18/10/2008
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Liste des lieux de déportation
Par Monique DREVILLON
Article paru dans la revue "Avel Gornog n°12", éditée par
l'association "Etre daou Vor", B.P. 40 - 29160 CROZON. Pendant l'occupation allemande, les actions de résistance sont nombreuses en Presqu'île de Crozon. Il s'agit d'actes isolés ou d'opérations préparées par des groupes organisés. Des véhicules réquisitionnés par les Allemands sont détruits ; des câbles téléphoniques, souvent posés à même le sol, sont très fréquemment coupés et la voie ferrée endommagée. ' Les occupants prennent des mesures de répression individuelles ou collectives: réquisition d'hommes pour des, gardes diurnes et nocturnes, arrestations et sanctions diverses. Ainsi, à la fin de l'année 1941, des câbles ayant été sectionnés à trois reprises sur son territoire, la commune de Crozon se voit lourdement punie. Elle est contrainte, par ordre de la Feldkommandantur de Quimper, de «consigner entre les mains des autorités allemandes, (...) une somme de 60 000 francs à titre de garantie contre de nouveaux actes de sabotage».2 Cependant, ni les mesures coercitives, ni les efforts de toute nature demandés à une population éprouvée par les années de guerre, n'empêchent la poursuite des actions de résistance. Juin 1944. Le Débarquement a eu lieu le 6 sur les côtes de Normandie. L'avance rapide des troupes alliées et la perspective des combats à venir dans la Presqu'île rendent les occupants plus nerveux. Sur ordre du groupement de résistance de Douarnenez, divers actes de sabotage sont entrepris, notamment sur la voie ferrée Châteaulin - Camaret et sur des câbles de transmission souterrains reliant la presqu'île de Crozon au Cap Sizun, qui sont sectionnés en divers endroits. Mais si, pour la Résistance, comme l'écrit le colonel F.F.I. Philippot, 3 «les résultats sont excellents », les représailles allemandes sont, cette fois, exceptionnellement dramatiques pour les populations locales.
LA RAFLE: - à Crozon. Dans la matinée du vendredi 30 juin, des policiers et des soldats allemands bloquent toutes les routes d'accès au bourg de Crozon. Quelles que soient les raisons de leur déplacement, toutes les personnes qui se présentent sont automatiquement arrêtées. Les feldgendarmes les regroupent à proximité, hors de la vue des nouveaux arrivants : près du « Doué de Saint-Pierre », à Keramprovost, sur la route entre Morgat et Crozon ; aux abords du moulin du Crénoc sur la route de Dinan ; ceux qui montent la côte de Saint-Jean, sur la route venant du Fret, sont parqués dans une carrière proche du bourg, en face du Collège actuel ; d'autres sont arrêtés route de Châteaulin ou au bourg. Toutes les maisons sont fouillées. La nouvelle des arrestations se répand et quelques personnes parviennent à éviter les secteurs dangereux4. Plus tard dans la journée, les différents groupes sont conduits vers la Mairie, où un officier allemand procède à divers contrôles. Ensuite, toutes les personnes arrêtées sont réparties de façon apparemment arbitraire en deux endroits de la Place de l'Eglise : plus d'une centaine près de la pompe, qui seront relâchés ; quarante trois autres, des hommes uniquement, sont alignés le long du mur de l'église. L'un d'eux, M. Guiffant, comprenant le danger, se glisse discrètement dans l'édifice par la porte du transept restée ouverte et regagne sa maison, de l'autre côté de la rue, sans être repéré. Pour les autres, innocents de tout, mais retenus désormais comme otages, impressionnés par les chiens, les ordres hurlés, et la mitrailleuse pointée vers eux par un soldat allemand allongé sur le sol, le cauchemar commence. En fin d'après-midi, vers dix-sept heures, quelques camions bâchés, débouchent de la rue de Châteaulin, arrivent devant la place, contournent la Mairie et les maisons continues, puis disparaissent en direction de Châteaulin5. A pied, les quarante-deux otages sont alors conduits jusqu'à une carrière à Menez Gorre. Les camions sont là, qui vont les emporter vers une destination inconnue. - à Plonévez-Porzay Le convoi se rend à Châteaulin, puis à Plonévez-Porzay. Là, à l'entrée du bourg, il s'arrête. Des feldgendarmes descendent des camions et se dirigent vers le centre. De nombreuses personnes sont rassemblées devant l'église à l'occasion d'un enterrement.6 Ici encore, la feldgendarmerie procède à des interrogatoires et à des contrôles de papiers. Dans les véhicules qui reprennent ensuite leur route en direction de Quimper, dix otages supplémentaires ont rejoint leurs camarades d'infortune. Ils sont cinquante-deux désormais, âgés de 15 ans ? à 43 ans, célibataires ou mariés, pères de famille pour certains. Ils sont étudiants, marins pêcheurs ou marins d'Etat, fonctionnaires de la Division du Port de Brest, chauffeurs ou mécaniciens, ouvriers réquisitionnés par les Allemands, commerçants... Ils n'ont rien à se reprocher, sinon la malchance de s'être trouvés là au mauvais moment.
DESTINATION: L’ENFER Conduits à la gare de Quimper dans la soirée du 30 juin, sans avoir été jugés, les otages rejoignent directement d'autres prisonniers, hommes et femmes, dans les wagons d'un convoi prêt pour un départ immédiat. 7.Après avoir évité les zones tenues par les Alliés ou par la Résistance, au bout de «dix jours et onze nuits dans des wagons à bestiaux» 8, ils arrivent à Compiègne. Ils sont alors dirigés vers le camp de transit de Royallieu. Situé dans un faubourg de la ville, seul camp d'internement français entièrement administré par les Allemands- appelé également Frontstalag 122- c'est une sorte de gare de triage pour de nombreux convois à destination des camps de concentration en Allemagne9. Les conditions de vie y sont déplorables : promiscuité, hygiène et nourriture insuffisantes, humiliations et coups. Les prisonniers s'affaiblissent rapidement. D'ailleurs l'un d'eux, Joseph Téphany, tombe malade et ne sera pas du convoi - l'un des derniers trains vers les camps de concentration allemands - qui part de Compiègne le 28 juillet. Le 31, au terme d'un trajet éprouvant auquel leur camarade Joseph Guivarch ne survivra pas, les cinquante autres otages arrivent au camp de concentration de Neuengamme, dans le nord de l'Allemagne. 10 Situé à 25 kilomètres au sud-est de Hambourg, dans une zone marécageuse sur la rive droite de l'Elbe, le camp principal est construit autour d'une ancienne briqueterie, remise en activité. Les détenus sont employés à divers travaux : entretien du camp, extraction de la terre glaise pour la fabrication des briques, aménagement des bords de l'Elbe, comblement des marais ... Après leur arrivée à Neuengamme, la plupart des prisonniers de la rafle sont dispersés dans les kommandos extérieurs, camps annexes répartis autour des centres industriels du nord de l'Allemagne (Brème, Hambourg, Hanovre, Brunswick) et jusqu'à proximité des frontières avec le Danemark et la Hollande. Comme les autres déportés, ils constituent une main d’œuvre pour des entreprises allemandes de fabrication de matériels divers utilisés par l'armée (pneumatiques, munitions, masques à gaz, accumulateurs pour les sous-marins...). Ils sont également employés à des tâches destinées à contrer l'avance alliée (fossés antichars, construction d'abris souterrains pour y dissimuler le matériel de guerre ) ou à des travaux de déminage, de déblaiement ou de réparations après les bombardements. Sans nouvelles de leurs familles, ni de l'extérieur, ils ignorent que la Presqu'île de Crozon a été libérée, à la mi-septembre, quelques semaines après leur départ... Le froid, la boue, l'insuffisance de nourriture et les mauvais traitements incessants, rendent les conditions de vie et de travail si épouvantables qu'au début de mars 1945, sur les 51 otages arrivés à Neuengamme, 34 survivent encore. Cependant, l'étau se resserre inexorablement sur les S.S. et sur leurs camps de concentration. Paris est libéré depuis le 25 août 1944 et, dès l'automne, les raids de l'aviation alliée se multiplient sur les cibles industrielles, le jour, et sur les villes, la nuit. Début février, l'armée soviétique (l'Armée Rouge) atteint l'Oder, et n'est plus qu'à 60 km au sud-est de Berlin. Les Alliés envisagent déjà la fin de la guerre (la conférence de Yalta se tient du 4 au 11 février 1945). Les Alliés occidentaux franchissent le Rhin le 7 mars. Le 5 avril, la IIème armée britannique traverse la Weser, et le 11 avril, la IXème armée américaine atteint l'Elbe, près de Magdeburg, dans le but de rejoindre l'Armée Rouge au sud de Berlin. Les S.S. aux abois ont commencé à évacuer les camps et leurs kommandos extérieurs à partir du mois de février, parfois sous les bombardements. C'est la panique. Pendant tout le mois d'avril surtout, dans des souffrances physiques et morales indicibles, les prisonniers affamés, malades, exténués, frappés à tout instant, sont traînés par leurs bourreaux dans des trains ou à longues marches forcées d'un camp dans un autre11. Début avril, les déportés des camps satellites de la région de Brème sont évacués principalement vers Bergen-Belsen, Sandbostel et Neuengamme. Ceux de Hanovre sont dirigés sur Bergen-Belsen, et ceux de Brunswick (Salzgitter, Watenstedt, Fallersleben) sont évacués vers Wôbbelin et Ravensbrück. Le camp principal de Neuengamme est lui-même évacué à partir de la mi-avril vers le camp de Sandbostel. La plupart du temps, lorsque les Anglais, les Américains ou les Russes arrivent, les camps sont désertés par les S.S. qui ont abandonné sur place les malades, les mourants et les morts. Dans les camps libérés, les prisonniers reçoivent de la nourriture et des soins médicaux appropriés. Mais pour certains, il est trop tard ; la famine, le typhus et la dysenterie font des ravages. Trop faibles ou trop malades, ils succombent à quelques jours de la fin de la guerre. Après la mi-avril, Lübeck devient l'endroit où convergent les derniers détenus arrivant du camp principal de Neuengamme et les survivants des colonnes qui ont quitté Brème à pied pendant la première semaine d'avril. Dans les tous premiers jours de mai, les rescapés sont embarqués sur des bateaux de transports de troupes allemands, pour être vraisemblablement abandonnés en mer. Alors qu'Hitler s'est suicidé le 30 avril, que le 2 mai la ville de Berlin est tombée, l'aviation anglaise bombarde « par erreur » ce dernier « convoi » dans la baie de Lübeck le 3 mai, faisant plus de 7000 morts. 12 Sur les 51 otages de Crozon et de Plonévez-Porzay arrivés en Allemagne, 18 seulement survivront à cet hallucinant périple.
UN TERRIBLE SILENCE Après la rafle, le blocus du bourg de Crozon s'est poursuivi jusqu'au mardi 4 juillet. Il semble que les occupants allemands aient organisé seuls cette rafle. Les familles, les autorités municipales, ainsi que les autorités administratives supérieures, n'ont pas été tenues informées exactement du sort des prisonniers. Le mercredi 5 juillet, le 2e adjoint au Maire de Crozon écrit au Préfet et au Sous-Préfet l3 pour tenter d'avoir quelques explications sur la situation des prisonniers : Lettre n° 1 « Monsieur le Préfet J'ai l'honneur de vous faire connaître qu’à la suite d'actes de sabotages commis dans la commune, une rafle a eu lieu le vendredi 30 juin. A l'issue de cette rafle, 53 hommes ont été pris au hasard et emmenés dans des camions et dirigés sur Quimper où ils sont paraît-il écroués à la prison St Charles. Pour me permettre de rassurer éventuellement14 les familles de ces hommes, je viens vous demander, Monsieur le Préfet de bien vouloir intervenir près des autorités allemandes afin de connaître le sort qui leur est réservé, et d'effectuer toutes les démarches que vous jugerez utiles. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de mes sentiments respectueux». Lettre n° 2 « Monsieur le Sous-Préfet, J'ai l'honneur de vous signaler qu’au cours d'une rafle faite par la police allemande le 30 juin, à la suite d'actes de sabotage commis dans la commune, 53 hommes, pris au hasard, il me semble, ont été arrêtés. Je n 'ai pu vous en aviser plus tôt, car toutes les routes étaient gardées jusqu’à mardi matin et nul ne pouvait ni entrer ni sortir du bourg de Crozon. Voici les noms et adresse des personnes arrêtées qui ont été écrouées à la prison St Charles à Quimper. Il vous sera peut-être possible d'intervenir en faveur de ces hommes et tout au moins obtenir quelques renseignements sur le sort qui leur est réservé (...)»" Cette dernière lettre comporte, en marge de la liste des noms des otages recensés par la Mairie de Crozon, ces mentions lapidaires: « Ne sont pas à Quimper», «À classer». Deux semaines après ces correspondances, on est toujours sans nouvelles des prisonniers. «La population de Crozon est de plus en plus inquiète sur le sort réservé aux 53 personnes arrêtées le 30 juin dernier. Les bruits les plus fantaisistes courent sur leur compte et il serait désirable, dans le but de rassurer les familles, de connaître la destination prise par ces otages»16. Le 4 août, l'Inspecteur d'Académie du Finistère se demande si le jeune instituteur Jean Diraison pourra rejoindre le poste qui lui a été attribué car, écrit-il dans une lettre au Préfet de ce département, il a été «arrêté au cours d'une rafle. Le seul motif paraît être le hasard. Il serait actuellement en région parisienne». En fait, à cette date, le jeune homme et ses compagnons étaient déjà en Allemagne.
LA FIN DU VOYAGE Après leur libération, les survivants sont retenus dans les centres de secours de pays alliés pendant environ quatre semaines. Ils y reçoivent des soins appropriés et une alimentation adaptée à leur état physique déplorable18. Puis, après un passage obligé par l'Hôtel Lutétia à Paris, pour diverses formalités administratives, ils sont autorisés à rentrer chez eux. Les retours s'échelonnent entre le début mai (Yves Rolland) et la fin juin 1945 (Jean Mével). Ils sont accueillis par le Maire, puis rendus à leurs familles et soignés19. L'absence des otages a privé leurs familles, pour la plupart modestes, d'une part importante de leurs ressources financières et les aides qu'elles ont reçues pendant l'absence de leur déporté ont été bien insuffisantes.20 La vie doit reprendre son cours. Après quelques semaines de repos et de réconfort, certains se voient confier la surveillance des prisonniers allemands du « Commando communal de prisonniers de l'Axe » 2I. D'autres reprennent rapidement leurs activités d'avant la déportation. Au cours des années 1945 et 1946, alors que les otages déportés ne sont pas tous rentrés, le Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés entreprend dans chaque commune un «Dénombrement des internés et déportés», sous forme de questionnaires individuels, sous la responsabilité d'un enquêteur (à Crozon, M. Gustave Landouaré, demeurant rue Alsace Lorraine). 22 Les réponses données par les déportés libérés eux-mêmes permettent de reconstituer leur histoire. Ils évoquent les circonstances de leur arrestation, les divers lieux et les conditions de leur détention. Ils racontent tous l'absence totale d'hygiène: « la saleté, la vermine, les poux » ; la nourriture : « abjecte et rare», «de la soupe de rutabaga et du pain» ; le régime auquel ils ont été soumis : « un régime de terreur et de coups», «maltraité tous les jours» ; le «travail forcé», «un régime infernal» ; ils évoquent leur inquiétude pour les familles... Les formulaires de l'enquête recommandent : « N'oubliez pas que les renseignements que vous donnerez permettront peut-être de retrouver et d'aider non seulement votre prisonnier, mais beaucoup d'autres dont les parents sont sans nouvelles et qui souffrent en attendant que nous fassions quelque chose pour eux». Les rescapés sont invités à donner les noms des camarades qu'ils ont rencontrés au cours de leur captivité et qui auraient pu être «libérés, transférés, fusillés, inhumés, incinérés». Quant à ceux qui ont payé de leur vie la barbarie de leurs tortionnaires, une loi votée le 16 octobre 1946, fixe les modalités du retour éventuel de leurs dépouilles. L'insuffisance des moyens de transport rend nécessaire la constitution de convois groupés, parfois plusieurs années plus tard: les cercueils seront rapatriés vers des dépositoires, dont celui de Nantes, avant d'être remis au Maire de la commune, chargé d'organiser les funérailles en accord avec les familles.23
DES BLESSURES INDELEBILES
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NOM, Prénoms |
Lieu d'arrestation |
Observations |
Balcon Auguste |
Crozon |
† 20/12/1944 (Kaltenkirchen) |
Bargain Marcel |
Crozon |
† 15/03/1944 (Hanovre |
Bernard René |
Plonévez-Porzay |
† 16/01/1945 (Hambourg |
Boucharé Jean ou (Bouchard) |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Sandbostel / Bremen † 29 avril 1945 à Sandbostel |
Briand Corentin |
Crozon |
†3/03/1945 (Neuengamme |
Cariou Yves |
Crozon |
† 15/01/1945 (Neuengamme) |
Chevalier Jean |
Plonévez-Porzay |
Libéré. Kommandos : Braunschweig/Husum |
Corner Laurent |
Crozon |
† 22/04/1945 (Sandbostel) |
Cosquer Guy |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Husum/Salzgitter/Dalum |
Daniélou Pierre |
Crozon |
† 15/04/1945 (Neuengamme) |
Diraison Jean |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Porta Fallersleben/Wôbbelin |
Diraison René |
Crozon |
† 15/04/1945 (Bergen-Belsen) |
Dolci Bienvenue Angel |
Crozon |
† 3/01 /1945 (Neuengamme) |
Donnars Maurice |
Crozon |
† 7/03/1945 (Watenstedt) |
Drévillon Eugène |
Crozon |
† 15/08/1944 (Neuengamme) |
Drévillon Francis |
Crozon |
† 29/01/1945 (Kaltenkirchen) |
Férec Pierre |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Stocken/ Hanovre |
Fertil Pierre |
Plonévez-Porzay |
Libéré. Kommandos : Blumenthal |
Flochlay Jean | Plonévez-Porzay |
Libéré. Kommandos : Braunschweig/Watenstedt/ Camp de Ravensbriick |
Gilles Alain |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Braunschweig |
GuiffantYves |
Crozon |
Evadé à Crozon |
Guillou Guillaume |
Plonévez-Porzay |
† 25/04/1945 (Sandbostel) |
Guivarch Joseph |
Crozon |
† 28/07/1944 (Neuengamme) |
Hamel Bernard |
Crozon |
† 3/05/1945 (Lübeck) |
Hervé Joseph |
Plonévez-Porzay |
Libéré. Kommandos : Watenstedt |
Hervé René |
Plonévez-Porzay |
Libéré. Kommandos : Watenstedt |
Kerdreux Jean |
Crozon |
† 2/02/1945 (Kaltenkirchen |
Kermel Joseph |
Crozon |
† 22/01/1945 (Neuengamme) |
Kermel Louis |
Crozon |
† 17/11/1944 (Bremen) |
Kermorgant Yves | Crozon |
† 2/5/1945 (Lübeck) |
Laniès Georges |
Crozon |
† 25/08/1944 (Neuengamme) |
Le Berre Yves |
Crozon |
† 25/11/1944 Schwessing-Engelsburg) |
L'Helgouac'h Yves |
Plonévez-Porzay |
† 8/05/1945 (Sandbostel |
Le Goff Auguste |
Plonévez-Porzay |
Libéré. Kommando : Watenstedt/ Camp de Ravensbrück |
Le Quéau Auguste |
Crozon |
† 27/01/1945 (Kaltenkirchen |
Louarn Jean Louis |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Bremen Osterort |
Marchand Jean |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Husum/ Watenstedt/Camp de Ravensbrück |
Mével Jean |
Crozon |
Libéré. Kommandos :Wilhemshaven/Sandbostel |
Mignon Hervé (9/5/1921) |
Crozon |
† 2/05/1945 (Hanovre ?) |
Mignon Hervé (20/1/1925) |
Crozon |
Libéré. Kommando : Watenstedt/Camp de Ravensbrück |
Moulin Denis |
Crozon |
† 30/12/1944 (Neuengamme) |
Ollivier Louis |
Plonévez-Porzay |
† 31/12/1944 (Hambourg / Neuengamme) |
Paris François |
Crozon |
† 20/04/1945 (Neuengamme) |
Quillien Pierre |
Crozon |
† 2/12/1944 (Bremen) |
Rogel Albert |
Crozon |
† 3/05/1945 (Hambourg ? Lübeck ?) |
Rogel Raymond |
Crozon |
† 28/03/1945 (Buchenwald) |
Rolland Albert |
Crozon |
† 15/04/1945 (Sandbostel) |
Rolland Yves |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Braunschweig/Husum/ Salzgitter/Hanovre/Alhen/Misburg/Stock |
Rouillard Roger |
Crozon |
Libéré: Kommando Sandbostel |
Sévellec Jean |
Crozon |
Libéré. Kommandos : Bremen/Osterort Bremen Farge |
Téphany Joseph |
Crozon |
Libéré à Péronne (France) |
Verdun Maurice |
Crozon |
† 30/11/1944 (Hambourg) |
Vigouroux François |
Crozon |
† 6/05/1945 ( Sandbostel |
Témoignages de déportés TEMOIGNAGE DE JEAN MÉVEL(1) Climat général de l’occupation Le climat général pendant l'occupation allemande est oppressant et difficile à supporter pour la population en raison du manque de liberté : couvre-feu, privations par rationnement alimentaire, contrôles d'identité, patrouilles incessantes de la Werhmacht (base d'aviation sur la commune voisine). Je vis alors dans l'insouciance de l'adolescence et n'ai encore aucune conscience politique, nous feignons d'ignorer l'occupant qui n'est pas dans notre cœur. Dans notre zone, nous dépendons de la « Kommandantur » et non des autorités de Vichy. Arrestation et internement en France Le matin du 30 juin 1944, les Allemands organisent une grande rafle à Crozon en raison du sabotage par la Résistance des lignes téléphoniques et électriques reliant deux points stratégiques (radar Pointe du Raz et Base aéronavale du Poulmic). Le bourg est encerclé par les troupes et en arrivant je tombe dans la nasse. Arrêté par les feldgendarmes, je suis conduit à la mairie pour un interrogatoire par un officier SS qui m'accuse de « terroriste ». Sur la place du bourg, deux groupes se forment: l'un d'une centaine de personnes, l'autre de 44 hommes retenus comme otages, alignés le long du mur de l'église, face à un peloton en armes. On nous ordonne d'embarquer dans des camions en direction de Quimper, puis de monter dans un train à bestiaux par une « chatière » par laquelle nous devons entrer à quatre pattes. Les wagons sont aménagés en trois espaces : au centre deux soldats en armes et, de chaque côté, 20 personnes debout sont entassées. Le train démarre dans la soirée et commence alors notre voyage vers l'inconnu ... Le trajet dure 10 jours jusqu'à Compiègne. Pour toute nourriture une boule de pain et un saucisson, la soif nous tiraille car l'eau est très rare. Dans ces wagons, pas de lieux d'aisances, et nous urinons au travers des fentes du train. Nous nous asseyons sur le sol à tour de rôle, tant nous sommes serrés les uns contre les autres. Le trajet dure plusieurs jours et nous sommes autorisés à sortir du train une seule fois. Sur le quai, quelques-uns tentent de s'évader mais très vite des menaces, de représailles retentissent. Par la lucarne grillagée défilent les noms des gares traversées: Lorient, Nantes, Angers, Tours, Vierzon, Bourges, Paris et Compiègne; à l'arrivée du convoi, nous sommes confrontés à la brutalité des SS par leurs cris et les aboiements des chiens. Nous traversons Compiègne par rangs de 5 et je suis frappé de voir la ville complètement déserte. Nous arrivons au camp de Royalieu où l’internement dure deux semaines, sans trop de problèmes, pour ma part. A ce stade du parcours, je n'ai pas encore pu donner de nouvelles à ma famille en Bretagne qui demeure totalement dans l'incertitude quant à mon sort. La déportation. Le 27 juillet 1944, notre convoi quitte Compiègne avec environ 1200 hommes (chiffre connu plus tard). Sur le quai, les SS nous ordonnent de quitter nos vêtements et nos chaussures (à l'exception de nos sous-vêtements). Debout et entassés à 70 environ par wagon, c'est le départ vers l'Allemagne. Ici notre inquiétude est grandissante car les SS montrent leur vraie nature de sauvages. Nous n'avons rien à manger ni à boire. A la suite d'une tentative d'évasion, trois hommes sont fusillés sur la voie. Nous arrivons le 31 juillet au camp central de NEUENGAMME, près de Hambourg. L'univers concentrationnaire A l'arrivée dans cet univers, les SS nous ordonnent de descendre avec des hurlements et des aboiements de chiens et, dans une cavalcade folle, nous atteignons la place de l'appel pour recevoir notre immatriculation (Matricule 39788) et des hardes misérables, puis c'est la douche et le rasage intégral sur tout le corps et la tête. A la vue d'êtres humains décharnés et en guenilles, nous comprenons que l'enfer commence ici. C'est la déshumanisation de l'homme. La journée au camp est invariable : - réveil brutal par les Kapos vers 5 heures, sous les cris et les coups,7 - petite « toilette » rapide torse nu, sans serviette, dans une bousculade générale inimaginable, - appel sur la place centrale, en rang de 5, qui dure des heures et des heures pendant lesquelles les SS comptent et recomptent les déportés, dans le froid, la pluie et la neige, - distribution du « café » qui est une eau noirâtre et presque froide et d'une boule de pain pour 12 hommes, départ vers le lieu de travail qui consiste (pour moi-même) à pousser des wagonnets de terre glaise servant à la fabrication de briques, - vers midi, distribution de la « soupe », plutôt d’eau claire sous les cris et les coups des Kapos et des SS, - le soir, nouvel appel général pendant des heures sur la place, distribution de la « soupe » pour ledîner, - le couchage se compose de 2 lits à une personne que nous devons partager à 5 détenus, - plusieurs fois par semaine, réveil brutal pour nous rendre aux abris, dans, l'obscurité et la boue, lors des alertes de :- bombardements sur Hambourg, Après quelques jours de ce régime, nous ; perdons totalement la notion des jours et des dates, seuls comptent le jour et la nuit. Je n'ai eu aucune connaissance d'un mouvement de « résistance » autour de moi; d'ailleurs nous n'avons pas une minute de répit pour pouvoir nous concerter. Si on peut appeler « résistance » de tenter de garder sa dignité d'homme face à l'arrogance et à la sauvagerie des gardiens, oui, il y a une certaine résistance en ces lieux. Personnellement, malgré mon jeune âge, je suis soumis au régime général du camp et ne bénéficie d'aucune mesure de bienveillance. Par contre, autour de moi, des adultes courageux et fiers m'apportent leur soutien en me conseillant dans la mesure du possible. L'esprit général est de « tenir le coup » et une sorte de solidarité s'est installée dans le groupe afin de soutenir les plus faibles et les plus défaillants. Nous voulons résister avec nos faibles forces jusqu'à la libération pour retrouver nos proches et notre patrie, et aussi pouvoir témoigner de notre parcours horrible. Début septembre 1944, je suis transféré au Kommando de Wilhelmshaven et affecté à l'arsenal de la Kriegsmarine pour la fabrication de sous-marins.
Le régime est à peu de choses près le même qu'au camp central. La journée de travail dure 12 heures sans compter les six kilomètres de marche aller-retour, dans le froid et la neige, sous-alimentés et simplement vêtus du pyjama rayé. Début avril 1945, le Kommando est évacué en raison de l'avance des troupes alliées. Les plus affaiblis d'entre nous (400 détenus environ) partent en train vers le camp central. (Ce train est hélas bombardé à Lüneburg et seuls 72 détenus survivent à ce drame). Je reste dans le groupe considéré « plus valide » et nous entamons une longue marche d'environ 330 kilomètres, nous tramant faiblement à travers Oldenburg, Brème et Hambourg pour atteindre NEUENGAMME. Ce site étant lui-même évacué, la marche reprend pour atterrir au mouroir de Sandbostel. En arrivant, un spectacle hallucinant nous saisit, une vision de fin du monde : des tas de morts et de morts-vivants décharnés et couverts de vermine, contaminés par le typhus et la dysenterie. Ces êtres presque morts agonisent sur le sol dans une crasse et une puanteur épouvantables. Plus loin, des squelettes sont entassés sur une longueur et une hauteur de plusieurs mètres. Nous ne trouvons en ces lieux aucune nourriture ni une goutte d'eau, une simple mare noirâtre au milieu de cette désolation indescriptible. Poussés par la faim, des cas de cannibalisme auraient eu lieu. Après deux jours, notre kommando reprend de nuit sa marche, puis embarque sur un train de marchandises, convoi mitraillé en cours de route avec de très nombreuses victimes. Nous continuons notre « chemin de croix » vers Stade (port sur l'Elbe). Après un passage sur péniches, nous embarquons à bord d'un bateau-charbonnier l'«Olga Siemers » et sommes entassés comme des bêtes à fond de cale, à l'exception des blessés qui restent sans soins sur le pont. Après la traversée du Canal de Kiel, nous atteignons la Mer Baltique et Flensburg. Débarquement pour monter dans un train qui s'arrête en rase campagne. Les chupos (policiers) nous dirigent à nouveau vers le port de Flensburg pour prendre un autre bateau dont les cales sont déjà occupées d'une centaine de déportés de NEUENGAMME. Libération et rapatriement En rade, ce bateau est accosté par un navire portant pavillon de la Croix-Rouge suédoise. Les survivants sont transbordés sur celui-ci et nous apprenons que nous sommes le 10 mai 1945, soit trois jours après la capitulation nazie. C'est enfin la DELIVRANCE ! En arrivant à Malmö le 11 mai, malades du typhus exanthématique, nous sommes hospitalisés puis placés en convalescence pendant un mois. Nous reprenons des forces peu à peu. Je suis très reconnaissant à la Suède, aux Suédois et aux personnels hospitaliers pour l'accueil et aussi la grande générosité dont ils ont fait preuve à notre égard. ENFIN, le 26 juin 1945, en compagnie de vingt camarades, je suis rapatrié par avion de l'Armée Française et conduit à l'hôtel Lutétia à Paris, point d'accueil et de recensement des déportés. Le lendemain, je prends le train Paris-Brest où m'attendent mes parents. Retrouvailles heureuses avec tous mes proches mais sentiment de tristesse aussi d'avoir perdu mes rentrés. A mon retour, encore adolescent de 16 ans et demi, j'essaie de réapprendre à vivre et de retrouver la vraie vie. Grâce aux soins et à l'affection de mes parents qui se dépensent sans compter, je retrouve lentement la santé et ma jeunesse évaporée dans les brumes d'Allemagne du Nord. Si parler de la déportation entre déportés est aisé et même un besoin que nous ressentons tous car nous nous comprenons et sommes liés par ce passé qui nous unit forcément, en parler avec des personnes étrangères à notre histoire est rare car elles ne peuvent pas comprendre. (1) Texte intégral inédit rédigé par Jean Mével. Né le 18 janvier 1929, Jean Mével était étudiant au moment de son arrestation. TEMOIGNAGE D'YVES ROLLAND(I) (extraits)
« Pris en otage le 30 juin 1944, j'ai été
libéré par les Américains, à Hanovre, le
10 avril 1945 et je suis rentré à Crozon
le 5 mai..
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Sources:
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