Andrée RÉCIPON
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Née le 6 mai 1885 à Paris 8, Andrée RÉCIPON a 29 ans lorsque éclate la Première Guerre mondiale. Elle se porte immédiatement volontaire pour être infirmière le temps du conflit. Dès 1940, à 55 ans, elle s'engage dans l'action résistante, cache des dizaines de fugitifs, de réfractaires au Service du travail obligatoire et d'aviateurs alliés dans son château de Laillé et les bois qui l'entourent. En liaison avec le mouvement Libé-Nord, elle contribue à l'évacuation d'agents de la Résistance et d'aviateurs alliés. Fin novembre 1943, recherchée par les Allemands, elle doit quitter le pays. Les résidents du château et des bois de Laillé sont évacués d'urgence vers la forêt de Teillay et le château de La Roche-Giffard près de Saint-Sulpice-des-Landes, propriété de sœur, Mme Michelez qui sera arrêtée. Le maquis de la forêt de Teillay abrite jusqu'à 113 résistants et réfractaires au STO dont certains venus du maquis de Martigné-Ferchaud. Il est encadré par les FTPF, par Eugène Vanneau, Georges Laurent, par le capitaine Linard. La nuit du 25 au 26 juin 1944, les maquisards de Teillay se regroupent avec ceux de la forêt de Saffré. Le 28, 2 000 Allemands solidement armés encerclent 300 maquisards sous-équipés. Le bilan est lourd : 13 tués ou achevés au combat, 27 des 45 prisonniers fusillés, 17 déportés sans retour. Andrée RÉCIPON, fidèle à sa devise ' J'y crois, j'y vais ', continue son action résistante à Lyon jusqu'à la Libération.
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INAUGURATION DE LA RUE ANDREE RÉCIPON
II faut être très prudent, et discret, quand on évoque les disparus. En Bretagne, leur culte s'entoure de beaucoup d'affection, mais aussi de grave déférence.
Dans l'Aviation anglaise on ne parle jamais des morts mais des absents, de ces absents qui reviennent avec nous quand nous pensons à eux ; leur exemple doit rester présent à notre mémoire, à cette infaillible mémoire du cœur, la plus fidèle et la plus sûre.
C'est avec affection, et déférence, que j'évoquerai une grande absente et l'exemple que nous a donné la vie d'Andrée RÉCIPON.
Au cours de la première guerre mondiale, elle donne déjà la mesure de son dévouement et de son patriotisme. Pendant près de cinq années elle est infirmière d'une salle chirurgicale de l'Hôpital aménagé au Grand-Palais, à Paris. Elle fait preuve d'un courage et d'une énergie extraordinaires, accomplissant les besognes les plus rebutantes avec une gaieté, une égalité d'humeur et une gentillesse qui forçaient tous les cœurs.
Ses compagnes ne l'ont jamais entendue se plaindre ; elle assumait la première les soins les plus dangereux et les plus répugnants, faisant avec joie ce que d'autres n'accomplissaient que par devoir.
La médaille d'or des épidémies, parcimonieusement décernée, vint récompenser ces longues années de dévouement total, animé par un amour passionné de la patrie meurtrie.
Ce n'est qu'en Juillet 1918, huit mois après la victoire, qu'elle quit-«pital du Grand-Palais, épuisée, ne tenant que par une sorte de fièvre, ayant été toujours sur la brèche.
L'Aumônier de l'Hôpital avait résumé le dynamisme de cette âme ardente en composant la devise de son "Ex-Libris" :
"J'y crois, j'y vais",
devise de chevalier partant pour une croisade ; devise qu'elle sut si bien appliquer au cours de l'atroce dernière guerre, où elle sut montrer, dans toute sa force, ce qu'elle était en vérité, une croyante et une combattante.
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A la suite de l'occupation, la France est entrée en bloc dans le silence, comme un navire qui s'enfonce, tous feux éteints, dans la nuit et le brouillard.
Nous avons été dès lors une cargaison de 40 millions d'otages, soumis à la honte, à l'injustice et à l'impuissance.
Le malheur commun nous avait dépouillés de tout sauf de la haine de l'ennemi, et de la noblesse de notre espérance. Avec... de temps en temps, contre l'occupant balourd, ce rire amer et rageur qui fait si mal.
Andrée RÉCIPON fut de celles qui répondirent dès le premier jour à l'appel du général de Gaulle, que nous commémorons aujourd'hui ; aussitôt, elle commence à organiser : propagande, tracts et ralliements à la France combattante.
La propagande est, dès le début, une tâche importante ; il faut ranimer les courages, convaincre les hésitants, refaire dans le pays occupé une unité, sans distinction de croyances et d'opinions.
Laillé devient un îlot de résistance, on y cache les prisonniers et les fugitifs traqués par la Gestapo ; la première : Denise TIRIOT, qui avait fait évader des dizaines de soldats du camp de RENNES, et dont la mère venait d'être arrêtée, le deuxième : "ROGER-le-MUET", un polonais évadé de l'armée allemande.
Plus tard, au moment où le S. T. O. est organisé par l'occupant, Andrée RÉCIPON s'écrie : "Pas un gars d'ici en Allemagne".
Elle fait vivre et travailler à Laillé, et aux environs, une vingtaine de garçons, ce qui était très difficile et très dangereux.
Rattachée au mouvement Libération-Nord, Andrée RÉCIPON s'occupa activement dans le cadre des filières de ce réseau à cacher et à faire évader les aviateurs alliés tombés sur notre sol. Un abri fut aménagé pour eux dans la forêt, Jimmy et Bobby» tombés d'une forteresse volante, inaugurèrent cet abri.
Beaucoup d'autres aviateurs trouvèrent asile à Laillé (certains cachés dans une armoire pendant une visite inopinée).
Mais tant d'activité résistante devait finalement alerter la Gestapo. Une nuit les Allemands cernèrent la maison. Andrée RÉCIPON, prévenue, avait pu s'échapper au dernier moment, mais son oncle et sa sœur furent arrêtés, ainsi que le Recteur de Laillé (résistant authentique) et le jardinier du domaine.
Voulant servir encore, A. RÉCIPON rejoint à LYON son amie Mme DAILLY, dont le neveu avait créé, et dirigeait, un laboratoire de faux papiers, le seul à cette date, Juin 1944, qui subsistait encore en zone Sud.
Un des agents de liaison de cette organisation lyonnaise venait d'être abattu dans la rue. A, RÉCIPON exigea de prendre sa place, faisant chaque jour de longs trajets à bicyclette, ou en tramway, portant dans sa serviette toutes les cartes et papiers nécessaires à 1!Armée Secrète,
Elle passait à travers les barrages, dans cette atmosphère de bataille qui fut celle de LYON les derniers mois. Chaque jour il y avait des tués et des blessés dans les rues. Elle passait à travers tous les dangers et tous les pièges. Elle passait à travers les combats de BRIGNAIS et d'OULLINS, de l'armée allemande en déroute.
Son cran, son courage simple et sa résistance physique faisaient l'admiration de ses compagnons de lutte.
Puis vint la Libération de LYON, et en Septembre 1944 la première revue et la première prise d!armes dans une ville oïl l'on se battait encore. A. RÉCIPON fut décorée de la Croix de Guerre par le Colonel Descours.
Et ce fut le retour triomphal à Laillé où elle retrouva avec sa chère Bretagne ses amis et ses fidèles compagnons de la lutte clandestine.
Elle a trouvé là, dit Mme DAILLY, Msa joie la plus profonde, et son petit pays répondait par son accueil à tout ce qu'elle avait donné".
A Rennes, elle fut décorée de la Médaille de la Résistance par le Général ALLARD, puis elle reçut la Freedom Medal, et la Croix de la Légion d'Honneur lui fut remise à Neuilly par le Général Descours.
Mais la cérémonie qui la toucha le plus fut la remise de la Médaille Militaire, demandée par les Médaillés d'Ille-et-Vilaine. Cette médaille n'est donnée, en temps de guerre, qu'aux valeureux et dévoués soldats et sous-officiers, ou aux très grands chefs ; CHURCHILL la préfère à toutes les décorations qu'il a reçues et n'en est pas peu fier.
La Médaille Militaire, qui ne récompense que les braves et les chefs, porte ces mots :
"Valeur et discipline".
Disciplinée, A. RECIPON le fut d'instinct et volontairement à l'appel de la Patrie en danger.
La Valeur, elle l'a montrée au cours de ces années d'épreuves, pierre de touche des coeurs et des âmes.
La France est un pays bien extraordinaire, vieux pays, toujours vigoureux et ardent, nation de guerriers plus que de soldats, où la vieille et noble chevalerie a laissé de profondes et solides racines.
Pays où les femmes furent toujours vaillantes et souvent héroïques.
Quel autre pays peut revendiquer une Jeanne d'Arc ? Il n'y en a pas, et nul autre n'offre une pareille phalange d'amazones héroïques, et de guerrières au grand cœur.
A. RECIPON eut naguère porté l'armure ou chassé le faucon au poing.
Aimant, comme les amazones d'antan, les chevaux et les chiens, la chasse et la vie active au grand air, elle fut l'amazone de la guerre secrète et du maquis.
Elle est entrée toute vivante dans la légende. Elle avait tant de "présence" et de foi vibrante, il y avait tant de vitalité agissante dans son regard, dans ses yeux si intelligents, égayés souvent par une tendre malice, qu'elle vit profondément dans le souvenir de tous les amis qui se sont ingéniés à tisser autour d'elle, à son retour en Bretagne, un réseau d'affection et d'admiration ; car elle a été notre fierté, et nous étions heureux de marcher à ses côtés.
La Résistance, ce fut, comme l'a dit VERCORS "l'immense sursaut, qui dans notre pays voué à la bassesse, a su rendre aux Français le respect d'eux-mêmes, avec le sentiment du désintéressement et du sacrifice".
A. RECIPON, franche et droite comme une épée, bonne, juste et forte» a été pour nous l'incarnation de cet esprit de la Résistance, dont nous avons encore besoin aujourd'hui au milieu des périls renouvelés d'un monde de plue en plus dur aux faibles, et de plus en plus écrasé sous la poussée matérialiste.
Le Monument aux Morts de St-MALO, porte, gravés dans le granité, ces mots émouvants :
"Ceux que nous aimons, et que nous avons perdus, sont partout où nous sommes",
A. RÉCIPON n'est pas une absente, elle demeure partout où nous sommes. Ecoutons la nous répéter de sa voix nette et amicale :
"J'y crois, j'y vais".
A. RÉCIPON... (comme l'a dit le poète Valentin Guillois)
"Je vous écoute et vous entends,
"Camarade de lutte
"J'entends votre voix et vous appelle»
"Je vous appelle dans notre langue connue de tous,
"Une langue qui n'a qu'un mot...
"Liberté".
Yves MILON
Rennes, le 18 Juin 1959.
Source: ADIV 6ETP2/70
04/12/2023