Jean NOBILET 1898-1944
En 1913, à 25 ans, il décide de devenir instituteur et part étudier en Seine-et-Marne, à Changis-Saint-Jean dans un établissement privé. Il est reçu au Brevet élémentaire, mais, en août 1914, la déclaration de guerre bouscule ses projets. Incorporé en février 1915 au 1er Régiment d’Infanterie Coloniale, il part au front. Blessé en 1915, de retour en première ligne dès 1916, souvent volontaire pour des missions dangereuses, il termine la guerre avec 4 citations et la médaille militaire. Après l’armistice il se retrouve quelque temps en occupation en Allemagne, assez longtemps pour découvrir le niveau de vie des paysans allemands. Plus tard, il racontera souvent qu’il avait vu dans une ferme la fille de la maison jouer du piano, découverte extraordinaire pour un paysan breton de 1918. Avant de renter chez lui, il séjourne à Paris, embauché comme magasinier et reprend des études. Il revient à Saint-Thual à la fin de 1919, il a alors 31ans. L’expérience de la guerre lui a donné une meilleure expérience des hommes, et peut-être aussi cet esprit de tolérance dont il fera preuve toute sa vie. Par ses propres moyens il a acquis une solide culture générale. De plus il a véritablement le don de la parole. Il sait convaincre ses auditeurs. Toutes ses qualités devaient naturellement lui faire jouer un rôle important dans les milieux agricoles de l’entre-deux-guerres. En 1923, il épouse Henriette Daucé et s’installe à la Talmachère en Saint-Brieuc-des-Iffs dans une ferme de 40 hectares. Quatre enfants naîtront de cette union. Revenu de la guerre avec le désir profond d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs, il adhère à la Fédération des Paysans de l’Ouest, fédération de cultivateurs exploitants, fermiers ou propriétaires. En 1932 il devient vice-président de la Chambre d’Agriculture puis président du Conseil Supérieur de la Fédération des Syndicats Paysans de l’Ouest. Le contexte économique est très difficile, les produits agricoles se vendent mal, un vent de révolte souffle sur toute la paysannerie française. Dorgères prend la tête de la Défense Paysanne, association radicale qui organise des manifestations spectaculaires conduisant à des affrontements. En désaccord avec ces méthodes Jean Nobilet réserve pendant longtemps sa participation à ce mouvement. Il finira par le soutenir.
Le message ventre affamé n’a pas d’oreilles annonça le parachutage pour le 6 novembre au soir. 15 parachutes déposent de lourds containers d’armes. George brûle les parachutes dans le four à pain et le lendemain, les containers sont enterrés dans une ancienne carrière, en tout 7 tonnes d’armes.
En avril, ils quittent Compiègne avec 1800 détenus pour un voyage au pays de l’horreur. Pendant 3 jours ils vont vivre un véritable calvaire entassés à 100 dans les fameux wagons à bestiaux.
Destination, le camp de concentration de Mauthausen en Autriche non loin de Vienne. Là, ce sont les travaux forcés dans cette carrière infernale avec son escalier aux 186 marches taillées irrégulièrement dans le roc. Quand le convoi s’arrête on lit sur la gare Mauthausen. Descente brutale du wagon, sentinelles en armes, coups, chiens policiers, puis montée au camp : 3 kms dans un chemin caillouteux sous les coups. Entrée au camp, 1ercoup de matraque (séquelles pour la vie), attente avant d’aller dans une grande pièce pour le déshabillage, puis la douche (eau froide, eau brûlante, rasage sur tout le corps, désinfection au grésil. Quarantaine, on reçoit le costume rayé de bagnard: 1 chemise, 1 pantalon, 1 calot, des claquettes (semelles en bois). Installation dans une autre baraque munie de chalis en bois à 3 étages, 4 déportés par étage, une paillasse de paille réduite en poussière, 1couverture. Pour la nourriture : le matin une décoction de glands grillés, dans la journée et le soir un liquide où nageait une sorte d’épinard servant aussi à la nourriture des animaux et récoltés par les agriculteurs locaux, une tranche d’une espèce de saucisson, de la margarine, du pain de son et de déchets de grain. Tout déporté devait travailler dans les carrières par roulement 12 heures de jour, 12heures de nuit sous la surveillance de kapos désignés par les SS. Périodiquement les déportés étaient triés, les hommes en file, puis un homme à droite, un homme à gauche, l’un des groupes est ensuite dirigé vers les chambres à gaz et les fours crématoires… Nous avons appris par l’un de ses compagnons que Jean Nobilet a conservé le moral et la confiance en l’avenir. Il s’est fait des amis parmi les intellectuels de son entourage. Parfois on le surprend en conversation avec un infirmier qui en réalité était un prêtre resté avec ses camarades. Fin juin 44, épuisé par le travail harassant et les privations, exposé aux intempéries, arrivé aussi à un âge où l’organisme résiste moins bien, Jean Nobilet doit de résigner à entrer dans ces baraques qui servent d’infirmerie où s’entassent 2.000 hommes. C’est là que son existence de forçat s’achève. Le 18 juillet 1944, son n° matricule 62.878 fut inscrit sur le registre des décès du camp. Un mois plus tard, c’est le tour de son frère Albert ; en février 1945 celui d’Henri Levey, en mars d’Eugène Charpentier. Le 24 avril 45, dix jours avant la libération du camp par les Américains meurt son fils Mary. Louis Moyne et George ne devaient pas rentrer non plus. Un seul survivant : le plus jeune des fils de Jean Nobilet, Jean-Baptiste, Petit Jean, mon père.
Distinctions:
Véronique Pelichet-Nobilet
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