26/12/2004

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Le cruel destin des membres du réseau de résistance "Oscar-Parson" au Pays de Guer-Comblessac
1943-1945

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Le camp de Dora et Bergen-Belsen
Témoignage de Joseph Daniel

Les exécutions | La nourriture | Malade | La correction d'un kapo | Libérés |
 La mort de Sébastien Lerat et d'Edouard Dugué |

"On est parti de Buchenwald pour Dora le 18 avril 1945, accroupis sur des remorques de camions.

D'après le document qui reproduit la fiche de route, Henri Paistel, Félix Landais, Jean et Donatien Lerat, Maurice Lefouillé et Edouard Dugué étaient également du convoi, mais je ne les ai pas vus. Et puis, vous savez, seuls nos numéros étaient appelés, pas nos noms.

Dora, c'était une grande usine souterraine où étaient assemblés les fameux VI et V2.

Je n'ai pas participé à creuser cet immense tunnel, ni les galeries latérales. C'était de la tuffe, la flotte pissait du plafond. Il y avait un tas de boue devant les paillasses qui étaient elles-mêmes mouillées. On montait sur les cadavres pour grimper sur nos paillasses mais ça ne nous faisait pas plus que de voir des mouches crevées. Ceux, oui ont creusé ces galeries sont presque tous morts à cause de la poussière et de l'humidité.

Avec " Bidule "(Louis Durandière), nous travaillions à établir une gare de triage, donc à l'extérieur. Nous n'avons couché qu'une vingtaine de jours dans le tunnel ; après on est allé dans un baraquement, c'était quand même beaucoup mieux et surtout moins humide.

La nourriture

Tôt le matin, c'était le réveil, à grands coups de gueules des kapos*. On avait droit à un bout de pain noir et à une boisson noirâtre qui passait pour être un café, et qui nous arrivait plus souvent tiède que chaude. ( On m'a dit que c'était une décoction de glands ou de marrons.) Vers midi, en principe on avait droit à un litre de soupe par personne. Il s'agissait en fait d'un bouillon de légumes peu épais et qui se trouvait encore allégé du fait que les kapos ne remuaient pas la soupe avant de la distribuer, se réservant ainsi pratiquement tous les légumes. On recevait aussi un bout de pain et 2 rondelles de saucisson ou un morceau de margarine, ou encore une cuillerée de confiture ou de fromage blanc. Le soir, on dînait léger, juste une soupe

Au moment du débarquement, le directeur du camp nous a réuni par nationalité et nous a annoncé lui-même que les Alliés avaient débarqué mais qu'ils seraient rapidement rejetés à la mer. Au fur et mesure que les Alliés avançaient, les SS et les civils allemands étaient plus durs. Tu devenais un saboteur pour une peccadille; et la punition était simple, la pendaison.

L'hiver, il nous est arrivé de casser des traverses de chemin de fer pour faire du feu. Si on avait été pris, on était bon pour la pendaison. Quand les Kapos passaient, ils renversaient parfois nos brûlots de fortune, mais on les remettait en place quand ils étaient plus loin.

Les exécutions

Un jour, ce devait être un dimanche, on nous a rassemblés sur la place d'appel. Ils ont appelé les plus jeunes du kommando, on se demandait ce qu’on avait fait. C'était pour nous distribuer la nourriture qu'ils n'avaient pas donnée aux condamnés, ( seulement quelques rondelles de saucisson) et leurs cigarettes. On a eu une sacrée trouille. Les condamnés ont été amenés, ils avaient les mains liées dans le dos et un bout de bois entre les dents. Les faits qui leur étaient reprochés ont été lus et la sentence proclamée. ......C'était du sabotage, ils étaient condamnés à être pendus. Il y en avait 9, c'était des Russes. Ils ont été accrochés tous ensemble à un élévateur. Il n'y avait qu'une corde et un crochet par condamné. On était obligé de les regarder.

Malade

Pendant cette période, un matin, je n'arrivais plus à tenir debout, ce sont 2 copains qui m'ont soutenu pour l'appel et ensuite ils m'ont emmené à l'infirmerie, car j'avais de la fièvre et peut-être aussi de la faiblesse. C'était un vétérinaire de Redon que je connaissais qui faisait fonction de médecin, un certain M.... dont je tairai le nom, car ses enfants, s'il en a, n'ont pas à rougir de ses actes. Il n'a pas voulu me reconnaître malade, car je n'avais pas assez de température ( il m'aurait fallu avoir 39°).

J'étais donc condamné à être achevé d'une balle dans la tête et envoyé au four crématoire. Heureusement pour moi, je souffrais d'une hernie ; un infirmier m'a retenu pour me faire opérer et c'est de cette façon que j'ai pu m'en sortir. Mon séjour en hospitalisation m'a permis de reprendre des forces. Quand je suis revenu au travail, j'allais tous les soirs me faire faire un pansement. Cà ne tenait pas longtemps car c'était des pansements en papier crépon. Enfin, çà s'est arrangé. Sur le coup, j'en voulais à ce médecin, mais à la réflexion, je me demande ce qui lui serait advenu si un SS ou un Kapo s'était aperçu que je ne faisais pas le degré de température requis pour être hospitalisé. Peut-être qu'il aurait perdu sa place à l'infirmerie, et il n'avait sûrement pas envie de venir travailler avec nous. Mais quand même, ce n'est pas grâce à lui si je suis revenu de là-bas.

La correction d'un kapo

Plus les Alliés approchaient, plus la nourriture était rare.Pendant une quinzaine de jours, on n'a rien eu ; j'avais trouvé des pissenlits qui poussaient sous les baraques, je les mangeais. Cela m'a valu une bastonnade par le kapo qui devait être polonais, j'avais osé utiliser de l'eau du lavabo pour laver mes pissenlits. Il m'a fait m'allonger, le ventre sur un tabouret, et il m'a frappé avec son bâton. C'est un copain qui a réussi à le faire arrêter ; je n'ai pas pu me coucher sur le dos pendant un bon moment mais je n'ai pas gardé de trace. Tous les kapos avaient cette espèce de trique, un bâton de la grosseur d'un manche à balai et d'un mètre de long à peu près. Les SS avaient tous leur bâton eux aussi et même si on ne faisait pas de faute, que ce soient les kapo ou les SS, çà ne les gênaient pas de nous en flanquer un coup sur les côtes en passant, comme çà, rien que pour le plaisir.

Libérés

Quand les Alliés ont été plus près de Dora, on a été embarqué vers Bergen-Belsen sur des wagons plats. On était assis à même le plancher avec interdiction de bouger. A un moment, les avions anglais ont mitraillé la locomotive ; le convoi s'est arrêté. Certains en ont profité pour s'évader, mais la plupart ont été repris ou tués par les gardes. Les civils allemands et même les gosses ramenaient les fuyards à coups de pierres. Louis Durandière et moi, c'est à Bergen Belsen que nous avons été libérés par les Anglais.

Les Allemands étaient partis et nous avaient laissés à la garde de Hongrois. Les kapos s'étaient réfugiés dans un baraquement à l'écart. Si les Anglais ne s'étaient pas interposés, les prisonniers les auraient tous massacrés. Ceux qui ont été attrapés ont payé les saloperies qu'ils nous avaient faites. C'est au cours de l'une de ces haltes forcées que Jean Lerat s'est évadé avec un autre copain. Ils sont restés 4 jours et 4 nuits perchés dans un arbre. Les patrouilles sont passées au-dessous d'eux et par chance, elles n'avaient pas de chiens. Jean et son copain sont descendus et ont marché dans la forêt. A la lisière de celle-ci, ils ont vu un attelage travailler dans un champ. Prudemment ils ont observé le paysan, et, surprise, ils l'ont entendu jurer en français. Toujours sous le couvert, ils se sont donc déplacés de façon à se trouver près de lui lorsqu'il arriverait en bout de champ. Là, nouvelle surprise pour Jean Lerat quand il a reconnu dans le prisonnier laboureur, Léon Amice, un gars de son pays, Augan. Ils sont restés dans le bois jusqu'à la nuit, se sont changés avec les effets qu'il leur avait apportés, puis ont rejoint une cache dans la ferme où il travaillait. Quelques jours après, les Alliés étaient là,et ils étaient libres.

 La mort de Sébastien Lerat et d'Edouard Dugué

 Si Joseph Daniel et " Bidule " ont eu la chance d'effectuer le trajet Dora Bergen-Belsen en train, et d'être abandonnés à la garde de Hongrois, d'autres ont eu moins de chance. Il faut nous rappeler la tragédie des prisonniers torpillés sur la mer baltique alors qu'ils se croyaient en voie d'être libérés. D'autres ont fait le voyage à pied, toujours encadrés par les SS et leurs chiens. Lorsqu'un prisonnier ne pouvait plus suivre, il était abattu sur place. La voiture balai transportait les cadavres jusqu'à la halte suivante. C'est ainsi que Sébastien Lerat et Edouard Dugué sont morts, entre Dora et Bergen Belsen. Une fosse commune recevait les corps et on repartait, parfois d'où l'on venait en fonction de l'avance des Alliés.

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