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Le document ci-dessous m'a été donné par le petit fils de Maurice Tromeur. |
Maurice Tromeur raconte...
Date dentrée dans la Résistance juillet 1943
En revenant de la "zone libre ", javais le nom de Pierrot Feunteun, 20 rue du Bourg les Bourgs à Quimper.
Jai pu le joindre fin juin ou début juillet 43. Ce brave garçon était déjà dans les rangs du BOA (Bureau des Opérations Aériennes), branche Action. Jai été admis comme participant occasionnel (PO), chargé de la recherche de surfaces pouvant convenir pour des parachutages ou des atterrissages davions légers (Lysander). En octobre 1943, jai été contacté par M. Le Maigre pour mengager dans le mouvement Libération-Nord. Du fait de larrestation de Pierrot Feunteun, jétais "coupé " du BOA et donc disponible.Peu après, après larrivée de P. Guezennec, capitaine des Troupes Coloniales (action), le groupement des résistants de Carhaix a été désigné "compagnie de la Tour dAuvergne ". Vu l'afflux de volontaires, la compagnie a été transformée en Bataillon avec 3 puis 6 compagnies et un corps franc (Maquis Tonton Le Braz)
Jai été arrêté le 15 mai 1944 à la suite du parachutage du 11 mai (Terrain du pont de Pénity. Jai été détenu quelques jours à Carhaix (Château-Rouge), puis transféré à la prison St Charles de Quimper, puis sur Rennes où un convoi de déportés est constitué pour l'Allemagne vers les camps de la mort. Je me suis évadé lors dun bombardement de la gare à St-Pierre-des-Corps le 7août 1944.
Mon arrestation Jai été arrêté chez ma belle mère, 1 rue Constant Lancien à Carhaix par un feldwebel et 2 soldats de la Feldgendarmerie et enfermé dans une des caves du château où était installé un détachement de Sicheren Dist (SD), policiers allemands chargés de la sécurité des troupes doccupation, assimilé à la Gestapo.
Jai été une première fois interrogé à la prison St-Charles par deux militaires de la SD, le 8 juin, qui mont dabord fait1ire une déposition en allemand et signée par le capitaine Guezennec, écrite le 13 mai. Sous ma réponse négative, pourtant sincère car je ne connaissais pas lallemand ni la signature de Guézennec, jai été attaché pieds et poings liés avec un manche à balai passé entre coudes et genoux. L'interrogatoire portait sur des cours dinstruction sur des mitraillettes STEN et des explosifs (Plastic) que javais réellement dirigé. Chaque réponse négative était suivie de coups de matraque ou de câble électrique de forte section pour varier le plaisir. La séance avait duré environ deux heures et lon men promettait une autre le lendemain. En rentrant de la salle dinterrogatoire, jai pu me rendre compte que lon était entassé à une dizaine dans une cellule prévue pour deux. Jai été malade toute la nuit (résorption des ecchymoses avec forte fièvre).
Transfert sur Rennes et tentative d'évasion
Au matin, nous avons été amenés dans un train stationnant en pleine voie à St Yvi au sud-ouest de Quimper. Les wagons de ce train avaient été aménagés avant que nous ne les occupions pour éviter les évasions de part et dautre de la porte centrale à glissière, deux cloisons en bois avaient été dressées avec comme accès, juste une "chatière " denviron 50 cm sur 50 cm. Pendant le voyage vers Rennes, des jeunes de la région de Quimeneven sétaient évadés vers St-Mars-du-Désert en soulevant et cassant des planches du toit de leur wagon, faisant ainsi pas mal de bruit. Mais leurs gardiens, en plein sommeil éthylique navaient rien entendu.
Pendant ce temps, dans notre wagon et grâce à une scie à métaux dissimulée dans la chaussure de P. Feunteun (comme on se retrouve !), nous nous sommes relayés à trois ou quatre pour aménager un trou de 30 sur 20 à peu près, lorsque le train sarrête brutalement en gare de Redon à côté dun train de chars. Le bruit, sil navait pas réveillé les gardiens ivres, avait mis en alerte ceux des autres wagons et surtout le " Shapsfeldwebel " (super adjudant chef). Dès larrêt, on nous fait évacuer, sans ménagement de nos wagons pour une inspection détaillée. Bien entendu, le travail de la scie à métaux est vite découvert et tous les occupants du compartiment sont placés devant deux soldats armés de mitraillettes le doigt sur ta détente. Puis lun après lautre, nous sommes amenés dans une sorte de blockhaus. Au bout dun moment, on revient me chercher et, sans plus dexplication, le chef du convoi et un autre sous-officier me frappent lun avec une boucle de ceinturon, l'autre avec une crosse de fusil. Je suis bientôt on sang et l'épaule gauche très abîmée. Puis on amène P.Feunteun qui me supplie de dire que jétais au courant des dégâts faits au wagon pour quil ne soit pas fusillé séance tenante. Les Allemands voulaient connaître les complices et si ces dégâts avaient été faits après larrêt du train en gare de Questembert, où nous avions dû promettre de ne pas essayer de nous évader. Comme javais été changé de wagon à cet arrêt, je pouvais attester que la tentative avait eu lieu avant ce qui rassurait le chef de convoi et il ne pouvait nous accuser de "parjures ". Puis nous avons été ligotés attachés lun contre lautre, face à face et placés dans un compartiment vidé au préalable de ses occupants. Les liens étaient si serrés que le sang ne circulait pas dans nos pieds et nos mains. En coordonnant nos mouvements, nous avons pu desserrer ces liens et rétablir la circulation. Lorsque le train sest arrêté en gare de Rennes, on nous a enlevé nos liens et mis des menottes. En arrivant au camp Marguerite, le chef de convoi nous a présenté au chef de camp en expliquant que nous étions des menteurs et des saboteurs (Feunteun comprenant assez bien lallemand). Heureusement, ce chef de camp était un Autrichien catholique et a donc donné lordre de nous libérer et de nous faire rejoindre nos compagnons de misère dans la baraque.
Le départ de Rennes
Nous avons quitté Rennes le 3 août 1944 je crois. Au Lion-dAngers notre convoi a été rejoint par celui formé de ceux qui étaient restés après nous au camp Marguerite, ce qui allongeait le train.
Lors du mitraillage du convoi à lavant par les Américains, certains wagons se trouvaient en dehors de la gare et beaucoup de prisonniers se sont évadés. Notre wagon se trouvait malheureusement à lintérieur où la surveillance était plus dense et plus proche. Le train est hors détat, on nous fait cheminer à pied jusquà St-Pierre-des-Corps où un autre train nous était destiné.Mon évasion à St-Pierre-des-Corps
A peine avions nous intégré notre nouveau domicile que la gare est prise sous un bombardement violent. Aussitôt, nos gardiens nous bouclent dans les wagons et vont se mettre dans les abris situés du même côté de la voie. Dès larrivée dans les lieux, javais jeté un coup dil sur les fermetures et javais constaté quune lucarne nétait fermée que par un bout de fil de fer barbelé. Dès le commencement du bombardement, jai enlevé le barbelé et me suis "jeté " par la lucarne. Je me trouvais dans un fouillis de wagons en rames plus ou moins longue. Je me suis éloigné de mon point de départ en me faufilant sous les wagons et en débouchant enfin sur une belle prairie. Me sentant à découvert, jai pris mes jambes à mon cou et, malgré mon handicap et mes fatigues, jai traversé la prairie très rapidement. Méloignant le plus possible de la gare par crainte des recherches allemandes, je suis arrivé sur le Cher dont les ponts étaient gardés. Jai traversé cette rivière on me soutenant à une planche. Jai passé la fin de la journée dans un petit bois et au petit matin jai traversé Tours pour arriver à Mettray où les gendarmes mont procuré des vêtements convenables et mont amené à une ferme moulin où jai pu manger à ma faim tout en travaillant pour la rentrée du blé.
Mon retour au pays
Les lignes américaines ayant avancé jusquà 6 km de mon refuge, je suis parti à pied, traversé un champ de mines et me suis présenté à un lieutenant Canadien qui ne sest pas intéressé à mon cas, même pas pour me permettre de prendre place dans un véhicule allant en direction du Mans. Poursuivant ma route, je suis arrivé à Neuilly-Pont-Pierre où il y avait un groupe de FFI commandé par un commandant de l'Armée de lAir en retraite. Jai séjourné un jour ou deux avec eux, leur prodiguant des conseils sur lutilisation des armes avec dépannage dun fusil-mitrailleur 24/29. Ces compagnons dun jour mont fait transporté par un camion de choux-fleurs jusquau Lude. Puis par des moyens divers, une charrette à cheval, du "stop " sur la N23 sillonnée de nombreux convois. Après avoir été hébergé à Vitré, dans une famille très sympathique, jai été pris en charge par un officier FTPF de Callac où jai passé la nuit. Le lendemain, CaIlac-Rostronen (24 km) à pied où jai trouvé facilement un véhicule rentrant sur Carhaix.