Colombier pour mettre de l'ordre. J'ai été nommé par le Commandant
responsable des approvisionnements et de la distribution., en même temps que 4 chefs
cuistots, chargés chacun de monter une cuisine.
Parmi les gens à nourrir, on comptait à ce moment là 550 P.G.A. qui travaillaient
(en commandos) pour le Génie et construisaient des bâtiments dans le Colombier. Ils
logeaient alors dans les caves de la garnison. Ils avaient ici, la même nourriture que la
troupe Française. Cette nourriture venait de l'Intendance Militaire de la route de
Lorient et d'ailleurs. Le financement était de 53 Frs de l'époque, tout compris par
rationnaire (chauffage, entretien, nourriture...) soit 26/27 Frs pour la nourriture pour
chaque Homme. Ils faisaient eux-mêmes leur popote et c'était très bien tenu.
Il fallait aussi nourrir en même temps les les P.G. Français qui rentraient
d'Allemagne.. A leur descente du train, sur les quais de la gare, une dizaine de roulantes
les attendaient et la Cie de Q.G. (P.G.A.) y avait été affectée. Dans le Colombier
même, il n'y avait pas de problèmes de malnutrition (notés ailleurs), malgré des
malversations en matière de ravitaillement à Rennes; Par exemple, parmi les fournisseurs
de la troupe, il y avait l'O.C.A.D.O. (Office Central d'Approvisionnement des Denrées
Ordinaires. qui était situé derrière l'abattoir de l'époque. et qui était dirigé par
un haut gradé.Il y a eu de grosses bêtises de faites (la presse locale en a
parlé!/voir ADIV éventuellement ! )
La question du pain : Les P.G.A. du Colombier avaient les mêmes rations de pain que les
militaires français. soit 450 Gr. par jour, alors que la ration civile n'était que de
250 ou 270 Gr. par jour. Il y avait une boulangerie militaire importante du côté du camp
de la Marne, que je ne peux situer exactement; telle a été la situation que j'ai connue,
tant que j'ai occupé ces fonctions, entre mon arrivée le 2O décembre 45 et le 27 mars
46, date de ma démobilisation."
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