CAMP DE ST-SULPICE-LA-POINTE
 Rapports de visite du secours Quaker de Toulouse

 


Plan du camp (Document wikipedia)

 

Secours Quaker                                                                                                             le 21 Novembre 1945

Délégation de Toulouse

BO/-MLF

CAMP DE ST-SULPICE-LA-POINTE

Visite faite par Toot Bleuland et Stanley Johnson le 15 Novembre 1945

 

Nous sommes très inquiets par les conditions dans ce camp, qui, franchement, nous semble le pire de tous les camps de concentration actuellement dans notre région. Les internés sont affamés et terrorisés. Voici des détails:

Directeur.

Le commandant ROGER n'était pas dans le camp quand nous sommes arrivés à 14h40. Malgré l'autorisation écrite et signée par le Commissaire de la République, les gardiens nous ont refusé à passer le portail. Après une attente de quarante minutes, le Directeur est arrivé furieux que nous ayons insisté même en son absence pour entrer dans le camp. Il dit que le Ministère de l'Intérieur a retiré toutes les autorisations et que même le Préfet du Tarn ne pourrait pas entrer sans l'autorisation du Directeur. Il n'y a pas de sous-directeur depuis quelques temps.

Effectifs

Environ 550 restent internés dans le camp, 127 sont déjà rapatriés surtout les Sarrois, ou ceux qui avaient la France comme dernier domicile. Un prochain convoi est attendu prochainement. Le Directeur dit l'avoir télégraphié à Paris pour faire ajouter au dernier convoi quatre internés dont les parents étaient à rapatrier, ceci a été autorisé.-

Le prochain convoi, peut-être pour la zone américaine en Allemagne, se composera de 120.

Ravitaillement.

Le directeur nous a donné les renseignements suivants: les rations sont maintenant pareilles à celles des prisons. Les internés ont des légumes secs trois ou quatre fois par semaine. (Le gestionnaire nous a dit quatre fois par mois.

La ration de pain est de 350 g par jour. (le gestionnaire a dit 350 g). Le directeur a donné des ordres pour qu'une soupe de pain soit donnée à midi et le soir s'il y a trop de légumes verts. Chaque mois une demande est faite à Albi pour les suppléments pour malades. La ration de viande est de 150 g. par semaine; pendant quelques semaines il y a 120 ou 200 g selon les quantités disponibles.- Le café succédané auquel les internés n'ont pas le droit, a été autorisé par le Préfet après demande par le Directeur.

II y a huit personnes qui ont un régime de faveur. Ce sont des gens entrés en France clandestinement, y compris des enfants.

Le gestionnaire a dit qu'il y a carottes ou navets deux ou trois fois par jour depuis trois mois; ensuite, il dit qu'ils ont la diarrhée. Il dit aussi qu'il n'y a pas de nouilles.

État des internés.

Le directeur dit que les hommes sont 100% nazis, et très feignants, qu'il y a des cachectiques mais bien des fainéants cachectiques. "l'Allemand est un Boche est restera un Boche" dit-il. Il nous a indiqué une charrette tirée par un gardien, en disant à haute voix, "que c'était là, la situation dans le camp. Les Français travaillent et les Allemands contrôlent tout, qu'ils pèsent chaque morceau de pain, etc. (ce qui nous semble assez raisonnable). Il nous a dit que le matin il avait mis deux jeunes gens de seize ans en prison pour la journée. Ils avaient fait des catapultes de caoutchouc et avaient brisé des fenêtres.

Des femmes, il est "parfaitement satisfait". Les femmes n'ont pas de vermine, mais les hommes en ont, même des poux. Il dit qu'on avait dû épouiller un homme de cinquante ans. Il y a beaucoup de punaises dans les baraques, et même après avoir brûlé 50 kg de soufre dans une seule baraque, les punaises restent toujours vivantes. Les femmes (dont beaucoup travaillent à l'extérieur et sont nourries à domicile) sont de meilleure santé que les hommes. 100 à 150 ont assisté aux vendanges : leur poids a augmenté de 5 à 12 kg.

Malades

Dans l'infirmerie il n'y a avait pas beaucoup de monde: 15 hommes et 8 femmes.- parmi les hommes il y avait au moins trois cas graves d'œdèmes de la faim. Un homme avait une diarrhée si forte qu'il s'est servi du seau hygiénique trois fois dans quelques minutes pendant notre visite. Cet homme n'était que peau et os et on a dû le porter de son lit au seau chaque fois. Un homme de 67 ans avait un œdème qui lui avait gonflé les membres d'une façon typique: Manque de vitamines dit le Directeur. Un autre avait la furonculose grave "c'est le sang" dit le directeur. Il avait perdu 65 livres de poids.

Le docteur allemand nous paraissait avoir grand peur du Directeur qui a dit de lui "ce n'est pas un homme, c'est un surhomme que j'aimerais retenir comme docteur civil". Ce médecin nous a dit que tout était une question d'alimentation. Le directeur a dit que le riz était épuisé par l'épidémie de diarrhée qu'il y a eu pendant l'été et dont une grande partie de l'effectif avait été atteinte.

Un garçon de 14 ans, assez grand, dit qu'il ne pesait que 33 kg que le directeur n'a pas cru. Le médecin allemand a demandé ce que l’on pouvait faire pour des hommes qui devaient uriner 20 à 30 fois pendant la nuit (il y en a beaucoup) et si la même chose se produisait dans les autres camps.

Chauffage.

Le chauffage des baraques n'a pas été commencé (15 nov.) et il n'y a pas de poêles disponibles. Le charbon a été demandé par le directeur mais il n'y a pas de bois. L'infirmerie est chauffée, elle est chauffée pendant deux à quatre heures par pour selon les internés.

Tabac : Les internés n'en reçoivent point.

Correspondance

Le Directeur nous a répondu que le régime des correspondances n’avait pas changé et que la correspondance avec l'Allemagne se faisait par des cartes postales de la Croix- Rouge. Cependant, les internés disent qu'il ne leur a été distribué aucune carte à expédier mais que quelques uns auraient reçu des nouvelles de chez eux.

Visite

Le directeur nous a accompagnés partout à l'infirmerie; il nous fait accompagner par le gestionnaire chez l'assistante de la Croix-Rouge Française mais nous n'avons pu visiter aucune baraque sans l'autorisation expresse du directeur.

Appel

a cinq heures du soir les internés marchent en colonne de quatre, baraque par baraque, pour l'appel et le salut au drapeau français. À notre avis, cela va encourager le militarisme et la haine contre la France que nous voudrions voir disparaître.

Rapatriement.

Plusieurs femmes restent à Brens après départ de leur mari à St-Sulpice après le départ de leur femme (y compris une avec enfant de 5 semaines).

Nous avons laissé au médecin allemand

- 20 kg de cacao
- 10 boîtes d’Ovomaltine
 - 20 boîtes de Germalp
- 3 morceaux de savon
- 20 paquets de cellulose
- 2,5 kg de laine à tricoter
- 20 jeux d'aiguilles à tricoter
- 4 bobines de fil
- 6 bobines de coton à repriser
- 4 paquets d'aiguilles
- 2 paires de ciseaux
- 4 écheveaux de laine (pour repriser)
- 3 tondeuses
- 6 cuirs à rasoir
- brochures "Aus deutschem Erbgut"

Impressions générales

La visite nous a bien déprimés et le rapatriement des internés ne fera que publier en Allemagne des histoires d'un "Nazisme" français.

Nous n’avons aucune confiance dans les sentiments humains ni les paroles du directeur.

Stanley Johnson                           Toot Bleuland

Délégué                                     Déléguée

 

Secours Quaker                                                                                                        le 4 janvier 1946
Délégation de Toulouse
BO/-MLF

CAMP DE SAINT-SULPICE –LA-POINTEi

Visite faite par Toot Bleuland et Stanley Johns le 18 décembre

Rapatriement

Un convoi de 112 est parti dernièrement pour la zone anglaise en Allemagne. Il reste dans le camp 412 prisonniers.

Goûters

La Croix-Rouge française a dû suspendre ses goûters par manque de denrées.

Ravitaillement

Nous avons pu obtenir du commandant une liste des rations des prisons françaises qui s'appliquent au camp. À part les suppléments pour les catégories J2 et J3 et pour les femmes enceintes, les rations doivent être, selon le commandant :

Pain : 350 g par jour
Viande : 250 par semaine
Sucre : 300 g par mois
Pâtes : 250 g par mois
Légumes secs : 1 kg
Matières grasses : 300 g par mois
Fromage : 300 g par mois
Pommes de terre : 15 kg par mois

Le camp a reçu du lait concentré non sucré qui est utilisé quand le lait frais (pour le régime) manque. La viande et les pâtes sont données le dimanche.

Chauffage

Le commandant nous a dit que le camp a reçu 30 tonnes de bois et 10 tonnes de charbon pour les deux mois. Ses besoins en charbon sont de 21 tonnes par mois.

Le Dr. Arnaud nous a dit que la Croix-Rouge française donne des vitamines, mais qu'il y en a grand besoin.

II nous a dit que 25 ou 30 cas avaient des jambes gonflées: «c'est le ravitaillement" dit-il.

Le service d'hygiène doit venir au camp pour faire des piqures contre le typhus comme précaution. Le service de dépouillage doit venir également.

Literie.

Tout le monde a un lit et il y a assez de couvertures depuis la diminution de l'effectif.

Recherches personnelles

Le docteur allemand (interné) nous a demandé d’essayer de trouver son ancienne fiancée— une Juive allemande— qui s'est réfugiée aux États-Unis avant la guerre. Le gestionnaire français d'origine alsacienne, a demandé notre aide pour la recherche de sa fiancée aussi, une allemande de Cologne.

Infirmerie

Dans 1'infirmerie des femmes, il y avait une dizaine de malades : refroidissements, bronchites, rien de grave.

Chez 1es hommes, 3 malades que nous avions vu à notre visite précédente, sont décédés depuis, 2 cas d'œdème de la faim et 1 malade du cœur.

En général, les œdèmes vont mieux puisque le ravitaillement s’est légèrement amélioré. Cependant, une suralimentation pour ces malades est indispensable. Il y a encore 4 cas d’œdèmes dans l’infirmerie et 25 à 30 dans le camp.

Cuisine.

Nous somme entrés à la cuisine où on préparait le déjeuner : soupe aux pois et comme légumes, des navets et 40 kg de pommes de terre. Les internés touchent 17 g de matières grasses par jour et de la viande 175 g par semaine, le dimanche et le lundi.

Il y a 45 J2 et J3 au camp qui touchent de la confiture et du sucre, mais pas le chocolat, puisque le régime prison le défend.

La Croix-Rouge française a dû suspendre aussi la distribution d’huile aux sous-alimentés à raison d’une cuillère à soupe.

Baraques

Nous avons visite une baraque où ils se trouvent 13 convalescents (dont un vieillard de 80 ans). La baraque est chauffée. Tous les 13avaient un lit et 3 couvertures. Parmi eux se trouvaient un jeune garçon de 16 ans atteint de tuberculose mais qui se remettait et un autre de17 ans qui est paralysé du côté droit. Cependant, il commence à pouvoir utiliser son bras.

Pour raison de chauffage, les baraques des femmes ont beaucoup de monde. À vrai dire, 2 baraques séparées par un couloir dans lequel se trouve le poêle. Dans chaque baraque, i1 y a 48 femmes couchées sur des châlits à 2 étages. Elles ont 4 couverture et les baraques étaient bien tenues et propres. Évidemment, il n'y avait que très peu d’espace entre les lits.

Bibliothèque

En dernier lieu nous avons visité la bibliothèque qui sert en même temps de foyer. Il a près de 1500 livres.

- 300 livres allemands
- 800 livres français
Le reste en anglais, russe, yougoslave, etc. car cette bibliothèque a été constitué par les internés eux-mêmes.

Nouveaux testaments

Nous avons donné au pasteur allemand 7 exemplaires du Nouveau Testament, qui ont été offerts par la C.I.M.A.D.E.

Laissé au camp

Pour l‘infirmerie:

10 Boîtes Ovomaltine
2 de sardines
6 kg de bouillie maltée
20 boîtes de lait en poudre
6 kg de cacao
2 savons de 250 g

Pour le goûter de la Croix-Rouge française : 90 kg de flocons d’avoine

Et pour Noël des enfants du personnel français:

2 Kg de cacao
6 boîtes de lait en poudre


Stanley Johnson                                     Toot Bleuland
Délégué                                                 Déléguée

 

 

Source: American Friends Service Committee Records Relating to Humanitarian Work in France, 1933-1950.

Séries II TOULOUSE OFFICE. Sub-series: REPORTS Box 26 Folder 17. American Friends Service Committee 1501 Cherry Street Philadelphia, PA 19102

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