Le KL Dora

Plan du site- Liste des lieux de déportation

neemgamme.jpg (58944 octets)

(Documents sur l'usine souterraine de Dora)

Le camp de Dora (mémoire juive et éducation)

Dora se situe à peu de distance au nord-ouest de la ville de Nordhausen, dans le nord de la Thuringe, à quelque 80 km de Buchenwald. La création du camp de Dora est décidée en août 1943, en même temps que celle d'une usine souterraine du même nom pour la fabrication des fusées A4. Cette fabrication avait commencé sur le site de Peenemünde, dans l'île d'Usedom, sur les bords de la Baltique, mais elle avait attiré l'attention de l'aviation britannique qui avait bombardé Peenemünde dans la nuit du 17 au 18 août 1943. La réaction de Hitler, poussé par Himmler, est alors spécialement rapide. Il décide le transfert de l'usine dans un site souterrain, et le recours exclusif à la main-d'œuvre concentrationnaire en dehors des ingénieurs et spécialistes allemands.

Le choix du site souterrain du Kohnstein, au sud du Harz, est aussi très rapide. Il s'agit de deux tunnels parallèles, reliés par une série de galeries, qui ont été creusées pour abriter des réserves stratégiques d'hydrocarbures. La société WIFO, qui exploitait ce dépôt, dut céder la place à la nouvelle société Mittelyverk. Dès le 28 août, un Kommando de déportés de Buchenwald arrive au pied du Kohnstein. Dans les semaines précédentes, Buchenwald en avait déjà envoyé un à Peenemünde.

Les responsables techniques de l'opération de transfert sont des civils de Peenemünde, des collaborateurs de Wernher von Braun, travaillant sous l'autorité des services d'Albert Speer, le ministre de l'Armement, et d'officiers de la Wehrmacht commandés par le général Dornberger. Un des ingénieurs de Mittelwerk fait le plan des travaux envisagés. Il faut à la fois implanter une usine dans " le Tunnel de Dora ", construire un camp de concentration et un camp SS dans un vallon tout proche, faire les travaux de voirie correspondants et placer le tout dans une enceinte électrifiée.
C'est le général SS Hans Kammler, qui fournit la main-d'œuvre et son encadrement, et qui décide des priorités. En dehors des casernements SS et de quelques baraques pour les services généraux, la construction du camp est ajournée, et la priorité absolue est donné à la transformation du Tunnel en une vaste usine moderne. Ce chantier dure de septembre 1943 à mars 1944. Pendant ce temps, les déportés, qui travaillent en deux équipes de douze heures, sont logés dans des galeries du Tunnel dans des conditions abominables et sortent rarement à l'air libre. La mortalité durant cette période, connue comme l'Enfer de Dora, est très élevée. Les cadavres arrivent sans arrêt au crématoire de Buchenwald, et trois convois de 1 000 malades sont envoyés à Maïdanek, puis à Bergen-Belsen. Il y a très peu de survivants. La situation ne s'améliore qu'au printemps de 1944 quand les déportés sont tous logés dans un camp enfin construit.

La mortalité a touché surtout les Russes (et les Ukrainiens), et les Français. De juin 1943 à janvier 1944, huit transports se sont succédés entre Compiègne et Buchenwald, et les transferts vers Dora ont atteint souvent la moitié des nouveaux venus.

La production en série des fusées, après de nombreux essais commence en juillet, et les premiers tirs ont lieu en septembre sur Londres. C'est alors qu'on leur donne le nom de V2. En août 1944, on regroupe aussi dans l'usine du Tunnel la fabrication des V1. L'usine fonctionne jusqu'en mars 1945.
A partir du printemps de 1944, Kammler entreprend la mise à l'abri de l'industrie aéronautique en faisant creuser par les déportés des souterrains dans diverses régions d'Allemagne. La plupart des grands camps sont concernés. Trois vastes chantiers, dont les noms de code sont B 3, B 11 et B 12, sont ouverts au nord, à l'est et à l'ouest du Tunnel de Dora. La plupart des travailleurs sont logés dans les nouveaux camps d'Ellrich et de Harzungen. La mortalité est à nouveau élevée. Elle touche des survivants de l'Enfer de Dora, et des déportés des transports du 12 mai et du 15 août 1944 envoyés à Buchenwald. D'autres déportés, incorporés dans des Baubrigaden, construisent une voie ferrée.
A la fin d'octobre 1944, Dora, Ellrich, Harzungen et divers Kommandos cessent de dépendre administrativement de Buchenwald, et constituent un nouveau camp appelé Mittelbau. Les déportés continuent de porter leurs matricules de Buchenwald et ignorent le changement d'appellation.

L'évacuation des camps d'Auschwitz et surtout de Gross Rosen amène un afflux de nouveaux prisonniers, souvent en mauvais état. Un bâtiment militaire, la Boelcke Kaserne de Nordhausen, recueille les malades des divers camps. Un transport de moribonds, le 6 mars 1945, part vers Bergen-Belsen. On a perdu la trace de la quasi-totalité des 2 252 détenus concernés.

Quand les Américains arrivent le 11 avril 1945, ils trouvent quelques survivants au Revier de Dora, et de rares autres, au milieu des cadavres, dans la Boelcke Kaserne. Pour eux, c'est le nom de Nordhausen qui est resté associé à cette abomination. Presque toute la population de l'ensemble Dora-Mittelbau a été concernée par les évacuations. La majorité est finalement parvenue dans des casernes à Bergen-Belsen. La principale autre destination a été Ravensbrück, et la libération est intervenue alors en divers endroits du Mecklembourg.

Pour l'ensemble Dora-Mittelbau, dont la taille était finalement de l'ordre de 40 000 détenus, les pertes humaines, en un peu plus de vingt mois, ont été de quelque 26 500 victimes, 15 500 dans le camp ou les " transports ", et 11 000 au moment des évacuations.

                                                                           André Sellier (Mémorial Tome I p 174)

(Documents sur l'usine souterraine de Dora)

   
Sources:
Mémorial des déportés de France