10/02/2016

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Une stèle à la mémoire des victimes du 16 juillet 1944 à Bais


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Nous recherchons auprès des familles des documents photographiques  memoiredeguerre35@yahoo.fr  

Témoignage du fils d'Augustin Joseph GAUTIER (Il avait 15 ans à cette époque)

 

      Une stèle à la mémoire des victimes du 16 juillet 1944 à Bais

Article Ouest-France du 21 avril 1997

 

Liste des 5 personnes arrêtées le 16 juillet 1944 au village de la "Gousserie" à Bais par des miliciens. Interrogés sous la torture, ils sont chargés dans un camion pour être achevés d'une balle dans la nuque à La-Maltière en Saint-Jacques-de-la-Lande.

DANIEL Jean-Baptiste. 41 ans. Né à Carentoir (Morbihan) le 14 février 1903, sabotier à Bais. Marié à Jeanne Letournel. Père de deux enfants.

DE BOCK Oscar. Né à Louvigné-de-Bais le 6  avril  1923, cultivateur à Bais. Célibataire.

DESILLES Léon. Léon. 43 ans.

Né le 8 août 1944 à Lalleu (Ille-et Vilaine). Cantonnier. Marié à Florentine Cannecu.

GAUTIER Augustin  sur le déroulement du drame du 16 juilletJoseph. 47 ans.

Né le 26 juin 1893 à Domagné. Exploitant agricole à "La-Gousserie" à Bais. Marié à Rosalie Godet. Père de 5 enfants. Adjoint au maire.

LAMIGE François . Né le 30 juin à Dompierre-les-Eglises (Hte-Vienne), domicilié 24 rue de la Bourdonnais, Paris (1er). Réfugié à Bais. Epoux d'Yvonne Prefest.

Témoignage du fils d'Augustin Joseph GAUTIER (Il avait 15 ans à cette époque)

Il était environ 7 heures 30 ce dimanche du 16 juillet, lorsque mon père et ma soeur Marcelle partirent à la messe. je m'apprêtais à emmener les vaches dans la prairie quand soudain, je vis arriver de la direction de Louvigné-de-Bais, un camion, chargé d'hommes armés jusque dans les bottes.

Le camion s'arrêta et tous ces hommes descendirent comme des sauvages:  c'était la milice, il n'y avait pas de pardon. deux hommes s'approchèrent de moi, et l'un d'eux me demanda:

- "Où est ton père?"

Je lui répondis encore une fois qu'il était parti à la messe.

Puis il nous dit de venir par ici; le coeur commençait à battre fort. Il nous fit traverser la route, et là il y avait un fossé, et deux hommes armés de mitraillettes nous gardaient. Je suis resté dans ce fossé de neuf heures du matin à cinq heures de l'après-midi. ma soeur Marcelle fut emmenée: un médecin étant venu la chercher. Après il y eut un va-et-vient de voitures qui se fit entendre, et tout alla très vite.

 Mon père arriva. On l'arrêta et on lui dit:

-"Regarde ton clocher, car tu ne le reverras plus."

Pauvre papa, il ne savait pas ce qui l'attendait ! Les hommes le poussèrent dans la carrière. moi j'étais toujours allongé dans le fossé. les hommes lui posèrent questions sur questions. ces hommes devenus bourreaux se faisaient entendre en couvrant mon pauvre père de toutes les injures possibles, le traitant de bandit.

Les hommes devirent de plus en plus furieux, et les coups commencèrent à s'entendre dans la carrière. Et là, les cris d'alarme se firent entendre de plus en plus.

C'était tantôt la cravache, tantôt la crosse de fusil qui tombaient sur son pauvre corps, tous déshabillé de ses vêtements. de plus, à chaque coup reçu, il fallait dire pardon: c'était horrible !

Quant à moi, toujours allongé dans le fossé, nje ne savais plus quoi faire. car il y avait par moment des coups qui frappaient si fort qu'on aurait cru entendre des planches claquant l'une contre l'autre. Je m'enfonçais les doigts dans les oreilles pour ne pas entendre ; je ne peux en dire plus long...

Je me souviens qu'à ce moment, un avion est passé au-dessus de nos têtes et je me suis mis à penser:

"Si seulement il lâchait une bombe, tout serait fini". je croyais bien que notre tour arriverait, car les mitraillettes étaient toujours présentes ; et le temps était si long sous ce soleil de plomb.

Il était cinq heures de l'après-midi environ, car je n'avais pas de montre, lorsque les hommes me laissèrent partir. Je  traversais la route, ne pouvant à peine mettre un pied devant l'autre.; mon père était là, allongé sur le sol, ne donnant plus signe de vie.

En arrivant à la ferme, j'étais complètement désespéré, tout avait été dévasté. les foins étaient sortis du grenier. Plus loin j'aperçu du linge que j'avais reçu de mon parrain, et que mes parents m'avaient réservé pour plus tard. Ce linge était imbibé d'essence, prêt pour y mettre le feu.

Je m'en allait à travers champ pour rejoindre la prairie, mais il fallait repasser devant la carrière. là un camion de la milice était sur le bord du chemin, et les pauvres victimes étaient chargés comme du bois que l'on met dans une remorque. Je savais désormais que tout était fini, et que je ne reverrais plus jamais mon cher papa. les larmes me reprirent.

Je sais qu'il y a 40 ans, je n'aurais pas pu écrire ces lignes, car pour notre famille, la honte nous accablait. mais aujourd'hui, je suis fier de savoir que mon cher papa est mort pour la France.

Aujourd'hui la commune n'en parle même pas et elle n'a rien fait en la mémoire de mon père. Se sent-elle coupable pour avoir oublier ces personnes?

 

Récit rédigé par M. Gautier en 1984 pour le 40ème anniversaire de ce massacre et de la libération de la France.