La Nouvelle République 2005 Samedi 19 février 2005 60e
anniversaire de la libération
Plus
de 200 arrestations lors de la rafle de Loches
A 6 h du matin, ce 27 juillet 1944, les membres de la Gestapo et des
miliciens venus de Tours lancent un gigantesque coup de filet.
Quelque 200 personnes vont être regroupées dans la cour de l'école
des filles dans le centre de Loches. Leur interrogatoire va durer
une partie de la journée. Au soir, 58 hommes et six femmes ne seront
pas relâchés. Après un court séjour à la prison de Tours, elles
seront déportées vers les camps en Allemagne. Les trois quarts ne
reviendront pas.
C'est un des épisodes les plus sombres qui touche le Lochois, au
cours de cette fin juillet. Un des moins connus aussi, explique
Bernard Briais, l'auteur du livre « Le Lochois durant la guerre ».
Pourtant à l'échelle d'une ville moyenne comme Loches, la rafle va
concerner plus de 200 personnes, originaires de Loches ou des
environs, toutes arrêtées au petit matin. Le commando ne se contente
pas d'arrêter à leur domicile toutes les personnes dont le nom
figure sur leurs listes, mais aussi les hommes qui passent dans la
rue. Les Allemands vont arrêter les membres de la police, des
gendarmes de Loches et de Saint-Flovier, ces derniers étant
cantonnés à Loches depuis plusieurs jours. Parmi ces personnes
arrêtées, il y a aura aussi le sous-préfet de Loches.
La cour de l'école des filles, située en centre-ville, va alors être
transformée en gigantesque prison l'espace d'une journée. Le temps
pour les Allemands d'interroger ces « suspects » qui auront eu le
tort, pour la plupart, d'être seulement membre d'une famille de
maquisard : un fils, un neveu, une cousine.
Les gendarmes allongés dans la cour d'école
Si les miliciens et les relais du gouvernement de Vichy ont la main
sur la région, les maquis imposent de plus en plus leur loi en cet
été 44. Depuis le Débarquement du 6 juin, on n'hésite plus à
afficher le drapeau tricolore dans les rues de la ville, on l'exhibe
depuis les voitures, le 14 Juillet notamment.
A Loches, l'occupant n'avait séjourné que l'espace d'un mois en juin
1940. En juillet 1944, les Allemands jugent-ils ces actes pour de la
provocation ? Quoi qu'il en soit, le dimanche 23 juillet un commando
de mille hommes a réinvesti la ville, le même jour de l'opération
lancée contre le maquis d'Épernon.
Quatre jours plus tard intervient donc la rafle. Dans la cour de
l'école, une partie des personnes retenues sont placées contre un
mur, les mains derrière de dos. Les gendarmes et policiers arrêtés
resteront allongés durant de longues heures sur le sol sous la
menace des mitrailleuses.
Les sirènes de la ville à midi
Une des victimes de la rafle, qui reviendra de déportation, témoigne
dans les années 80 : « Je croyais que les gendarmes avaient été tués
car ils étaient immobiles, allongés la face contre terre. Je suis
séparée de mon mari et placée face au mur les bras en l'air en
compagnie de cinq autres femmes. Déjà plusieurs de mes camarades
étaient couverts de sang pour avoir été battus par des miliciens. De
9 h jusqu'à 3 h de l'après-midi nous sommes obligés de garder les
bras en l'air, sous le soleil ardent et sans manger… »
Si aucune enquête après la Libération n'a réussi à déterminer les
complicités qui ont conduit à cette vague d'arrestations, on
évoquera bien sûr des dénonciations, notamment celles d'un
dessinateur qui cherchait depuis un mois à entrer en contact avec
les maquis.
Au total 64 personnes seront retenues au terme de cette journée
terrible. Sur cette liste on relève les noms de onze policiers, cinq
gendarmes, d'un facteur, un commerçant, un industriel et son épouse,
d'une infirmière… Seulement 16 de ces 64 personnes déportées
reviendront des camps de la mort.
Dans la cour de l'établissement lochois, une plaque rappelle les
faits de cette journée. A midi, ce 27 juillet 2004 Loches se
souviendra en faisant retentir toutes les sirènes de la ville. |