Secours Quaker Toulouse le 23 octobre 1945
Délégation de TOULOUSE
BO/MJ
CENTRE D’HÉBERGEMENT POLONAIS de SALIES-du-SALAT
Hôtel au Parc
Visite de Stanley Johnson et Toot Bleuland du 19 octobre 1945.
Sur la demande de la Croix-Rouge polonaise nous avons visité ce centre d’hébergement qui se trouve depuis 4 ans dans le meilleur hôtel du Salies, notamment l'hôtel du Parc.
Nous avons été fort aimablement accueillis par le Directeur, avocat à la Cour, Monsieur KONDOLEWICZ. La situation de ce Centre d'hébergement est assez complexe. Ces Polonais ont été mis à Salies-du-Salat avec leur famille en 1941 par le contrôle social des étrangers. Ils jouissaient d'une très grande liberté. Évidemment ce n'était qu'une situation provisoire, car vu le bon climat de Salies-du-Salât ce centre devait être réservé pour l'accueil d'orphelins polonais. Actuellement, il n'y a que 40 orphelins. L'autre partie de la population se compose de 12 hommes et 30 femmes. Ces familles d'émigrés sont arrivées en 1939 en France.
II y a parmi eux 4 hommes qui travaillent dans les usines, et qui gagnent 23 francs l'heure, c'est à dire entre 4 et 5 mille francs par mois. Ils sont logés et nourris avec toute leur famille gratuitement au centre, et en plus se font payer les médicaments. Ceci produit non sûrement une très mauvaise impression sur la population française, mais aussi c'est une situation excessivement malsaine. Les autres hommes ne travaillant pas, sont démoralisés, et aucun d'eux ne veut repartir en Pologne, puisqu'ils pensent pouvoir continuer à être logés et nourrie gratuitement.
Il y a très peu de coopération dans ce centre. En principe les familles devraient, non pas adopter, mais au moins s'occuper pendant la journée de 1 ou 2 orphelins, mais en pratique nul ne le fait, trouvant que c'est trop de peine.
Actuellement le Directeur fait tout ce qu'il peut pour réorganiser ce centre, et pour se débarrasser de ces familles. Ainsi il sera possible de remplir l'hôtel du Parc avec des orphelins. Il y en 15 qui attendent, mais on ne sait pas où trouver la place.
Le centre polonais dépend du Ministère du Travail. Les fonds payés, moitié par le Ministère du Travail, moitié par la Croix-Rouge polonaise.
ORGANISATION INTÉRIEURE
Les enfants se trouvant au Centre vont de quelques mois jusqu'à 18 ans. Les filles âgées aident pour les soins des plus petits, travaillent dans la cuisine et font la couture.
PERSONNEL.
Parmi les personnes payées II y a à côté du Directeur son adjoint, une secrétaire, un comptable, trois institutrices, une femme qui enseigne la couture, un chef de cuisine et deux assistants, un planton et un jardinier.
RAVITAILLEMENT.
Tout le monde au centre touche des cartes rurales, ce qui, évidemment, ne leur donne guère que le sucre, le café et la viande. Le reste vient de Toulouse du marché libre. Le Directeur a depuis septembre 46 francs par jour à sa disposition pax personne, ce qui est une forte somme, et ce qui lui permettra d'améliorer encore les repas oui déjà sont fort bien. Jusqu'à septembre il avait 25 francs et actuellement elle en dépense 35, mais il espère bientôt pouvoir dépenser la somme totale.
CALORIES.
Les enfants ont 2770 calories par jour, les adultes en ont 2400. Les denrées, notamment confiture etc., sont livrées par camionnette, qui leur est prêtée par le Service du Travail ou la Croix-Rouge à Toulouse. Bien que le Directeur ait une voiture personnelle, immatriculée en Pologne, il ne peut s'en servir.
JARDIN.
Le jardin produit des légumes mais a beaucoup souffert de la sécheresse. Par contre le Directeur a acheté depuis longtemps des cochons qui sont nourris uniquement avec les restes de la cuisine. Une fois par mois on peut ainsi tuer deux cochons, qui permettent d'augmenter la ration de graisse de 1 kg par personne et par mois, ce qui est très appréciable.
REPAS
Les enfants ont au petit déjeuner du café au lait, du pain à volonté (en somme à peu près 400 grammes par jour), ce pain est tartiné avec du saindoux ou du fromage. Pour le déjeuner enfants et adultes ont un bon potage, de la viande chaque jour et légumes, fruits. Le goûter pour les enfants seulement, la même chose que le petit déjeuner. Pour diner, enfants et adultes ont 2 fois par semaine de la viande, un bon potage épais, fait avec des pommes de terre, haricots ou orge perlé, fruits. Les adultes n'ont pour le petit déjeuner que du café noir. Ils achètent leur pain eux mêmes, car à Salies du Salât il est pratiquement en vente libre.
ÉTAT SANITAIRE.
Les enfants sont en général en bonne santé, bien que les enfante venant des camps sont bien sous-alimentés, fatigués, et ont les maladies dues à leur internement; eczéma etc. Pendant l'été, les enfants prennent une fois par semaine des bains salés dans l'établissement de bain. Une infirmière polonaise, habitant au camp s'occupe des enfants, fait des pansements, les soigne, etc. Un docteur français doit s'occuper en principe des enfants mais comme il maire du pays, il n'a pas beaucoup de temps à leur accorder. Le Directeur préférerait beaucoup avoir un médecin français sur place, mais la question du traitement a jusqu'à maintenant empêché de trouver un tel médecin, puisqu'on ne peut payer plus de 2500 francs par mois.
Nous avons visité l'établissement en commençant prix l'infirmerie; nous avons étudié la table de pesée et avons constaté que surtout pendant les mois d'été les enfants ont perdu du poids. Ça n'est que depuis quelque temps qu'ils commencent à augmenter régulièrement. En général il n'y a pas eu d'épidémies, mais des petites maladies infantiles normales.
VERMINE
Sauf les nouveaux arrivés, qui viennent des camps, il n'y a pas eu de vermine dans toute la maison. Les enfants sont douchés deux fois par semaine.
L'hôtel est composé de trois étages. À l’entresol se trouve la salle de classe pour les plus grands, qui ont une institutrice. Les enfants sont assis sur des chaises, autour de tables. II y a également une autre salle de classe avec une deuxième institutrice pour les enfants un peu plus jeunes, qui, en général, doivent encore apprendre à lire et à écrire. Ce sont ceux qui ont passé plusieurs années dans un camp et qui sont en général des orphelins. Les enfants des familles fréquentent l'école communale.
A l’entresol se trouve également une crèche, où on s'occupe d'enfants en bas âge. Ils sont soignés par une institutrice plus âgée qui donne une impression très maternelle. La crèche elle-même est d'une très grande propreté, décorée avec de ,jolis dessins. Chaque enfant a en propre chaise et sa propre place à une petite table marquée par un dessin, soit un animal ou une fleur. Ils ont également chacun leur petit pot de fleurs avec la même insigne, qu'ils doivent soigner eux-mêmes. Dans une partie de la crèche se trouve par terre tout un village fait par les enfants eux-mêmes. Il y a l'étable, les animaux, les maisons, les arbres. Actuellement les arbres avaient des fruits et même des nids avec des œufs et des oiseaux.
À l'entresol toujours, se trouve la salle à manger, très simple mais très propre. A coté on a installé un petit cabinet de toilette, fait très bas, pour que les enfants puissent se laver les mains. Une petite fille est chargée chaque tenir semaine ce cabinet propre, et y mettre des fleurs.
Au premier étage se trouvent les chambres du Directeur, l’infirmerie et une chambre donnant sur le nord où couchent 7 ou 8 enfants orphelins. Les grandes chambres donnant sur le sud sont occupées par des familles. Chaque famille grande ou petite, a une chambre. Nous en avons même vu une, où couchent dans la même pièce des garçons et des filles de plus de 15 ans. Deux enfants avaient la rougeole, mais, il n’y a pas eu d'épidémie. Le troisième étage est composé comme la deuxième.
Au rez-de-chaussée, se trouve une grande cuisine bien propre qui marche à l'électricité et au bois, Plusieurs magasins y font suite également, tenus très proprement où on garde les différents vivres. Les douches s’y trouvent également installées depuis trois mois. Il n'y a pas de rats et presque pas de souris.
Il y a une dépendance qui fait encore partie du Centre à trente mètres environ, où il y a des chambres de familles et une chambre au rez-de-chaussée où couchent 10 orphelins, seulement ceci n’est pas un très bon arrangement puisqu'ils sont sans aucune surveillance.
Devant l'hôtel il y a toute une partie du boulevard avec des bancs à la disposition des enfants ; que dès qu’l y a un enfant français qui s’y montre, il y a bagarre.
ÉLECTRICITÉ
Toutes les chambres, évidemment, ont de l’électricité.
CHAUFFAGE
Les salles de classe et la crèche sont chauffés avec un poêle de fortune, marchant au bois, mais on aurait besoin d’autres poêles qui pourront être fabriqués par le mécanicien qui est sur place, pour la salle à manger et les autres salles de classe.
BESOINS
Vêtements et chaussures pour les 40 orphelins, ainsi que des chaussures pour le jardinier et le planton, qui ont respectivement 57 et 70 ans, Du savon est également très nécessaire pour tenir tout ce petit monde propre. Le directeur nous a demandé, le cas échéant, un peu de chocolat et un peu de lait concentré sucré. Autrement son magasin est très bien fourni. Il a l'air de savoir très bien organiser son centre.
IMPRESSION GÉNÉRALE
Maison bien tenue, bien organisée, fort bien ravitaillée. Le Directeur a l'air d'avoir un esprit très amical. Difficultés internes mentionnées plus haut.
C. BLEULAND Stanley JOHNSON
Déléguée Délégué
Source: American Friends Service Committee Records Relating to Humanitarian Work in France, 1933-1950.
Séries II TOULOUSE OFFICE. Sub-series: REPORTS Box 26 Folder 17. American Friends Service Committee 1501 Cherry Street Philadelphia, PA 19102
Si vous avez des documents Écrivez-moi
|