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Liste des témoignages

Memoirs:  Technical Sergeant John E. Wonning

World War II Army Air Corpsman

  Extrait des mémoires de John Edward WONNING. Les évènements débutent dans la nuit du 2 août 1944 au Stalag 221 à Rennes.

 "Nous pouvions entendre au loin les explosions des bombes et des obus de l’artillerie. D’ici peu de temps, les alliés allaient certainement commencer une nouvelle avance et on pensait être libéré dans les jours à venir. Mais nos espoirs ont été rapidement anéantis car cette nuit là, vers minuit (jeudi 2 août), les gardes nous ont fait mettre en rang pour une marche.

Il y avait deux trains sur la même voie. Les deux convois étaient séparés au milieu par une locomotive. Un train de marchandises avec des wagons à bestiaux était là à nous attendre et les gardes firent monter 40 hommes dans chacun des wagons. Parmi les prisonniers de guerre, quelques-uns uns pensèrent qu’ils pourraient échapper à la surveillance des gardes en se cachant dans un des abris anti-bombardement creusés dans le sol, mais après nous avoir tous alignés, les gardes descendirent dans l’abri pour abattre les prisonniers dans leur cachette.

A ce moment là, nous n’avions aucune idée du nombre des prisonniers entassés dans ce train parce nous ne pouvions voir qu’à travers les lattes du wagon. Nous étions tellement nombreux qu’il nous fallait nous asseoir à tour de rôle. Je me suis retrouvé dans le wagon avec Barney Arnold, le mécanicien navigant de notre équipage avec qui j’étais au Stalag 221. Dans une des villes traversées, le train s’est arrêté sur une voie de garage, un fermier français est venu à pied pour donner un œuf frais à chacun des prisonniers au travers des planches. C’était la première fois que je mangeais un œuf cru mais croyez moi il était bien meilleur que n’importe quel œuf cuit !

En réalité, je ne me souviens pas combien de temps nous sommes restés dans ce train, mais ce dont je me souviens c’est que cet œuf fut tout ce que j’ai eu à manger et à boire pendant les plusieurs jours de notre parcours (déterminé plus tard) au travers des villes de Nantes, Angers, Redon et Langeais. 

Pendant le voyage nous avons découvert que deux des lames contiguës du plancher avaient assez de jeu pour qu’une personne puisse s’y glisser au travers. Quelques uns d’entre nous commençaient déjà à imaginer une évasion la nuit suivante au prochain arrêt du train. Personnellement, je ne sais pas si j’aurai tenté ma chance, il y avait beaucoup de gardes. Au lieu de marquer notre convoi d'une croix rouge conformément à la règle, les Allemands avaient fixé des branches d’arbres sur le toit des wagons pour essayer de les camoufler.

En arrivant à la gare de Langeais, le train a été découvert et mitraillé par 4 chasseurs américains P-47. Ce fut un massacre. Beaucoup, beaucoup furent tués y compris mon collègue d’équipage Barney Arnold juste à coté de moi. Je fus moi-même touché par une balle de 12,7 mm.  

C’était la confusion la plus totale partout dans le train. Chacun des avions fit un premier passage puis s’en retourna avant d’en faire un deuxième. Entre les deux mitraillages, nous avions réussi à démonter les lattes et nous nous étions réfugiés sous le wagon. Il y avait une petite gare en brique rouge juste à coté et étant blessé c’était vraiment le plus loin où je pouvais aller. Je rampais jusqu’au mur et je m’y adossai en regardant tous les prisonniers qui essayaient de fuir, mais les gardes tiraient sur quiconque essayait de s’enfuir touchant certainement des civils français et d’autres innocents. C’est à cet instant que je me rendis compte qu’il pouvait bien y avoir un millier de prisonniers dans ce train. Certains d’entre eux étaient des politiques.

 Finalement je réalisais que j’avais pris la décision la plus sage et la plus sure car les gardes allemands utilisaient leurs armes automatiques et leurs tirs de barrage fauchaient systématiquement tous les prisonniers qui tentaient de s’enfuir. Les gardes allemands ne montrèrent aucune pitié. Evidemment je n’avais aucune idée du nombre des gardes dans ce train mais au vu de la puissance de feu dans la zone que je pouvais voir, bien peu de prisonniers réussirent réellement à s’évader au moins sans être blessés.  

Je ne me souviens pas de la suite, j’ai dû m’évanouir car je n’ai aucun souvenir d’avoir été transporté. Entre les tirs des P-47 et ceux des gardes sur les prisonniers qui tentaient de s’évader, la scène était horrible et avec tous ces morts, impossible à oublier.

Je ne me souviens pas non plus comment je suis arrivé dans un vieux bâtiment en béton, une ancienne cave à vin où les Français du coin avaient jeté de la paille sur le sol pour y étendre les blessés.

 Nous sommes restés là toute la nuit, personne n’est venu, pas de soin et rien à manger ou à boire. Il y avait des soldats allemands avec nous. Un SS me regarda et leva sa botte comme s’il allait me frapper au visage mais il fit demi-tour et partit. Le lendemain matin un Français emmena cinq des blessés vers l’hôpital de Tours dans un petit camion à plateau. Sur la route, il s’arrêta à une taverne et nous ramena un petit seau de bière que nous nous fîmes passer. J’étais malade mais pas suffisamment pour ne pas me souvenir qu’il y avait à l’hôpital des infirmières françaises jeunes et jolies. C'est un médecin français qui m'endormit pour extraire la balle. Quelqu’un dans la salle d’opération mit la balle dans un petit sac et me l’attacha autour du poignet mais on me la vola quelque temps plus tard à l’hôpital.

Extraits du journal de Wonning écrit pendant sa détention comme prisonniers de guerre

 La balle de mitrailleuse avait été aplatie en traversant le toit du wagon, elle avait la taille d’une pièce de monnaie (Dollar d'argent ) avec des bords déchiquetés. Quand le mitraillage a commencé nous ne nous sommes pas mis à genoux, la position de protection habituelle. Barney et moi nous sommes mis en position fœtale, c’est pourquoi la balle m’a touché au niveau du colon traversant ma fesse droite pour se loger au niveau de l’os de ma hanche. Je suis resté à l’hôpital pendant environ une semaine avant d’être transféré chez les Sœurs (Religieuses) pour y recevoir des soins et y faire ma convalescence. Nous étions arrivés à un moment de la guerre où les Allemands devaient réaliser qu’ils étaient en train de perdre. Un jour un officier allemand, haut gradé, qui venait nous voir, nous apporta des tablettes de chocolat et des paquets de cigarettes.

 Un jour on entendit beaucoup de bruit et de remue-ménage à l’extérieur du couvent. Les Sœurs nous dirent que des femmes allaient être tondues. Effectivement deux jeunes filles françaises qui s’étaient montrées « amicales » avec des soldats allemands allaient être tondues en punition de leur collaboration.

 Ma blessure ne guérissait pas car les médicaments adaptés n’étaient pas disponibles chez les Sœurs. Alors on m’a mis sur un chariot d’hôpital et on m’a emmené dans une salle de soins. Une Sœur prit alors une boule de coton dans une pince, et après l’avoir aspergée d’éther, la plongea dans ma blessure, un trou qui allait jusqu’à ma hanche. Apparemment ils ne savaient pas trop comment la traiter. Evidemment,  le but était de cautériser la blessure en espérant qu’elle puisse commencer à cicatriser mais je ne crois pas avoir jamais subi quelque chose qui m’a fait aussi mal. C’était à la limite encore plus douloureux que quand la balle m’avait touché.

Pendant tout mon séjour ici, des Français venaient nous voir et nous apportaient de la nourriture et des petits cadeaux. Ils nous amenaient des petites parts triangulaires de fromage de Brie et des biscuits. Un jour une des religieuses entra et nous dit que les Allemands étaient en train de quitter la ville. Je ne me souviens pas de quand c’était. Quand les Allemands ont commencé leurs préparatifs pour quitter l’hôpital, j’ai remarqué que les gardes plaçaient des papiers sur les lits des prisonniers de guerre qu’ils avaient prévus d’emmener avec eux, alors que ceux qu’ils avaient prévu de laisser à l’hôpital n’avaient pas de papier. A un moment où les gardes étaient tous en dehors de la pièce, j’ai caché les papiers sous mes couvertures

Heureusement, les gardes jetèrent un dernier coup d’œil, et ne voyant aucun papier, s’en allèrent.

 Les Américains semblaient être proches. Les Allemands partirent pendant la nuit, les Français sortirent les drapeaux. Hourrah ! Trois Américains arrivèrent, enfin j’étais libre.

Le lendemain les médecins américains étaient au couvent. J'étais transféré au Mans dans la matinée. Les médecins militaires américains revinrent me voir en apportant du chewing-gum et des cigarettes. Ils nous promirent de revenir plus tard quand le pont serait réparé. Beaucoup de visiteurs avec du vin, des gâteaux et de la crème glacée. Les médecins nous amenaient des cigarettes, des fournitures, du papier et de la nourriture. Vivement que le pont soit réparé.

 J’ai été emmené dans un hôpital militaire américain au Mans. Grâce aux soins et à des médicaments adaptés ma blessure semblait guérir vraiment vite. Cependant comme on le découvrit plus tard la cicatrisation n’était qu’à l’extérieur pas à l’intérieur..."

(Source: Jo AnnaShipley, sa nièce

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       22/02/2019