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Plan du site- Liste des lieux de déportation

 

Le massacre de Gardelegen

Lors des évacuations, deux convois, de manière fortuite, sont immobilisés à Gardelegen. Quelques détenus parviennent à s’échapper mais une majorité est conduite d’abord dans le manège de l’école de cavalerie, puis dans une grange mise à la disposition des SS par la châtelaine de la région, selon un témoignage.
Des membres du Volkssturm, de l’Arbeitsfront et des Jeunesses hitlériennes participent aux opérations. Les détenus sont regroupés dans la grange. La décision d’éliminer les déportés a été prise par le Kreisleiter de Gardelegen, Gerhard Thiele, le responsable local du parti nazi. De la paille imprégnée d’essence est enflammée. Les détenus qui cherchent à sortir sont abattus. Huit personnes survivront dont trois Français.
Le 15 avril, les Américains découvrent le massacre, dénombrant 1 016 victimes. Ils contraindront la population de la ville à défiler devant les corps calcinés, puis à inhumer les victimes.


Video  sur le massacre de Gardelegen

Ci-dessous le récit d'un survivant d'un convoi vers Gardelegen

 

 Extrait du n° 25 " La CHAINE" de mars/avril 1946 (3ème édition)

DANS LES CAMPS - SUR LES ROUTES

Parmi les 1.016 martyrs de l'holocauste de Gardelegen se trouvaient environ deux cents malades et musulmans du revier du KL. de Hanôvre-Stöcken (dépendant de Neuengamme).

Voici quel fut l'itinéraire d'épouvante de notre convoi au moment de l'évacuation.

Le vendredi 5 avril, les six blocks du camp furent évacués devant l'avance alliée. Je ne sais rien de ce qu'il est advenu de nos camarades considérés comme valides. J'étais depuis un mois dans un bâtiment qu'il est impossible d'appeler une infirmerie et les survivants de l'extermination par dysenterie, tuberculose ou épuisement ne furent pas entraînés dans ce premier exode. Nous pensions avec joie que l'on nous abandonnerait parce qu'intransportables et qu'il ne nous restait plus qu'à attendre nos libérateurs; ils approchaient de Hanovre à toute vitesse; aux dernières heures nous entendions le bruit des combats.

Mais le dimanche 8, à cinq heures du soir, des SS firent irruption dans le block et nous chassèrent de nos paillasses à coups de crosse. Nous étions nus. C'est à peine si nous eûmes le temps de jeter une mauvaise couverture sur nos épaules décharnées. Le troupeau trébuchant, hébété, fut conduit vers un train sous pression. Là, on nous entassa à cent dans d'étroits wagons à bestiaux avec trois ou quatre boules de pain par wagon que les plus forts se disputaient comme des fauves, las autres voyant s'éteindre leur dernière chance de tenir jusqu'à la prochaine libération.

Le lendemain, notre train stoppait en gare de Miesle, à 110 km de Hanovre, les voies étaient coupées. Nous devions y rester jusqu'au mercredi après-midi, dans des conditions dépassant en horreur ce que nous avions subi jusqu'ici; morts, fous et vivants cohabitant dans un  cohabitant en horreur dans un écrasement  plus ou moins paralysés d'apocalypse. Les pauvres diables atteints de dysenterie souillant les autres plus ou moins paralysés par leur faiblesse sans nourriture, naturellement ; gémissements des agonisants, coups de feu des SS; rires dérisoires  pour trois pieds de pissenlits, bruits d'un corps qui s'abat dans une ordure; au-dessus de cette misère, le vrombissement puissant des escadrilles de la RAF qui sèment la mort sur nos bourreaux et leurs complices tacites; la vengeance, l'espoir. Les Américains approchent.

Mais l'ordre d'Himmler est implacable et froidement exécuté. Le 2, on nous fit monter dans des charrettes de paysans conduites par des civils du Volksturm". Et l'enfer continue sous un soleil éblouissant de jeunesse. Dans les voitures, les éclopés que nous sommes se font souffrir les uns les autres sans trouver une position commode. Sur la route, les valides se traînent , la gorge sèche, dévorant des fanes de carottes fourragères. Ceux qui ne peuvent plus avancer sont abattus. Les combats font rage à quinze kilomètres peut-être; nos charrettes à foin roulent lentement; les chevaux sont épuisés. Je passe sur différents épisodes horribles qui n'ajouteraient rien à ce récit.

Dans la nuit du 11 au 12 on nous jette sur la route; il n'y a plus de chevaux; c'est à pied (sans galoches) qu'il faut aller maintenant vers un lieu où, nous disent les SS "vous pourrez vous reposer".

On sait maintenant qu'il s'agissait du repos éternel par la plus affreuse des morts: les flammes. J'ai échappé à cette fin atroce, parce que, n'en pouvant plus, me sentant littéralement mourir (je tombais tous les cinq pas) je me suis vu avec terreur, perdre du terrain. Dans deux minutes, j'allais être considéré comme traînard. La ligne de démarcation se rapprochait de moi; les coups de feu rougeoyaient dans la nuit; les SS et des gosses de Hitler-Jugen ricanaient en faisant des cartons sur les ombres que nous étions. je me suis évadé de la colonne. J'ai réussi par miracle.

Après ma libération, j'ai appris que, à une demi-heure près, j'avais échappé à l'extermination aux lance-flammes.

Je veux taire mon sentiment devant ce crime, unique sans doute, dans les annales de l'Histoire, ce simple récit doit suffire.

Roger Maria, KL Neuengamme, ( déporté le 28 juillet 1944. matricule 40.206)

 

Documents de Wiki Commons

La grange où 1016 déportés furent brûlés vifs dans une grange

 

 



Source: Wikicommons
 

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