Liste des biographies

Yves Corentin Marie LARHANT

Document réalisé pour la F.M.D. par Jimmy TUAL, délégation des Côtes-d'Armor.

Vous souhaitez proposer un document  écrivez-moi

Né le 4 novembre 1905 à Plomelin (29)

Décédé le 4 mai 1989 à Ploemeur (56)

Inhumé au cimetière communal de Lanester (56), tombe familiale

Yves LARHANT naît dans une famille de paysans. Il est le benjamin, fils de Michel LARHANT et de Marie PENNANERCH. Il épouse Corentine GUYADER. Ils ont 3 enfants : l'aîné Grégoire né le 2 septembre 1929, Michel et Annick. Il emprunte de l'argent et achète une petite ferme à Plomelin (29). Mais avec la crise économique internationale, le créancier demande en 1936 qu'on lui rende son argent. Yves LARHANT doit vendre la ferme. Il décide de devenir garde-mobile. Il réalise un stage de plusieurs mois à Brest (29) avant d'être affecté à Rambouillet (78). La caserne se situe au château. La famille découvre pour la première fois l'électricité, l'eau courante et le chauffage central. La nouveauté recèle parfois de nouveaux dangers. Grégoire LARHANT se prend ainsi un jour une décharge en mettant une aiguille utilisée par sa mère pour le tricot dans la prise électrique.

Le 3 septembre 1939, la guerre est déclarée entre la France et l'Allemagne nazie. Un jour, les enfants s'amusent avec l'armement des camions militaires de passage à la caserne. Yves LARHANT est mobilisé et envoyé dans les Alpes. Il est garde dans le "camp d'indésirables" d'Embrun (05). Les internés sont utilisés pour réaliser des travaux sur les routes.

Suite aux armistices des 22 juin 1940 avec l'Allemagne et 24 juin avec l'Italie, Yves LARHANT est affecté à Vichy (03). Il fait partie des gardes qui protègent le maréchal Philippe PÉTAIN au château du Parc.

Pendant ce temps, la famille est retournée en Bretagne à Lanriec (29) près de Concarneau (29). Ils ont perdu leurs affaires lors des pillages à Rambouillet (78) en mai-juin 1940. Ils sont d'abord accueillis au presbytère par un oncle, recteur de Lanriec (29), avant de partir à Plomelin (29).

La famille croit qu'Yves LARHANT se trouve à Montpellier (34). Elle demande à le rejoindre. Après avoir obtenu les autorisations nécessaires, un long trajet en train commence. Ils franchissent la ligne de démarcation à Langon (33). Arrivés à Montpellier (34), ils apprennent qu'Yves LARHANT se trouve en fait à Vichy (03). Il arrivent finalement sur place en hiver mais leur venue n'était pas prévue. Ils doivent loger tous ensemble dans la chambre non chauffée de leur père située sous les combles de l'Hôtel du Parc. La caserne se trouve dans le parc du château. Ce même parc sert logiquement de terrain de jeu pour les enfants.

Dans le dénuement, les parents se procurent une casserole puis un réchaud électrique. La toilette se fait à l'aide de la casserole. L'eau y gèle la nuit. Yves LARHANT est bientôt nommé à Rodez (12). Il obtient un logement réquisitionné par la mairie et appartenant à un Prisonnier de Guerre. Une boulangerie se trouve au rez-de-chaussée. Le boulanger laisse refroidir le pain frais dans le couloir. Le rationnement oblige les gens à manger du corbeau. Madame LARHANT prépare ainsi de la soupe en achetant un demi-corbeau au marché.

Yves LARHANT apprend que l'on recherche des volontaires. Destination ? Le Maroc. La famille embarque à Port-Vendres (66) sur un vieux cargo à charbon qui longe les côtes espagnoles pour éviter les mines. Le cargo arrive enfin à Oran (Algérie). La famille prend un train à vapeur jusqu'à Oujda (Maroc). En route, le wagon de queue accueillant les bagages prend feu. Le personnel le détache pour éviter une contagion et il est pillé par les populations locales. La famille n'a plus de bagages et arrive ensuite à Meknès (Maroc) d'abord logée dans des baraques puis dans une résidence.

Grégoire LARHANT se rend au lycée à vélo ou parfois à bord d'un bus payant. Il y passe sa 6ème. Le ravitaillement est excellent et la famille ne manque de rien.

Yves LARHANT apprend cependant qu'il est trop âgé pour rester garde-mobile. Il décide de passer gendarme. Il est alors affecté à Breil-sur-Roya (06). La famille aurait du embarquer sur le paquebot Lamoricière qui coule pendant une tempête le 9 janvier 1942 en Méditerranée, au large des côtes de Minorque, mais il y avait eu un contretemps. La famille débarque à Marseille (13). Les douaniers leur prennent de nombreuses affaires.

Yves LARHANT est dorénavant affecté à la brigade de gendarmerie de garde-frontière. La famille est logée au-dessus de la gare sur la ligne Nice-Coni. Une brigade de gendarmerie départementale se trouve également en centre.

Les enfants LARHANT vont à l'école publique non-mixte. Les filles et les garçons sont simplement séparés par un muret. Grégoire LARHANT y obtient son certificat d'étude. Depuis le 11 novembre 1942, les Italiens occupent la zone. On les surnomme les "Alpini" et ils ont des plumes sur leurs chapeaux. L'Occupation se passe sans gros soucis. Les habitants font du commerce avec eux pour essayer d'améliorer la situation alimentaire très mauvaise à cause du rationnement. Ils ont du pain de maïs et des macaroni.

Les Italiens vendent leurs alliances en or pour faire du commerce. Ils veulent ensuite les récupérer pour rentrer chez eux. Grégoire LARHANT bricole des alliances de dépannage pour les Italiens avec un écrou, un marteau et une lime. Il prend une pièce de 2 Francs et la pose sur un écrou. La pièce est alors "poinçonnée pour obtenir une cuvette dont il faut encore limer le fond pour obtenir un anneau convenablement poncé en forme d'alliance" .

Le ravitaillement devient trop difficile. Le père renvoie les enfants en Bretagne avec leur mère. Ils voyagent en passant par Nice (06), Marseille (13), Bordeaux (33) et arrivent à Quimper (29). L'oncle Grégoire LARHANT vient les chercher avec son char à bancs. Il pleure en les voyant, de joie de les voir mais aussi attristé peut-être par leur maigreur.

Le 8 septembre 1943, les territoires occupés par les Italiens sont contrôlés par les Allemands suite à la signature de l’armistice de Cassibile (Italie) entre l'Italie et les Alliés. Les Italiens évacuent Breil-sur-Roya (06) pour ne pas être faits Prisonniers de Guerre par les Allemands. Tout ce que les Italiens laisse est pillé par la population notamment à la gare.

Le 15 septembre 1943 les Allemands arrivent à Breil-sur-Roya (06). Ils exigent immédiatement que soient ramenées à la gare les denrées qui ont été pillées. Ils n'en récupèrent qu'une maigre partie.

À partir de juillet 1944, plusieurs bombardements aériens alliés ont lieu sur la commune. Alors que la famille LARHANT est partie en Bretagne, une bombe atteint un jour l'ancienne chambre des enfants. Le 28 octobre, les habitants sont informés par les autorités allemandes qu'ils doivent évacuer pour le lendemain matin.

Le 29 octobre 1944, la population est rassemblée. Yves LARHANT est parmi eux. Le convoi s'ébranle à pied à 7h30 direction Tende (06) alors italienne. Ils sont tous embarqués dans un train spécial qui roule de nuit direction Cuneo ( Italie). Par route, les Breillois sont ensuite menés à la gare de Porta Nuova à Turin (Italie). Ils arrivent sur place le 30 octobre 1944 vers 3 heures 30. Ils sont conduits à pied aux casermettes de Borgo San Paolo rue Veglia.

Le 3 mars 1945, Yves LARHANT quitte la prison avec Pascal CASANOVA né le 6 janvier 1905 en Corse, Pierre GUILLE né le 5 février 1921 à Mont-de-Lans (38) et René GOUÉLO né le 17 septembre 1921 à Plurien (22). Ils montent dans un tramway direction la gare. Leur plan est de prendre un train pour Balangero (Italie) puis de rejoindre la France. Dans le tramway, ils tombent sur deux déportées de leur connaissance qui leur apprennent que leurs projets sont éventés et qu'ils ont été dénoncés. Ils descendent immédiatement. Les gendarmes Henry PEGHINI né le 26 février 1911 à Saint-Martin-du-Var (06), Jean JAOUEN né le 14 mars 1907 à Trégourez (29) et deux autres sont arrêtés par des S.S.. Étrangement, un des 4 est rapidement libéré. Les 3 autres sont condamnés à 28 jours de prison ("carcere").

Mis au courant de ces arrestations, les 4 fuyards "prennent le large" dans des circonstances imprécises. Le 4 mars, ils arrivent en randonnée à Pianezza (Italie). Ils entrent en contact avec un commissaire de la Résistance italienne qui leur procure des papiers pour rejoindre un camp de partisans.

Ils atteignent le campement. Les Italiens les accueillent avec sympathie et partagent leur pain et leur tabac avec eux. Ils y restent du 4 au 7 mars. Durant ce laps de temps, les 4 Français étudient les possibilités pour rejoindre la France mais le passage est trop compliqué et il faut quitter le campement. Ils sont escortés par un partisan à Caprie (Italie) où leur guide leur obtient du pain avant de les laisser. Ils se rendent à Condoue (Italie) et prennent le train pour retourner à Turin (Italie). Le train démarre à peine qu'une explosion retentit. Les partisans viennent de faire sauter la voie. Le train reste bloqué toute la nuit.

Le matin du 9 mars, un fasciste en chemise noire se dirige vers leur wagon. Les Français craignent un contrôle de papiers. En fait, le fasciste demande à tous d'aider à réparer la voie avec les cheminots allemands. Yves LARHANT se blesse au pied avec un rail et peut retourner s'asseoir. Le travail dure une heure puis le train peut repartir. Ils arrivent à la gare de Turin (Italie) vers 11h30. Ils placent leurs sacs à la consigne. Ils rejoignent ensuite le pensionnat Jeanne d'Arc situé 21 rue Giuseppe Pomba, tenu par des religieuses françaises. La mère supérieure, une savoyarde, leur fait connaître l'élève Marilène BURZIO qui les mène le lendemain chez ses parents à Racconigi (Italie). Elle paie le voyage en train avec son propre argent. Les Français dorment dans une étable pour ne pas causer de soucis à leurs hôtes. Ils sont réveillés à 6 heures. La jeune fille leur donne des billets pour Savignano Sul Rubicone (Italie). Ils partent après un déjeuner. Hélas, le train ne circule pas car les partisans ont fait sauter la voie. Les Français décident de se rendre à pied à Centalo (Italie) et marchent 32 kilomètres. Là, dans un café, un fasciste leur demande leurs papiers. Comme ils sont en règle, tout se passe bien et il leur paie même une tournée.

Les Français arrivent à Coni (Italie) à 14 heures. Leurs papiers sont de nouveau contrôlés. Le soir, ils repartent pour Borgo San Dalmazzo (Italie). Ils sont hébergés par les BORGIA, affiliés à la Croix Rouge qui leur trouvent un hébergement à Roccavione (Italie) où ils restent un mois.

Enfin, un jour un convoi est annoncé en partance pour la France. Le 25, monsieur BORGIA leur apprend qu'il faut passer une visite médicale pour être rapatriés mais que le major médecin n'est pas trop sévère. Les Français décident de retourner à Turin (Italie) pour passer cette fameuse visite qui se passe parfaitement. Ils prennent le train le jour-même. Ils passent par Milan (Italie) et Côme (Italie) et arrivent en Suisse le 26 avril 1945 au matin. le 27, ils arrivent en France.

Pendant tout ce temps, la famille est sans nouvelle. Leur père revient enfin et poursuit sa carrière dans la gendarmerie.


Sources:

Yves LARHANT, Aventure de CASANOVA Pascal, LARHANT Yves, GUILLE Pierre et GOUÉLO
René déportés à Turin le 29 octobre 1944.
Goulven GODON, La « déportation » des populations civiles des vallées de la Bévéra et de la Roya
en Italie du Nord (1944-1945), mémoire de maîtrise réalisé sous la direction de Jean-Louis
PANICACCI, Université de Nice Sophia-Antipolis, juin 2004.
Témoignage de Grégoire LARHANT, fils d'Yves LARHANT (entretien du 13 avril 2015).
http://www.bddm.org
http://cottalordabreil.free.fr/breil(Detail).html#breildanslaguerre
 

 

    accueil-mdg1.gif (1380 octets)