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Paul Segretain
Résistant Déporté
Paul Segretain est né le 12 avril 1920 à Laval (Mayenne). Son père travaille aux chemins de fer, mais au début des années 30 il est muté au Mans. C’est là que Paul fera sa scolarité avant de suivre une formation technique spécialisée dans le matériel ferroviaire. En 1937, après l’obtention d’un CAP et d’un brevet professionnel, il travaille à l’entretien des locomotives au dépôt du Mans, et à partir du 1er janvier 1938, date de la création de la SNCF, il devient employé de cette nouvelle société. En dehors de son travail il s’intéresse à l’aviation, et c’est par le biais de « l’aviation populaire », ce grand mouvement pour la jeunesse que Mermoz appelait de ses vœux avant de disparaître dans l’Atlantique en décembre 1936, que Paul Segretain passe son brevet de pilote. Après la déclaration de guerre il signe, en novembre 1939, un engagement volontaire dans l’armée de l’air. Il effectue alors une formation de pilote militaire qui le conduira, pendant « la drôle de guerre », du Mans à Evreux, puis à la base aérienne d’Istres, et enfin à l’école de pilotage de Tafaraoui dans l’Ouest Algérien. C’est là qu’il apprendra la défaite de la France et la signature de l’armistice du 22 juin 1940. Quelques semaines plus tard se produisait, dans les environs de Tafaraoui, l’attaque de la marine anglaise contre la flotte française stationnée en rade de Mers-el-Kébir. Paul Segretain aura l’occasion d’aller sur place prendre la mesure du désastre avant de rentrer en France où il est démobilisé le 29 septembre 1940. Il reprend son travail à la SNCF comme attaché technique au service traction du dépôt de locomotives du Mans mais il n’accepte pas la présence allemande. C’est pourquoi, quand il circule en ville, des croix de Lorraine ou des « V » apparaissent parfois sur les murs après son passage, la sonnette de son vélo scande les premières notes de la symphonie de Beethoven, ou mieux, quand il en a l’occasion, des projectiles atterrissent sur l’arrière des casques allemands de rencontre. Mais ces actions « préliminaires » qu’il qualifiera lui-même plus tard « d’un peu primaires », ne le satisfont pas vraiment. Il préfèrera par la suite, dans le cadre de son travail et avec l’aide de quelques collègues, s’ingénier à perturber autant que possible le fonctionnement du matériel arrivant en réparation ou en révision. En mars 1942 il est contacté par un ancien camarade, un aviateur rencontré à Istres, et quand celui-ci lui propose de travailler « pour la France libre sous les ordres du général De Gaulle », il exulte. C’était son désir le plus cher. Il reçoit alors le pseudonyme de Dekobra P, qui deviendra ensuite Dekobra 2 ; mais lui qui rêvait de sabotages organisés et d’insurrection est chargé de faire du renseignement. Il se consacre à établir des rapports sur l’activité ferroviaire, les mouvements de troupes, les emplacements de DCA, à faire des plans d’installations…etc. Il doit également transmettre ces informations, organiser le renseignement pour la région au sud du Mans et recruter des agents radio. En septembre 1943 l’ordre arrive enfin de mettre en place des unités de combat et de renseignement alimentées en armes et pourvues d’émetteurs. Ces unités doivent rester en sommeil jusqu’au jour « J », mais l’action prend une nouvelle tournure qui lui convient mieux. C’est hélas à ce moment que, suite à une trahison, des arrestations commencent à se produire dans le réseau ( qui n’est autre que le C N D - Castille du colonel Rémy, ce que Paul Segretain n’apprendra que plus tard). Lui-même est arrêté le 7 novembre 1943. Conduit au siège de la Gestapo du Mans, il y est interrogé à plusieurs reprises avec la brutalité coutumière en la circonstance. Il est d’abord emprisonné au Mans, puis transféré à Fresnes où il est à nouveau interrogé le 14 janvier 1944, avec toujours la même violence. A l’issue de cet interrogatoire il apprend qu’au lieu d’être fusillé, comme cela aurait été la cas quelques mois plus tôt, il va partir pour l’Allemagne où on a besoin de travailleurs pour la machine de guerre. Avant d’être déporté il réussit à faire passer un mot à sa famille : « Si l’heure H sonne un jour, sachez que j’aurai fait tout mon devoir et que, malgré le chagrin, vous pourrez vous dire que votre fils était un Français ». Le 22 janvier 1944, c’est l’enfournement à coups de crosses, à la gare de Compiègne, dans l’un des tristement célèbres wagons « 40 hommes ou 8 chevaux ». Cent vingt prisonniers doivent s’y entasser. Le lendemain, lors d’un arrêt en gare de Trêves, vingt nouveaux arrivants sont poussés à l’intérieur. Lorsque le train repart l’environnement déjà insupportable est devenu pestilentiel. Cris et insultes fusent, la folie s’empare de certains. Les plus atteints seront exécutés à l’arrivée au camp de concentration de Buchenwald, le 24 janvier 1944, dès leur descente du train.
C’est dans ce camp que Paul Segretain, devenu le matricule 43273, connaîtra la faim, les coups, les travaux harassants, l’épuisement ; c’est là qu’il côtoiera l’horreur, subira l’humiliation et le mépris de la part de gardiens ayant droit de vie et de mort. En février 1945, espérant pouvoir en profiter pour s’évader, il se porte volontaire pour aller extraire des bombes non éclatées tombées sur Weimar. Un travail risqué qui fait tenir les SS à distance. Ils exercent cependant une telle surveillance qu’il ne peut pas s’enfuir. Par ailleurs les bombardements alliés sur la région s’intensifient, des informations filtrent sur l’approche des troupes libératrices, l’espoir renaît chez ceux qui ont encore un reste de santé. Paul Segretain est ramené à Buchenwald le 4 avril. Quelques jours plus tard, alors que le grondement des canons s’intensifie à l’Ouest, les SS ordonnent l’évacuation du camp. Il parvient à leur échapper en sautant par une fenêtre et réussit à se cacher dans le camp jusqu’à l’arrivée des Américains le 11 avril 1945. Peu après il écrivait dans une lettre rédigée sur place : « La misère sera vite oubliée physiquement, mais moralement elle restera gravée pour servir de leçon aux hommes qui n’ont pas vu et à leurs enfants ». Malgré son état de faiblesse il envisage, avec un camarade, de rejoindre la France avec une des voitures trouvées abandonnées dans un garage, mais il n’y a ni carburant ni batteries. Il lui faudra attendre le train du retour avec lequel il regagnera Paris, puis le Mans où il retrouve enfin sa famille au début de mai 1945.
Dans les années qui suivirent, et malgré les souffrances endurées, Paul Segretain n’exprima pas le moindre ressentiment contre l’Allemagne. Bien au contraire, il œuvra au rapprochement Franco-allemand et il s’attacha à concrétiser le jumelage de Bessé-sur-Braye, petite ville dont il fut conseiller municipal puis maire, avec la ville de Kirchdorf en Allemagne. Le 13 décembre 2008, sur proposition du corps enseignant, Bessé-sur-Braye lui rendait hommage en donnant son nom à l’école élémentaire. Décédé le 4 janvier 2011 à Bessé-sur-Braye.
Distinction: Commandeur de la Légion d'honneur (15 juillet 1991)
Notice biographique Bertrand HAREL |