Les anciens se
souviennent :Sizun eut aussi son martyr !
Afin de marquer cette journée très
protocolaire de son investiture, le nouveau Président de la République a
rendu hommage à la Résistance Française en venant s’incliner devant le
monument des jeunes martyrs d’Août 1944 au bois de Boulogne.
Notre région, à cette même période de
l’Histoire a été, elle aussi, marquée par ce même esprit de révolte face à
l’occupant. Le nom de nos martyrs est inscrit sur les pierres des monuments
qui jalonnent nos routes : ainsi à l’entrée d’Irvillac et sur la route de
St-Rivoal à Lopérec.
A Sizun, une modeste stèle, érigée dans la
cour de l’école évoque le long et douloureux calvaire d’un de ces hommes,
qui au lendemain du débarquement des alliés, a participé comme tant d’autres
à la libération de notre pays.
Albert David Rothschild, la trentaine, avait
combattu sur le front de Dunkerque et suivi son ami, Ollivier Salaun, le
boulanger de Ti-Douar (Commana). Fils de commerçant brestois, il avait
trouvé refuge chez nous, fuyant les bombardements et voulant échapper aux
lois infamantes de Vichy contre les juifs qui pourtant excluaient les
anciens combattants (sic). Il s’était parfaitement assimilé aux jeunes du
pays. Portant blouse noire et casquette, il ne se cachait pas. On le
rencontrait tantôt au bord de l’eau où il aimait pêcher, tantôt dans les
champs, apportant son aide, là où les bras manquaient. Nous l’avions surpris
un dimanche sur le terrain de foot du Vergraon, arborant une étoile jaune
sur la blouse. Un défi peut-être !
Sous cet aspect dilettante se cachait en réalité un patriote. Il était entré
en résistance dans le groupe “ justice ” de Morlaix, représenté dans le
canton de Sizun par François Manach* et Lucien Messager. On le
sollicitait peu car on le savait fiché par les allemands de l’Abwher. Il
était même observé, on le saura trop tard. Rothschild avait quitté la ferme
de Pélagie à Heslein Bihan pour se cacher dans un gourbi près de Croas
Cabellec. Ollivier Salaun et F. Gueguen, les deux boulangers épiciers
continuant a le ravitailler.
Le 10 juin, quatre jours après le débarquement, le groupe “ justice ” passe
à l’action. La mission est de sectionner la liaison téléphonique souterraine
allemande Brest-LorientAngers, une ligne à douze communications simultanées.
On connaît son trajet et l’endroit choisi sera le petit ruisseau qui coupe
la longue ligne droite de Kerouat. Des convois circulent en permanence. Nos
résistants ne seront pas de trop pour mener à bien l’opération. Rothschild
fera le guet à Kerbrezel. Tout s’est bien passé, la ligne a été sectionnée
et chacun est rentré chez soi avec, en souvenir, un morceau de ce câble.
La chasse aux “ terroristes ” ne se fait pas attendre. La fureur des
allemands va crescendo, car ils ne peuvent déterminer immédiatement le point
de section de la ligne. Ordre est donné à la gendarmerie de mobiliser tous
les hommes de 16 à 50 ans afin de garder le trajet de jour comme de nuit.
Les convois allemands qui défilent, surtout la nuit, ignorent le dispositif
de surveillance et c’est ainsi qu’est tué une nuit, Jacques Bellec de
Kerouat, pris pour un “ terroriste ”.
L’étau se resserre. Albert Rothschild est arrêté au 20 ème jour de la traque
et conduit à la Feldkommandantour de Sizun (An Ty Coz aujourd’hui).
Battu, privé d’eau et de nourriture, deux de ses camarades arrêtés eux
aussi, 4 jours plus tard, le trouveront recroquevillé dans un coin de la
cuisine, tuméfié, couvert de sang, à demi conscient. Ses cris de
douleur ont percé le silence de la nuit, une intervention du voisinage
permettra au pharmacien de lui administrer des calmants et aux femmes,
quelques vivres et de l’eau. « C’est un juif et un terroriste ! » leur a dit
un tortionnaire ! Transféré à Lampaul avec les deux résistants, il
sera à nouveau battu et enfin séparé d’eux.
Ce n’est qu‘au lendemain de la libération de Sizun, courant août, que son
corps supplicié, les mains liées dans le dos par du barbelé, sera retrouvé
sous un tas de charbon dans la cour de l’école, occupée auparavant. Ollivier
Salaun, son camarade, qui l’avait hébergé et alimenté pendant les deux ans
qu’il avait passé chez nous, devra le reconnaître en présence du Maire et de
deux gendarmes.
Albert David Rothschild, victime de ses origines et de son patriotisme,
est mort en héros et en martyr.
* Futur maire et conseiller général du canton de Sizun.
Pierre LE GUEN

Sources:
Bulletin
municipal de Sizun Saint-Cadou Juin 2007 (http://www.mairie-sizun.fr/iso_album/bulletin_juin.pdf)http://www.plaques-commemoratives.org/plaques/bretagne/plaque.2010-09-13.9020315958/view
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