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  Lignères-la-Doucelle 13 juin 1944

Affaire du Camp de la Gérarderie.

Témoignage

         

  Pour enrichir la mémoire du passé, nous recherchons des témoignages ou des documents (photographies de résistants et des monuments commémoratifs)  sur cette affaire      memoiredeguerre35@yahoo.fr
 

 

Témoignage de Simone Viel Puech.

«A la Gérarderie, le 13 juin 1944, après le repas de midi, « Maxime» (mon père Almire Viel), « Marsouin » (André Mazeline), « André » (Albert Rave) attendent en vain « Gérard » (Daniel Desmeulles), chef départemental de l'AS de l'Orne qui venait inspecter notre maquis En effet, prisonnier dans l'école de Lignières, où il était venu demander notre position exacts, Gérard était alors transféré par la Gestapo à la prison d'Alençon. Maxime, après avoir confié le commandement du maquis en son absence à André, part avec Marsouin et Georges (Rodrigues) peu de temps avant l'attaque.


La bataille commence par des rafales de FM allemand récupéré le matin même, tenu, assez loin de la ferme, par Roland et Alain, puis bientôt les coups fusent de toute part. Rave dirige la défense pendant plus de deux heures, puis il ordonne le repli. C'est à ce moment qu'Alain Legac rentre, blessé à la tête et au bras. Je lui fais rapidement un pansement au bras (j'ai passé en 39-40 à la Croix Rouge d'Alençon, pendant ma scolarité à l'École Normale, les épreuves d'infirmière auxiliaire de la Croix Rouge française). Mais il est trop tard pour décrocher. Roland gît à quelques mètres de la porte, la face contre le sol ; il est facile de le reconnaître à ses cheveux roux. Alain continue à se battre et lance du seuil les grenades que je lui passe ; puis il me donne l'ordre de tuer les deux Allemands prisonniers, enfermés dans la pièce du fond Pendant que j'y vais, Alain réussit à sortir et à grimper au grenier juste au-dessus  retrouver des munitions : il continue ainsi à lancer de nombreuses grenades, puis je ne l'entends plus. Bientôt, l'ennemi arrive sur le seuil ce la ferme ; je jette le revolver avec lequel je tenais en respect les deux Allemands prisonniers, qui sortent comme des fous, et je suis faite prisonnière et poussée vers quelques camarades déjà désarmés. Je découvre au carrefour du chemin le mortier dont les coups ébranlaient si fort cette vieille demeure qui, de l'extérieur semble presque détruite, Nous sommes entraînés par le chemin jusqu'au carrefour de La Fouchardière où nous rencontrons un paysan voisin, Marcel Cottin, qui paiera de sa vie son obstination à aller chercher ses vaches dans son champ.

Nous sommes avec lui 7 alignés, mains à la nuque, face au talus, les pieds dans le fossé. Il fait presque nuit quand on m'ordonne de me retourner : j'entrevois mes deux prisonniers qui s'expliquent avec des hommes en civil. Ceux-ci me font monter sur un camion militaire où un blessé est allongé, pendant que de l'avant du même camion, ils font monter Paul Lasnier, le blessé français du matin, qu'ils avaient trouvé chez Catois, à la ferme de La Cornière. Tous les camarades sont entraînés dans un champ voisin. J'entends une longue fusillade mais d'où je suis, je ne peux rien voir.

Mon camion part aussitôt pour s'arrêté: à Lignères chez Catois, où le docteur Lasserre, prisonniers des Allemands avec le vétérinaire Planchais de Pré-en-Pail, monte dans le camion, examine le blessé et dit qu'il faut le transporter tout de suite à l'hôpital, aussi, avant de se décharger de moi à la prison d'Alençon les soldats passent-ils par l'hôpital où nous entrons jusqu'au pavillon de chirurgie où cet officier mourra. C'est seulement vers minuit que je me suis retrouvée seule au Château des Ducs, prison d'Alençon. Gérard (Desmeules) m'y a précédée de quelques heures, le Docteur Planchais y est amené dans la nuit mais nous réussiront tous trois à ne pas sembler nous reconnaître. Méfiante, la Gestapo nous dirigera, avec beaucoup d'autres, dont ma propre mère, vers l'Allemagne.

Or, Gérard, que j'avais eu l'occasion de rencontrer souvent comme agent de liaison, venait de séjourner chez mes parents une dizaine de jours quelques mois avant , et le Docteur Planchais avait, quelques semaines avant tout ceci, réussi avec des amis, Albert Rave et Georges Rodrigues, à tirer ma mère des griffes des Allemands, deux heures avant l'expiration du délai donné à mon père pour se présenter à la Kommandantur de la Ferté-Macé; échappé du convoi qui le menait en Allemagne, il exerce toujours, je crois, à Pré-en-PaiL.

Quant à moi, recherchée sous mon vrai nom, j'ai pu donner comme identité Simone Verger et c'est ainsi que, par la suite, j'ai pu ne pas quitter ma mère, Marcelle Viel. arrêtée le 13 juin 1944 à Saint Léonard des Bois (Sarthe) et que je l'ai retrouvée en prison comme en camp de concentration et en Kommando car nos noms étaient proches sur les listes alphabétiques des SS .

J'ai regretté bien des fois en captivité en Allemagne, aux camps de Ravensbrück et de Sachsenhausen. de n'avoir pas exécuté mes deux prisonniers allemands au cours du combat, mais Maxime, mon père, qui commandait le maquis avait dit : « Nous sommes des combattants, non des tueurs ». Je crois qu'il avait raison.


La Ferté Macé le 7 septembre 1968. Signé Puech »

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