Le camp d'officiers de guerre allemands
de Mulsanne1945-1947Visite du dépôt 401 par le CCIR du 12 mars 1946
Ed:05/04/05C/MSc/]ABG France
DEPÔT N° 401 à MULSANNE.
Visité le 12 mars 1946 par M. Courvoisier.
Nom et adresse du camp:Dépôt de prisonniers de guerre N° 401,MULSANNE (près Le Mans),.
Commandant du camp: Colonel BREBANT.
Médecin chef français : Capitaine BEAUSSIER.
Homme de confiance : FAHRMACHER, Général dartillerie, N°. 252263
Adjoint au Général : RHEIN, colonel, chef dEtat-Major, N°. 878357.
"Lagerführer" : von PASSEWITZ, colonel, N° 3298,
Homme de confiance autrichien : SCHULZ, capitaine,
Médecin allemand : BLOCH, "Oberarzt", N° 879l09,
Prêtre catholique : HEPPEKAISEN.
Pasteur protestant : AIJBRICHTER.
Effectif du jour :
au camp 6603 officiers 240 officiers "SS" 6843 1204 hommes de troupes 1204 annexe dAuvours : 30 officiers 1300 hommes de troupes 1330 Total
8377 prisonniers de guerre (Les 26 Généraux présents le jour de notre visite, sont compris dans leffectif sus-mentionné)
Nationalités: Allemands-Autrichiens(32 prisonniers)-Tchèques-Hongrois(21 prisonniers).
Ces Généraux avaient chargé le Vice-Amiral ROTHER, de leurs intérêts, cest la raison pour laquelle le Vice-Amiral ROTHER assista aux entretiens que nous avons eus avec lhomme de confiance,
Description du camp - Conditions dinternement
Date douverture
Ancien camp américain, ouvert le.4 octobre 1944 et cédé aux Autorités françaises le 27juillet 1945. Transformé en camp dofficiers le 1er février 1946.
Vue densemble et considérations dordre général.-
La visite du dépôt N° 401 ne fait pas du tout limpression dune visite ordinaire. En général, on parvient aux abords des fils de fer barbelés dun dépôt par un chemin sinueux et étroit; ici au contraire, cest une route nationale qui y conduit; seuls, les fils de fer barbelés rappellent quil ne sagit pas dune ville sinistrée et nouvellement reconstruite mais bien dun camp de prisonniers de guerre.
Le dépôt possède à lintérieur de son enceinte, sa gare de chemin de fer qui lui est propre, ses entrepôts, ses quais de chargement et de déchargement, ses voies de garage et de triage. Aussi est-il fréquent dentendre le sifflet dune locomotive annonçant quun train quitte la gare et se rend dans les différentes "cages" et va faire halte devant chaque cuisine pour décharger sa précieuse cargaison de légumes, sans oublier la farine de soja. Le petit train, après avoir ainsi parcouru plusieurs kilomètres, reviendra en gare et transportera cette fois, du combustible destiné aux quelques centaines de baraques et de tentes occupées par les prisonniers.
Cette "ville en miniature" possède ses jardins, ses monuments, son église, son hôpital, ses douches, sa cantine, son théâtre et sa prison.
Si lextérieur des bâtiments fait très bonne impression, il nen est pas de même pour lintérieur, Seule la baraque occupée par les Généraux, dispose dune installation électrique. Toutes les autres tentes et baraques (excepté les baraques de linfirmerie et les bureaux) sont plongé dans lobscurité. Les toits des tentes sont brûlés, aussi, en cas de pluie, leau sinfiltre-t-elle à lintérieur. ,
Le Général en chef nous fait remarquer que les tôles formant le toit de sa baraque, sont percées. Par mauvais temps il nest pas pare quune douche vienne interrompre son sommeil. Les Généraux, comme les autres officiers, du reste, mangent dans de vieilles boîtes de conserve fortement rouillées; ils profitent de notre passage pour nous demander sils se trouvaient dans un camp de représailles. Il est vrai quavant leur arrivée dans ce dépôt, bon nombre dentre eux séjournaient dans des camps dans lesquels ils disposaient toujours de vaisselle.
Organisation.- A son origine, le camp était divisé en 13 "cages", dont 5. formées de baraques en bois et 8 formées de tentes. Par la suite, il se transforma en 6 "cages" occupées, dont 4 formées par des tentes et 2 par des baraques; de plus, une "cage" (tentes) est réservée aux officiers "SS"; cette "cage est complètement autonome. Il existe encore 2 "cages" (tentes), non mentionnés dans ce chiffre de 6 cages", mais ces "cages" sont actuellement Inoccupées, Les tentes et les baraques sont munies de poêles, mais le combustible est très rationné, Les prisonniers habitant les tentes disposent de 4 couvertures et ceux des baraques nen ont que 2.
Une boulangerie ravitaille tout le camp, qui possède en outre : une installation de douches, une bibliothèque, un dépôt de vivres et un magasin réservé aux envois du Comité International do la Croix-Rouge.
Nourriture
Les menus que touchent les prisonniers sont on général les suivants :
Matin: 1/4 de litre do café et 300 g de pain.
Midi. : 1 litre de soupe contenant des carottes, des nouilles, des choux et de la farine de soja.
Soir : 3/4 de litre de soupe.Total des calories : 1.900 par homme et par jour.
Cuisine -Les cuisines sont très bien installées et possèdent suffisamment dustensiles
Réfectoire - Aucun.
Habillement
Une sensible amélioration est intervenue dans ce domaine. Il manque encore 500 capotes, 500 paires de pantalons, et environ 2.000 paires de chaussettes.
Cantine
La cantine fonctionne, mais malheureusement les articles mis on vente sont très peu nombreux, Pour un effectif de plus de 6.000 prisonniers elle noffre que 8 pipes, une lame de rasoir pour 12 officiers, etc.. Les prix de vente sont normaux, mais la "monnaie de camp" est notoirement insuffisante.
Hygiène
Épouillage.- Une installation dépouillage par voie de chauffage a été créée. Malheureusement, elle est temporairement hors dusage, Elle fonctionnera à. nouveau sous peu, Le camp est pourvu de poudre DDT, Il ny a, pour ainsi dire, pas de vermine.
Douches et bains.- Les douches, très bien installées, ne fonctionnent pas encore à une fréquence suffisante. Chaque prisonnier de guerre ne peut se doucher quune fois par mois.
Coiffeur,- Linstallation existe, matis le matériel on est insuffisant, Les officiers ne pourront y passer quune fois tous les 3 mois.
Eau.-Leau est propre à la consommation. Un lavabo a été installé dans chaque "cage"; malheureusement sur 4 arrivées deau, il en fut supprimé 2, ce qui réduit de 50% les places disponibles pour la toilette des officiers. Les lavabos ne sont pas clôturés mais uniquement surmontés dun toit. Cet inconvénient est sérieux, car les prisonniers devant se déshabiller en plein air, prennent très facilement froid.
Latrines-Système de tinettes à sièges, nettoyées toue les jours, Elles sont très bien installées et suffisantes. Le seul inconvénient est que ces latrines sont très éloignées du reste des baraques, et les prisonniers souffrant pour la plupart de catarrhe de vessie, sont obligés de faire plusieurs fois chaque nuit, un assez long chemin, ce qui provoque chez eux des cas fréquents de refroidissement.
Sports, Il existe quelques articles de sport, mais les officiers sont actuellement très faibles pour pouvoir pratiquer un sport quelconque.
Infirmerie
Effectif: 3 médecins- 3 dentistes-10 membres du personnel sanitaire. (Cet effectif est insuffisant).
12 médecins sont répartis dans les différentes "cages" (2 par "cage") et 1 médecin est affecté à la "cage des "SS", ce qui représente un total de 29.
Installations et organisation - Une visite médicale a lieu journellement dans chaque "cage". Il en est de même pour linfirmerie du camp. Par manque de personnel sanitaire, le médecin rattaché aux "cages", procède seul à la visite médicale, les 10 membres du personnel sanitaire présents au camp étant tous affectés à linfirmerie.
Rations pour malades- Les rations alimentaires des malades sont les mêmes que celles allouées aux autres prisonniers. Seuls les malades de la catégorie des "sous-alimentés" ont droit à un supplément de 900 calories. Ce supplément consiste en vivres américains acquis par les Autorités françaises.
Nombre. de malades le jour de notre visite.-
A linfirmerie :
100 prisonniers. Tous les lits en sont ainsi occupés.
Les médecins attirent notre attention sur le fait que linfirmerie est trop petite,
Maladies dominantes.
Cachexies: 150 cas
Oedèmes de famine : 200 cas
Gastro-entérites:1.000 cas environ, (provenant de la consommation de la farine de soja).Le médecin chef nous fait remarquer quau cours des dernières semaines, les cas de sous-alimentés sont passés au nombre de 1.200.
Lhôpital régional, absolument indépendant, est attenant au dépôt de Mulsanne,
Médicaments- Ce camp dispose dun "medical-unit".
Le pharmacien désirerait recevoir :
du cardiazol
de la coramine et des prothèses dentaires.Loculiste nous prie de lui faire parvenir des formulaires afin qu'il puisse transmettre ses demandes de lunettes à Genève.
Rétrocession.- La rétrocession est terminée.
Rapatriement- Dans ce domaine, un gros travail serait à faire, Les médecins désireraient avoir la visite dune Commission Médicale Mixte.
Remarques
Selon les déclarations faites par les médecins chefs allemands, il serait impossible de "remonter" un grand nombre de prisonniers actuellement sous-alimentés. Dautre part, il nest pas possible non plus de proposer ces cas pour un rapatriement, En conclusion nous pouvons affirmer que si la situation alimentaire nest pas modifiée prochainement, nous assisterons à une nouvelle catastrophe qui se traduira par une forte mortalité.
Besoins dordre intellectuel et spirituel.
Services religieux...
Les services protestants et catholiques sont célébrés chaque semaine, Les aumôniers se plaignent de ce quon ait transformé en cantonnements, les locaux précédemment réservés aux services, et que le local qui. leur est actuellement attribué soit trop petit Ils attirent également notre attention sur le fait que des aumôniers français sent venus au camp, (il sagissait du prêtre Camille Lossau et du pasteur Casalis), mais que ceux-ci nont pas eu lautorisation de sentretenir avec les aumôniers prisonniers.
Discipline
La discipline nest pas très bonne, Le moral, dautre part est bas.
Punitions: Un prisonnier a été puni. de 20 jours darrêts pour vol de bois, (le chauffage.étant insuffisant). Un officier a également été puni de 30 jours darrêts pour avoir, en tant quhomme de confiance dun chantier de travail, protesté par écrit, auprès du Commandant de son ancien dépôt, de ce que la ration alimentaire était insuffisante (cette punition paraît être contraire à la Convention de Genève). Daprès le Commandant du dépôt, la punition aurait été infligée par la Direction Générale des Prisonniers de Guerre. Nous avons demandé au Commandant du dépôt quil nous remette une copie de la note prévoyant cette punition. Ne layant pas sous la main, le Commandant nous lenverra par la suite.
Correspondance
Une amélioration sensible est intervenue dans ce domaine
Entretien avec lhomme de confiance
Après nous être longuement entretenu avec lhomme de confiance, nous avons relevé quelques plaintes formulées :
1) les sous-vêtements expédiés dAllemagne et acheminés par le Comité International de la Croix-Rouge, nont pas été entreposés à lintérieur du camp, mais sont restés à lextérieur et sous contrôle français.
2) les aumôniers se plaignent de la place trop restreinte qui leur a été attribuée pour célébrer leurs services.
3) Ils se plaignent également de ne pas avoir la possibilité de rendre visite aux officiers détenus dans le bloc des "SS".
4) la plainte formulée sous chiffre "3" est également émise par lhomme de confiance.
5) la" monnaie de camp" est nettement insuffisante : les prisonniers ne toucheraient que 150 francs par mois.
6) le personnel protégé na pas la possibilité de se procurer à lextérieur, certains articles non contingentés et dont il aurait grand besoin.
7) labsence de lumière électrique dans toutes les tentes.
8) les toitures défectueuses des tentes.
9) linsuffisance dordonnances.
10) les rations alimentaires insuffisantes.
11) la cantine insuffisamment fournie.
12) le manque de vaisselle ( les officiers étant obligés de manger dans des boîtes de conserve et de se servir de leurs doigts).
13) la présence dans le camp dofficiers libérés par les autorités américaines, puis repris par les Autorités françaises.
14) la présence de civils dans le camp.
15) insuffisance de personnel sanitaire. A ce sujet le médecin allemand attire notre attention sur le fait quil a réclamé au Commandant du dépôt et lui a signalé la présence de membres du personnel sanitaire dans le camp dAuvours, mais aucune suite na été donnée à sa demande.
16) le médecin du bloc des "SS" demande que nous intervenions auprès du Commandant de dépôt afin que celui-ci autorise le transfert dun officier dans un hôpital pour une intervention chirurgicale de lil, Il est à remarquer que si cette intervention nest pas entreprise, lofficier en question perdra la vue
17) au cours de fouilles effectuées au dépôt de Mulsanne, de objets tels que loupes, photographies, etc. ont été séquestrés. Un Général nous fait remarquer que, privé de ses lunettes, il se servait de cette loupe pour lire et quil ne croit pas, jusquà preuve du contraire, quune loupe soit un objet susceptible de favoriser une évasion.
18) les Généraux se plaignent également ~de ce quils doivent, au cours de fouilles, se déshabiller devant la troupe (prisonniers allemands). Cela.,leur semble quelque peu contraire au titre 3 du chapitre 6, article. 21 de la Convention qui stipule que: "les officiers et assimilés, prisonniers de guerre, seront traités avec les égards dus à leur grade et à leur âge.
Entretien avec le commandant du dépôt
Nous nous, sommes rendu auprès du colonel Brebant et lui avons fait part des diverses plaintes de lhomme de confiance. Il nous a assuré quil ferait son possible pour que dici peu de temps:
1) un local de services religieux, plus vaste1 soit mis à la disposition des aumôniers prisonniers
2) que lattribution de la "monnaie de camp" soit plus importante.
3) il a accordé: que lofficier "SS" soit transféré dans un hôpital.
4) que les aumôniers puissent: se rendre dans le bloc des "SS".
5) il fera tout son possible pour que laménagement intérieur des baraques soit amélioré.
En ce qui. concerne les autres points, il nous appartient de les traiter en haut lieu, Ceci. et tout spécialement le cas pour la question dos officiers libérés par les Américains, et pour les officiers ayant été capturés en tant que civils.
Impression générale
Le dépôt de Mulsanne nous a fait une assez mauvaise impression.