Camp de rassemblement pour des déportés Polonais à RABASTENS (Tarn)

 Rapport de visite du secours Quaker de Toulouse

 

À Rennes, des colons allemands ont été enfermés dans le camp Margueritte de Rennes. Ici, ce sont des Polonais déportés de la Pologne en Alsace par les  Allemands.  Ils ont été placés dans des fermes en familles entières.

 

Secours Quaker                                                                                      le 31 juillet 1945
Délégation de TOULOUSE
         SJ/MJ

Camp de rassemblement pour des déportés Polonais à RABASTENS (Tarn)  

 

Monsieur CHAPELLE, du Ministère des Prisonniers et Déportés nous a demandé s'il était possible de donner un peu de lait à un camp de rassemblement  pour des déportés Polonais, à RABASTENS.

Une visite a été faite au camp le 24 juillet par Margaret de SCHWEINITZ et Stanley JOHNSON, accompagnés par Monsieur CHAPELLE et de l'assistante sociale du  département à TOULOUSE.

LE CAMP:

Le camp est situé à 1 ou 2 kilomètres au nord de la Ville de RABASTENS.

II y a une douzaine de baraques faites en concrète et tuiles.  Chaque  baraque a environ, 25 mètres do  long,  8 mètres de large et à l'intérieur, 3 mètres de hauteur.

Toutes les baraques ont l'électricité.

Il n'y a pas de jardin dans le camp et la seule ombre est donnée par deux grands arbres.

Les hébergés eux-mêmes ont préparé une salle de fête. Il y a une salle de classe où deux monitrices (hébergées polonaises), se partagent le travail. L'une  apprend  le catéchisme et l'autre les leçons.

4 baraques servent de dortoir et une baraque sert d'infirmerie  où il y a une salle d'attente et des salles pour les pansements, pour les maladies contagieuses  (4 lits), pour hommes (3  lits). Il y a une visite médicale chaque matin.  Les pansements sont faits les après-midi.

Il y a l'eau courante de la Ville, dont l'installation a été arrangée par le capitaine du camp.

Cuisine   : La cuisine était propre mais formidablement chaude, il y avait des oignons, des carottes, des choux et des pommes de terre.

LES HÉBERGÉS :  A présent, il y a 273 personnes dans le camp qui peut en recevoir jusqu'à 600.  II y a même 150 enfants dont plus de 50 sont âgés de moins de 5 ans, et 70 de 5 à 10 ans.

Les Hébergés sont des Polonais déportés de la Pologne en Alsace par les  Allemands.  Ils ont été placés dans des fermes en familles entières. Ils sont dans le camp depuis 3 semaines.

PERSONNEL

Le personnel est composé de femmes de  l'Armée auxiliaire
" Française, dont une « lieutenante » parlant, allemand, russe et un peu le polonais et l'anglais; d'officiers de l'Armée française dont deux docteurs, il y a une infirmière dans le camp et une assistante sociale qui demeure tout près.

On nous a dit qu'il y avait une permanence jour et nuit.

 D’après ce que nous avons vu, tout le personnel s1intéresse beaucoup à l'état des hébergés et semble être de très bonne volonté.

Voici les noms dos personnes composant le personnel:

- « Lieutenante ».......... Madame MAUREL

- Infirmière............. Madame TRECA

- Docteur................M. ALADENISE,

- Assistante sociale.....Madame :MOUGIN (Château de Fontoussières.

SURVEILLANCE: Toutes les chambres sont inspectées chaque matin. Les gens semblent avoir peu d'idées d'hygiène mais la santé du camp est pourtant bonne et le travail médical se borne en pansements, etc.
 

RAVITAILLEMENT: Le camp reçoit 15 litres de lait par jour et a en réserve, très peu de lait concentré. La région manque de lait à cause de la sécheresse. On doit apporter le foin pour le bétail, de la Haute-Garonne, mais il y a beaucoup de difficultés à cause des transports. Alors la plupart du lait est demandé par la crèche de la Ville.

Le camp est ravitaillé par l'Intendance.

Sucre : Tout le monde reçoit la ration normale de sucre qui est donné un peu chaque jour.

Légume verts : Ils sont rares et chers.

Pâtes : Il n’y a pas beaucoup de pâtes.

Haricots : Il n’y en a plus.

On a estimé qu'il manque environ 30 litres, de lait par jour.

BESOINS SPECIAUX DU CAMP:

Le camp qui est tout à fait provisoire et où les gens ne resteront pas longtemps si leur rapatriement est bientôt possible, a grand besoin de lait e de choses sucrées pour les enfants.

Il a aussi besoin de livres, cahiers, crayons et tout le matériel nécessaire pour la salle de classe.

DENRÉES laissées au camp : 3 cartons contenant :

- 72 boîtes de lait en poudre
- 50 kilos de flocons d'avoine
-  5 morceaux de savon (250 g par savon.


Secours Quaker                                                                                                          Toulouse le 17 octobre 1945

Délégation de TOULOUSE

SJ/ML

Camp de RABASTENS (Tarn)


(Rapport sur la visite du 7 août faite par Marjorie SCHAUFFLER et Stanley Johnson , accompagné par M. Igor YEROCKINE délégué de l’Union chrétienne des Jeunes Gens Internationale à Marseille)

Nous avons fait une visite assez brève à Rabastens.

École

Il y a maintenant un homme qui va se charger de l’école. C’est un artiste polonais qui n’a jamais été instituteur. L a direction du camp, n’est pas très contente parce qu’il est ivrogne. On a acheté pour les salles de classe des pupitres neufs.

Ravitaillement

Les hébergés reçoivent les rations militaires de vivres et de tabac, c'est-à-dire 12 paquets de cigarettes par mois.

Il y a tous les jours un goûter pour tous les enfants et les vieillards, fait de lait en poudre que nous avons donné.

Conditions de loisirs

L’Union chrétienne des jeunes gens, a donné 2 harmonicas, 2 boîtes A.K., des jeux, 2 ballons de football, vessies et 2 jeux d’échecs et dominos.

Il y a un grand besoin de livres en polonais et nous avons entendu dire que l’Union chrétienne des jeunes gens en ont fait imprimer.

Santé

L’état physique des hébergés est bon. Il y avait seulement deux cas d’impétigos parmi les enfants. Il y a au moins 3 idiots dans la classe. un de 2 ans, de 10 ans, et de 20 ans.

La lieutenante MAUREL a dit avoir amené à Toulouse pour consulter un spécialiste un enfant qui ne pouvait pas parler à cause d’un défaut de palais ; malheureusement le spécialiste n’a rien pu faire.

Nous citons ces cas comme typiques des soins de la direction pour les hébergés.

Stanley JOHNSON
Délégué

 

Secours Quaker                                                                                    le 10 décembre 1945
Délégation de Toulouse
BO/-MLF

CAMP POLONAIS DE RABASTENS

Visite de Stanley Johnson et Toot Breuland le 22 novembre 1945

Depuis le 7 août se fut la première visite à ce camp où heureusement l'état de santé est satisfaisant.

Effectif

Depuis environ 3 mois l'effectif est monté à 683 personnes du fait d'un certain nombre de Polonais venus du camp de l’Isle-Jourdain. Actuellement il y a :

- 243 hommes
- 216 femmes
- 102 enfants de 0 à 6 ans
- 122 enfants de 6 à 14 ans


L'état sanitaire est satisfaisant et l’infirmerie est vide.

Le lieutenant GAMORY est le chef du camp et son chef supérieur, le capitaine PORCHERET qui commande les camps de Rabastens et l’Isle-sur-Tarn.

Le lieutenant GAMORY est un homme jeune, intelligent et sympathique et nous avons longuement causé avec lui sur le camp et ses problèmes avant de visiter les baraques.
À cause de l’approche de l'hiver les rapatriements ne recommenceront qu’en avril et puisque le camp de Rabastens est bien équipé pour l'hiver, on a rapatrié il y a quelque temps des Polonais d’autres centres, moins bien installés. Probablement, que le camp de Rabastens sera un des derniers dont les rapatriements se feront.

Chauffage

Les familles sont installées par chambre dans les baraques et chaque chambre à un poêle-cuisinière chauffé au charbon. Le commandant a pu débloquer pas mal de charbon. Il y a aussi du bois, mais il est plus difficile à l’obtenir. 

Ravitaillement

Depuis le 1er novembre les hébergés n'ont plus la ration militaire mais la ration civile. Un déblocage de pommes de terre a été obtenu.

Les enfants ont un goûter à 4 heures bien qu’il y a des difficultés d’avoir de la farine pour ceux de 0 à 6 ans. Ce goûter consiste soit en pommes de terre, farine ou confiture.

Lait

Tous les enfants touchent le lait frais selon leur catégorie et en plus le lieutenant GAMORY achète 55000 francs de lait concentré par mois. Il a 35 francs par jour et par hébergé.

Tabac

Depuis le 1er novembre la ration de tabac est celle des civils.

Médecin

Depuis un mois, le docteur français qui était au camp avant est mobilisé et il est par un médecin polonais résident.

Vêtements

Les hébergés ont touché des vêtements de l'Américan War Relief et le camion du camp (un Dodge qui fait 3 tonnes avec la remorque) doit monter à Paris pour chercher encore des chaussures. Le lieutenant GAMORY nous dit que les chaussures pour les tout petits et jusqu’à 10 ans, manquent. Cependant, la plupart des enfanta sont chaussés convenablement. Les chaussures avec semelles de bois distribuées aux enfants en été, sont presque complètement usées.

Travail

Ceci est un vrai problème. Presque tous les hébergés, aussi bien hommes et femmes préfèrent ne pas travailler. Bien que pour les femmes, il y a beaucoup de demandes comme femme de ménage et bonne, mais elles ne veulent pas accepter. Seuls, quelques hommes travaillent aux mines de Carmaux. Il n’y a qu’une vingtaine de personnes qui cherchent du travail sur les 450 adultes du camp.

Même pour le travail au camp, on ne trouve pas de volontaires et n’y a que des corvées pour le nettoyage des réfectoires et pour faire la vaisselle.

Pour tout autre travail, cuisiniers, sciage de bois, le service des douches etc. Le service du camp paie 12000 francs par mois. Même pour couvrir les ordures tous les jours de quelques pelletées de terre, ce qui représente un travail de 3 minutes, le chef de camp a été obligé de retirer le salaire du chef de baraque pour payer ce petit travail journalier de 3 minutes !

Tous ces Polonais qui étaient déportés avec leurs familles sont toujours restés ensembles, prétendent avoir le droit de se reposer et avoir tout gratuitement. Seuls, quelques déportés de Dachau et des hommes qui ont beaucoup souffert, se rendent utiles où ils peuvent au camp et se sont aussi les seuls qui ne se plaignent pas. L’un d’eux a été choisi par un SS pour servir comme « tête de turc ». On lui tapait sur le crâne avec un marteau et il ne fallait pas s’évanouir, ni crier. Il en a les yeux affectés, mais malgré cela il est plein de courage et travaille où il peut.

Les autres font beaucoup de marché noir et sont même souvent allés à Chalons et Reims et revenaient avec des vêtements américains, qu’ils vendaient à des prix extrêmement élevés en ville. Depuis le 1er novembre, les autorisations de voyages sont arrêtées sauf des raisons vraiment valables.

Ceux qui sont toujours prêts à travailler sont le maçon et le menuisier et ils travaillaient bien ; ils ont l’orgueil de leur métier.

Il y a également un vacher «  spécialisé » qui a été aux États-Unis. Il vient périodiquement demander du travail, mais les fermes très modestes du Tarn ne lui conviennent pas. Il a l’habitude de s’occuper de moins. Maintenant, c’est lui qui va chercher le lait et fait de petites besognes en attendant de trouver la ferme idéale.

Réfectoires et cuisines

La cuisine est flanquée de 2 réfectoires. Lorsque nous sommes entrés à la cuisine on allait commencer la distribution. La viande était coupée en morceaux, la soupe, les légumes prêts à servir.
Pour des raisons d' hygiène, les cochons sont interdits au camp, mais il y a un arrangement avec un boucher en ville qui donne chaque mois un cochon en échange contre les restes de la cuisine.

École

Une salle de pansements est très bien tenue par une infirmière de la Croix-Rouge française, dévoués, ferme et connaissant parfaitement son métier. Elle dispose d’une assez grande quantité de médicaments au Ministère des Prisonniers et Déportés. Les salles de l’infirmerie sont très propres mais vides, ce qui fait sont orgueil.

Laissé au camp:
- 2 boîtes d’Ovomaltine
- 4 savons de 250 g
- 1 tondeuse
- 1 ballon de football et une vessie de l’Y.M.C.A.

 

Stanley Johnson Toot Bleuland

Délégué. Déléguée

 

Secours Quaker le 15 décembre 1945
Délégation de Toulouse

CAMP DE RABASTENS

Visite faite le 4 décembre 1945 par Stanley Johnson

Cette visite a été faite en allant à Brens pour montrer aux Polonais les jouets faits par les prisonniers de Mauzac pour les enfants de Brens.

J’ai discuté avec madame Maurel et l’homme de confiance la question de la fabrication des jouets, et nous avons montré notre chargement aux hommes du camp. J’ai été très peiné d’entendre ces hommes, qui ne font rien, déclarer qu’ils ne voulaient pas faire qu'ils ne voulaient pas faire des jouets, même pour les enfants de leur camps, sans être payés. En effet, cela démontre plus que nous ne saurions l’expliquer les difficultés qui se présenteront lorsqu’on essayera de réhabiliter ces hommes.

Tout de même, s’ils font des jouets contre paiement, je crois que ce sera un peu de progrès sur leur méthode de gagner de l’argent en faisant du marché noir. Ils ont été vraiment impressionnés par les jouets faits par les Allemands.

Fêtes de Noël

Madame Maurel nous a demandé si nous pouvons donner un peu de cacao pour un goûter de Noël pour tout le monde. J’ai dit que j’étais sûr de ne pouvoir le faire pour tout le monde, mais que je demanderai s’il nous était possible de le faire pour les enfants.

Stanley Johnson

Source: American Friends Service Committee Records Relating to Humanitarian Work in France, 1933-1950.

Séries II TOULOUSE OFFICE. Sub-series: REPORTS Box 26 Folder 16-29. American Friends Service Committee 1501 Cherry Street Philadelphia, PA 19102

Autres sources disponibles: AD du Tarn :348W84

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