Témoignage de Madame Odette AUGER
Dimanche 6 août 1944.
Nous devions aller aux prunes mais avant de partir Jean va chez Avril nous
chercher une glace, il nous apprend en revenant qu'un train de prisonniers
est en gare. Nous allons de ce côté pour essayer de voir.
On nous dit que l’on peut donner du pain. Vite je viens chercher deux pains
de ce qui reste.
En effet, la rue et le chemin de la Daudère sont remplis de gens qui portent
des vivres. Ces pauvres gars sont là dans un wagon, entassés, en pleine
chaleur, il y a des Américains, Français, Anglais, Allemands même, parce
qu'ils aimaient trop leur Führer comme nous dit un Alsacien des Forces
Françaises Libres, il y a aussi des femmes et des jeunes filles... Quelle
tristesse. Au bout d'un moment, nous revenons et partons à Charsay, maman,
papa et moi. En descendant la cueille, au retour, nous voyons venir sur
Langeais huit avions américains volant très bas et qui, au bout d'un tour
ayant repéré le train, piquent et mitraillent, quel malheur ! Je reviens en
hâte et pars au poste où Jeannette s'est déjà rendue, ils montent déjà les
blessés et une morte, cette pauvre Mme Richaume. Les blessés arrivent,
toujours et nous courrons chercher des lits paillasses, de la paille même,
où nous improvisons des lits avec des caisses et cette paille. C'est
affolant, les blessés sont de plus en plus nombreux. Quel massacre ! Deux
Américains sont mourants, on fait vite les pansements puis les fiches, le
docteur allemand qui accompagnait le convoi fait évacuer la salle et un tri
est fait. Nous restons huit infirmières, les plus âgées et les autres vont
se reposer accompagnées par une sentinelle car dans la rue les Allemands
tirent sur les gens, de nombreux prisonniers se sont évadés. Peu après les
quelques infirmières partent, je reste donc seule avec soeur Thérèse et Mlle
Schneider et nous passons la nuit. Un Américain meurt dans mes bras ; pauvre
garçon ! Toute la nuit, j’assiste le docteur Le Duc. Nous soignons
Allemands, Français, Américains, Anglais, Turcs, Russes, Canadiens. Je
rentre le matin à 7 heures ? Triste nuit.
Le 7 août vers 3 h, seconde mitraillade du train, il est resté des
Américains dans certains wagons plombés. Nous montons au poste où arrivent
dix blessés et deux morts, tous Américains. Tragique bilan dans ces deux
jours, nous avons soigné 65 blessés et comptons 25 morts.1
Le jeudi, enterrement des pauvres prisonniers. Une foule pressée et
recueillie y assiste, toutes nous avons notre, brassard et avons trois
magnifiques gerbes avec ruban tricolore. La tombe est couverte de fleurs.
(extrait du journal de Mme Auger
1- dont 19 prisonniers, 4 allemands et Mme Richaume de
Langeais.
Source: Plaquette diffusée lors du 50ème
anniversaire de la libération de Langeais |