CAMP DE GURS

 Rapports de visite du secours Quaker de Toulouse

Camp de Gurs

source photo : Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, 1 M 182
crédit photo : D.R

 

Secours Quaker                                                                                                             le 31 octobre 1945

Délégation de Toulouse

BO/-MLF

CAMP DE GURS

Visite de Stanley Johnson et de Toot Bleuland le 31 Octobre 1945

Après la fermeture du Camp de Gurs en Octobre 1943, c'est la première fois que nous visitions Gurs.

C'est actuellement un camp de politiques français et espagnols qui ont traversé les derniers mois la frontière espagnole.

On nous a laissé entrer immédiatement et nous avons pu faire la connaissance du commandant, M. URRETY qui était avant Directeur du Sanatorium surveillé de La Guiche (Haute-Loire) et de son Directeur-adjoint : Monsieur SELVEZY et Madame SELVEZY qui s'occupe un peu au point de vue social parmi les internés.

Effectifs

L'effectif actuel se monte à 334 personnes, mais a une capacité de 1500.

II y a au total 201 Français parmi les internés dont 40 femmes et 7 enfants plus un bébé. Il s'y trouvent également quelques Belges et une famille hollandaise que le Consul a vu lors de sa visite au camp tout dernièrement. Quelques hébergés sont en permission donnée par le Préfet ou le Commissaire de police.

Le Directeur nous a dit que depuis la Libération, il n'y eu de décès au camp de Gurs.

Les rations ont pu être améliorées grâce aux démarches faites par la direction, car les internés avaient seulement que la ration rurale qui était nettement insuffisante. Maintenant ils touchent la ration des droits communs.

Une partie des internés qui figurent sur l'effectif, se trouvent soit à l’hôpital (13) ou à la prison (73) de Pau.

Nous avons visité d'abord le cimetière ou on était entrain d'arranger proprement les 1500 tombes.-(des personnes internées de 1940-43)

Après nous avons fait une petite visite à nos anciennes baraques qui se trouvent entièrement démolies. Du reste, la plus grande partie du camp, se trouve en démolition, les planches disparaissent successivement des baraques et le directeur voudrait arriver à faire faire des baraques « propres » avec les vieilles baraques.

150 baraques, dont notamment les îlots F. E. H., ont été remises en état, c'est-à-dire, surtout l'îlot F. et E., où on a mis de la tôle par dessus la toiture et blanchi l'intérieur des baraques

Îlot H. des Femmes

N’a pas cette toiture. L'impression générale des baraques reste toujours affreusement pénible et lamentable. La lumière du jour se montre entre les planches. Il manque beaucoup de vitres et les baraques sont sombres puisqu'il s'y trouve qu'un petit nombre de lucarnes faites soit avec du vitrex, soit avec des vrais carreaux, mais malheureusement, pas mal encore sont en bois. Le tout fait un effet de pauvreté et de misère extrême.

Vu l'effectif peu nombreux au camp, il n'y a pas trop de personnes par baraque, puisqu'il n'y a dans une baraque que 14 femmes.

Elles ont en général 4 couvertures et un sac de couchage comme draps.

Dans l'îlot des femmes se trouve une pauvre Russe se trouve au camp pour la 6ème année. Une famille espagnole avait 10 enfants : elle attend son expulsion.

Ilot F. des hommes

Dans cet îlot sont mélangés les Français et les espagnols qui ont franchi la frontière dans les mois précédents.

Ils ont des lits en bois avec des paillasses et plusieurs couvertures. La plupart des hommes sont des Espagnols qui se disent antifascistes et déserteurs de l'armée. Ils avaient été condamnés à des travaux forcés allant de 10 à 30 ans par Franco et ont pu s’échapper à la frontière, des Pyrénées où ils devaient construire des fortifications. Ce sont surtout des jeunes d’une vingtaine d’années, presque tous Basques.

Un Comité d'espagnols républicains à Pau est rentré en contact avec eux.

Baraque de représailles

Nous avons visité également une baraque de représailles où il y avait un certain nombre d'internés pour tentatives d’évasion.

D'autres qui ont visité l'îlot des femmes et encore quelques autres mais des "franquistes", que la Direction a mis là par mesure de précaution puisque les Espagnols communistes les molestaient. Seuls ces derniers ont des paillasses et les autres couchent sur des bat-flancs sans paillasse avec juste leur manteau et leurs couvertures..

Le médecin venait de faire un rapport qu'il a remis à la Direction, protestant au point de vue humain et d'hygiène, contre la baraque de représailles et surtout sur la façon dont couchent les hommes.

Infirmerie

L'Infirmerie se trouve dans les anciennes baraques de l'hôpital et consiste en deux salles bien chauffées. Ils s’y trouvent 4 femmes et dans la salle des hommes : 4 hommes, tous en voie de guérison.

Ils se louaient tous, des bons soins du médecin qui est le docteur LICHTENBERG, un ancien interne du camp de Gurs, mais qui maintenant travaille librement.

II y a quelques cas de sous-alimentation au camp.

Une salle de pansements avec pas mal de matériel, ainsi que une pharmacie et une salle de consultations se trouvent à l'infirmerie qui est assez propre.

Chauffage. -

La Direction du camp a fait un stock de 1000 stères de bois et 30 tonnes de charbon pour le chauffage des baraques et la cuisine.

Les poêles ne sont pas encore montés dans les baraques mais Monsieur SELBEZI venait de donner l'ordre au chef d'îlot de faire monter les poêles.

Ravitaillement

Depuis assez longtemps la soupe consiste en carottes, courges, et oignons car les pommes de terre manquent totalement. Monsieur SELVEZI voulait donner des ordres à la Gestion pour changer et leur donner des légumes secs.

Le Directeur a refusé de rester au camp si on n'améliorait pas le ravitaillement des internés et depuis le 1er octobre les rations ont été augmentées (ration des droits communs ainsi que mentionné plus haut).

Vermine

Pratiquement la vermine n'existe pas au camp.

Lavabos

Les lavabos ainsi que les cuisines des îlots se trouvent en plein air sous une toiture. Ce sont des auges à laver avec des robinets à l'eau froide.

Besoins

Comme toujours, les besoins sont les vêtements d'hommes et aussi pour quelques uns des enfants. Notamment pour la famille espagnole avec les 10 enfants. Il faudrait également un peu de suralimentation pour les quelques cas de sous-alimentés. II y a eu 26 tentatives d'évasion au camp.

Les Espagnols nous ont dit qu'ils ignoraient que la France les mettait en camp près avoir franchit la frontière, mais que dépendant, ils préféraient être dans des camps que de rester en Espagne.

Impressions Générales

Le camp, malgré les petites améliorations, fait toujours un effet lamentable comme dans les débuts.- Le traitement des internés est bien et les relations entre la Direction et les internés ont l'air d'être bonnes. Madame SELVEZI s'occupe avec l'Œuvre sociale française du travail social. Nous lui avons laissé 3 savons à 250 G pour donner aux femmes avec des enfants et 3 autres morceaux au docteur pour l'infirmerie. 

Stanley Johnson                   Toot Bleuland

Délégué                     . Déléguée

 

Source: American Friends Service Committee Records Relating to Humanitarian Work in France, 1933-1950.

Séries II TOULOUSE OFFICE. Sub-series: REPORTS Box 26 Folder 17. American Friends Service Committee 1501 Cherry Street Philadelphia, PA 19102

 Si vous avez des documents Écrivez-moi