20/05/2017     

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Les fusillés de Landaul

Liste constituée en fonction des documents reçus.

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Landaul     

Au début de l'année 1944, la Résistance organisa des sabotages de la voie ferrée traversant la commune et qui approvisionnait Lorient. De nombreux déraillements eurent lieu entraînant à partir d’avril 1944, les rafles et ratissages des commandos de chasse allemands, suivis de tortures, exécutions et déportations, qui firent de la région une véritable zone de guerre. Le 30 avril 1944, cinq jeunes résistants furent capturés à Brech et fusillés sur la place du bourg, en présence du maire, Mathurin Le Rouzic et d'une quarantaine de Landaulais contraints d'assister à l'exécution. Sur le monument, un sixième, fusillé à Pluvigner, André Le Gleuher, a été ajouté sur la plaque du monument.

 

Le dimanche 30 avril 1944 s'annonçait comme une belle journée : le soleil s'était levé clair et beau, nul ne pouvait penser qu'elle s'achèverait dans la peur, les larmes et le sang. Hormis les temps sombres de la Révolution, Landaul a-t-elle vécu une journée aussi dramatique ? C'est à partir de témoignages et de souvenirs personnels, restés vivaces, que je rappelle ce que fut cette tragédie.
Dès le petit matin, avant même la messe basse de 6 heures, des camions allemands traversèrent le bourg en direction de Brech. Des paroissiens venant à l'office disaient avoir entendu des coups de feu du côté de Kergouarec; d'autres assuraient que le château de Kerambourg avait été encerclé très tôt ce matin-là et que les soldats recherchaient un certain Jean Le Fort. Le château abritait à cette époque une quarantaine de réfugiés de la région lorientaise. Pendant plusieurs heures, les soldats allemands ont fouillé toutes les salles et chambres du château. Mais ils n'ont pu mettre la main sur Jean Le Fort. Celui-ci avait réussi à s'échapper dès les premiers " bruits de bottes " !
Par contre, après de la messe, on vit des camions allemands traverser le bourg et cette fois prendre la direction de Landévant. Les soldats portaient des chapelets de balles autour du cou, ils chantaient. Parmi eux, mais nous l'ignorions, les cinq patriotes de Landaul qui avaient été pris au piège, avant le lever du jour, au village de Kergouarec.
Le calme semblait revenu au cours de la matinée mais l'angoisse demeurait, car la nouvelle de l'enlèvement avait vite fait le tour du bourg. Qui sont-ils ? Où sont-ils? Vers 13 h, des camions militaires arrivèrent dans le bourg venant de Landévant ( en fait de Brandérion ) et se rangèrent sur la place de l'église, sous l'if... Les ordres de commandement claquèrent et les soldats descendirent des camions. Ils se dispersèrent dans le bourg et sur les routes menant au bourg, interdisant toute entrée ou sortie. Ils pénétrèrent chez les habitants, la plupart encore attablés, et ordonnèrent aux hommes et à tous les jeunes gens âgés de 18 ans et plus, de se rendre sur la place de l'église, sans explication aucune..
Il était environ 14 heures. Les hommes, une quarantaine environ, étaient maintenant rassemblés devant le porche de l'église. Monsieur le Rouzic, maire et Monsieur Follic, directeur de l'école publique, sont mis à part comme pour servir d'otages. Sur les entrefaites, arrive Monsieur le Recteur Guillon pour chanter les vêpres, ou peut-être pour partager le sort de ses paroissiens : lui aussi est invité à rejoindre le maire et l'instituteur. Alors commence une longue attente faite d'incertitude. Tous se posent des questions : pourquoi sont-ils là ? Pourquoi ces soldats s'agitent-ils ? Pourquoi avoir encerclé le bourg ?
Au bout de longues minutes d'angoisse, un interprète allemand, un officier, monta sur les marches du calvaire et d'une voix arrogante interpella tous ces hommes et proféra des menaces contre toute la population. "Si les attentats et les déraillements continuent sur le territoire de la commune, le bourg sera brûlé " et pour bien prouver que ses menaces n'étaient pas que des mots, il annonça que "cinq terroristes "ont été pris les armes à la main et vont être fusillés devant vous . "
Les cinq jeunes hommes : Eugène Le Palud 24 ans, François Fayot 23 ans, Francis Hellec 22 ans, Lucien David 22 ans et Victor le Mestre 20 ans, descendirent du camion stationné sous l'if de la place. Ils marchaient ou plutôt titubaient les uns derrière les autres, les mains derrière la tête, et durent s'agenouiller au pignon d'une vieille maison qui se trouvait à l'emplacement des monuments actuels...Au moment où le peloton d'exécution allait ouvrir le feu, on vit Monsieur le Recteur quitter sa place et aller droit à l'officier et lui dire : "On ne tue pas les hommes comme des bêtes " ! Il alla aux condamnés, se pencha sur chacun d'eux et traça sur eux le signe de la Croix en prononçant la formule de l'absolution....Il écrivit dans les archives paroissiales après les prénoms et les noms des patriotes: " Fusillés en plein bourg par les Allemands, le dimanche 30 avril 1944 après avoir reçu l'absolution."
L'ordre de "faire feu" retentit : les cinq patriotes tombèrent sous les balles ennemies ...les corps furent chargés dans un camion militaire qui prit la direction de Brech. Le lendemain on apprit que les corps avaient été découverts près d'une carrière, non loin des Quatre-Chemins, en direction de Pluvigner. Les obsèques eurent lieu le mercredi suivant en présence d'une foule immense et bouleversée.
L'épilogue de ce drame eut lieu dans la crypte du monument aux morts de Sainte Anne d'Auray : c'était le jour du pèlerinage de la paroisse de Landaul, donc en juin 1944. Dans la crypte du monument, le Recteur, d'une voix émue, rappela le sacrifice des cinq fusillés tandis que les sanglots secouaient l'assemblée. J'étais témoin, de fait j'étais choriste et placé tout à côté de Monsieur le Recteur.
A ces cinq martyrs, il faut ajouter André le Gleuher, fusillé à Pluvigner. Son nom est également inscrit sur le monument.
Les semaines passèrent apportant chaque jour son lot d'exécutions sommaires par une armée allemande aux abois. Le 6 juin c'était le débarquement et, après de durs combats en Normandie, l'armée Patton perçait à Avranches le 31 juillet et déferlait sur la Bretagne. Le lundi 6 août, au petit matin, une colonne américaine cette fois, passait à Poulvern. Elle devait être immobilisée sur la place de la basilique d'Hennebont : les Allemands avaient fait sauter les ponts et tiraient au canon des hauteurs de Saint-Caradec. Ils connaissaient à leur tour la débâcle et se réfugiaient, dans le plus grand désordre, dans la "forteresse-Lorient" fusillant ou torturant sur leur passage. Ce fut dans ces circonstances que huit soldats allemands furent victimes de la vengeance. C'était le mercredi 8 août. Voici à ce sujet, la relation de l'ouvrage :" Le Morbihan en guerre".
"Des soldats allemands sont venus de Nostang à Landévant se rendre aux soldats alliés ou aux résistants après avoir tué leur officier qui les menaçait de mort s'ils désertaient. Huit d'entre eux seront conduits à pied à Landaul, les mains sur la tête, pour une sorte de sacrifice expiatoire, à la mémoire des cinq patriotes fusillés le 30 avril sur la place du bourg. Ils furent abattus et enterrés sur place, au pied d'un mur " derrière la cour de l'école...La soif de vengeance était trop forte, la loi du talion fut appliquée : "œil pour œil "..."C'était la haine", m'a dit un témoin de l'époque.

Dossier réalisé par François Jaffré

1- Leroux Roger , Le Morbihan en guerre, 1939-1945
Les Allemands ne disaient pas "maquisards "ou "résistants" mais "terroristes " ! En conséquence, quand ils étaient pris les armes à la main, ils étaient
fusillés sans jugement, après avoir été souvent torturés dans le but d'obtenir des renseignements.
Lien externe: WIKIPEDIA

 

Francis le Hellec, un  résistant du pays d'Auray

fusillé à Landaul le 30 avril 1944

 

 

 

Ce témoignage m'a été relaté par Alcime Le Hellec, habitant d' Auray, frère du résistant, décédé en 2013. Il était  membre de l'amicale FFI du Morbihan, ayant fait partie du bataillon Le Garrec

Claude Le Colleter, Société Archéologie Histoire pays de Lorient

 

Tous les alréens connaissent cette rue proche de la gare.

 1944: une année meurtrière.

 Au début de l'année 1944 les démonstrations punitives de la part des forces d'occupation vont s'intensifier après une déclaration d'Hitler le 3 février demandant une accentuation des représailles.

Le printemps de l'année 1944 va constituer une période particulièrement dramatique

La dénonciation des résistants dans le département du Morbihan est courante, une somme de 200 marks, voire beaucoup plus est souvent proposée par les Allemands. 

L'arrestation des patriotes

Voici le témoignage d' Alcime le Hellec, (il avait 19 ans à l'époque) sur le massacre des martyrs de Landaul où son frère Francis fut fusillé.

« Dans la nuit du 29 avril 1944 les Allemands ont stationné leurs camions près de la chapelle de Tréavrec sur la route qui mène de Landaul à Brech. Ils sont entrés dans la cour de la ferme de mon père, François le Hellec située dans le village. L'officier allemand qui dirigeait les opérations était le chef de la Kommandantur d'Auray. Je me suis réveillé, mon père a eu le temps de me dire de partir discrètement à la ferme de Monsieur Le Méro à Kergouarec distante de deux kilomètres. Ma mission: prévenir les résistants au nombre de vingt cinq exactement, qui était rassemblés dans ce village pour une distribution de tabac comme cela se faisait de temps en temps, le tabac apportant aux patriotes un petit réconfort.

Ces patriotes étaient des F.T.P.C. (Francs Tireurs Patriotes Combattants). Je me suis mis en marche mais au bout d'une centaine de mètres au milieu d'un champ de seigle un Allemand attendait, guettant le moindre fugitif. Il m'a mis en joue avec sa mitraillette, m'a crié « raus ».J'ai dû obéir et rebrousser chemin. J'ai compris que notre village de Tréavec était cerné par les troupes allemandes et que les villages voisins seraient certainement perquisitionnés.

J'ai rejoins mon domicile Nous avons attendu jusqu'au lever du jour.

 A sept heures du matin un petit groupe de  prisonniers est arrivé encadré par la colonne allemande et les soldats  les ont fait monter dans le camion.

 On y reconnaissait:

-Francis Le Hellec, mon frère âgé de 22 ans (né le 4 aout 1922).
 Il avait été interrogé et, sous la menace avait indiqué  son  adresse.

-Eugène Le Palud 25 ans. Eugène était particulièrement recherché car il venait de s'évader d’Allemagne et était revenu en Bretagne par ses propres moyens.

-Victor Le Mestre, 20 ans de Landaul.

-André Le Gleuher, 20 ans de Landaul.

-Lucien David, réfugié à Landaul.

-François Fayot, 23 ans réfugié à Landaul.

Tous étaient cultivateurs.

 

Un sixième homme Eugène Le Méro avait réussi à s'échapper. Malheureusement il décèdera  de maladie quelques temps plus tard en rejoignant Berlin.

Les Allemands étaient furieux et de plus ivres, ils avaient volé de l'alambic et en faisaient  une importante consommation en buvant devant nous à la bouteille.

Mon père s'étant éclipsé, les militaires nous ont alignés moi, ma mère, mes sœurs devant l'entrée de la ferme.

Le chef allemand a hurlé:

Vous êtes tous des terroristes!

Où est votre mari? a-t-il demandé à ma mère.

Je ne sais pas il est parti depuis longtemps, sans doute prisonnier, a t'elle répondu.

Le chef a ajouté:

"Normalement je dois faire fusiller toute la famille mais je vais vous épargner car j'ai quatre fils dans l'armée allemande et deux ont déjà été tués à la guerre."

 Le  château de Brandérion: Le lieu de torture.

Ils m'ont obligé à monter dans le camion avec les autres prisonniers, le père Le Méro nous accompagnait.

On nous a amené au château de Brandérion réquisitionné pendant cette période. Là, ils ont aligné les cinq prisonniers, (je n'étais que le témoin forcé, obligé d'assister à la scène horrible) et les soldats sont venus les chercher un par un.

Il était 8 heures trente du matin.

La torture a commencé, les Allemands les obligeaient à dénoncer leurs compatriotes en leur frappant la tête contre un mur, les patriotes devenaient méconnaissables.

Une poulie avait été placée dans un sapin, les Allemands faisaient monter les corps en haut puis les faisaient dégringoler à terre sur du verre pilé.

Une stèle près du château évoque cet épisode douloureux. Ce château de Kerlivio appartenant au comte Gilles de Goulaine avait été annexé par l'armée allemande.

Il y avait là un véritable centre administratif, une infirmerie, des baraquements. 500 personnes, dont l'état major allemand  y résidaient. 

L'exécution publique au bourg de Landaul

   Ensuite direction Landaul, place de l'église où nous arrivons en camion à 11h30.
Le fermier Le Méro  de Kergouarec fut libéré de suite. Il avait été amputé lors de la guerre 1914-1918, il avait une jambe de bois et le chef allemand ordonna de le laisser partir.

Nous étions le dimanche matin, 30 juin 1944, la messe venait de se terminer, les paroissiens sortaient de l'église. Une cinquantaine de personnes dont Monsieur Le Rouzic, maire, étaient présente.

Le chef allemand a pris la parole devant la foule:

Vous êtes tous des terroristes, normalement je devrais faire comme cela a été fait ailleurs, vous massacrer tous, mais vous allez vous contenter d'assister.

Alors Eugène Le Mestre et mon frère Francis qui pouvaient encore tenir debout, contrairement aux autre qui se trainaient à terre ont ouvert leur chemise devant les Landaulais rassemblés et ont crié:

Voilà comment un Français meurt.

Le chef a ordonné quelques coups de crosses, a obligé les prisonniers du moins ceux qui pouvaient, à s'agenouiller et a désigné vingt soldats pour le peloton d'exécution.

Les patriotes ont pris chacun neuf balles dans le dos. Puis ce fut le coup de grâce, une balle dans la tête pour chacun. La population de Landaul prise à témoin dans ce massacre était totalement muette, impuissante, traumatisée à vie à la vue de cet horrible massacre.

Puis le chef allemand a demandé à quelques civils présents dont moi-même une besogne insupportable, celle d'embarquer les cadavres dont celui de mon cher frère dans un camion. 

Ce camion a pris une destination inconnue.

N'étant pas au courant de ce qui se passait la mère d’Eugène le Palud voulait se rendre au bourg mais des voisins avaient réussi à l'en dissuader. 

L'épilogue de cette journée d'horreur

Dans la soirée du dimanche, une femme, Mme Deimat habitante du village de Pont-Christ (entre Sainte-Anne-d'Auray et Pluvigner) a vu des Allemands s'affairer dans une carrière non loin de son domicile. Elle est venue nous prévenir à Tréavec pour nous signaler que nos frères patriotes avaient été sans doute enterrés à cet endroit.

Le soir même nous sommes allés les déterrer vers minuit. Les corps étaient empilés les uns sur les autres.

Nous les avons sortis du trou et les avons disposés en alignement.

Une camionnette de la Croix Rouge est venue, on les a placé dans de vrais cercueils, on les a ramené à Landaul où une bénédiction leur a été accordée, avant d'être inhumés dans le cimetière de la commune.

En 1958, quatorze ans après la mort de mon frère, et  comme j'étais artisan ébéniste je lui ai fabriqué un autre cercueil, et Francis a rejoint le caveau familial de granit rose au cimetière de Port Louis où il repose toujours ».

 

 

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